Avis n° 112 (2017-2018) de M. Philippe NACHBAR , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 23 novembre 2017

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N° 112

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

Fascicule 1

CULTURE :
PATRIMOINES

Par M. Philippe NACHBAR

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Jean-Claude Carle, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, M. Max Brisson, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Didier Guillaume, Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Pierre Laurent, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 , 108 à 111 , 113 et 114 (2017-2018)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La mission « Culture » se décompose en trois programmes portant sur les crédits respectivement relatifs à la création, au patrimoine et à la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. En 2018, le budget de la mission s'élève à 3,11 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 2,6 %) et à 2,94 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 1,05 %).

Le présent fascicule comprend l'examen du programme 175 « Patrimoines ». Avec 927,22 millions d'euros en autorisations d'engagement et 897,32 millions d'euros en crédits de paiement, les crédits de ce programme représentent environ 30 % de ceux de la mission. Ils financent les politiques de préservation et de valorisation du patrimoine culturel français : les monuments historiques, l'architecture, les musées, l'archéologie, les archives et le patrimoine linguistique.

PATRIMOINES

I. UNE STABILITÉ TROMPEUSE ?

A. DES CRÉDITS GLOBALEMENT PRÉSERVÉS

1. Un début de quinquennat marqué par l'affichage de nouvelles priorités

Les priorités du programme 175 pour 2018 connaissent une certaine inflexion, avec l'apparition de nouveaux objectifs majeurs . La politique de l'État aura désormais pour tâche, d'une part, de « placer l'éducation artistique et culturelle au coeur du patrimoine » et, d'autre part, de « participer au développement des territoires ». Ces deux objectifs s'ajoutent à ceux qui figuraient traditionnellement, en particulier l'accessibilité, la sauvegarde, la protection, la mise en valeur et l'enrichissement du patrimoine ou encore l'amélioration du cadre de vie.

La volonté est de transformer les politiques patrimoniales en leviers pour l'accès du plus grand nombre à la culture et pour l'attractivité des territoires et la revitalisation des centres anciens . La valorisation des savoir-faire patrimoniaux et architecturaux français, la poursuite de la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour l'architecture et l'articulation des politiques du patrimoine avec les politiques en faveur du tourisme devraient également figurer parmi les axes prioritaires d'intervention.

L'année 2018 a par ailleurs été désignée par l'Union européenne comme l'« année européenne du patrimoine culturel ». Cette année devrait être marquée par la mise en oeuvre de projets dans tous les États membres susceptibles « d'encourager le partage et la compréhension du patrimoine culturel de l'Europe, en tant que ressource partagée, de sensibiliser à l'histoire et aux valeurs communes, et de renforcer un sentiment d'appartenance à un espace européen commun », conformément aux objectifs fixés par la décision (UE) 2017/864 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017.

Cette année européenne coïncide avec l'annonce par le Président de la République, à l'occasion d'un discours prononcé à la Pnyx à Athènes le 7 septembre dernier, de la nécessité de bâtir une « Europe du patrimoine ». Il estime que le patrimoine peut contribuer à consolider l'identité européenne. Il a d'ailleurs proposé de lancer « des Assises du patrimoine au niveau européen » pour permettre aux États membres de coordonner leurs approches en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine, mais aussi d'identification des biens à défendre et à se réapproprier. Cet événement devrait être l'occasion d'annoncer la mise en place d'un Erasmus pour les métiers du patrimoine destiné à développer la mobilité des professionnels travaillant dans des sites patrimoniaux, archéologiques et muséaux, publics ou privés. L'objectif est également de développer la mobilité des jeunes européens sur les chantiers patrimoniaux de bénévoles.

Le souhait affiché par la ministre chargée de la culture de faire de la refondation de l'Europe par la culture l'une des priorités de son mandat laisse à penser que la labellisation par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) des projets susceptibles d'entrer dans le cadre de cette année européenne devrait faire l'objet d'une attention particulière. L'objectif de cette labellisation sera de promouvoir le patrimoine comme élément central de la diversité culturelle et du dialogue interculturel, de valoriser les meilleures pratiques pour assurer la conservation et la sauvegarde du patrimoine et de favoriser son ouverture à un public large et diversifié.

Dans l'esprit du « Grand Tour » des Lumières, un itinéraire composé de lieux symboliques pour l'histoire de l'Europe devrait être défini pour renforcer le sentiment d'appartenance européenne . Les lieux retenus devraient également être sélectionnés pour contribuer par leur restauration et leur animation, à relancer l'attractivité des territoires et à dynamiser la vie locale.

La lutte contre le trafic illicite de biens culturels , un sujet sur lequel la France est très engagée suite aux préconisations du rapport de 2015 de Jean-Luc Martinez sur la protection du patrimoine en situation de conflit armé, devrait également être poursuivie dans un cadre européen. Une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'importation de biens culturels, présentée par la Commission européenne en juillet dernier, est en cours de discussion. Elle vise à empêcher l'importation illicite dans l'Union européenne des biens culturels âgés de plus de deux cent cinquante ans. Si un accord est trouvé rapidement dans le cadre de la procédure de codécision, elle pourrait entrer en vigueur dès le 1 er janvier 2019. La mise en place d'un contrôle douanier à l'importation des biens culturels fait partie des pistes de réflexion privilégiées.

2. Un budget annoncé en légère progression à périmètre constant

À première vue, les crédits du programme 175 apparaissent en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 , de 36,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) (- 3,8 %), pour s'établir à 927,2 millions d'euros, et de 750 000 euros en crédits de paiement (CP) (- 0,1 %), pour une enveloppe totale de 897,3 millions d'euros.

Un certain nombre des crédits inscrits jusqu'ici sur le programme sont transférés en 2018 sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », tels ceux destinés à compenser la gratuité d'accès aux collections permanentes des musées et monuments nationaux des personnels de l'éducation nationale, pour un montant équivalant à 4 millions d'euros. D'autres, comme ceux concernant la photographie (585 000 euros), sont transférés au programme 131 « Création », suite à la création de la délégation à la photographie au sein de la Direction générale de la création artistique.

À périmètre constant , les crédits de paiement s'établissent à 902 millions d'euros, soit une très légère progression de l'ordre de 0,4 % . Quoi qu'il en soit, le financement des nouvelles priorités assignées au programme se fera à budget constant, ce qui se traduit par des redéploiements de crédits entre les actions et au sein même de celles-ci . Jauge de la politique d'investissement, les autorisations d'engagement, en revanche, sont en baisse .

La ministre chargée de la culture met, par ailleurs, en avant le fait que « le souhait du Gouvernement de diminuer le taux de mise en réserve des crédits pour favoriser une plus grande sincérité budgétaire donnera des marges de manoeuvre aux opérateurs et aux structures aidées ». Le taux de la réserve de précaution sera abaissé à 3 % en 2018, ce qui devrait se traduire par une plus grande disponibilité de crédits en début d'exercice budgétaire. Il est prévu à ce stade que le taux de gel pour le programme 175 s'établisse à 2,39 % pour les AE et de 2,37 % pour les CP, même s'il sera effectivement confirmé ultérieurement. En revanche, la lettre-plafond ne prévoit aucun dégel automatique de la réserve de précaution.

Source : Ministère de la culture

La plupart des actions du programme sont marqués par une relative stabilité de leurs crédits, à l'exception des crédits de la politique muséale , en baisse sensible. Ce mouvement contrebalance celui intervenu l'année passée où ces crédits avaient justement enregistré parmi les plus fortes hausses.

Les crédits de l' action 1 , précédemment intitulée « Patrimoine monumental » et désormais « Monuments historiques et patrimoine monumental », connaissent une augmentation de 5,9 millions d'euros en AE (+ 1,6 %) pour permettre la création d'un fonds d'aide aux petites communes à faibles ressources , doté de 15 millions d'euros, et le financement de grands projets d'investissement au titre des monuments historiques avec le château de Fontainebleau, pour un montant de 800 000 euros, et le quadrilatère Richelieu, pour lequel 4 millions d'euros sont inscrits en CP. Ils enregistrent une baisse de 0,33 millions d'euros en crédits de paiement (- 0,1 %).

Les crédits de l' action 2 « Architecture et espaces protégés », dont l'intitulé a été modifié cette année pour faire apparaître les espaces protégés, augmentent de 520 000 euros (+ 1,6 %), notamment pour permettre la mise en oeuvre des préconisations du rapport d'Yves Dauge sur la revitalisation des centres urbains des villes petites et moyennes.

Les crédits de l' action 3 « Patrimoine des musées de France » enregistrent une baisse significative qui s'explique principalement par les échéanciers d'investissement. Le ministère met en avant le fait que « l'ajustement de certaines dotations sera pour l'essentiel compensé par la diminution du taux de gel voulue par le Gouvernement et par la capacité des établissements à diversifier leurs sources de revenus ». Les crédits de l' action 8 « Acquisitions et enrichissement des collections publiques » sont également en baisse.

Les crédits de l' action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » augmentent par rapport à 2017 de 7,42 millions d'euros, notamment pour financer les travaux sur le site des Archives nationales de Paris (+ 8,34 millions d'euros).

Les crédits de l' action 7 « Patrimoine linguistique » sont en légère hausse (de 40 000 euros, soit + 0,9 %) pour accroître les subventions permettant aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) de mener les actions dans ce domaine.

Les crédits de l' action 9 « Patrimoine archéologique » sont globalement stables avec une légère baisse des crédits en CP pour les projets des centres d'études et de conservation par rapport à 2017.

B. DES CRÉDITS INÉGALEMENT CONSOMMÉS

1. Des inquiétudes persistantes autour de la consommation réelle des crédits à chaque exercice budgétaire

La consommation des crédits votés en lois de finances constitue une source de préoccupation majeure des acteurs du patrimoine .

Elle se pose de manière d'autant plus aiguë que les collectivités territoriales font montre depuis plusieurs années d'un désengagement progressif dans le financement des actions culturelles, sous l'effet de la baisse des dotations. La contraction de la part des subventions et des aides versées par les collectivités territoriales, observée depuis 2010, s'est encore accentuée au cours des trois dernières années, dans un contexte marqué à la fois par des difficultés économiques et une réorganisation d'ampleur suite à la réforme territoriale. Ce phénomène est particulièrement observable dans les départements. Face à l'augmentation de leurs charges, ils n'ont eu d'autre choix que de se recentrer sur leurs compétences historiques et obligatoires. Les communes résisteraient jusqu'ici davantage, même si leurs capacités sont forcément limitées et tendent à s'essouffler. Enfin, les régions participent jusqu'ici de manière plus marginale aux dépenses patrimoniales. Leur engagement est, de surcroît, très disparate entre les unes et les autres.

La note de conjoncture sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales 2015-2017, publiée en janvier dernier par l'Observatoire des politiques culturelles, temporise légèrement cette vision en montrant que les dépenses pour le patrimoine et les musées seraient celles qui auraient le moins fait l'objet de coupes budgétaires de la part des différents échelons de collectivités territoriales. Un quart des collectivités de l'échantillon ayant servi de base pour l'étude aurait même accru leurs crédits en faveur des musées et du patrimoine en 2016. La situation n'est pas pour autant confortable, puisque l'étude met clairement en lumière la baisse généralisée des dépenses culturelles au cours des dernières années.

Dans ce contexte, tout crédit étatique non consommé inquiète les associations comme les professionnels, au premier rang desquels ceux spécialisés dans la restauration du patrimoine. Si les chiffres relatifs à l'exécution des crédits lors des précédents exercices font en définitive apparaître de très bons taux de consommation, proches de 100 % , des différences apparaissent selon les actions . L'action 1 « Patrimoine monumental » et l'action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » présentent systématiquement des taux de consommation de leurs crédits inférieurs à la moyenne du programme, alors que l'action 7 « Patrimoine linguistique » et surtout l'action 9 « Patrimoine archéologique » ont consommé à chaque exercice budgétaire davantage de crédits qu'il ne leur en avait été initialement octroyés.

Ainsi, un écart pouvant aller de 20 à 50 millions d'euros est constaté chaque année entre le montant des crédits votés en loi de finances initiale et le montant des crédits effectivement consommés au titre de l'action 1, qui finance notamment l'entretien et la restauration des monuments historiques.

Source : Ministère de la culture

On observe une réelle fongibilité des crédits entre les actions , comme l'autorise la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, permettant de modifier l'affectation des crédits au sein d'un même programme. Lors des précédentes exécutions, l'action 9 aurait systématiquement bénéficié de crédits en provenance de l'action 1 , même s'il semble que la tendance des montants ainsi redéployés, de l'ordre de 10 millions d'euros en 2013 et 2014, soit plutôt à la baisse. Il conviendra d'observer si cette tendance se poursuit effectivement dans les années à venir.

Votre rapporteur pour avis note que la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a indiqué, lors de son audition devant votre commission le 22 novembre dernier, que « les crédits du patrimoine [seraient] sanctuarisés année après année, pour plus de visibilité sur les financements d'État ». Elle s'est engagée à ce qu'ils ne soient plus utilisés comme une variable d'ajustement.

Par ailleurs, l'abaissement du taux de la mise en réserve de précaution ne rassure pas pleinement les acteurs . Elle pourrait certes donner des marges de manoeuvre supplémentaires en début d'année. Mais, elle leur fait craindre en contrepartie qu'une moindre proportion de crédits soit dégelée dans le courant de l'année 2018. Elle n'empêche pas non plus les décisions d'annulation de crédits en cours d'exercice.

2. Des échos ambivalents concernant la consommation des crédits pendant l'année 2017

S'agissant de l'exécution des crédits en 2017, votre rapporteur pour avis a été informé que l'intégralité des reports, hors autorisations d'engagement non engagées a été gelée en mars 2017 pour un montant d'un peu plus de 3 millions d'euros. Il a été procédé, dans le même temps, à un premier dégel de crédits, de 7,7 millions d'euros, pour financer la participation, à hauteur de 4 millions d'euros, du ministère chargé de la culture au fonds pour le patrimoine en péril, et diverses opérations immobilières. Une annulation de 3 millions d'euros de crédits serait intervenue fin juillet au titre de la taxation interministérielle.

La crainte d'une nouvelle annulation de crédits susceptible de dépasser le montant des crédits gelés pour porter sur des « crédits frais » semble écartée. Les services du ministère chargé de la culture ont laissé entendre à votre rapporteur pour avis qu'un nouveau dégel de crédits pourrait intervenir d'ici la fin de l'année.

Comme l'illustre le tableau ci-dessus, la consommation des crédits en AE a été plutôt bonne depuis le début de l'année. Près de 82 % des crédits avaient été consommées au 31 octobre.

Il n'en est pas de même s'agissant des CP , dont le niveau de consommation n'atteint que 67 % au 31 octobre. La situation serait, par ailleurs, contrastée selon les régions . Les retards seraient particulièrement marqués dans les régions fusionnées . Des instructions auraient été données aux DRAC pour fluidifier les circuits financiers de manière à accélérer le rythme de consommation des crédits d'ici la fin de l'année.

Votre rapporteur pour avis s'était déjà inquiété l'an dernier sur la capacité des DRAC, dans les régions fusionnées, à être pleinement opérationnelles compte tenu de la nécessaire harmonisation des procédures et des méthodes de travail induite par la fusion. Les chiffres relatifs à l'année 2017 font apparaître un problème persistant, révélateur des difficultés suscitées par la mise en oeuvre de la réforme territoriale et de sa lenteur.

Cette faible consommation des crédits pourrait aussi partiellement s'expliquer par un certain attentisme des propriétaires privés de monuments historiques dans le contexte de la mise en place du prélèvement à la source.

La baisse de demandes de labellisation constatée au premier semestre de cette année par la Fondation du patrimoine (- 40 %) semble indiquer qu'un certain nombre de propriétaires auraient pu décider de reporter leurs projets de travaux, puisque les règles en vigueur n'autorisaient pas la possibilité de déduire les travaux réalisés en 2017 par les propriétaires de ces bâtiments, sauf de revenus exceptionnels 2017. L'annonce du report au 1 er janvier 2019 de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source a été trop tardive pour permettre aux propriétaires de finalement lancer leurs travaux.

Dans ces conditions, on peut s'attendre à constater le même immobilisme l'an prochain puisque l'année blanche interviendra désormais en 2018 . Le report de l'année blanche a aussi des conséquences sur les propriétaires qui se sont vus attribuer le label Fondation du patrimoine depuis 2014, les règles ne les autorisant à déduire les travaux réalisés que sur les cinq exercices fiscaux suivants. Pour remédier à ces difficultés, il pourrait être envisagé, soit de transformer le droit à déduction, pour l'année blanche, en crédit d'impôt, soit de prolonger d'une année le droit à déduction, en permettant aux propriétaires labellisés de déduire les travaux réalisés en 2018 de leurs revenus de 2019.

II. LE PATRIMOINE, UN LEVIER AU SERVICE DES TERRITOIRES

A. UN CONTEXTE FAVORABLE

1. Une nette prise de conscience des enjeux de développement territorial autour de la protection et de la valorisation du patrimoine

L'année écoulée a été marquée par la publication de deux rapports , qui ont permis de franchir un cap dans la prise de conscience de la capacité du patrimoine à contribuer au développement des territoires. Il s'agit, d'une part, du rapport d'Yves Dauge, remis le 1 er février 2017, sur la mise en place d'un plan national pour les espaces protégés et, d'autre part, du rapport de Martin Malvy, remis le 14 mars 2017, sur l'attractivité touristique du patrimoine. Tous deux mettent en évidence l'impact direct du patrimoine sur le dynamisme économique des territoires, particulièrement en zone rurale. Bien que demandés sous le précédent quinquennat, les propositions qui s'en dégagent paraissent intéresser le nouveau Gouvernement.

a) Les politiques patrimoniales au secours des centres anciens dégradés

Les potentialités offertes par le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables , le nouveau régime d'espaces protégés créé par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, pourraient être utilisées pour relancer les moyennes et petites villes patrimoniales aujourd'hui confrontées à un décrochage culturel, social et économique . C'est en tout cas le sens des préconisations du rapport d'Yves Dauge, afin de sauver 600 villes qu'il a identifiées et qui, en dépit de leur centre historique, font face à la baisse de leur population, à la concurrence des grands pôles urbains, à la dégradation de l'habitat ancien et à l'installation des commerces en périphérie.

Une expérimentation a été lancée cet automne dans dix-sept villes 1 ( * ) de trois régions - Centre-Val de Loire, Grand Est et Occitanie - sur la base des conclusions du rapport. L'État accompagne les communes concernées dans la construction du projet de revitalisation. Il réalise des diagnostics de réaménagement et apporte un soutien financier pour leur permettre de recruter un chef de projet. Les DRAC et les écoles nationales supérieures d'architecture sont mobilisées. La revalorisation d'un million d'euros des crédits pour les études et les travaux en espaces protégés (8,9 millions d'euros inscrits au titre de l'action 2 « Architecture et espaces protégés ») doit faciliter la mise en oeuvre de cette expérimentation.

Les propositions du rapport d'Yves Dauge pour relancer les moyennes et petites villes

Le plan national pour les espaces protégés proposé par Yves Dauge s'articule autour de trois idées principales :

- inscrire ces villes au sein d'alliances avec les pôles urbains et les communes rurales environnantes pour développer les complémentarités entre elles dans des domaines aussi divers que la mobilité, la santé ou la culture ;

- mettre en place une véritable ingénierie patrimoniale et urbaine en rassemblant, à l'échelle d'un territoire, autour d'un chef de projet, les compétences des architectes, des urbanistes, des paysagistes et des services de l'État, comme la DRAC, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et l'architecte des bâtiments de France (ABF) pour créer des synergies entre ces acteurs, qui travaillent aujourd'hui rarement ensemble ;

- revitaliser les centres-villes en rénovant l'habitat, en encourageant la renaissance des commerces, en renforçant leur attractivité économique et touristique et en dynamisant leur activité culturelle. Le retour des habitants, dont la présence conditionne le développement des autres activités, constitue l'enjeu premier. La priorité constante accordée à la construction de logements neufs à la périphérie des villes, au détriment des aides au logement ancien ou à la construction de logements neufs en centre-ville, a eu des conséquences désastreuses. Les documents de protection des sites patrimoniaux remarquables (SPR), à savoir les plans de valorisation de l'architecture et du patrimoine (PVAP) et les plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), pourront servir de cadre pour poser les principes de cette renaissance urbaine. Ils devront également être pris en considération dans les plans locaux d'urbanisme intercommunal (PLUI) et les schémas de cohérence territoriale (SCOT).

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Les enseignements qui seront tirés de cette expérimentation ont vocation à s'articuler avec le plan en faveur des villes moyennes lancé par le ministère chargé de la cohésion des territoires, pour permettre la définition d'une nouvelle politique à destination des villes moyennes, c'est-à-dire de plus de 20 000 habitants, et des villes de taille plus réduite. Il paraît en tout cas essentiel que les petites villes ne soient pas oubliées de cette politique , alors qu'une majorité des 800 SPR sont aujourd'hui situés dans des villes de moins de 20 000 habitants.

Lors de sa présentation, le 17 novembre dernier, de la stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a également annoncé que les ABF auraient vocation à intervenir davantage en amont pour prodiguer des conseils et des recommandations sur les projets de revitalisation des centres historiques ou les opérations importantes de logement en zone tendue. Leur formation initiale, dispensée au sein de l'Ecole de Chaillot, pourrait être enrichie pour mieux intégrer les enjeux d'aménagement et de revitalisation des territoires ainsi que ceux de transition énergétique, comme les problématiques de construction de « la ville sur la ville » et de réutilisation du bâti existant.

La mise en oeuvre du plan proposé par Yves Dauge devra nécessairement s'accompagner d'une réflexion sur une évolution de la fiscalité pour encourager les investissements dans les centres anciens .

Le rapport formule aujourd'hui plusieurs propositions en la matière.

Il appelle à améliorer l'attractivité de la fiscalité applicable aux opérations de restauration immobilière , communément désignée sous le nom de fiscalité « Malraux » , dans les villes où des besoins ont été identifiés en augmentant le taux de la réduction d'impôt consentie - aujourd'hui de 22 % pour les SPR disposant d'un PVAP et de 30 % pour les SPR disposant d'un PSMV approuvé - aux alentours de 40 %, et même de 50 % dans les secteurs les plus insalubres. En contrepartie, le taux pourrait être moins avantageux dans les grandes villes pour ne pas grever le budget de l'État et concentrer les efforts sur les secteurs qui en ont le plus besoin. Il propose également de porter le montant des travaux pris en compte de 400 000 à 500 000 euros, étalé en contrepartie sur trois ans au lieu de quatre, selon la demande de l'investisseur.

Il préconise que le taux de TVA pour les travaux soit ramené à 5,5 % dans l'ancien et à 10 % pour le neuf en centre-ville.

Il évoque enfin l'idée d'utiliser les potentialités offertes par le dispositif fiscal de promotion de l'investissement locatif, dit dispositif « Pinel » , pour relancer le logement dans ces centres-villes dégradés, en soulignant l'intérêt de relever dans ces conditions le plafonnement global.

Il insiste sur la nécessité de garantir une réelle stabilité des dispositions fiscales mises en place. Compte tenu des délais nécessaires à l'obtention d'un permis de construire, toute incertitude est de nature à décourager les investisseurs.

Il s'agit d'autant de sujets sur lesquels devrait se pencher le groupe de travail commun à plusieurs commissions et délégations du Sénat sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs , dont les travaux doivent débuter dans quelques semaines. Sa création fait suite au rapport d'étape de juillet dernier de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin, fait au nom de la délégation aux entreprises et de la délégation aux collectivités territoriales, qui pointait la fragilisation des centres-villes sous l'effet d'une dégradation du bâti, intérieur et extérieur, de difficultés d'accès et de station, de la baisse de la population du centre et de sa paupérisation, de la fuite des équipements attractifs et des services du quotidien et de la concurrence des grandes surfaces en périphérie.

Ce rapport identifiait plusieurs défis à relever , parmi lesquels le défi de l'uniformisation , qui se traduit par une disparition des petits commerces faisant peser un risque sur le patrimoine local, et le défi de la dévitalisation , avec le départ massif des populations vers les périphéries et les banlieues, dont les loyers sont plus bas et où se situent désormais les commerces. Il soulignait déjà que la situation particulière des centres-villes et des centres-bourgs mériterait une évaluation spécifique, compte tenu du nécessaire équilibre à trouver entre protection et revitalisation .

L'enjeu est d'autant plus important qu'il est parfois reproché aux instruments de protection en espaces protégés de précipiter les difficultés de ces villes en soumettant les opérations immobilières ou commerciales à des règles trop lourdes. Le patrimoine est pourtant ce qui fait la richesse de ces villes et pourrait constituer un moteur de leur attractivité. Renoncer aux impératifs de protection n'apparaît pas comme une solution . Remettre à jour ces documents de protection élaborés il y a plusieurs dizaines d'années, alors que les besoins et les enjeux étaient tout autres, serait, en revanche, une idée à explorer.

b) La richesse et la diversité du patrimoine, clés de l'attractivité des territoires

Le rapport de Martin Malvy met en exergue l'atout que représente, pour la France, le fait de compter un patrimoine nombreux, diversifié et relativement bien réparti sur l'ensemble du territoire. Cette richesse patrimoniale, conjuguée à une richesse culturelle, comptent parmi les principaux facteurs de l'attractivité de la « Destination France » pour les touristes internationaux. Les territoires, qui ont pourtant tous un atout patrimonial à faire valoir, ne parviennent pas tous à attirer les flux touristiques, d'où l'enjeu que peut représenter cette question pour un certain nombre d'entre eux .

Martin Malvy en tire plusieurs enseignements, parmi lesquels celui « qu'accroître la fréquentation touristique ne dépend pas seulement du site, mais de l'histoire qu'il raconte ». Il faut non seulement protéger le patrimoine, le mettre en valeur, mais aussi le « réenchanter », l'inscrire dans des parcours et le projeter vers l'avenir avec le numérique.

Ses principales conclusions portent sur la nécessité d'une meilleure coopération entre les acteurs du tourisme et ceux de la culture , à tous les échelons territoriaux, mais aussi d'une meilleure coopération entre États et collectivités territoriales , dans une domaine où, il y a encore peu, la Cour des comptes 2 ( * ) observait qu'une « confusion des interventions », des « doublons » et une « dilution des responsabilités » n'étaient pas rares.

La question des labels, marques, appellations et réseaux patrimoniaux est également évoquée . S'ils ont contribué à structurer l'offre et à qualifier les projets au niveau, leur multiplicité nuit à leur lisibilité à l'international. Seule l'inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO et le label « Plus beau village de France » seraient attractifs pour les visiteurs étrangers. Pour faciliter la promotion à l'international, Martin Malvy proposait la création d'un label unique, attribué aux biens labellisés au niveau national après examen. La création d'un label « Patrimoine de France / French Heritage » a été annoncée par la ministre de la culture, Françoise Nyssen, à l'occasion de la présentation de la stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine, le 17 novembre dernier.

Le rapport suggère aussi d' élargir la compétence du Centre des monuments nationaux à l'appui aux réseaux nationaux, en lui confiant une responsabilité en matière d'animation et de promotion des territoires labellisés par l'État.

Sans même attendre les préconisations du rapport de Martin Malvy, le ministère chargé de la culture a d'ailleurs lancé, au cours de la dernière année, une stratégie en faveur du tourisme culturel , avec l'organisation, en décembre 2016, des premières « Rencontres du tourisme culturel » et la signature, en juillet 2017, d'une nouvelle convention-cadre entre les ministères chargés du tourisme et de la culture pour impulser une nouvelle dynamique de travail en commun et promouvoir la filière du tourisme culturel.

L'un des volets de cette stratégie vise à favoriser une meilleure répartition et un véritable ancrage territorial du tourisme culturel . En dépit d'un patrimoine largement réparti sur l'ensemble de notre pays, la plupart des visites touristiques se concentrent sur 20 % d'entre eux, signe que des efforts en matière de valorisation et de promotion doivent être accomplis. Un référent en matière de tourisme devrait être nommé dans chacune des DRAC.

Votre rapporteur pour avis souhaite que cette nouvelle approche permette de créer les conditions d'un cercle vertueux : si le développement touristique s'appuie sur la richesse et de la diversité de notre patrimoine, la manne financière apportée par le tourisme pourrait aussi permettre de préserver cette richesse patrimoniale aujourd'hui menacée par la baisse des subventions croisées.

2. Des annonces encourageantes

La mission confiée par le Président de la République à Stéphane Bern apparaît révélatrice d'un certain regain d'intérêt pour le patrimoine. L'animateur a été chargé de réaliser un inventaire de l'état du patrimoine pour évaluer les besoins et faire apparaître les nouvelles urgences. Ce travail s'appuiera sur le nouvel état sanitaire qui devait être réalisé en 2017 par les services du ministère chargé de la culture s'agissant du patrimoine protégé au titre des monuments historiques. La Fondation du Patrimoine apporte son aide pour ce qui concerne le patrimoine industriel et vernaculaire, qui entrent également dans le champ de la mission. Les besoins en restauration seraient immenses. D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, ils concerneraient particulièrement les édifices religieux, dont 5 000 sur 70 000 nécessiteraient des travaux et 500 seraient menacés de destructions ou d'effondrement.

Stéphane Bern aura également pour rôle de proposer de nouvelles sources de financement pour faciliter la mise en oeuvre des programmes de restauration . Le développement du mécénat, du financement participatif et des opérations de souscriptions publiques seront examinés. Les solutions mises en oeuvre par nos voisins européens pourraient alimenter la réflexion.

Sans attendre les conclusions du rapport de Stéphane Bern, qui devrait être remis en février 2018, le Gouvernement propose déjà, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2017, la création d'un « Loto du patrimoine » . Ce type d'instrument existe déjà, sous des formes diverses, dans plusieurs pays européens, comme au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Italie. Il s'agit d'une idée relativement ancienne, proposée par notre ancien collègue député, François de Mazières, depuis une quinzaine d'années. Faute de pouvoir exiger sa création en raison des règles qui s'imposent au droit d'amendement des parlementaires, il avait obtenu la publication d'un rapport sur le sujet. Jusqu'ici, la proposition s'était toujours heurtée à la crainte que sa mise en place ne se traduise par un manque à gagner pour l'État et n'inspire d'autres demandes du même type.

La proposition soumise au Parlement porte sur l'organisation d'un tirage du loto , qui pourrait avoir lieu la veille des journées du patrimoine, et sur la mise en place d'un jeu de grattage dédié . Sa durée annuelle pourrait s'étaler entre trois et six mois. Pour ne pas grever le budget de l'État, il devrait s'agir d'un tirage spécial du loto par rapport aux dates habituelles de tirage. La part des recettes revenant à l'État qui serait tirée de ces deux jeux serait affectée à un fonds spécifique « Patrimoine en péril » créé au sein de la Fondation du patrimoine . D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, la Française des Jeux aurait évalué entre 5 et 20 millions d'euros le montant des recettes, forcément aléatoire, qui pourrait ainsi être dégagé annuellement.

Même si sa gestion devrait être confiée à la Fondation du patrimoine, il est envisagé que les crédits du fonds puissent servir à la réhabilitation de tous les patrimoines, qu'ils soient ou non protégés , dont celui identifié par la mission de Stéphane Bern, ainsi que des monuments confiés au Centre des monuments nationaux. Les dossiers devraient être sélectionnés par un comité d'experts.

Cette annonce apparaît d'autant plus salutaire que la Fondation du patrimoine a vu sa situation financière se dégrader ces dernières années, soulevant de vives inquiétudes compte tenu de son rôle essentiel dans la protection du patrimoine non protégé . Ses ressources tendent à s'éroder au fil des ans : elles sont passées de 34,3 millions d'euros en 2015 à 32,7 millions d'euros en 2016.

La baisse du produit des successions en déshérence , dont une fraction est attribuée à la fondation en application de l'article L. 143-7 du code du patrimoine, constitue une source de préoccupation. Elle serait le fait de l'épuisement du stock de dossiers non résolus et des progrès réalisés dans la recherche des héritiers. Alors que cette ressource était encore de 11 millions d'euros en 2014, elle n'atteignait plus que 5 millions d'euros en 2017. Le relèvement de 50 % à 75 % du taux du produit des successions en déshérence intervenu il y a un an n'a pas suffi à enrayer cette baisse : il a seulement permis de compenser les pertes sans apporter de ressources supplémentaires. Cette évolution est d'autant plus problématique que cette ressource a vocation à couvrir, avec les ressources propres de la fondation - adhésion, frais de gestion à 6 % sur les souscriptions, frais de dossiers, produits financier, pour un montant total de 2 millions d'euros en 2017 -, ses dépenses de fonctionnement , qui s'élèvent en moyenne, chaque année, à 7 millions d'euros.

Le déclin de cette ressource fragilise la Fondation du patrimoine , même si sa solidité financière à court terme est assurée par la trésorerie assurée par les souscriptions populaires , dont le produit a cru de 10 millions d'euros en 2014 à 14 millions d'euros en 2017. Cette ressource s'avère néanmoins aléatoire selon les projets et montre ses limites pour ceux portés par de très petites communes. Le mécénat d'entreprise , dont le montant est stable à 5,5 millions d'euros, et les subventions des collectivités territoriales , pour un montant de 3 millions d'euros, complètent les ressources de la fondation.

Lors de son audition devant votre commission le 22 novembre dernier, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a laissé entendre qu'elle ne serait pas hostile à un relèvement du plafond de 5 %o à 1 % du chiffre d'affaires, en ce qui concerne la réduction d'impôt pour les dons réalisés par les entreprises, afin d'encourager le mécénat des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises.

Votre rapporteur pour avis a noté avec satisfaction la volonté de la Fondation du patrimoine, au travers du soutien qu'elle apporte à tel ou tel projet, d'encourager les chantiers d'insertion et d' éviter la perte d'un certain nombre de savoir-faire qui nécessitent des qualifications très rares. On retrouve cette même volonté de perpétuer les savoir-faire avec l'annonce faite par la ministre chargée de la culture, à l'occasion de la présentation de la stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine, de la levée des principaux freins au développement de l'apprentissage sur les chantiers patrimoniaux et de la promotion du baccalauréat professionnel « Intervention sur le patrimoine bâti ».

En réponse au désengagement financier des collectivités territoriales dans la protection du patrimoine, le présent projet de loi de finances prévoit la création d'un fonds destiné à accompagner les communes à faible potentiel financier dans la sauvegarde de leurs monuments historiques , doté de 15 millions d'euros en AE. Il concernerait les communes de moins de 2 000 habitants, qui concentrent une grande partie du patrimoine protégé de notre pays. Des assouplissements pourraient être consentis en direction des communes jusqu'à 10 000 habitants. Il pourrait s'appliquer aux édifices présentant des besoins sanitaires avérés qui appartiennent à la commune elle-même ainsi qu'aux édifices qui appartiennent à des propriétaires privés mais qui sont situés sur le territoire de cette commune. Il se traduirait par une bonification, jusqu'à 80 %, du taux de subvention octroyé par l'État pour la restauration d'un monument historique, sachant que celui-ci s'établit aujourd'hui entre 30 % et 50 % pour les immeubles classés et entre 10 % et 20 % pour les immeubles inscrits.

L'intervention de ce fonds serait conditionnée à une participation de la région dans le financement de l'opération de restauration. Le niveau minimal exigé de participation de la région n'a pas été précisé. L'objectif du dispositif est d' encourager les régions à se substituer aux départements dans le financement du patrimoine , dans un moment où le retrait de ces derniers est perçu comme durable. L'enjeu est d'autant plus important que peu de régions se sont encore positionnées sur les questions de patrimoine depuis la réforme de l'organisation territoriale. La région Grand-Est et les Hauts-de-France feraient figure de précurseurs ; l'Ile-de-France y viendrait également progressivement. Les effets de ce dispositif pourraient être positifs au-delà des seules communes bénéficiaires , en incitant chacune des régions à définir les critères de leur intervention.

B. DES EFFORTS À POURSUIVRE

1. Des acteurs du patrimoine sur leur faim

Les crédits de l'action 1 « Patrimoine monumental et monuments historiques » sont stabilisés en 2018 . 95 % de ces crédits sont consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques. Près de 292,9 millions d'euros de crédits sont inscrits à ce titre, auxquels s'ajoutent 25,6 millions d'euros pour les grands projets, soit une enveloppe globale de 318,4 millions d'euros. Même si la préservation des crédits constitue un certain soulagement, ce niveau reste toujours nettement en deçà du montant de 400 millions d'euros généralement évoqué pour permettre de répondre aux besoins d'entretien et de restauration.

Les crédits de restauration et d'entretien hors grands projets ne sont pratiquement pas modifiés . L'effort qui avait été réalisé l'an passé en direction des crédits d'entretien est préservé, permettant à ceux-ci de se maintenir au-dessus de la cible de 15 % (15,2 % en AE, 16,6 % en CP). Lors de son audition devant votre commission le 22 novembre dernier, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, s'est engagée à ce que ces crédits soient sanctuarisés au niveau de 2018 tout au long du quinquennat .

Les crédits qui enregistrent les évolutions les plus positives sont ceux destinés aux monuments historiques n'appartenant pas à l'État : les crédits d'entretien les concernant progressent de près de 3 %.

Votre rapporteur pour avis salue d'autant plus cette décision que les travaux d'entretien, essentiels pour limiter le recours aux restaurations lourdes, restent un domaine dans lequel seul l'État aide généralement les propriétaires, les collectivités territoriales se concentrant prioritairement sur les travaux de restauration. Le niveau des crédits qu'accepte d'y consacrer l'État est donc fondamental pour les propriétaires privés.

Des perspectives sont également offertes par l'augmentation significative des crédits de restauration et d'entretien hors grands projets en AE (+ 4,2 %) . Les monuments historiques n'appartenant pas à l'État devraient particulièrement en profiter, puisque les crédits consacrés à leur restauration progressent de 9,5 %.

Au total, l'État devrait consacrer 163,72 millions d'euros en CP et 177,25 millions d'euros à l'entretien et à la restauration des monuments historiques qui ne lui appartiennent pas , soit près de 50 % de l'enveloppe consacrée à l'entretien et à la restauration des monuments historiques, et même près de 55 % de celle-ci hors grands projets. Ce chiffre doit être mis en relation du montant investi dans ces monuments par les propriétaires privés et les collectivités territoriales, qui était, en 2016, évalué à 249 millions d'euros. Les chiffres à la disposition de votre rapporteur ne permettent pas de distinguer les monuments historiques n'appartenant pas à l'État selon l'origine de leur propriétaire - personne privée ou collectivité territoriale -, empêchant dès lors toute analyse plus fine.

Le ministère de la culture précise néanmoins qu'il consacrerait, depuis une dizaine d'années, 10 % de ses investissements au titre des monuments historiques à des édifices appartenant à des propriétaires privés.

Les crédits consacrés aux grands projets portant sur des monuments historiques sont stables en CP , en raison d'une baisse du niveau des crédits pour les travaux du schéma directeur du château de Versailles et pour les travaux de restauration du Grand Palais qui compense le lancement des travaux de restauration sur le quadrilatère Richelieu. Les crédits baissent surtout fortement en AE (- 22 %), en l'absence de l'ouverture de nouveaux grands projets.

Les crédits de l'action 2 « Architecture et espaces protégés » progressent de 1,6 %, à 32,13 millions d'euros . Cette progression s'inscrit dans un contexte marqué par la mise en oeuvre des nouvelles dispositions résultant de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Dans sa lettre de mission à la ministre chargée de la culture, le Premier ministre, Edouard Philippe a fait part de l'importance d'améliorer la protection du patrimoine urbain et paysager, par le développement des SPR, la mise en oeuvre de plans de gestion et des zones tampons pour les biens inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO et la définition des périmètres intelligents aux abords des monuments historiques. Il a également insisté sur l'accompagnement des politiques d'État relatives aux centres-bourgs, aux villes moyennes et aux centres anciens patrimoniaux, en lien avec les expérimentations menées sur la base des recommandations du rapport remis par Yves Dauge. Il a enfin validé le lancement de l'expérimentation du « permis de faire ».

En fin de compte, les efforts consentis en direction des crédits de l'action 2 pourraient se révéler limités au regard de la multiplicité des nouveaux objectifs . Ce constat est particulièrement criant s'agissant des crédits destinés à financer les SPR. En 2017, ils s'établissaient à 7,9 millions d'euros. En 2018, ils sont portés à 8,9 millions d'euros, mais leur destination a été élargie à l'ensemble des études et travaux en espaces protégés, ce qui recouvre à la fois les SPR, les abords et le patrimoine mondial, ainsi qu'à la mise en oeuvre de l'expérimentation du plan Dauge. D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, les crédits consacrés à l'expérimentation pour la revitalisation des centres bourgs au sein de cette enveloppe devraient s'établir aux alentours de 2 millions d'euros en 2018 , soit 22 % de l'enveloppe.

Cela signifie que les crédits pour financer les SPR seront réduits . Cette conséquence est fâcheuse à un double titre. D'une part, elle pourrait compliquer le traitement des nouvelles demandes de classement au titre des SPR, actuellement au nombre de dix-huit 3 ( * ) . D'autre part, elle s'inscrit en contradiction avec les propos du rapport d'Yves Dauge, qui souligne l'importance des crédits d'études pour appuyer la rédaction des documents de protection en SPR et l'intérêt à les octroyer pendant plusieurs années compte tenu de la durée de réalisation desdites études.

La lourdeur des démarches qui pèsent sur les propriétaires de biens protégés et les contraintes fiscales constituent une autre source de difficultés préjudiciable à une relance de la protection du patrimoine.

Un certain nombre des sujets portés à la connaissance de votre rapporteur pour avis pourrait trouver un aboutissement avec les annonces qui ont été réalisées à l'occasion de la présentation de la stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine.

À cette occasion, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a fait part de la prochaine mise en place d'un guichet unique pour simplifier les procédures des propriétaires de biens protégés, aujourd'hui confrontés à quatre guichets différents pour les autorisations et les financements liés à la protection.

Elle a également indiqué qu'une réflexion serait engagée sur la modernisation des modes de gestion et de transmission de génération en génération des monuments historiques , face à la multiplication du nombre de biens sur le marché qui ne trouvent pas de repreneur. Il s'agirait d'une évolution importante, qui semble cristalliser de nombreuses attentes.

Les questions de fiscalité sont également mentionnées au sein de la stratégie. Elles suscitent bon nombre d'inquiétudes dans le contexte de transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui a pu donner le sentiment que le patrimoine serait appréhendé comme un investissement improductif pour notre pays, en dépit de son rôle essentiel pour notre économie.

Une réflexion interministérielle serait engagée en 2018, en partenariat avec les associations de sauvegarde du patrimoine, pour moderniser le dispositif fiscal « d'ouverture au public », afin d'inciter davantage à l'accueil des scolaires. Compte tenu de la priorité accordée par le Gouvernement à l'accès de tous à la culture, l'élargissement des avantages fiscaux en faveur des propriétaires de monuments historiques ouvrant leurs biens à la visite pourrait être un facteur incitatif tout à fait positif.

L'évolution du dispositif « Malraux » n'est, en revanche pas mentionné. A l'occasion de son audition devant votre commission, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a néanmoins indiqué qu'une réflexion serait lancée sur le sujet au cours de l'année 2018.

Sans même entrer dans le débat relatif au niveau du taux, on peut s'étonner, au regard de la contribution de ce dispositif à l'objectif de revitalisation des centres anciens dégradés, que ses conditions aient été raffermies au cours de la dernière année, en pleine période de réflexion autour de ces questions avec la mission confiée à Yves Dauge. Alors qu'un taux avantageux de 30 % était jusqu'alors octroyé pour les travaux engagés sur des immeubles situés sur le périmètre d'un secteur sauvegardé dès qu'intervenait la décision de classement - et donc dès qu'un plan de sauvegarde et de mise en valeur était mis à l'étude -, le projet de loi de finances rectificative pour 2017 soumet l'octroi de ce taux avantageux de 30 % à l'approbation du PSMV. Compte tenu des délais requis pour l'élaboration d'un PSMV, nécessitant parfois plus de dix ans, cette décision est évidemment lourde de conséquences.

2. Archéologie préventive : une situation qui reste sous tension

Les crédits de l'action 9 sont stables en 2018 . Ils progressent de seulement 40 000 euros en autorisations d'engagement, à 135,96 millions d'euros, et reculent de 490 000 euros en crédits de paiement, à 132,46 millions d'euros (- 0,4 %).

L'enveloppe destinée à soutenir l'archéologie préventive , qui correspond à la budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), est maintenue à 119 millions d'euros .

800 000 euros de crédits sont redéployés au sein de cette enveloppe en faveur du Fonds national d'archéologie préventive (FNAP), qui peut aider les aménageurs en prenant en charge, partiellement ou en totalité, certaines opérations de fouilles archéologiques prescrites suite à un diagnostic vers les services archéologiques habilités des collectivités territoriales pour compenser leurs opérations de diagnostic archéologique.

Les autres crédits de l'action, destinés à l'archéologie et au patrimoine archéologique, sont en baisse , compte tenu de l'achèvement d'un certain nombre de projets de centres d'études et de conservation. Une enveloppe de 50 000 euros supplémentaires est néanmoins consentie pour améliorer le soutien aux opérations de promotion et de diffusion du patrimoine archéologique, sous la forme d'aides à l'édition, portant désormais l'effort à 600 000 euros.

Le projet de loi de finances préserve le montant de la subvention pour charges de service public de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), à 79,5 millions d'euros : 72 millions d'euros sont destinés à couvrir la réalisation de ses opérations de diagnostic et ses activités de recherche ; 7,5 millions d'euros servent à compenser ses charges de service public dans le champ concurrentiel. En tant qu'opérateur national d'archéologie préventive, l'INRAP est en effet assujetti à une obligation de présence sur l'ensemble du territoire et à une obligation de compétence sur l'ensemble des spécialités, y compris subaquatiques, pour garantir qu'une réponse soit apportée à toute demande de diagnostic dans le champ non concurrentiel, comme à toute prescription de fouilles dans le champ concurrentiel, dans le cas où aucune candidature n'aurait été reçue suite à un appel d'offres.

L'établissement obtient également une dotation pour couvrir les dépenses d'investissement nécessaires à la réalisation de ses diagnostics, dont le montant est maintenu à 1,6 million d'euros.

Revalorisée de 800 000 euros, l'enveloppe destinée aux services archéologiques des collectivités territoriales pour compenser leurs charges de service public atteint 10,8 millions d'euros en 2018 . Ces services sont autorisés, au même titre que l'INRAP, à assurer les missions de service public d'archéologie préventive : la loi du 7 juillet 2016 a clairement réaffirmé leur compétence dans la réalisation des diagnostics prescrits par l'État et leur a reconnu un rôle en matière d'exploitation scientifique et de valorisation des résultats des opérations d'archéologie préventive.

Nonobstant ces principes, le montant des crédits octroyés chaque année aux services archéologiques des collectivités territoriales demeure en inadéquation avec la part des diagnostics qu'ils réalisent . A la différence de l'INRAP, qui touche chaque année une subvention pour couvrir les frais de diagnostic qu'elle sera amenée à réaliser au cours de l'année à venir, quel qu'en soit le nombre, les collectivités territoriales sont soumises au principe du règlement à service fait. Le montant de leurs subventions est calculé chaque année en fonction des surfaces traitées et de la complexité des sols concernés l'année précédente, selon un barème fixé par arrêté du ministère chargé de la culture du 2 novembre 2016. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, l'objectif est d'« établir un lien direct entre le niveau d'activité et le financement alloué, dans le respect de l'enveloppe budgétaire octroyée pour chaque exercice » .

En 2016, les services archéologiques des collectivités territoriales auraient réalisé 18,49 % des surfaces soumises à diagnostic. Rapporté au montant de 72 millions d'euros de la subvention touchée par l'INRAP pour la réalisation de 81,51 % des diagnostics, la logique aurait voulu que leurs crédits soient portés à plus de 16 millions d'euros. Pour contenir les dépenses dans la limite de l'enveloppe globale de 82 millions d'euros octroyée en compensation des missions de service public dans le champ non-concurrentiel, correspondant à la somme des 72 millions d'euros de subventions perçus par l'INRAP et des 10 millions d'euros octroyés aux collectivités territoriales, il serait équitable qu'ils perçoivent 15,16 millions d'euros - ce qui impliquerait de réduire les crédits de l'INRAP en conséquence.

Quoi qu'il en soit, la revalorisation de 800 000 euros concédée en 2018 sera insuffisante pour couvrir l'écart de montant. Elle permettra seulement de compenser le nombre de diagnostics supplémentaires réalisés en proportion par les services archéologiques des collectivités territoriales en 2016, compte tenu de l'augmentation significative (+ 14,7 %) du nombre de prescriptions de diagnostics entre 2015 et 2016.

La mise en place d'une grille de compensation identique pourrait être une piste pour assurer une réelle équité entre les opérateurs de diagnostics. Elle avait d'ailleurs été évoquée par la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2016, qui la jugeait adaptée pour garantir une plus grande efficacité de la dépense.

Malgré l'ambition portée par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine de restaurer un équilibre entre les acteurs de l'archéologie préventive, votre rapporteur pour avis a pu constater que les tensions restaient vives dans le secteur.

Les engagements pris par l'INRAP dans le cadre de la procédure lancée par plusieurs opérateurs de fouilles devant l'Autorité de la concurrence n'ont pas encore permis d'apaiser la situation. L'établissement public était mis en cause pour pratiques anticoncurrentielles, dans un contexte de guerre des prix préjudiciable au secteur. Deux motifs étaient avancés : d'une part, son accès privilégié à des informations en sa qualité d'opérateur de diagnostic et, d'autre part, des pratiques tarifaires intervenant dans un contexte de subventions croisées.

Au cours de cette procédure, l'État a proposé de créer une plateforme informatique sécurisée permettant à l'ensemble des opérateurs de fouilles d'accéder aux informations archéologiques préalables dans des conditions comparables. De son côté, l'INRAP s'est engagé à mettre en place, d'ici le 1 er janvier 2018, une comptabilité analytique . L'instrument devra garantir la séparation comptable et financière entre ses activités non-marchandes et marchandes et assurer une traçabilité des moyens alloués à chacune de ses missions pour prévenir tout risque de subventions croisées. Les données seront contrôlées chaque année par un auditeur indépendant. Jugeant ces différents engagements de nature à renouveler les conditions de la concurrence entre les acteurs du secteur de l'archéologie préventive, l'Autorité de la concurrence a clos les saisines par décision du 1 er juin dernier 4 ( * ) .

Depuis 2016, l'INRAP compte parmi ses recettes une nouvelle ressource : le crédit impôt recherche (CIR). Les discussions parlementaires autour de cette loi ont révélé à l'INRAP qu'il pouvait prétendre à son bénéfice pour son activité dans le secteur concurrentiel , au même titre que les entreprises privées, compte tenu de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Un rescrit de l'administration fiscale a confirmé qu'il pouvait en bénéficier, y compris dans le cadre d'opérations prescrites par l'État. L'INRAP a ainsi perçu, en 2016, 12 millions d'euros de CIR en compensation de son activité au titre de l'exercice 2013, qui aurait ensuite été prescrit. Il a sollicité, en 2017, le bénéfice du CIR en compensation de son activité au titre des exercices 2014 et 2016. Il devrait de nouveau le demander en 2018 au titre des exercices 2015 et 2017. L'apport de cette nouvelle ressource devrait permettre à l'INRAP d'enregistrer un résultat équilibré en 2017, pour la première fois après les difficultés financières traversées par l'opérateur ces dernières années.

Les ressources provenant du CIR permettront, en 2018 également, de combler le déséquilibre structurel de 20 millions d'euros dont souffre toujours l'INRAP. À partir de 2019, leur montant diminuera mécaniquement puisque l'établissement aura touché le CIR au titre de l'ensemble des années antérieures non encore prescrites et ne pourra plus solliciter son bénéfice que pour l'année n-1.

L'établissement a donc indiqué avoir engagé en parallèle des efforts de maîtrise de ses charges et de rationalisation de son fonctionnement , en particulier au niveau de son siège. Il aurait également entamé une révision de la carte de ses implantations territoriales, destinée à prendre en compte la nouvelle organisation territoriale et à rationaliser également son organisation.

Il chercherait désormais à redresser ses ressources propres hors subvention, ce qui l'aurait conduit à augmenter ses prix de l'ordre de 12 %, qui pourraient faciliter une remontée des prix du marché susceptible de permettre aux tarifs de vente de couvrir de nouveau le niveau des charges. D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, les effets sur l'ensemble du marché ne s'en seraient cependant pas encore fait sentir .

Par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2017 comporte un article destiné à adapter les modalités de calcul et d'établissement de la RAP aux opérations d'aménagement réalisées en mer, compte tenu des spécificités et contraintes du domaine public maritime et des enjeux de développement économique qui existent.

III. L'OUVERTURE DU PATRIMOINE ARTISTIQUE ET CULTUREL À TOUS LES PUBLICS

A. LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE, PREMIÈRE PRIORITÉ DONNÉE AUX MUSÉES ET AUX MONUMENTS NATIONAUX

1. L'inscription dans la politique d'éducation artistique et culturelle

L'un des objectifs du ministère chargé de la culture pour 2018 est d' inscrire le patrimoine au coeur de la politique d'éducation artistique et culturelle en rendant plus accessible et en faisant mieux comprendre aux publics dans leur diversité le patrimoine sous toutes ses formes. Un accent devrait être mis sur le développement de l'accès des jeunes, des familles et des publics du champ social. Une attention particulière devrait également être portée à la qualité de l'accueil des publics et à la qualité des visites. L'accueil de volontaires du service civique « citoyens de la culture » devrait être développé au sein des établissements pour favoriser l'accès de tous à la culture.

Au demeurant, les musées et les monuments nationaux sont déjà familiers des problématiques d'éducation artistique et culturelle : les opérateurs estiment avoir mobilisé 10 millions d'euros au titre de l'éducation artistique et culturelle en 2017. Fort de sa volonté de transmettre le goût du patrimoine au plus grand nombre, le CMN, en particulier, a fait de l'accueil des groupes scolaires l'une de ses priorités. Il a mis en place à cette fin des services éducatifs. Ils sont chargés d'élaborer une offre cohérente avec l'ensemble des programmes scolaires et notamment l'enseignement de l'histoire des arts. Ils produisent des ressources documentaires et pédagogiques à destination des enseignants et peuvent construire des projets adaptés aux demandes de ceux-ci. 550 000 élèves sont accueillis chaque année dans l'un des monuments gérés par le CMN à l'occasion de visites effectuées dans un cadre scolaire.

Le mouvement devrait être amplifié l'an prochain en application des nouvelles instructions. Toutefois, comme les subventions pour charges de service public sont globalisées, sans aucun fléchage, il est difficile à ce stade de connaître le montant des dépenses qui devraient être consacrées à l'éducation artistique et culturelle l'an prochain.

Les efforts en la matière ne devraient pas se limiter aux seuls opérateurs de l'État . Afin d'atteindre l'objectif fixé par le Gouvernement de faire accéder 100 % des enfants à l'éducation artistique et culturelle, le ministère chargé de la culture a en effet décidé d' inclure dans l'ensemble des dispositifs conventionnels une clause dédiée à l'éducation artistique et culturelle .

Même s'ils enregistrent une baisse en 2018 (- 2 %), à 7,4 millions d'euros, les crédits versés par l'État aux musées de France appartenant à des collectivités ou de personnes morales de droit devraient prioritairement, d'après les informations communiquées par le ministère chargé de la culture, bénéficier à l'éducation artistique et culturelle, ainsi qu'aux actions d'inventaire, de récolement, de préservation et de restauration des collections.

Les monuments historiques devraient également s'inscrire dans la démarche d'éducation artistique et culturelle. La médiation et la valorisation des chantiers de restauration des monuments historiques, qu'ils appartiennent ou non à l'État, devrait être développé. Des crédits supplémentaires seraient prévus pour financer l'activité des associations de chantiers de bénévoles en matière de monuments historiques, à l'image des chantiers « Rempart » (Réhabilitation et entretien des monuments et du patrimoine artistique). Leur action a d'ailleurs été mise en valeur à l'occasion des dernières Journées européennes du patrimoine, avec une exposition qui leur était consacrée dans le Salon des maréchaux du ministère de la culture.

2. La mise en oeuvre de nouvelles approches de démocratisation culturelle

Les questions de démocratisation culturelle ont constitué l'un des axes forts de la réflexion de la mission « musées du XXI e siècle », dont les travaux ont été présentés au mois de mars dernier. À rebours de l'image du musée comme celle d'un lieu austère, suranné et imperméable aux questions de société, elle propose de faire du musée de demain une « maison commune » , en phase avec les attentes de la population, en particulier de la jeunesse, et conçu à la fois comme un espace public et comme un véritable service culturel de proximité.

Parmi les préconisations du rapport, onze mesures ont été retenues , destinées, pour les unes, à ouvrir toujours plus le musée aux publics les plus larges et, pour les autres, à apporter aux professionnels des musées une aide concrète dans l'exercice de leurs missions.

Pour améliorer l'accueil des publics, une charte de l'accueil des groupes scolaires et des publics adolescents devrait être élaborée, de même qu' un manifeste pour un musée humaniste dont la rédaction a été confiée à Alexia Fabre. Un prix « Osez le musée » est créé pour valoriser tout établissement muséal qui a développé une approche humaniste en direction des publics du champ social. Les musées de France sont par ailleurs encouragés à signer la charte « MOM'Art » pour améliorer l'expérience de visite des enfants et des familles.

Pour soutenir les démarches de démocratisation culturelle, un nouveau label « le musée sort de ses murs » est mis en place pour reconnaître et soutenir les expériences les plus originales permettant de rapprocher les musées des publics qui ne franchissent pas spontanément leurs portes. Ce label sera décerné annuellement sur la base d'un appel à projets et donnera lieu à une participation financière du ministère.

Pour rapprocher les musées des citoyens , un prix récompensant les films les plus originaux sur les musées réalisés par les visiteurs à l'aide de leur smartphone sera désormais décerné. Les résidences de chercheurs non historiens de l'art au sein des musées seront développées pour favoriser une nouvelle lecture des collections. Tous les musées de France sont aussi incités à soutenir les initiatives d'expositions participatives avec des habitants.

Une attention particulière sera portée à la formation des personnels . Il est apparu que ces derniers avaient des attentes fortes en la matière. Des améliorations seront donc apportées en matière de formation initiale et de formation continue.

Le ministère chargé de la culture devrait également soutenir le renforcement ou l'émergence de réseaux de sociétés d'amis et communautés d'amis du musée, avec pour objectif de développer le lien entre les jeunes générations et les musées.

Enfin, la création d'un bureau de l'innovation muséale a été décidée. Sa mission consistera à relayer les initiatives originales menées par certains musées de France dans les différents domaines de la vie muséale (médiation, accueil, conservation) pour permettre à d'autres musées, le cas échéant, de les adapter.

Ces mesures ont commencé à être mises en oeuvre dès cette année . Une enveloppe de 190 000 euros a été débloquée à cette fin. En 2018, 550 000 euros devraient y être consacrés. Ce montant aurait vocation à être reconduit les années suivantes.

Dans le cadre de la stratégie pluriannuelle pour le patrimoine, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a également annoncé qu'un effort serait réalisé pour mieux former les professionnels du patrimoine à la médiation avec les publics.

3. Une reprise de la fréquentation à consolider

Cet objectif de démocratisation culturelle s'inscrit dans un contexte marqué par deux années consécutives de baisse de la fréquentation des établissements patrimoniaux , avec une chute évaluée à 13 % entre 2014 et 2016 au sein des établissements placés sous la tutelle de la direction générale des patrimoines, soit l'équivalent de près de 5,7 millions d'entrées.

Évolution de la fréquentation des musées nationaux, des Galeries nationales du Grand Palais et du musée du Luxembourg, ainsi que des monuments nationaux depuis 2014

Source : Ministère de la culture

Les musées et monuments nationaux ont commencé à enregistrer une chute de la fréquentation à partir de 2015 (- 4,5 %), qui s'est largement amplifiée en 2016 (- 9 %) .

Même si d'autres facteurs, tels les mouvements sociaux ou les aléas climatiques, ont probablement accentué le mouvement, ce fléchissement est largement imputable aux effets des attentats . Les chiffres du CMN en 2016 montrent que ce sont les grands sites qui en ont le plus pâti, avec une baisse particulièrement marquée pour quelques monuments emblématiques comme l'Arc-de-Triomphe (- 24 %), la Conciergerie (- 15 %), Notre-Dame (- 14 %) ou encore le Mont-Saint-Michel (- 7 %). Les deux régions les plus touchées ont été l'Île-de-France, avec une baisse globale de l'ordre de 12,6 % en 2016, et le sud-est de la France à partir de l'été 2016, suite à l'attentat de Nice. Dans le cas du CMN, le beau succès rencontré par d'autres monuments en régions, avec des chiffres globalement stables, voire en hausse, a permis de limiter les pertes de billetterie, avec une baisse de la fréquentation globale sur l'année 2016 évaluée à 6,9 %.

La baisse globale de la fréquentation serait principalement liée à la défection des touristes étrangers, à laquelle s'est ajoutée celle des publics scolaires en application des consignes ministérielles. La mission sur le « musée du XXI e siècle » observe que les Français ne se seraient pas détournés des institutions patrimoniales . Selon la dernière enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CRÉDOC) consacrée aux pratiques culturelles des Français, 63 % des Français auraient visité un site patrimonial en 2016 et 44 % auraient visité un musée ou une exposition une fois dans l'année. Même s'il peut paraître faible, ce dernier chiffre a progressé de 9 % en cinq ans et chacune des catégories de musées et de lieux d'exposition testées est fréquentée davantage en 2016 qu'en 2014, signe que les actions de démocratisation culturelle menées ces dernières années portent leurs fruits .

De fait, les premiers chiffres portant sur l'année 2017 laissent apparaître une reprise progressive de la fréquentation . Elle aurait cru de 9 % au premier semestre par rapport à la même période sur l'année 2016. Hormis les expositions de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (RMN-GP), qui totalisent une baisse de 38 %, cette hausse concerne aussi bien les musées (+ 10 %) que les monuments nationaux (+ 13 %). Elle reste globalement insuffisante pour renouer avec les niveaux atteints en 2014, ou même en 2015, même si elle est très inégale selon les établissements et les régions. La situation resterait plus délicate en Île-de-France, même si certains sites, comme le château de Versailles, ont pratiquement retrouvé leur fréquentation de 2014.

Les conditions de sécurité offertes par les établissements patrimoniaux demeurent un élément clé pour permettre de renouer avec les niveaux de fréquentation connus par le passé . D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, les mesures de sécurité renforcées dans les lieux culturels seraient maintenues en 2018. La loi de finances pour 2017 comportait en effet 4 millions d'euros de crédits supplémentaires pour assurer la sécurisation des institutions patrimoniales, qui seront maintenus en 2018. De même, l'enveloppe de 5 millions d'euros qui avait été débloquée au titre du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) pour la sécurisation des grands opérateurs culturels en 2017 devrait être pérennisée en 2018. Elle a été jusqu'ici d'un grand secours pour les institutions patrimoniales, qui auraient bénéficié des trois quarts des crédits.

Des efforts devraient également être faits pour promouvoir l'offre culturelle française auprès des touristes . La présentation de la « Saison culturelle » sera systématisée en début de chaque année dans l'objectif de favoriser le retour de la confiance des touristes étrangers et des professionnels du tourisme international et de mettre en valeur la diversité de l'offre culturelle française. Si l'on constate enfin cette année une reprise du tourisme asiatique, en particulier chinois, le retour des touristes américains, mais aussi japonais, tarde encore.

En revanche, la question de la fréquentation des publics scolaires reste préoccupante , d'autant plus au regard de l'objectif qui a été fixé en matière d'éducation artistique et culturelle. Ceux-ci restent moins nombreux qu'ils ne l'étaient auparavant face à la crainte, aisément compréhensible, des chefs d'établissement d'accorder des autorisations de sortie. Par ailleurs, la mise en place de la réforme des rythmes scolaires et la baisse des crédits consacrés aux transports des élèves sont d'autres facteurs qui contribuent aux baisses de fréquentation enregistrées ces dernières années. Même si l'on enregistre une reprise de la fréquentation des publics scolaires, avec une augmentation de l'ordre de 17 % par rapport à 2016 sur les trois premiers trimestres, le niveau de fréquentation resterait en deçà de près de 30 % à celui de 2014.

B. DES ÉTABLISSEMENTS PATRIMONIAUX EN QUÊTE DE NOUVEAUX MOYENS

1. Des crédits en baisse

Les crédits de l'action 3 « Patrimoine des musées de France » se contractent de près de 39 millions d'euros en AE, à 337,28 millions d'euros (- 10,3 %) , et de 7,5 millions d'euros en CP, à 350,6 millions d'euros (- 2,1 %) . Les crédits de cette action avaient certes progressé l'an dernier dans des proportions importantes, respectivement de 8,1 % en AE et de 6,4 %, mais cette progression visait à opérer un léger rattrapage des crédits après une érosion continue depuis 2012. Par rapport à 2012, les crédits de cette action sont inférieurs de 8,5 % en AE et de 7,4 % en CP.

La baisse est particulièrement nette s'agissant des dépenses d'opérations financières (- 69 % en AE et - 14 % en CP), qui permettent de financer les opérations d'investissement des opérateurs. Elle s'explique partiellement par les avancées dans le schéma directeur du Centre Georges Pompidou (- 25 millions d'euros en AE), et l'achèvement de l'opération d'investissement pour la création du nouvel accueil du musée de Cluny (- 3,5 millions d'euros en AE et - 3 millions d'euros en CP). Le Louvre perd sa subvention d'investissement, d'un montant de 4,98 millions d'euros, au titre de sa contribution au redressement de la trajectoire des finances publiques.

La contraction des crédits est également sensible pour les dépenses d'investissement (- 29 % en AE et - 13 % en CP), en raison de l'achèvement de plusieurs chantiers de mise aux normes et de rénovation.

Les dépenses de fonctionnement sont à peu près stables compte tenu du transfert de 1,9 millions d'euros sur le programme 224 au titre de la compensation d'accès de la gratuité des enseignants dans les établissements patrimoniaux. Si l'on observe une légère augmentation des dépenses de fonctionnement courant, les subventions pour charges de service public sont globalement reconduites, à l'exception de l'établissement public du musée d'Orsay et de l'Orangerie, dont la subvention se contracte de 700 000 euros (- 8,6 %) au titre de sa contribution à la trajectoire de redressement des finances publiques.

Les dépenses d'intervention sont maintenues en CP , compte tenu du transfert de 620 000 euros sur le programme 224 correspondant aux crédits du programme « Les Portes du temps », désormais intitulé « C'est mon patrimoine », qui vise à sensibiliser les enfants et les adolescents à la diversité des patrimoines au travers de programmes d'activités pluridisciplinaires

Les crédits de l'action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » suivent une évolution identique aux crédits de l'action 3. D'un montant similaire en AE comme en CP, ils enregistrent une baisse de près de 450 000 euros pour s'établir à 9,49 millions d'euros (- 4,5 %) . La contraction des crédits de cette action par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2012 est particulièrement forte (- 43,2 %).

La baisse porte sur les dépenses d'investissement (- 16 %) , qui financent les acquisitions de trésors qui dépendent des cathédrales, les acquisitions au profit des centres d'archives nationales et les acquisitions réalisées par le fonds du patrimoine d'oeuvres d'intérêt patrimonial majeur destinées à intégrer les collections des musées des collectivités territoriales. Les crédits des fonds régionaux d'acquisition des musées (FRAM) et des fonds régionaux d'aide à la restauration (FRAR), qui contribuent à l'enrichissement des collections publiques n'appartenant pas à l'État, sont, pour leur part, revalorisés de 50 000 euros (+ 2,9 %). Ces crédits servent à compléter les crédits votés par les collectivités territoriales propriétaires des musées de France.

Cette baisse des crédits est préoccupante . Les services du ministère de la culture ont indiqué à votre rapporteur pour avis que la baisse au titre de l'action 3 porte principalement sur le musée du Louvre et le musée d'Orsay , deux institutions solides qui disposent, pour l'un, d'un fonds de dotation important et générateur chaque année d'intérêts, et pour l'autre, de ressources propres confortables grâce au succès connu par ses expositions. La capacité de ces deux établissements à diversifier leurs sources de revenus est donc assurée. Les crédits reçus par le Louvre pour l'ouverture du Louvre Abu Dhabi ne sont pas impactés. Par ailleurs, la baisse des crédits alloués à ces deux institutions serait compensée en gestion l'an prochain, compte tenu de la décision de réduire le taux de la mise en réserve de précaution à 3 %. Elles ne devraient pas connaître réellement de baisse de leurs crédits.

Les marges de manoeuvre des établissements patrimoniaux n'en apparaissent pas moins de plus en plus faibles, alors même qu'ils font l'objet d'attentes croissantes , ne serait-ce qu'en matière de démocratisation culturelle. Comment répondre, voire anticiper les attentes des publics avec des dépenses d'investissement limités ? La simple valorisation des collections publiques existantes, dans un souci d'en refléter la diversité, pourra-t-elle compenser la baisse des crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections publiques ? On sait combien la présence d'une oeuvre d'art nouvellement acquise par un musée peut constituer un facteur de visite. D'où la nécessité de diversifier sans doute les sources de financement. Dans un entretien accordé au journal Les Echos à l'occasion des vingt ans du Centre Pompidou, son directeur, Serge Lasvignes, reconnaissait que la baisse des budgets publics pour les acquisitions d'oeuvres d'art, divisés par quatre en l'espace de trente ans, rend indispensable le recours aux dons, et insistait sur la nécessité de préserver les dispositifs fiscaux qui les incitent. Mais qu'en est-il des établissements de taille ou de renommée plus modeste qui ne peuvent prétendre de la même façon à cette manne, alors même qu'ils constituent, pour beaucoup de Français, leur établissement de proximité ?

Évolution des crédits d'acquisition des musées nationaux entre 2011 et 2015

en M€

Ressources propres des établissements
et subventions annuelles versées par l'État

Fonds du patrimoine

Contribution du mécénat art. 238 bis 0A du CGI

Autres mécénats, dons et legs en numéraire

TOTAL

2011

26,15

4,28

13,42

2,75

46,80

2012

18,59

0,50

8,10

1,57

28,76

2013

11,02

0,00

4,54

5,71

21,27

2014

13,23

0,33

1,69

3,90

19,15

2015

15,11

0,50

8,15

3,74

27,50

Source : Ministère de la culture

Autre signe des temps, le rythme des ouvertures de musée s'est ralenti : alors qu'il pouvait atteindre vingt à vingt-cinq nouveaux musées par an il y a vingt ans, il se situe désormais davantage aux alentours de cinq à dix. Ce phénomène s'explique largement par une réduction par deux des moyens investis. Les projets sont dorénavant plus étalés dans le temps. Les dossiers, qui mettaient entre cinq et sept ans pour aboutir auparavant, nécessitent dorénavant entre sept et dix ans.

2. La situation du Centre des monuments nationaux

Après une période difficile en 2015 et 2016, le retour progressif des touristes étrangers et le succès exceptionnel rencontré par certains monuments en régions laisse espérer au Centre des monuments nationaux (CMN) retrouver en 2017 une fréquentation proche du record atteint en 2014. Ce redressement de la fréquentation lui fait escompter un niveau de recettes lui permettant d'absorber plus facilement les surcoûts de sécurité .

Pour autant, un certain nombre de difficultés persiste.

Les questions de personnel demeurent un sujet sensible , d'autant que le plafond d'emplois devrait être abaissé en 2018 au titre de la contribution de l'établissement à la maîtrise de l'emploi public. Les contraintes en matière d'emploi freineraient aujourd'hui le développement de l'opérateur à plusieurs titres. Il l'obligerait à renoncer à ouvrir de manière régulière au public certains monuments dont il a la gestion. Il l'empêcherait d'élargir les plages d'ouverture de certains monuments, pour lesquels le besoin se fait pourtant ressentir : c'est en particulier le cas de l'Arc-de-Triomphe, aujourd'hui arrivé à saturation en raison de la nécessaire régulation des flux imposés par les mesures de sécurité. Il le contraindrait enfin à décliner certaines sollicitations destinées à obtenir son aide pour la gestion d'un monument, alors même que la proximité géographique de celui-ci avec un monument déjà sous sa responsabilité aurait pu être une source de synergies. Cette situation est d'autant plus regrettable que le CMN n'a plus à démontrer son expertise dans la gestion des monuments et pourrait contribuer à l'objectif fixé par le Gouvernement de dynamisation économique des territoires.

Surtout, la capacité financière de l'établissement à engager de grands projets de restauration reste terriblement réduite . Le montant de la subvention d'investissement est fixée en 2018 à 18,13 millions d'euros , dont 17,93 millions d'euros sont destinés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques et 205 000 euros aux acquisitions. Malgré la diminution du taux de mise en réserve de précaution qui devrait dégager quelques marges de manoeuvre supplémentaires, ce montant reste très nettement inférieur aux besoins annuels, évalués par le président de l'établissement, à 30 millions d'euros.

Le fonctionnement du CMN est financé à 80 % par ses ressources propres . Néanmoins, l'opérateur ne dispose pas d'une capacité d'autofinancement suffisante pour prendre en charge le complément : les chiffres des derniers exercices la place un peu au-dessus d'un million d'euros chaque année. Son fonds de roulement est déjà sollicité pour le projet de l'Hôtel de la Marine à hauteur de 10 millions d'euros. Sa programmation d'investissement est donc largement dépendante du niveau de subvention versé par l'État .

Les ressources propres du CMN en 2016

Les ressources propres du CMN proviennent majoritairement des droits d'entrée , qui se sont élevées à 45,08 millions d'euros en 2016 (66 %), ce qui explique l'enjeu du niveau de fréquentation pour l'établissement.

Les ventes du réseau des librairies boutiques et des éditions et la valorisation domaniale constituent également des recettes non négligeables, puisqu'elles représentaient respectivement 17 % (11,46 millions d'euros) et 12 % (7,9 millions d'euros) des recettes en 2016.

Le mécénat financier apporte un complément de ressources, même si sa part est plus marginale (0,93 millions d'euros en 2016).

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication
sur la base du rapport annuel du Centre des monuments nationaux de 2016

La sous-dotation de l'État en crédits d'investissement conduit à accumuler des retards dans les travaux de restauration, qui sont préjudiciables tant en termes de coût que d'attractivité des monuments. Un certain nombre d'opérations ont été reportées jusqu'ici, parmi lesquelles la deuxième phase des travaux de restauration du Panthéon, qui doit concerner le péristyle, pour un montant de 12 millions d'euros, la restauration de la Grande Cascade du domaine de Saint-Cloud et de ses abords, pour un montant minimal évalué à 6 millions d'euros, ou la restauration de des façades et de la couverture de la Merveille du Mont-Saint-Michel. Le château de Pierrefonds, le château et les remparts de la cité de Carcassonne, comme les décors du château de Rambouillet, nécessiteraient également des interventions.

Plusieurs opérations devraient néanmoins être lancées ou poursuivies en 2018, après l'achèvement cette année de plusieurs chantiers d'envergure, qu'il s'agisse du château d'Azay-le-Rideau, du château de Rambouillet ou de l'aménagement de la maison des mégalithes de Carnac. Les principaux chantiers concerneront la colonne de Juillet, la restauration du cloître du Mont-Saint-Michel, le monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse et l'achèvement de la restauration du château de Voltaire à Ferney-Voltaire.

Les crédits octroyés ne permettraient plus d'envisager de nouvelles grandes opérations , à l'image de celles qui ont porté sur la villa Cavrois, Azay-le-Rideau ou le château de Ferney-Voltaire, alors que le succès touristique qu'elles engendrent une fois achevées soutient la croissance de l'établissement et apporte de réelles retombées sur l'économie locale. Une grande opération de ce type aurait pu être menée au château de Carrouges, mais les contraintes budgétaires conduisent à limiter le chantier, qui débutera en 2018, à la restauration de ses toitures.

Les modalités de financement des travaux sur l'hôtel de la Marine sont, en revanche inédites . Ils sont financés, pour 10 millions d'euros, par les ministères chargés des affaires étrangères et de la défense et, pour les 90 millions restants, par le CMN, dont 10 millions proviennent de ses fonds propres et 80 millions d'un prêt. Cet emprunt bancaire a vocation à être remboursé à partir des recettes du monument, mais aussi des loyers perçus pour les bureaux conçus au sein de l'hôtel de Marine à l'occasion des travaux de restauration. Les travaux sur le monument ont débuté en 2017 avec les restaurations extérieures. Les travaux intérieurs devraient débuter en 2018. L'ouverture au public et aux locataires des bureaux est prévue en 2020.

Le président du CMN, Philippe Bélaval, met en avant ce nouveau système de gestion du patrimoine et estime qu'il pourrait ouvrir la voie à une réflexion sur la réutilisation des biens patrimoniaux . Les annonces faites par la ministre de la culture, Françoise Nyssen, à l'occasion de la présentation de la stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine laisse supposer que cette piste pourrait être explorée. Elle a en effet indiqué que des modules obligatoires « Patrimoine » seraient mis en place dans les écoles nationales supérieures d'architecture à compter de l'année universitaire 2018-2019 pour former leurs étudiants aux enjeux de réutilisation du patrimoine bâti. Votre rapporteur pour avis se félicite de l'ouverture de ce nouveau chantier. Il avait noté l'an dernier que la législation actuelle n'encourageait pas suffisamment les projets permettant la réutilisation des monuments historiques, qui constitueraient pourtant un moyen d'assurer leur conservation, tout en les faisant vivre et en favorisant leur ouverture au public.

La réflexion en cours sur l'avenir du Mont-Saint-Michel suscite enfin des inquiétudes compte tenu de la place particulière du monument au sein de son réseau, qui totalise à lui seul environ un huitième des entrées réalisées par le CMN. Il n'a pas été précisé à ce stade le rôle qui serait confiée au CMN par rapport à l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dont la création a été annoncée. S'il n'était pas partie à l'EPIC, comme c'est le cas pour le domaine national de Chambord, le CMN perdrait alors la gestion du Mont-Saint-Michel. Cette décision serait lourde de conséquences sur l'équilibre financier de l'établissement et sur son image d'expertise en matière de développement culturel des territoires.

*

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 29 NOVEMBRE 2017

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La commission procède à l'examen du rapport pour avis sur les crédits « Patrimoines » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

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M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines » . - Le programme 175, « Patrimoines », regroupe les monuments historiques, les musées, l'archéologie, les archives et le patrimoine linguistique. Les crédits sont à peu près constants par rapport à l'année dernière, avec des modifications importantes et des perspectives intéressantes sur le plan financier.

À périmètre constant, les crédits de paiement (CP) s'élèvent à 900 millions d'euros et les autorisations d'engagement (AE) à 930 millions d'euros, soit une baisse de 3 % par rapport à l'an dernier, mais le taux de mise en réserve des crédits passe de 8 %, ce qui était considérable, compte tenu de la relative modestie du budget, à 3 %, dans un souci de sincérité budgétaire. Cette diminution répond à une demande de longue date de la commission. Elle se traduira par des marges de manoeuvre supplémentaires.

Les priorités ne sont pas fondamentalement bouleversées par rapport à l'année précédente. Je note néanmoins deux nouveaux objectifs, qui correspondent à deux préoccupations de notre commission depuis un certain nombre d'années : d'une part, l'accès d'un plus grand nombre à la culture et, d'autre part, l'attractivité des territoires et la revitalisation des centres anciens, dont nous connaissons les difficultés. C'est important, compte tenu du lien entre le patrimoine et notre histoire et de sa possible contribution au dynamisme de notre économie, à travers le tourisme.

Le financement de ces priorités se fera à budget constant. Il y aura, par conséquent, un certain nombre de redéploiements sur les deux parties principales de ce programme, les musées et le patrimoine.

La politique des musées est la partie la moins bien traitée de ce budget, puisque les crédits enregistrent une baisse de 2 % en CP et de 10 % en AE. Cette diminution s'explique notamment par les efforts qui ont été demandés aux grands établissements que sont le Louvre et le musée d'Orsay, qui ont des budgets solides et la capacité de diversifier leurs sources de revenus - nous l'avons vu récemment avec l'inauguration du Louvre Abu Dhabi. Néanmoins, leurs marges sont plus faibles qu'il n'y paraît, parce qu'ils sont très fortement sollicités, et d'abord pour favoriser l'accès de tous à la culture. Comment les musées pourront-ils anticiper les attentes des publics, qui évoluent, avec des dépenses d'investissement limitées ? C'est la question que soulève la diminution des crédits.

Les crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections sont également en baisse de 4,5 %. Or, si le mécénat est important - on le voit actuellement, avec la grande souscription lancée par le Louvre pour l'acquisition du Livre d'heures de François I er -, on sait que l'acquisition d'une nouvelle oeuvre entraîne une hausse importante de la présence du public, au moins pendant les semaines et les mois qui suivent l'acquisition.

J'ajoute que la billetterie des musées, comme des autres monuments, a été mise à mal ces dernières années par les baisses de fréquentation - de l'ordre de moins 9 % en 2016 - enregistrées à la suite des attentats de Paris. Aujourd'hui, les chiffres laissent apparaître une reprise de la fréquentation, mais nous n'avons pas retrouvé le niveau d'avant les attentats.

Pour ce qui est du patrimoine monumental et des espaces protégés, le budget est incontestablement plus satisfaisant. Les crédits de restauration et d'entretien, hors grands projets, sont respectivement reconduits à un niveau identique et à un niveau accru pour les monuments historiques n'appartenant pas à l'État, ce qui me paraît important.

La mission confiée par le Président de la République à Stéphane Bern sur le patrimoine en péril et la présentation récente par la ministre d'une stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine - je me félicite de cette nouveauté - sont le signe d'un regain d'intérêt manifeste pour nos monuments.

Deux rapports importants y ont contribué au début de cette année : le rapport de Martin Malvy sur l'attractivité touristique du patrimoine et le rapport de notre ancien collègue Dauge sur la revitalisation des centres anciens dégradés. Une expérimentation vient d'être lancée dans dix-sept villes de France, situées dans trois régions pilotes, Centre-Val de Loire, Grand Est et Occitanie. Le ministère leur apportera une aide pour conduire des projets de revitalisation, qui vont au-delà du simple patrimoine pour concerner aussi le commerce, qui s'effondre dans les centres-villes de ces petites communes, ou l'habitat dégradé. Cela va de pair avec le « plan villes moyennes » lancé par le ministère chargé de la cohésion des territoires. La liste des dix-sept communes figurera au sein du rapport définitif.

Outre le lancement de cette expérimentation, je note plusieurs perspectives intéressantes pour le patrimoine.

La première d'entre elles est la création du loto du patrimoine. Déjà, en 2006, j'avais rédigé, avec Philippe Richert, un rapport sur le financement du patrimoine dans lequel nous demandions la création d'un tel loto, et nous ne faisions alors que relayer des demandes préexistantes. On nous objectait, alors, une impossibilité technique absolue.

Je me réjouis que la médiatisation serve le patrimoine. Aujourd'hui, la décision est prise : il y aura un jeu de tirage et un jeu de grattage. La Française des jeux en évalue le résultat entre 5 et 20 millions d'euros. On est encore loin du compte - les crédits ne dépassent pas 300 millions d'euros, alors que les besoins en matière de patrimoine sont évalués à 400 millions d'euros -, mais c'est une grande avancée, que je tiens à saluer.

La seconde avancée importante est le fonds de 15 millions d'euros destiné à accompagner les petites communes à faible potentiel financier dans la sauvegarde des monuments historiques situés sur le périmètre de leur territoire. La subvention qu'accorde l'État par l'intermédiaire des DRAC serait bonifiée, jusqu'à 80 %, sous réserve que la région participe au financement de l'opération. L'État constate que le patrimoine n'est plus financé du tout dans de nombreux départements, ces derniers ayant d'autres priorités, avec, notamment, des dépenses sociales très importantes. Seules trois régions financent le patrimoine actuellement - c'est le cas de la région Grand Est. L'État souhaite que toutes les régions s'y mettent, d'où la condition mise à l'octroi de cette subvention.

Restent des inquiétudes, que les auditions n'ont pas levées. Tout d'abord, l'effort supplémentaire de 1 million d'euros pour les espaces protégés qui doit aussi servir à financer l'expérimentation du plan Dauge, dont le coût est évalué à 2,2 millions d'euros, est nettement insuffisant, d'autant que dix-huit demandes de labellisation de communes au titre des sites patrimoniaux remarquables sont en instance. Dans ces conditions, les crédits d'études pourront difficilement être financés.

Rien n'est prévu non plus pour assouplir la fiscalité Malraux. La commission des finances l'a regretté, alors que le dispositif actuel est ancien et qu'il est essentiel pour relancer l'investissement privé dans les centres anciens dégradés.

De même, aucune disposition nouvelle n'a été prévue pour faciliter et encourager le mécénat des entreprises, alors que la Fondation du patrimoine, qui joue un rôle essentiel, pâtit de la baisse de l'une de ses principales ressources, issue des successions en déshérence. Cette ressource, créée sur proposition du Sénat voilà quelques années, a chuté de plus de 50 % en deux ans. Bercy a indiqué au rapporteur spécial de la commission des finances que les progrès de l'informatique et les recherches de plus en plus approfondies ont permis de donner satisfaction aux héritiers inconnus, au grand dam du patrimoine.

Les propriétaires de monuments privés m'ont également fait part de leurs préoccupations. Beaucoup connaissent des difficultés. Le ministère indique qu'environ 10 % des crédits globaux du patrimoine sont consacrés aux monuments privés. Il est malheureusement impossible de le vérifier car la présentation du budget ne permet pas de connaître la ventilation entre monuments privés et monuments appartenant à l'État ou aux collectivités.

Je veux également évoquer la situation de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Sa dotation budgétaire est à peu près constante, avec 132 millions d'euros, dont 119 correspondent à la redevance d'archéologie préventive, qui a été budgétisée voilà quelques années. Les tensions sont actuellement très fortes entre l'Inrap, les archéologues dépendant des collectivités territoriales et les archéologues privés, au point que l'Autorité de la concurrence a été saisie. Elle vient de clore la procédure suite à plusieurs engagements de la part de l'INRAP.

Pour terminer, je veux dire un mot du Centre des monuments nationaux, le CMN, dont la subvention d'investissement a été reconduite à un niveau identique à l'an dernier. Cette subvention reste nettement insuffisante, compte tenu du rôle essentiel que joue le CMN pour entretenir les grands monuments qui lui sont confiés.

Le CMN a deux inquiétudes. La première est liée à l'effondrement de la fréquentation de certains monuments à la suite des attentats - moins 25 % pour l'Arc de Triomphe, moins 15 % pour la Conciergerie, moins 14 % pour Notre-Dame en 2016. Comme pour les musées, la fréquentation a repris, mais la baisse des ressources est importante. La seconde inquiétude concerne l'EPIC qui va être créé pour gérer le Mont-Saint-Michel, fleuron du patrimoine du CMN. Il serait particulièrement regrettable que le CMN en soit exclu.

Il faudra que nous soyons très vigilants sur la mise en oeuvre de la stratégie pluriannuelle du patrimoine, novation que je salue. Elle permettra de stabiliser les crédits qui, par le passé, ont trop souvent été la variable d'ajustement du budget du ministère.

Sous cette seule réserve, et compte tenu de l'accent particulier mis sur l'éducation artistique et culturelle pour tous et le patrimoine, à travers le loto, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

M. André Gattolin . - Je félicite les rapporteurs de leur travail. Le budget de la culture a été particulièrement entamé de 2011 à 2014. Il n'a été redressé qu'à partir de 2015-2016. Celui de 2018 s'inscrit dans une logique de consolidation. On sort de l'aberration budgétaire que constituait la mise en réserve de 8 %. Pour avoir été rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture » à la commission des finances, j'ai pu voir les coups de rabot auxquels cette pratique donnait lieu...

Je relève une volonté transversale de mettre en oeuvre, de la manière la plus effective possible, la démocratisation des savoirs et de l'accès à la culture. C'est une grande arlésienne du ministère de la culture depuis sa création en 1959. Les maisons de la culture, les maisons des jeunes et de la culture, un certain nombre de politiques muséales ont permis, pendant les quinze premières années de l'existence de ce ministère, d'aller vers un élargissement des publics et un accès démocratique à la culture, mais force est de constater que, depuis trente ans, comme l'ont montré les rapports de Bernard Latarjet, si tout le monde contribue au budget de la culture par l'impôt, la culture n'est consommée que par 30 à 40 % de la population. Ce sont les plus jeunes, les plus âgés et les plus défavorisés qui y ont le moins accès.

Madame Robert, on ne peut à la fois déplorer que l'on ne consacre que 5 millions d'euros du budget 2018 à faire des études pour rendre le Pass culture opérationnel et regretter qu'on ne le mette pas en oeuvre tout de suite.

Je connais bien le système mis en place en Italie. Celui-ci a été décidé à une vitesse hallucinante par le gouvernement Renzi, ce qui explique une grande partie de ses dysfonctionnements. La mise en place de tels systèmes, dont les objectifs peuvent être contradictoires, m'inspire toujours des inquiétudes. Néanmoins, le Pass culture est peut-être aujourd'hui l'un des rares moyens qui permettra de rapprocher la culture d'une partie de la population. En effet, il s'adresse non seulement aux étudiants, mais aussi aux jeunes non qualifiés, parfois déjà actifs. Prenons le temps de réfléchir à la meilleure manière de procéder. En Italie, les détournements étaient notamment liés au fait qu'une grande partie des jeunes n'avaient même pas accès au numérique. Ils revendaient leur coupon pour acheter des tablettes au noir. Nous ne sommes pas tout à fait dans la même situation. L'année à venir promet des réflexions intenses sur la manière dont on peut mettre en place le Pass.

Le groupe La République en marche donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Sonia de la Provôté . - Nous souscrivons à beaucoup d'observations de Mme Robert. Le Pass culture mérite que l'on s'y attarde. Évidemment, nous nous interrogeons sur le montant de 5 millions d'euros et sur son mode de financement. Nous devons dès maintenant avoir des perspectives sur les orientations budgétaires et sur les redéploiements de crédits qui résulteront de la mise en place du Pass.

Sur le fond, il est logique que nous ne disposions pas encore de toutes les clés de compréhension du dispositif. En revanche, nous savons ce dont nous ne voulons pas. Il ne faut pas que le Pass culture soit le vecteur incontrôlé d'une politique de promotion d'une offre culturelle standardisée. Il ne faudrait pas que, sous l'effet d'algorithmes individuels, les propositions culturelles faites aux jeunes soient complètement centrées sur leurs goûts et leurs appétences, alors que l'objectif est aussi de leur ouvrir des horizons culturels. Le Pass culture n'a de sens que s'il est adossé à des dispositifs pédagogiques et de médiation culturelle qui accompagnent le jeune jusqu'à ses dix-huit ans. Cela pose la question d'une politique très construite, articulant culture et éducation. Le ministère de l'éducation nationale et celui de la culture affichent leur coopération pour que les jeunes puissent profiter au mieux du Pass. Nous nous interrogeons sur les contenus en fonction de l'âge, du parcours du jeune... Pour l'heure, nous ne disposons d'aucune précision, y compris sur les moyens.

La proposition de Mme Robert d'associer les parlementaires à l'élaboration du dispositif paraît pertinente, voire indispensable.

On ne peut que se réjouir de l'augmentation des crédits de 3 millions d'euros pour les conservatoires, même si nous sommes loin d'avoir rattrapé les niveaux d'avant 2012. L'essentiel est fléché sur le « plan chorales ». Nous n'y sommes pas opposés - c'est même plutôt une bonne idée -, mais la question du recentrage des conservatoires sur leur vocation première, à savoir l'enseignement artistique, doit être posée : à les entraîner vers des propositions trop diverses et à les sortir de leur rôle principal, on risque de favoriser une inadéquation entre les moyens et les objectifs premiers qui sont les leurs - être une référence pour les formateurs et construire l'excellence.

Nous ne donnons pas de blanc-seing à la mission « Culture », même si beaucoup d'éléments nous paraissent extrêmement positifs. Des perspectives doivent être dessinées. Nous espérons que nous disposerons, lors du prochain budget, d'une vision claire dans le temps des propositions en matière de culture.

En matière de patrimoine, la baisse des crédits alloués aux musées est, finalement, la sanction de la réussite des efforts réalisés par ces derniers. Se posera toutefois la question de la marge budgétaire des musées, dont on sait bien qu'ils sont de formidables vecteurs de culture et d'activité économique, au travers notamment du tourisme.

Nous nous réjouissions de l'organisation d'un loto du patrimoine. Il est pertinent d'avoir fléché cette participation vers la Fondation du patrimoine, qui est un système souple, réactif, très implanté sur le plan territorial, extrêmement performant et très reconnu par les citoyens. Sur le plan local, la Fondation du patrimoine est une référence sur les questions patrimoniales, y compris pour ce qui concerne le patrimoine non classé.

Néanmoins, des questions se posent. Quid de l'accompagnement des collectivités et des associations après la suppression de la réserve parlementaire ? Le compte n'y est pas. Il faudra suivre de près ce sujet.

La question du patrimoine culturel du XX e siècle, qui concerne beaucoup de centres-bourgs et de centres-villes, est colossale mais pas complètement traitée. Pour l'instant, ce patrimoine n'a pas fait l'objet d'un inventaire précis. Or, les bâtiments, construits au même moment, se dégradent massivement au même moment. Ce patrimoine mérite, à l'avenir, une politique et des financements spécifiques.

Il faut faire le bilan de la loi de 2003 sur le mécénat et renforcer celui-ci.

L'accès du plus grand nombre à la culture est un objectif. Il faut renforcer et encourager les structures d'acculturation aux questions d'architecture, de patrimoine, d'aménagement. Une culture commune est nécessaire si l'on veut à la fois envisager, demain, une amélioration qualitative pour nos villes et nos paysages et donner les clés de compréhension du patrimoine à nos citoyens.

M. Pierre Laurent . - Nous discutons d'évolutions minimes. À nos yeux, le budget de la culture reste d'une insigne faiblesse. Cela dure depuis des années. Nous ne sommes décidément pas à la hauteur des enjeux structurels.

Je continue de m'inquiéter des perspectives plus générales qui ont été révélées dans la presse. La ministre nous a dit de ne pas nous affoler, qu'il ne s'agissait que d'un recensement des pistes étudiées et que rien n'était tranché, mais il n'y a, dans cette liste, que des perspectives inquiétantes.

Il ne faut pas oublier que tout cela s'inscrit dans une situation de fragilisation générale du secteur. Je rappelle que 59 % des collectivités territoriales ont réduit leur budget culturel.

Nous nous inquiétons particulièrement de plusieurs signes de fragilisation du soutien à la création et de l'emploi culturel. On ne peut pas nous dire que la priorité est maintenant donnée à la diffusion et à la démocratisation, parce que la démocratisation sans soutien à la création ne fonctionne pas.

On note un léger progrès sur l'éducation artistique, mais nous restons très vigilants, voire inquiets sur l'évolution du Pass culture, sur son contenu et son soutien éventuel à des politiques publiques réelles menées en direction des jeunes et des enfants tout au long de leur scolarité, en lien avec le soutien à la création et à la diversité culturelles.

Enfin, je renouvelle mon souhait que l'on puisse auditionner au plus vite M. Roch-Olivier Maistre, peut-être avant même que la ministre ne rende ses conclusions sur la « maison commune de la musique ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - C'est prévu.

Mme Françoise Laborde . - Je souscris à de nombreuses remarques de Sonia de la Provôté. Il aurait peut-être mieux valu ne pas accorder tout de suite « autant » d'argent au Pass culture et en consacrer davantage à l'EAC, pour permettre à celui-ci de monter en puissance.

Le « plan conservatoires » n'en est pas un... Ce nom est presque une tromperie ! Il s'agit en fait d'un « plan chorales ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Tout à fait !

Mme Françoise Laborde . - Bien sûr, nous sommes attachés à l'emploi dans la création. Cependant, nous savons également que les oeuvres créées sont assez peu diffusées. L'aide à la diffusion est elle aussi très importante.

Tous les budgets présentent des incohérences. Ils privilégient telle ou telle ligne, selon des choix politiques, au sein d'une enveloppe qui reste plus ou moins la même. Aujourd'hui, ce sont les collectivités qui subiront une double peine, puisque certains budgets diminuent, faisant naître des inquiétudes.

Pour ce qui concerne les musées, j'espère que la diminution des budgets du Louvre et d'Orsay se fait au bénéfice des musées de province.

Les expérimentations dans les régions sont positives, mais elles sont rarement étendues à toutes les régions, parce que l'on se rend compte qu'elles coûtent cher.

Cela dit, le groupe du RDSE sera favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Bruno Retailleau . - Je veux revenir sur le Pass culture. Le bonus cultura italien est un mauvais exemple. La modernité ne vient pas toujours de Paris ; elle vient parfois des territoires. J'ai lancé un Pass culture dans la région Pays de la Loire voilà vingt ans. Le ministère ne doit pas se lancer dans une usine à gaz qui n'aurait d'autre effet que d'accroître les tendances de consommation culturelle des jeunes de dix-huit ans.

Depuis vingt ans, de nombreuses régions ont lancé un dispositif de Pass culture ou de Pass culture-sport. Il est inconcevable que l'État lance une initiative similaire sans les consulter, alors que les régions ont désormais une expertise, pour les jeunes de dix-huit ans comme pour les lycéens. Pour le moment, je ne vois aucune articulation, aucune réflexion commune entre les régions et l'État. C'est le vieux monde ! Il faut demander à l'État ce tuilage avec les régions.

Quand nous avons lancé le Pass culture en région, nous avons rencontré de nombreux obstacles. Nous sommes parvenus à surmonter ces difficultés. Nous sommes prêts à mettre notre expérience à la disposition du ministère.

Mme Maryvonne Blondin . - Je veux à mon tour remercier les rapporteurs, notamment de la possibilité nouvelle, intéressante et importante, qu'ils nous ont laissée de participer aux auditions.

Certes, ce budget marque une hausse des crédits du programme 224. Cependant, son augmentation globale de 1,1 % se fait au prix d'une baisse des crédits du patrimoine.

Lors de l'examen des précédents budgets, nous avons considéré que la création était riche, mais la diffusion très pauvre. Il est important d'appuyer ce secteur.

Les collectivités territoriales vont se retrouver confrontées à des budgets en diminution. Si l'on y ajoute les baisses des dotations de l'État, on comprend que les artistes et les entreprises culturelles se retrouvent dans une situation quelque peu difficile.

Madame Robert, vous avez soulevé les points sur lesquels nous devons faire preuve de vigilance. La situation est aggravée par le coût des mesures de sécurité. À cet égard, je regrette l'imprécision de certaines des réponses que la ministre nous a données lors de son audition. Nous avons beaucoup d'interrogations sur le transfert du fonds d'urgence.

Je veux attirer l'attention sur le Fonpeps, qui a démarré en 2017. Celui-ci constitue un vrai point d'équilibre dans l'accord que nous avions trouvé en avril 2016. Quatre de ses mesures restent à définir. Je crains, compte tenu de la baisse de son budget, qui passe de 55 à 25 millions d'euros, que cette pérennisation des emplois du spectacle ne se trouve menacée, d'autant que l'une des mesures consistait en une aide.

Nous nous sommes mobilisés pour les « matermittentes », pour l'accès aux droits sociaux des femmes intermittentes du spectacle. L'une des mesures du Fonpeps prévoit des aides à la garde d'enfants des intermittents. Pourra-t-elle être mise en application ? Je crains que nous ne soyons déçus sur ce plan.

Pour ce qui concerne l'EAC, il faudra évidemment des artistes pour respecter les jumelages et assurer les pratiques artistiques dans les écoles. Beaucoup de ces pratiques existent déjà dans des collectivités. Elles sont aussi assurées par les quelque 35 000 associations culturelles et entreprises solidaires et culturelles de France. Elles connaissent de véritables difficultés, parce qu'elles employaient des contrats aidés, qu'elles pérennisaient par la suite.

Bien évidemment, le groupe socialiste et républicain donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Colette Mélot . - De nombreux sujets attirent notre vigilance, notamment le Pass culture. Comme l'a dit Bruno Retailleau, il faut trouver une liaison entre les régions et l'État. L'intérêt d'un Pass culture organisé par le ministère est de lui donner une plus large audience, mais il faut prendre en compte ce qui existe déjà.

Je regrette que de nombreux points aient été laissés de côté : je pense au classement des conservatoires.

Il convient, bien sûr, de mettre l'accent sur les difficultés des collectivités locales, lesquelles ne leur permettent pas de considérer la culture comme une priorité.

Il est vrai que l'accès à la culture se fait souvent au détriment du patrimoine, les politiques conduisant à la gratuité représentant autant de manque à gagner pour les musées et les monuments nationaux.

Le « loto du patrimoine » est une bonne idée.

Le rapport de M. Yves Dauge, que la commission auditionnera prochainement, apportera sans aucun doute une contribution intéressante pour la revalorisation des centres anciens dégradés.

Le groupe Les Indépendants - République et Territoires est favorable à l'adoption des crédits de la mission, tout en demeurant vigilant.

M. Alain Schmitz . - J'ai eu la chance de pouvoir exercer les fonctions de délégué de la Fondation du patrimoine en région Île-de-France pendant trois ans.

Les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire seront réellement dramatiques pour les plus petites communes en matière de restauration du patrimoine. La ministre de la culture a indiqué qu'elle avait débloqué une enveloppe de 15 millions d'euros pour venir en aide aux communes de moins de 2 000 habitants, ce qui est dérisoire par rapport aux besoins de nos communes, notamment rurales. Restaurer un édifice en effectuant des reprises en sous-oeuvre représente souvent plusieurs fois le budget que la commune peut consacrer chaque année à ce type de travaux.

Effectivement, le nombre des successions en déshérence, élément moteur pour la vie même de la Fondation du patrimoine, a chuté de manière vertigineuse : en l'espace de trois ans, la recette correspondante est passée de 15 millions d'euros à 5 millions d'euros. Les plateformes de participation ne pourront pas compenser cette chute.

Bref, il est absolument indispensable, indépendamment du loto et de toutes les mesures annexes, que l'État fasse un effort en direction des petites communes, surtout en matière de patrimoine non protégé.

M. Pierre Ouzoulias . - Je partage les vives inquiétudes qui viennent d'être exprimées, d'autant que je suis moi-même très dubitatif par rapport à certaines mesures qui ont été annoncées, notamment la mission d'identification du patrimoine immobilier en péril, qui est considérée comme un outil novateur et dont l'objectif est de « signaler un bâtiment présentant un intérêt patrimonial ». Cela existe déjà aujourd'hui : c'est la base Mérimée, accessible sur Internet et constituée par les services de l'inventaire général du patrimoine culturel, créé par André Malraux, qui ont fait un travail exemplaire.

Je doute que des monuments puissent aujourd'hui ne pas être recensés dans la base Mérimée. Laisser accroire aux particuliers qu'ils pourraient concevoir eux-mêmes un outil qui existe déjà, témoigne, au mieux, d'une méconnaissance du ministère et, au pire, d'une méfiance à l'égard d'un travail scientifique réalisé pendant des années. Malheureusement, la personnalité médiatique de Stéphane Bern me fait plutôt envisager la seconde hypothèse...

En tant qu'historien, je suis inquiet, parce que je trouve que cela s'inscrit dans un mouvement de fond qui consiste à dire que les historiens ont privé le peuple de sa relation directe avec le patrimoine. Ce discours populiste est extrêmement dangereux.

Au reste, cela n'apporte ni des crédits ni des fonctionnaires en région pour gérer les dossiers, alors que ces besoins restent fondamentaux. Le « loto Bern » ne garantira pas qu'il y ait toujours, dans les DRAC, des agents pour monter les dossiers, en relation avec les architectes en chef.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je me joins aux remerciements de Maryvonne Blondin sur l'ouverture des auditions à l'ensemble des membres de la commission. C'était une excellente idée.

Ce budget comporte des points positifs : il prend en compte les recommandations d'Yves Dauge, crée un fonds spécifique, doté de 15 millions d'euros, pour la restauration du patrimoine des communes de moins de 2 000 habitants...

Toutefois, après transferts, les crédits du programme « Patrimoines » sont en baisse de près de 4 % en AE et de 0,28 % en CP, d'après les chiffres de la loi de finances rectificative. À périmètre constant, la baisse est effective, compte tenu notamment du déplacement des crédits vers le programme 224.

Selon moi, le budget n'est pas en cohérence avec les propos de la ministre, qui, lors de son audition, a déclaré que le patrimoine constituerait un axe fort.

Les crédits du patrimoine monumental baissent de 0,46 %, alors que ce secteur connaît une situation critique depuis quinze ans et que la question de l'entretien des monuments historiques est une mission majeure pilotée par l'État. Cette diminution n'est donc vraiment pas pertinente.

De même, les crédits de l'action 3, « Patrimoine des musées de France », et de l'action 8, « Acquisition et enrichissement des collections publiques », connaissent une baisse préoccupante : elle va impacter les petits musées de province qui vivent principalement des subventions de l'État. Je crains que ce ne soit un coup porté à la revitalisation des centres-bourgs.

Revenir sur les crédits de l'archéologie préventive, qui sont en baisse de 1,1 %, c'est réduire d'autant les moyens de poursuivre les projets déjà engagés des centres de conservation et d'étude, les CCE, ou de financer de nouveaux projets. Je rappelle que les CCE jouent un rôle majeur en matière de conservation du patrimoine archéologique, dans le double but de favoriser la recherche et de valoriser ce patrimoine. C'est fondamental dans les territoires, non seulement pour l'accès de tous aux éléments de l'histoire locale, qui est un élément fort du lien social, mais aussi pour favoriser l'acceptabilité des recherches archéologiques, en particulier de l'archéologie préventive.

Je ne remets pas en cause l'intérêt de la création du loto du patrimoine, mais je regrette qu'il soit organisé au profit de la seule Fondation du patrimoine, et qu'on ne permette pas, par exemple, au CMN d'en bénéficier également.

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M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis . - J'ai bien enregistré l'ensemble des remarques. Lundi, je m'efforcerai de les reprendre, même si le temps de parole des rapporteurs pour avis est limité à trois petites minutes...

Monsieur Ouzoulias, je rendrai hommage à l'inventaire du patrimoine, dont je connais le travail remarquable depuis des années.

Madame Laborde, les crédits consacrés aux musées, hors Louvre et Orsay, sont constants. La baisse globale s'explique par la diminution des crédits alloués à ces deux grandes institutions.

Je reprendrai ce qu'a dit Alain Schmitz pour la réserve parlementaire. Il faut y ajouter, d'ailleurs, le désengagement des départements, pour les raisons que j'ai indiquées. Le patrimoine voit ses sources de financement taries, d'où l'importance des revenus extérieurs, de l'État, dont j'espère qu'elles contribueront à financer le patrimoine. Cela dit, chacune est libre de faire ce qu'elle veut, la compétence n'étant pas obligatoire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous avons bien noté les réserves de nos rapporteurs sur ces budgets. Si les intentions sont bonnes, certaines imprécisions suscitent des inquiétudes.

J'émets les plus grandes réserves sur le Pass culture. Une mission a été confiée à quatre inspecteurs généraux du ministère de la culture. Ils se sont rendus en Normandie. Je les ai également reçus au Sénat. Ils ne semblaient pas manifester un grand enthousiasme pour le Pass...

La somme de 140 millions d'euros doit être mise en perspective avec les crédits alloués à l'éducation artistique et culturelle et avec le déficit qui persiste toujours pour nos conservatoires. Je rappelle que la ligne dédiée aux conservatoires de l'État, pour l'accompagnement de la mission de celui-ci, l'enseignement supérieur et préprofessionnel, s'élevait à 35 millions d'euros en 2012. Puis, la ligne commence à baisser, jusqu'à être supprimée puis rétablie. Aujourd'hui, avec 3 millions d'euros supplémentaires, on n'arrive qu'à 20 millions d'euros...

On aurait déjà pu retrouver une ligne budgétaire normale, celle d'avant la chute drastique du budget de ces établissements, aujourd'hui essentiellement financés par nos villes, voire nos intercommunalités avec les plus grandes difficultés. Nous devons être attentifs car ces établissements d'enseignement artistique sont des pôles ressources pour un territoire de référence. S'ils doivent assumer un certain nombre de missions que leur confère le ministère, il faut aussi qu'ils soient confortés dans leurs missions premières.

D'ailleurs, je note que le « plan chorales » concerne, en réalité, le premier cycle, qui, selon la loi de décentralisation de 2004, relève plutôt des communes. Les crédits auraient plutôt dû être inscrits sur le budget du ministère de l'éducation nationale, en lien avec les communes, le ministère de la culture continuant à jouer son rôle au niveau des troisièmes cycles.

Notre rapporteure nous a proposé de suivre de près la mise en oeuvre du chantier de l'éducation artistique. Ne serait-il pas pertinent d'y ajouter les enseignements artistiques ? Ces sujets sont liés.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Absolument !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Enfin, je vous propose de constituer un groupe de travail sur le Pass Culture.

Il en est ainsi décidé .

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de la culture

MM. Vincent BERJOT, directeur général des patrimoines et Kévin RIFFAULT, sous-directeur des affaires financières et générales

Centre des monuments nationaux

MM. Philippe BÉLAVAL, président et François MOYSE, directeur administratif, juridique et financier

EVEHA- Études et Valorisations Archéologiques

M. Julien DENIS, président

Fondation du patrimoine

Mme Célia VÉROT, directrice générale , et M. Guy SALLAVUARD, directeur des relations institutionnelles et de l'action internationale

G8 Patrimoine

MM. Alain de LA BRETESCHE et Bertrand PERRET, respectivement président et administrateur de Patrimoine Environnement ,

M. Eric CHALOUB, trésorier de Maisons paysannes de France,

M. Alexandre GADY, président de Sites et Monuments,

M. Philippe TOUSSAINT, président de Vieilles maisons françaises,

MM. Jean de LAMBERTYE et Thierry NOUVEL, respectivement président et directeur général de La Demeure Historique

Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)

MM. Dominique GARCIA, président , Daniel GUÉRIN, directeur général , et Olivier PEYRATOUT, directeur général délégué adjoint

Sur la mission de réflexion sur la revitalisation des centres anciens dégradés

MM. Yves DAUGE, ancien sénateur et maire de Chinon, président de l'association des centres culturels de rencontre, président de l'association des biens français du patrimoine mondial, président d'honneur de l'association des sites et cités remarquables de France , Jean-Michel GALLEY, chargé de mission connaissance et mise en valeur des patrimoines à l'association des Sites et cités remarquables de France et Jacky CRUCHON, expert en urbanisme et patrimoine auprès de l'association des Sites et cités remarquables de France

Contributions écrites :

Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale (ANACT)

M. Martin MALVY, ancien ministre, ancien président de région Midi-Pyrénées, président de l'association Sites et cités remarquables de France, autour de son rapport « 54 suggestions pour améliorer la fréquentation touristique de la France à partir de nos Patrimoines »

ANNEXE

Audition de Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture

___________

MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous remercie, madame la ministre, de venir pour la deuxième fois devant nous. Après avoir abordé, le mercredi 25 octobre dernier, la mission « Médias, livre et industries culturelles », vous nous présentez aujourd'hui les crédits de la mission « Culture ». Nous disposerons ainsi de tout le temps nécessaire pour vous interroger sur les nombreuses questions qui nous préoccupent, depuis l'application de la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, jusqu'aux dotations affectées à l'éducation artistique et culturelle ainsi qu'aux enseignements artistiques. La stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine, que vous avez présentée vendredi dernier, ouvre aussi un nouveau chantier de discussion.

Je vous remercie également d'avoir bien voulu apporter votre soutien à l'amendement que j'ai fait adopter par le Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Avec Sylvie Robert, nous étions très préoccupées par la situation des auteurs qui, à l'inverse de la plupart des personnes assujetties, ne pouvaient voir l'augmentation de la CSG compensée par l'abaissement d'une cotisation dont ils ne sont pas redevables. Souhaitons qu'une solution durable puisse être apportée afin de ne pas fragiliser un peu plus la situation des artistes-auteurs.

J'espère que nous pourrons également compter sur votre soutien pour que vive l'amendement que notre commission a adopté ce matin, qui vise à sortir de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière les monuments historiques dès lors que les propriétaires s'engagent à en conserver la propriété pendant au moins quinze ans, et à ouvrir leur demeure au public.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture . - C'est un budget non seulement préservé - comme s'y était engagé le Président de la République - mais conforté que je vous présente aujourd'hui. L'effort de l'État en faveur de la culture s'établira à près de 10 milliards d'euros l'an prochain.

Vous m'aviez donné l'occasion de m'exprimer largement, le 25 octobre dernier, sur ma politique en matière d'audiovisuel, ainsi que sur le livre et les industries culturelles. Je suis très heureuse de vous présenter aujourd'hui le budget de la mission « Culture ». Il s'établira à plus de 2,9 milliards d'euros, en hausse de près de 1,5 % par rapport à 2017, en tenant compte des débats intervenus à l'Assemblée nationale. Dans un contexte budgétaire contraint, le budget ainsi alloué au ministère de la culture en 2018 constitue un signal fort.

C'est la marque du rôle primordial attaché à la culture dans le projet présidentiel. Primordial comme levier d'émancipation, d'abord - l'accès à la culture peut aider ceux qui souffrent d'exclusion, dans notre pays, à relever la tête et à revenir dans le jeu ; primordial comme vecteur de cohésion, aussi, car tout ce que nous avons en commun - la langue, l'Histoire, le patrimoine, les valeurs - donne du sens à la solidarité.

Mais pour que la culture joue ce double rôle, il faut lutter contre les inégalités et les fractures qui la traversent elle-même. Tous les citoyens n'ont pas aujourd'hui la même autonomie dans leurs choix culturels : certains sont contraints par des déterminismes, par des barrières géographiques, sociales, économiques ou psychologiques.

Une grande partie de nos concitoyens n'a pas accès à l'offre et aux services culturels que ce ministère soutient. C'est à eux que je souhaite m'adresser en priorité. Nous irons au-devant de ceux que ce ministère n'a pas réussi à toucher jusque-là : dans les zones rurales et périurbaines, dans les villes moyennes, les outre-mer, les quartiers des politiques de la ville.

Pour cela, j'ai pris un parti clair : la politique culturelle que je porte est une politique culturelle de proximité. Ce budget en est la traduction directe : les moyens sont rééquilibrés en faveur des territoires. Sur la mission « Culture», les crédits déconcentrés auprès des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les directions régionales de l'action culturelle, seront portés, en 2018, à un niveau sans précédent : ils augmenteront de près de 43 millions par rapport à 2017, pour s'établir à 813 millions d'euros.

J'ai par ailleurs demandé à mes services d'examiner les missions et les crédits aujourd'hui gérés à Paris qui devraient ou qui pourraient être déconcentrés.

Pour conduire cette politique de proximité, nous nous appuierons sur nos opérateurs, dont le rôle national doit être pleinement mis en valeur. Nous soutiendrons aussi les associations, qui constituent un vecteur essentiel d'animation de la vie culturelle locale.

Nous coopérons encore plus étroitement avec les collectivités territoriales : j'ai proposé aux associations d'élus de bâtir pour cela un nouveau cadre de contractualisation, plus souple, plus solidaire. Nous avons travaillé ensemble à une déclaration commune qui marque notre volonté de refonder le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales en partant des projets dans les territoires, au profit notamment des plus fragiles et des plus éloignés de la culture et en systématisant l'éducation artistique et culturelle.

Nous nous appuierons sur quatre relais privilégiés. L'école, pour commencer. Pour que la culture soit un levier d'émancipation pour chaque citoyen, elle doit occuper une place structurante dans le développement de chaque enfant. Nous allons la mettre au coeur du nouveau modèle d'école bâti par le Gouvernement. C'est une ambition que je porte avec Jean-Michel Blanquer. Nous avons défini deux priorités : la pratique artistique et la lecture. Nous allons, d'ici à 2022, en faire une réalité hebdomadaire pour tous, de la maternelle au lycée.

Le budget de l'éducation artistique et culturelle augmentera significativement dès l'année prochaine : il sera donc de 114 millions d'euros, en hausse de 35 millions. Nous allons également renforcer le pilotage ministériel de cette politique. Les crédits étaient jusque-là dispersés : nous avons souhaité les rassembler au sein d'un seul et même programme et les renforcer.

Pour développer la pratique artistique, nous allons généraliser à court terme un outil simple et concret : les chorales. Trois millions seront consacrés à leur développement l'an prochain, aux côtés des moyens mobilisés par le ministère de l'éducation nationale. L'objectif est qu'un établissement sur deux soit doté d'une chorale à la rentrée de septembre 2018, contre un établissement sur quatre aujourd'hui, et d'atteindre 100 % des établissements dès l'année suivante. Je souhaite aussi qu'une « Fête de la musique à l'école » voie le jour : la première édition aura lieu le 21 juin 2018.

Nous développerons dès l'année prochaine les jumelages entre établissements scolaires et établissements culturels locaux : nos structures labellisées, les structures soutenues par les collectivités, comme les conservatoires, et les lieux patrimoniaux. L'objectif est d'atteindre 100 % d'écoles jumelées d'ici à 2022, pour favoriser les sorties et les activités culturelles. Nous soutiendrons aussi toutes les actions entreprises hors temps scolaire, évidemment.

Dans le prolongement de cet effort massif en direction des jeunes, nous mettrons en place le « Pass culture » : un passeport culturel pour accompagner l'entrée dans l'âge adulte et la citoyenneté. Il prendra la forme d'une application mobile qui permettra aux jeunes d'avoir un accès géolocalisé à l'offre de spectacles, aux différents biens culturels et aux pratiques artistiques. Pour le construire, je souhaite associer toutes les parties prenantes : les futurs usagers d'abord - c'est-à-dire les jeunes -, les partenaires publics et privés de l'offre et les collectivités territoriales. Nous créerons un premier événement de concertation et de co-construction, un « Open Lab » qui aura lieu en décembre. L'offre et son éditorialisation seront testées auprès des jeunes et une première version du Pass sera prête pour la rentrée de septembre 2018. Cinq millions d'euros sont prévus dans le budget 2018 pour mener ces étapes et concevoir l'outil.

Le second relai de notre politique culturelle de proximité, ce sont les bibliothèques. C'est un service public ouvert à tous et accessible sur tout le territoire. On en compte plus de 16 000 : c'est autant que de points de contact de La Poste. 90 % de nos concitoyens en ont une à moins de 20 minutes de chez eux. Elles sont le premier réseau culturel de proximité.

Comme vous le savez, j'ai confié une mission à Erik Orsenna, qui me rendra ses conclusions d'ici la fin de l'année. L'objectif est d'aider les bibliothèques à ouvrir plus largement. L'État apportera un accompagnement financier. Avec Gérard Collomb, nous avons engagé une mission conjointe de nos inspections pour quantifier les moyens à mobiliser.

Mais tout ne se résume pas à des moyens financiers. L'objectif est aussi d'aider les bibliothèques à ouvrir « mieux », pour devenir ce que j'appelle des « maisons de services publics culturels », c'est-à-dire des lieux qui proposent - comme elles sont déjà nombreuses à le faire - davantage que le seul prêt de livres : des services d'aide aux devoirs, des cours de français ou de langue étrangère, des ateliers d'aide à la rédaction de curriculum vitae ...

Nous allons accompagner ce mouvement dès l'année prochaine. Les DRAC se rendront disponibles pour réunir autour de la table les différentes parties prenantes - élus, bibliothécaires, structures sociales et associations locales - et accompagner les projets d'ouverture. J'ai posé un objectif : à la fin de l'année 2018, je souhaite que nous ayons aidé 200 bibliothèques, soit deux par département, à s'engager dans une transformation.

Le troisième relais de notre politique culturelle, de proximité, c'est le patrimoine, l'une des ressources culturelles les plus équitablement réparties sur notre territoire. Sur près de 45 000 monuments historiques protégés en France, la moitié se situe dans des communes de moins de 2 000 habitants.

J'ai présenté, vendredi dernier, ma « stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine », faite de 15 grandes mesures.

Comme vous le savez, elle s'appuiera sur un budget renforcé. Les moyens dédiés à l'entretien et à la restauration du patrimoine s'établiront à 326 millions d'euros en 2018, en hausse de 5 % par rapport à 2017. C'est un niveau qui n'a pas été atteint depuis dix ans. Ce budget sera sécurisé sur la durée du quinquennat : les 326 millions seront reconduits chaque année.

Nous dirigerons un effort particulier vers les petites communes et vers les territoires en situation de désertification, parce que le patrimoine peut y être un levier de revitalisation essentiel. Ainsi, parmi les 15 mesures, un fonds spécifique de 15 millions d'euros sera créé dès 2018 pour la restauration du patrimoine situé dans les communes de moins de 10 000 habitants, notamment les petites communes de moins de 2 000 habitants.

Une expérimentation sur la revitalisation des centres villes anciens est en train d'être conduite dans 17 villes de France. Plusieurs ministères y participent, dont le ministère de la culture, qui y consacrera 9 millions l'an prochain.

Enfin, j'ai annoncé que le Gouvernement proposera la création d'un « loto du patrimoine » pour le patrimoine en péril dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Il pourrait rapporter autour de 20 millions d'euros et serait affecté à la Fondation du patrimoine. Une plateforme est en ligne depuis vendredi dernier, pour accompagner la mission de Stéphane Bern sur le patrimoine en péril en permettant aux citoyens de signaler des monuments situés près de chez eux.

Enfin, dernier relai fondamental de notre politique culturelle de proximité : les artistes et les créateurs ; j'aurais pu commencer par-là, car il n'y a pas de vie culturelle sans eux. Leur soutien sera conforté l'an prochain et la dotation portée à près de 780 millions, avec, notamment, une hausse des crédits des structures labellisées. Les moyens nouveaux dégagés, 6 millions, seront réservés aux projets qui touchent les publics et les territoires éloignés : résidences dans des zones rurales ou des quartiers ; projets hors-les-murs, itinérance...

Pour soutenir la création, nous allons aussi continuer de veiller aux conditions de vie des professionnels.

Je rappelle que nous avons identifié une solution pour compenser la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs. Elle porterait sur la retraite de base et serait donc inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. J'ai annoncé dès mardi dernier à l'Assemblée nationale, que nous envisagions cette solution, qui est donc en cours d'expertise ; et un amendement a été voté ici même, au Sénat, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, permettant d'aller vers une telle solution. Un autre amendement avait également été déposé qui allait dans le même sens. Je tiens à saluer cet engagement du Parlement en faveur des artistes-auteurs.

Un mot également des artistes et techniciens intermittents du spectacle : nous serons bien sûr extrêmement attentifs à l'application de l'accord de 2016.

Pour soutenir la création, toujours, nous allons aussi l'aider à gagner en visibilité. Nous investirons dans de nouveaux lieux de diffusion. La Cité du théâtre aux Ateliers Berthier en est l'exemple le plus parlant ; elle réunira l'Odéon, la Comédie française, le Conservatoire national d'art dramatique. Je souhaite que nous lancions, en 2018, l'équivalent des Journées du Patrimoine pour la création, avec des portes ouvertes pour le public dans les lieux de création partout en France.

Pour soutenir la création, enfin, nous allons aider les filières à se structurer. J'ai rendu public, la semaine dernière, le rapport que j'avais commandé en juin dernier à Roch-Olivier Maistre sur la « Maison commune de la musique ». Il confirme la pertinence d'un opérateur public au service de toutes les musiques. Roch-Olivier Maistre présentera son rapport à l'ensemble de la filière dans les jours à venir et nous mènerons les consultations avec les organisations du secteur pour annoncer, au plus tard début janvier, les décisions du Gouvernement.

Pour soutenir la création, enfin, nous allons l'accompagner plus encore à l'international. Je mobiliserai l'Institut français - le ministère a, je le rappelle, retrouvé une cotutelle l'an dernier avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Nous allons par ailleurs renforcer largement le soutien aux musiciens français : j'ai proposé la semaine dernière un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, qui augmente à nouveau le financement du Bureau Export de 500 000 euros supplémentaires, sachant que le PLF prévoyait déjà une hausse de 800 000 euros. La contribution du ministère de la culture telle que je l'ai proposée est ainsi multipliée par quatre par rapport à son niveau de 2015.

J'ai de grandes ambitions pour la musique. Je suis prête à mobiliser toutes les administrations, et même d'autres ministères, au service de la filière.

Le droit à la vie culturelle et artistique est un droit fondamental pour tous ceux qui vivent dans notre pays, qu'ils soient nés ici ou à l'étranger. Mais il demeure, pour beaucoup, un droit théorique. Nous voulons en faire un droit réel pour tous, avec ce budget et grâce à cette politique culturelle de proximité.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis du programme « Patrimoines » . - Je vous remercie, madame la ministre, de votre intérêt pour les petites villes et les villages, dont les moyens financiers sont limités.

Comme chaque année, je m'inquiète de la sous-consommation des crédits de l'action « patrimoine monumental ». Comment y remédier ?

Mes auditions m'ont alerté sur un problème touchant certains monuments historiques privés ouverts au public. A l'occasion d'une succession ou en raison de difficultés financières auxquelles se heurtent les propriétaires, des châteaux sont vendus, qui se ferment du même coup au public, ou bien encore leur mobilier, leur bibliothèque, sont dispersés, les laissant comme des coquilles vides. Je pourrais vous citer un exemple dans mon département et il en est de nombreux en Île-de-France. C'est dramatique pour le patrimoine et pour son attrait touristique. L'amendement que notre présidente a fait adopter par notre commission ce matin sur l'exemption de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) pourra contribuer à améliorer les choses mais au-delà, ne serait-il pas urgent de lancer une politique d'aide aux propriétaires privés, sous la condition d'une ouverture au public ?

Ma troisième question, enfin, concerne l'application du rapport Dauge. Le lancement d'un programme de revitalisation des bourgs centres me semble une excellente initiative. J'ai bien noté que 17 petites villes avaient été retenues - dont deux dans mon département - mais j'aimerais en savoir plus sur les critères retenus. Comment le ministère interviendra-t-il, à court terme, pour aider les collectivités à réhabiliter un patrimoine menacé d'une irrémédiable dégradation ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous entendrons Yves Dauge au début du mois de décembre. Nous engageons une réflexion sur le sujet, en lien avec la délégation aux collectivités territoriales et la délégation aux entreprises.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Sur la consommation des crédits pour les monuments historiques, la comparaison entre la loi de finances et l'exécution fait traditionnellement apparaître un écart lié au gel de 8 % et aux redéploiements susceptibles d'être effectués vers d'autres secteurs patrimoniaux, selon les nécessités. Il n'y a donc pas d'incohérence. En 2017, 100 % des crédits disponibles seront exécutés. L'écart avec la loi de finances initiale sera donc réduit à la seule réserve de précaution.

Dans le cadre de ma stratégie pour le patrimoine, je me suis engagée à sanctuariser les crédits année après année, pour plus de visibilité sur les financements d'État. Le patrimoine, auquel les Français sont très attachés, ne doit plus être une variable d'ajustement. Lors des Journées du patrimoine, il y a eu 12 millions de visiteurs sur 17 000 lieux. Le succès du plan patrimoine et de la plateforme témoigne de l'intérêt de nos concitoyens.

Face au problème de la vente par les propriétaires privés, nous devons relever le défi de l'entretien et de la restauration des édifices. Les crédits seront sanctuarisés au cours du quinquennat à leur niveau de 2018 : 326 millions d'euros en autorisations d'engagement hors grands projets, soit une augmentation de 5 % par rapport à 2017.

Nous avons créé un fonds de 15 millions pour soutenir la restauration du patrimoine protégé en milieu rural. Les petites communes, sur lesquelles se concentre la moitié du patrimoine en péril, sont souvent démunies pour le protéger. Le fonds permettra de les aider, ainsi que les propriétaires privés.

Nous espérons que les ressources nouvelles issues du loto du patrimoine atteindront 20 millions d'euros, voire plus. La part revenant à l'État sera affectée à un fonds spécifique pour le patrimoine en péril, auprès duquel les propriétaires privés pourront aussi émarger.

La mission confiée à Stéphane Bern sur le patrimoine en péril permettra d'explorer de nouvelles pistes de financement pour l'entretien et de la restauration de nos édifices publics et privés. La réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la création de l'impôt sur la fortune immobilière sont neutres pour les monuments historiques. Ne sont assujettis que les biens dont la valeur vénale dépasse 1,3 million d'euros, après abattement de 30 % s'il s'agit d'une résidence principale.

Les monuments historiques bénéficient déjà, à juste titre, d'un régime fiscal favorable en matière de déduction des charges foncières ; l'effort fiscal de l'État est de 85 millions d'euros par an. Ils sont également exonérés de droits de succession si une convention est conclue avec l'État pour prévoir, notamment, leur entretien et l'accès au public. Mais je connais les préoccupations de certaines associations et des propriétaires de monuments historiques. Nous examinerons votre amendement avec attention.

Le rapport Dauge concerne la revitalisation des centres-bourgs. Le choix des villes est lié aux recommandations formulées par M. Dauge, en lien avec les élus locaux et les préfets. J'y attache beaucoup d'importance, ayant eu la chance, par le passé, de participer à la Commission nationale des centres culturels de rencontre. Nous défendons la culture de proximité. Je pourrais mentionner les Journées du patrimoine à Sedan, formidable exemple de revitalisation d'un centre-bourg ou l'initiative en cours à Briançon. Ramener de la vie dans les territoires en déclin fait partie de mes priorités.

Les premières actions concrètes qui seront mises en oeuvre consistent en un apport en ingénierie pour l'élaboration d'un projet de revitalisation dans l'ensemble de ses composantes. Je pense à la protection patrimoniale du logement, à l'espace public, mais aussi aux commerces culturels, comme les bibliothèques ou le cinéma. Tout cela peut contribuer à changer la configuration d'une ville.

Les Ateliers des territoires mobilisent les ministères de la culture, de la cohésion des territoires et de la transition écologique. Il y a beaucoup de réflexions en réunions interministérielles et les cabinets travaillent énormément.

Le ministère interviendra également pour financer les études préalables à la mise en place d'un site patrimonial remarquable pour les villes qui n'en sont pas dotées. L'enveloppe pour 2018 est passée de 8 à 9 millions d'euros.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - Sur les deux programmes dont je suis rapporteure, les décisions que nous allons prendre nous engageront collectivement pour les années futures. Des clarifications s'imposent.

Nous nous félicitons que l'éducation artistique et culturelle, qui bénéficie d'une augmentation de crédits, soit une priorité affichée de votre ministère.

J'ai toutefois une petite réserve : la hausse des crédits du programme 224 tient pour partie à des transferts en provenance d'autres programmes. Parmi ces transferts depuis le programme 131 se trouvent les crédits consacrés aux ateliers de fabrique artistique, qui touchent pourtant l'ensemble des habitants d'un territoire, pas seulement les jeunes. Attention à un changement de paradigme : ne fragilisons pas la création au bénéfice de la transmission, ce serait déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Il me semblerait important de généraliser les contrats locaux d'éducation artistique aux contrats territoriaux. Certaines collectivités participent beaucoup, d'autres moins. Comment l'État fera-t-il levier ? Et doit-il le faire ? Ce sont là de véritables enjeux d'aménagement du territoire et de démocratie culturelle. La notion de contrat nous permettra d'avoir une meilleure vision d'ensemble.

Je me réjouis que le ministère de l'éducation nationale s'investisse dans l'éducation artistique et culturelle. Mais il m'a semblé ne voir que trois millions d'euros de crédits. Me serais-je trompée ?

Vous prévoyez de consacrer cinq millions d'euros au lancement d'une application liée à la mise en place du Pass culture. En Italie, les résultats ne sont pas très concluants. Faisons donc preuve de mesure. Comment financerez-vous, dans les années à venir, la part de l'État - c'est-à-dire 140 millions d'euros, les deux tiers restants devant être financés par d'autres moyens, dont ceux des collectivités territoriales ? Là encore, il ne faudrait pas déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Sur le fond, l'idée est très sympathique. Le Pass culture permettra aux jeunes de dix-huit ans de dépenser 500 euros pour la culture. S'agit-il à vos yeux d'un véritable outil au service d'une politique publique culturelle ? Les écueils seront sans doute nombreux. Comment garantir la diversité artistique ? Comment orienter des jeunes, qui n'y sont pas forcément prédisposés par leur histoire, vers des formes culturelles qu'ils ne connaissent pas ? Comment éviter de creuser les inégalités territoriales et culturelles ? C'est tout l'enjeu du débat sur le Pass culture.

Les collectivités sont très attachées aux écoles d'art territoriales, qui sont aujourd'hui extrêmement fragilisées. Quand lancerez-vous les chantiers du LMD (licence-master-doctorat), de la recherche ou du statut des enseignants et des enseignants-chercheurs ?

Sur le programme 131, nous sommes très préoccupés par la concentration actuelle, qu'il s'agisse de musique ou de théâtre. Je pense, à cet égard, qu'il y aurait une grande réflexion à mener sur les outils de régulation. Allez-vous vous y attaquer ?

Vous nous avez donné des éléments de calendrier sur les suites de la mission confiée à Roch-Olivier Maistre en vue de la création d'une « Maison commune de la musique » sur le modèle du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, le CNV. Quel sera le financement de cet organisme ? S'agira-t-il de taxes ? De financement public ?

Si les structures labellisées bénéficient d'augmentations au sein du programme 131, il ne faudrait pas que les lieux indépendants concourant à remplir des missions de service public en matière d'art et de culture sur les territoires - vous avez parlé de « proximité » - soient fragilisés par manque de crédits.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Jean-Michel Blanquer et moi sommes d'accord sur l'éducation nationale artistique et culturelle. Il faut changer l'acronyme. Nous préférons parler de transmission artistique et culturelle, ou « TAC », plutôt que d'« EAC ».

Il faut de la clarté et de la cohérence dans le pilotage des crédits, d'où le choix d'un regroupement au sein du programme 224. Nous avons évalué que les opérateurs consacraient 30 millions d'euros à l'éducation artistique et culturelle.

Les ateliers de fabrique artistique sont des structures essentielles sur l'ensemble du territoire. Souvent mis en place dans des friches industrielles ou agricoles sur l'initiative d'artistes pour construire des espaces de travail, promouvoir les solidarités sociales et les transversalités artistiques, ils font vivre des espaces délaissés et contribuent au renouvellement durable de la création. Ils jouent surtout un rôle important en matière d'émergence d'artistes, d'animation territoriale et de lien social. À chaque déplacement, je demande à aller à la rencontre de collectifs de ce type, qui constituent un complément aux labels nationaux de création artistique. En 2018, 1,67 million d'euros de crédits vont du programme 131 « Création » vers le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Il ne s'agit nullement d'une suppression. Au contraire, je suis très attachée au rôle de ces structures dans nos territoires !

La contractualisation est effectivement la base. Les conventions entre l'État et les collectivités locales en faveur de la culture sont extrêmement nombreuses et diverses. Nous avons des conventions généralistes : contrats de plan, contrats de ville, contrats de ruralité... Mais il y a aussi des conventions propres au champ culturel : contrats « territoire-lecture », contrats locaux d'éducation artistique, villes et pays d'art et d'histoire, pactes et conventions de développement culturel... À l'heure actuelle, 1 000 conventions de ce type sont recensées dans le secteur culturel. Des réflexions sont engagées dans le cadre du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), en lien avec les associations d'élus. Nous proposons de maintenir la diversité des conventions et de rénover les conventions généralistes en en créant une nouvelle génération, avec un socle commun et une clause de solidarité, pour ancrer le dispositif dans la durée.

Avec le ministère de l'éducation nationale, nous travaillons dans le même état d'esprit. Nous rêvons - je pense que nous atteindrons cet objectif - d'introduire de la pratique artistique et culturelle dans les programmes. J'ai évoqué les jumelages et les partenariats, dont j'ai encore récemment discuté avec Jean-Michel Blanquer. Il y aussi des réunions interministérielles consacrées au plan Dauge pour les petites communes.

Nous avons remis en place le Haut Conseil pour l'éducation artistique et culturelle et nous allons travailler sur la formation des intervenants.

D'un point de vue sémantique, je préfère l'expression de « passeport culturel », à celle de « pass culture ». En effet, il est très symbolique de marquer l'entrée dans l'âge adulte de la citoyenneté, après un parcours d'éducation artistique et culturelle, par un « passeport culturel ». Cela apparaîtra comme une évidence. L'ensemble des acteurs publics et privés, associations d'élus, responsables de la vie culturelle dans nos territoires voudront être associés à cette démarche innovante. Nous avons mobilisé notre collègue Mounir Mahjoubi et des start-ups pour travailler sur l'outil. Il y a un pilote dans ce projet, et les idées bouillonnent. Les jeunes doivent être associés. D'ailleurs, ils sont ravis et attendent beaucoup de cette mesure. Il faut introduire dans le Pass culture l'idée de l'accès à la pratique d'un art et de la découverte de la vie culturelle, y compris pour ceux qui en sont le plus éloignés. On peut aussi réfléchir à des possibilités de mobilité, même si la question du financement se pose. Face à ce bouillonnement, il y aura une première réunion de partage en décembre.

La première dotation pour déployer cette expérimentation, qui sera en place à la rentrée prochaine, est de 5 millions d'euros. Les discussions sur le financement s'engageront dès la semaine prochaine avec les partenaires potentiels. Nous réfléchissons aussi sur les efforts tarifaires des établissements. Nous reviendrons vers vous dès que nous aurons un peu avancé. L'important est que le processus soit lancé et suscite l'enthousiasme des jeunes. Les choses avancent bien.

Je souhaite que les questions liées au statut des professeurs des écoles nationales d'art et à celui des professeurs d'enseignement artistique fassent l'objet d'un projet commun. Les discussions avec France urbaine et l'Association des maires de France sur le coût de la réforme sont en cours.

Le rapport de Roch-Olivier Maistre sur le projet de « Maison commune de la musique », rendu public le 15 novembre dernier, est disponible sur internet. Je souscris à son analyse de la filière musicale et de ses principaux enjeux, comme la connaissance des secteurs, l'appui à l'international, le soutien à la diversité de la création musicale et le soutien aux opérateurs de festivals... Le rapport propose la création d'un centre national de la musique, projet pertinent, demandé depuis longtemps mais jamais réalisé. Il y a une convergence entre la musique enregistrée et le spectacle vivant.

Nous avons également consulté les associations du secteur musical. L'ensemble des organisations syndicales et autres parties prenantes ont réagi extrêmement positivement à ce rapport. Le secteur de la musique classique contemporaine doit être soutenu. Lorsqu'on veut avancer, on crée nécessairement des angoisses tant que les mesures ne sont pas annoncées. L'angoisse est désormais retombée. Ce rapport, clair, d'une grande qualité, prône une politique ambitieuse de la musique. L'État doit jouer un rôle stratégique, prescripteur, garant de l'intérêt général, dans la politique musicale. Et il joue aussi un rôle au travers de ses structures déconcentrées. Le rapport propose un visage unique pour incarner la politique musicale au sein du ministère. Nos priorités sont le soutien à la création musicale, la diffusion et le rayonnement national et international, la pratique artistique et l'éducation artistique et culturelle. Cela passe aussi par le partage de la valeur à l'ère du numérique, sujet capital que nous avons évoqué hier à la réunion des ministres européens de la culture et de l'éducation.

Je suis très attentive à la concentration dans le secteur du spectacle vivant ou de la musique enregistrée. Nous avons lancé une étude : certains grands festivals captent les artistes, qui ne peuvent plus se rendre dans les plus petits festivals. Différents dispositifs ont déjà été mis en oeuvre, notamment pour les TPE ou les PME où souvent la création est émergente. Je connais très bien ce sujet. Le phénomène de concentration menace la diversité culturelle ; c'est un vrai danger, et nous devons trouver des solutions.

M. Pierre Ouzoulias . - Nous avons énormément de sympathie pour la culture et d'empathie pour vos personnels et votre mission. Mais selon le ministre Gérald Darmanin, il faut réduire les dépenses de personnel, dès 2018. Ce serait un mal nécessaire. Cependant, tous les ministres que nous entendons en audition nous assurent que leur budget est sanctuarisé. Où sont donc les économies ? Avec votre budget, dans quels secteurs espérez-vous maintenir des postes, voire en créer, et où devrez-vous en réduire ?

La réduction des dotations aux collectivités territoriales aura un impact fort sur la culture, car ces collectivités sont les premiers financeurs du secteur. L'avenir est sombre. En Ile-de-France, la réduction des dotations aura pour conséquence la fermeture de nombreux établissements et festivals, y compris dans les Hauts-de-Seine, département plutôt riche. Nous devrons faire un bilan de tout ce qui aura disparu. Et c'est le cas partout en France.

Quelles seront les conséquences de la fusion des régions sur le fonctionnement des DRAC ? La région Occitanie est écartelée entre les Cévennes et les Pyrénées. Un fonctionnaire gère un territoire. Lorsqu'un territoire s'agrandit, la gestion n'est pas la même ; il n'y a aucune économie d'échelle à réaliser. C'est le géographe qui parle. Par ailleurs, les DRAC assurent parfois des missions régaliennes essentielles. Lorsqu'on rajoute des moyens pour le patrimoine, il faut aussi prévoir les postes correspondants. Ainsi, pourquoi pas un loto pour le patrimoine, mais prévoyez-vous suffisamment de fonctionnaires pour le mettre en place ? Nous sommes inquiets sur ce point.

Le Centre des monuments nationaux (CMN) conservera-t-il la gestion du Mont-Saint-Michel, essentiel pour lui en termes de péréquations avec d'autres monuments dont la fréquentation est moindre ?

Mme Françoise Laborde . - Nous ne pouvons que nous féliciter de l'augmentation de 1,5 % du budget de la culture et vous remercier. Nous nous réjouissons des bonnes relations que vous entretenez avec M. Blanquer. Trop longtemps, notre commission a vu des ministres de la culture et de l'éducation nationale qui ne se parlaient pas, au prix de nombreuses occasions manquées, notamment sur l'aménagement du temps scolaire. J'espère que cette époque est révolue et que les relations sont bonnes. M. Blanquer l'affirme.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Je l'affirme aussi.

Mme Françoise Laborde . - C'est bien ! Une question perfide : comment choisirez-vous les deux bibliothèques par département que vous souhaitez aider ?

M. Jean-Raymond Hugonet . - Par un tirage du loto ?

Mme Françoise Laborde. - Je ne pense pas au loto de M. Bern.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - C'était au départ une idée de François de Mazières...

Mme Françoise Laborde . - Sous réserve que le Bureau du Sénat décide de sa reconstitution et que je sois reconduite dans mes fonctions de présidente, je proposerai que le groupe d'études sur les arts de la scène, de la rue et les festivals en région puisse participer à la communication et à l'aide à l'organisation des Journées du patrimoine et de la création. Nous aurions également beaucoup à dire sur la concentration des festivals, mais vous avez déjà répondu sur ce point.

Un travail de fond doit être mené sur le Pass culture. Des collectivités territoriales réalisent déjà des actions avec un véritable accompagnement par un adulte, pour aider à l'éducation culturelle. Certes, une part des achats se fait aussi dans des lieux privés, mais l'adulte provoque une vraie réflexion. Soyons vigilants sur le travail conjoint de l'éducation nationale et de la culture. Nous y reviendrons en 2018, à la faveur d'études ou de textes de loi.

M. Laurent Lafon . - Comme le rapporteur, j'apprécie le Pass culture sur le fond mais je m'interroge sur sa forme. Quelle sera la contribution des collectivités territoriales à ce Pass ? Je suppose qu'il ne sera pas totalement pris en charge par l'État... Une extension à l'Italie est-elle envisageable à terme ? Ce Pass est une bonne chose s'il s'accompagne d'une simplification du paysage culturel, pour plus de lisibilité que les différents dispositifs actuels.

Durant quinze ans, j'ai été maire d'une ville dotée d'un certain patrimoine - Vincennes - et je n'ai jamais rencontré un seul directeur régional des affaires culturelles. Il faudrait qu'ils se rendent davantage sur le terrain !

Il m'a semblé que vous aviez infléchi votre position sur les horaires des bibliothèques, je ne vous ai pas entendu évoquer l'ouverture le dimanche...

Je rejoins la demande de M. Ouzoulias. Il faudrait mener une vraie réflexion sur la capacité du CMN à gérer des équipements de grande taille ou d'un certain rayonnement. Je ne suis pas convaincu de son efficacité actuelle.

M. Jean-Pierre Leleux . - On ne peut qu'être satisfaits de la présentation du budget pour 2018, pas seulement en raison de l'augmentation budgétaire. Une Arlésienne peut en cacher trois autres : le loto, la maison commune et le Pass culture - une idée qui court depuis 20 ans sans être appliquée. À vous entendre, nous avons espoir que cela devienne une réalité...

Avec quelques membres de la commission, je suis allé au Congrès national de Sites & Cités remarquables de France, qui faisait, 55 ans après la loi Malraux, un constat extrêmement douloureux sur la réhabilitation des centres historiques, en dépit de tous les efforts. Nous avons échoué à redonner vie à ces centres. Donnons-leur une nouvelle impulsion, notamment grâce à la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine qui crée les « sites patrimoniaux remarquables ». Vous accompagnez le Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés d'Yves Dauge, auquel nous souscrivons totalement. Comme l'a très bien dit notre rapporteur Philippe Nachbar, certaines villes avec d'importants moyens ont bien réhabilité leur centre-ville, mais il existe une forte hétérogénéité entre les villes ; les petits bourgs, qui se dégradent, ont besoin d'un nouvel élan. Ce plan, expérimental dans trois régions, se focalise sur les sites les plus abandonnés. Revoyons la fiscalité Malraux, très avantageuse en 1977 dans la loi de finances, mais devenue beaucoup moins attractive aujourd'hui, à la suite de multiples modifications. Les investisseurs ont désormais d'autres niches fiscales où placer leur argent.

Je voudrais évoquer les ABF, les architectes des bâtiments de France...

Mme Françoise Laborde . - C'est plus qu'une Arlésienne !

M. Jean-Pierre Leleux . - Les points de vue diffèrent sur le maintien de l'avis de l'ABF. Cela risquerait de mettre en péril une mission importante de l'État, mais expliquons aux maires que l'ABF n'est pas leur adversaire... Le corps des ABF doit être maintenu, mais prévoyons dans leur formation une approche fondée sur le dialogue plus que sur l'autorité. Ce déséquilibre est compensé par la possibilité de recours devant le préfet de région, pourtant insuffisamment utilisé par les maires. Qu'en pensez-vous ?

François de Mazières s'était battu durant 15 ans pour ce loto du patrimoine, qui rapportera quelques millions d'euros. Je m'en félicite.

Bravo d'avoir augmenté considérablement la subvention du Bureau export pour la musique.

Quel sera le financement des collectivités territoriales à la Maison commune de la musique ? Le rapport Maistre prévoyait une contribution des grandes plateformes internet ou des fournisseurs d'accès. Jusqu'ici les fractions des taxes sont orientées vers le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Nous défendons le cinéma, mais il faut compenser les déséquilibres en finançant la Maison commune et le futur Centre national de la musique. Comment y parvenir ? A-t-on pu évaluer le crédit d'impôt pour le spectacle vivant musical ou de variétés instauré il y a deux ans ? Est-il un levier pour l'industrie musicale ? Sera-t-il amplifié dans les années à venir ? Le Pass culture est une bonne idée mais comment sera-t-elle concrétisée ?

Mme Maryvonne Blondin . - Si nous souscrivons aux principes de ce budget, nous en attendons les réalisations concrètes.

Le ministère de l'intérieur a mandaté le préfet Guépratte pour aboutir sur le référentiel « Sécuri-site ». Que deviendra le fonds d'urgence ? Si l'État s'occupe de l'ordre public, c'est aux organisateurs de spectacles qu'il revient de payer la sécurisation de leur manifestation. Mais ils piochent souvent, pour ce faire, sur le budget prévu pour l'artistique... Selon certains, un transfert vers le Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) serait justifié.

Le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), mis en place en 2017, a été peu utilisé. Sur neuf mesures prévues, cinq ont été progressivement appliquées. Il faudrait peut-être revoir les critères pour que ces mesures, attendues par le monde du spectacle, soient mieux adaptées. Les aides du Fonpeps ont-elles vocation à soutenir les emplois aidés, dans les secteurs culturels et de l'éducation artistique touchés par leur suppression ? Parmi les 200 000 contrats aidés restants, rien n'est fléché vers le secteur culturel. Cela pourrait être une dérive.

Vous avez engagé un travail conjoint avec l'Éducation nationale sur l'action 7 du programme 175, dédiée au patrimoine linguistique. Quels crédits sont véritablement alloués au soutien des langues régionales ?

La délégation aux droits des femmes a travaillé sur la place des femmes dans la culture. Quels sont les moyens et les actions concrets de ce budget pour l'égalité femme-homme ?

J'ai la chance d'habiter dans un département, le Finistère, et une région, la Bretagne, qui font beaucoup pour la culture : des schémas départementaux d'éducation artistique et culturelle, des lectures publiques... Que deviendront ces régions qui font beaucoup, avec un budget contraint, et qui se trouvent en difficulté ? Quel soutien peuvent-elles attendre du ministère ?

M. André Gattolin . - Le budget de votre ministère est en augmentation pour les trois années à venir, après deux années pendant lesquelles il a fallu redresser une situation catastrophique. Les collectivités locales elles-mêmes sont frappées par la diminution de moyens. S'agissant des politiques culturelles publiques, plus des deux tiers du financement viennent des territoires, contre un tiers seulement de l'État.

Il faudrait mener un véritable travail de coordination entre l'administration d'État et les pouvoirs locaux. Il est très intéressant de réunir, comme je l'ai fait, l'ensemble des adjoints chargés de la culture du département pour se rendre compte de manière concrète des besoins sur des territoires, très diversifiés. Car on constate que nos interlocuteurs, malgré leur diversité politique, sont confrontés aux mêmes problématiques quant à leurs rapports à l'État, leur avenir budgétaire et leurs moyens d'intervention.

En matière culturelle, se pose le problème de la démocratisation culturelle, toujours annoncée et jamais réalisée. La culture est financée par l'argent public, c'est-à-dire par tout le monde - puisque ceux qui ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés payent la TVA. Mais la consommation de la culture est beaucoup plus discriminante.

Emmanuel Macron avait annoncé, lors de la campagne présidentielle, qu'il souhaitait instaurer un « pass culture ». Je n'y étais pas favorable en raison de l'expérience italienne. Mais en travaillant en bonne intelligence, on peut en faire quelque chose qui n'aille pas seulement, comme toujours, aux surconsommateurs de culture ou aux initiés.

En matière culturelle, il existe une tendance à ouvrir des « maisons » - de la culture, de la musique... Lorsque je préparais mon rapport sur les jeux vidéo, la première réponse du ministre fut de proposer une maison du jeu vidéo. Il faut arrêter de créer des administrations !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La maison commune de la musique, c'est tout de même autre chose !

M. André Gattolin . - Je veux évoquer l'accessibilité. Dans le domaine du jeu vidéo, les dépenses de marketing représentent la moitié du coût de production. La production française et européenne a du mal à accéder aux grands distributeurs comme Steam, Apple ou Amazon. Il faudrait monter un service public commun de la distribution pour ce secteur, ce qui permettrait d'abaisser les coûts, d'améliorer l'accessibilité et de développer une culture du jeu vidéo propre à notre pays.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les « droits culturels » inscrits dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dont on parle beaucoup et qui figurent dans les programmes politiques de certaines collectivités.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Les droits culturels sont fondamentaux. J'ai d'ailleurs conclu mon intervention sur le droit à la vie culturelle, qui doit servir de base à nombre de nos actions politiques.

Monsieur Ouzoulias, vous êtes géographe ; je suis, quant à moi, scientifique de formation. À l'Assemblée nationale, les députés m'ont parlé de la loi de Bercy, invoquée par M. Darmanin : 1+1=1. Effectivement, c'est possible ! J'ai évoqué les lois de la relativité générale, le principe d'incertitude d'Heisenberg et le théorème d'incomplétude de Gödel, ce qui a fatigué M. Woerth !

Je travaille avec M. Darmanin. Je connais la problématique de la diminution des dotations aux collectivités territoriales, qui a été très importante ces deux dernières années. Aujourd'hui, on nous demande de maintenir les budgets dans le cadre de l'inflation. Rien n'est acquis. Comme le budget de la culture ne risque pas de doubler, il faut réfléchir à la manière de faire émerger de nouveaux projets, tout en nous inscrivant dans notre responsabilité collective au regard de l'endettement de l'État.

En matière d'évolution des emplois et de la masse salariale, l'enjeu pour le ministère est double : d'une part, améliorer les carrières et les parcours professionnels des agents du ministère, afin de leur assurer un déroulement de carrière attractif et adapté aux évolutions des missions et des métiers ; d'autre part, clarifier et sécuriser les modalités de recours aux agents contractuels et leur gestion, dans une perspective de réduction de la précarité dans la fonction publique.

Au total, 9,6 millions d'euros de crédits catégoriels et indemnitaires seront mobilisés pour améliorer la situation des personnels et l'attractivité du ministère, ce qui n'est pas négligeable. Dans le cadre de l'effort de réduction globale des effectifs de la fonction publique, puisque c'est une réalité, la trajectoire en emplois arbitrée dans le cadre du budget pluriannuel 2018-2022 prévoit la suppression de 160 emplois à temps plein en 2018 sur un total de 30 000 emplois financés par le ministère. Je m'attacherai à ce que ces réformes ne remettent pas en cause la capacité d'action des DRAC. Avec la loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) et la loi NOTRe, le rôle de l'État dans le rayonnement culturel des territoires a été renforcé, avec le maintien des moyens humains des DRAC - 2 400 agents - et une déconcentration plus importante des crédits. Je souhaite que le fonctionnement des DRAC s'inspire de quelques principes : réaffirmation de la nécessité de leur présence territoriale, maintien des implantations, renforcement des moyens pour la mise en oeuvre des missions relatives à l'action culturelle, développement territorial au sein des départements. Il faut rechercher la meilleure adéquation entre l'équilibre territorial et l'efficacité administrative, mettre en oeuvre des politiques cohérentes à l'échelle de la nouvelle région, et maintenir la capacité à accompagner les collectivités. L'effort attendu de chaque ministère pour diminuer la dépense publique aura certes un impact sur les DRAC, avec une diminution de 25 postes, mais bien moindre que sur le reste du ministère.

Je suis allée à la rencontre des personnels des DRAC pour leur demander d'agir en impulseurs, d'être des catalyseurs, des allumeurs de réverbères, des facilitateurs, plutôt que des administratifs qui récoltent des données et demandent des rapports, tâches ô combien consommatrices de temps.

Le budget consacré à la culture par l'ensemble des collectivités territoriales est presque équivalent au budget de la culture : il s'élève à 9,3 milliards d'euros, dont plus de 7,2 milliards pour les mairies, les communes et les intercommunalités. Les départements, qui étaient d'importants financeurs de la politique patrimoniale, diminuent leurs dépenses culturelles du fait de leurs contraintes budgétaires et de choix politiques. Je rappelle que la culture est une compétence partagée. En 2015 et 2016, ce sont 75 pactes culturels qui ont été signés dans le but de stabiliser les financements publics. Aujourd'hui, nous aimerions travailler dans un cadre conventionnel renouvelé : les projets en développement avec des collectivités dont je vous parlais dans mon propos liminaire.

En ce qui concerne le Mont-Saint-Michel, le Centre des monuments nationaux investit pour mettre en valeur l'abbaye. Une réflexion sur l'attractivité du site dans son ensemble est en cours ; le ministère de la culture et le CMN y sont étroitement associés. L'abbaye du Mont-Saint-Michel joue un rôle important dans l'équilibre du CMN qui gère les monuments répartis sur les territoires.

Je vous remercie, madame Laborde, d'avoir souligné le désir que M. Blanquer et moi-même avons de travailler ensemble. M. Blanquer a évoqué la nécessité « d'abattre les silos » entre nos ministères. La semaine qui a suivi la nomination du Gouvernement, il m'a d'ailleurs rendu visite au ministère de la culture, pour engager des réflexions communes. Nous avons ainsi lancé la « rentrée en musique ».

Pour ce qui concerne les bibliothèques, Érik Orsenna a été chargé d'une mission. Le simple fait d'avoir nommé une personne qui s'occupe de la question avec désir et curiosité insuffle déjà de l'énergie et redonne envie aux acteurs du terrain. Des réflexions sont en cours, comme le « bureau du temps » à Rennes. Nous allons accompagner les élus, qui ont vraiment la volonté de faire évoluer les choses.

Les bibliothèques départementales jouent un rôle essentiel, car elles apportent un appui en conseil et en ingénierie. L'idée n'est pas que nous les choisissions, mais qu'elles se proposent.

Sur le Pass culture et les initiatives des régions, nous avons commencé par faire un bilan. J'ai aussi rencontré toutes les associations d'élus, car je veux les associer au comité de consultation qui suivra les travaux de l' Open lab , dont le lancement est prévu le 18 décembre prochain. Il faut organiser la coordination entre les anciennes cartes et le Pass.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Allez-vous conserver le nom « Open lab » ? Nous avons eu un grand débat hier sur la francophonie !

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Vous avez raison, il faut préserver la langue française ! Dans les réunions européennes, j'avais tendance à parler en anglais et dorénavant je m'exprime en français pour défendre notre langue.

Le château de Vincennes est un cas particulier. Le Centre des monuments nationaux n'est pas le seul gestionnaire du site et doit tenir compte de son occupation partielle par le ministère des armées.

Pour revenir aux bibliothèques, dans certains pays, comme le Danemark et la Hollande, elles sont ouvertes 90 heures par semaine. En France, nous parvenons au maximum à 40 heures par semaine. Je pense aux étudiants, qui ne trouvent pas de bibliothèques ouvertes le dimanche. La Bibliothèque publique d'information (BPI) du Centre Pompidou est saturée à midi ! Je dois me pencher sur cette question avec mes collègues de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Cette situation n'est pas normale. Car sur le terrain, l'envie est réelle de prendre en compte la vie culturelle locale et d'offrir des lieux ouverts, y compris le dimanche.

Monsieur Leleux, vous avez parlé d'« Arlésiennes ». La fiscalité Malraux est le symbole de la préservation du patrimoine et doit être un levier de revitalisation des centres anciens. Je lancerai la réflexion engagée avec les élus territoriaux dès 2018.

S'agissant des ABF, vos réflexions vont dans le même sens que les nôtres. Ils interviennent pour délivrer des autorisations prévues par la loi et les règlements. S'ils intervenaient plus en amont, en faisant un travail de pédagogie, on éviterait le drame de l'avis conforme en aval, de la frustration et du désespoir... Les ABF sont des personnes formidables, dotées de véritables compétences. Il faudrait éviter qu'ils interviennent de façon frustrante et désagréable en aval. Nous allons organiser un groupe de travail pour réfléchir à leur mission, avec l'idée de magnifier leur fonction vers ce qu'ils sont vraiment : des amoureux et des pédagogues du patrimoine et de sa préservation. Nous souhaitons aussi renforcer leur formation initiale. Il faut tenir compte des enjeux de la transition énergétique. Le dialogue doit se faire entre les différents ministères concernés. Les ABF doivent continuer à participer au maintien d'un tissu patrimonial de grande qualité en France.

Sur le financement de la maison commune, le rapport détaille des propositions, qui prévoient une plus grande contribution des acteurs du numérique. C'est une orientation du Gouvernement. Nous avons déjà mis en place les fameuses taxes « YouTube » et « Netflix », et un accord a été signé entre Google et l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, pour lutter contre le piratage. Nous devons continuer à travailler en ce sens, en parfaite harmonie avec les autres ministères.

Le crédit d'impôt musique est un instrument qui a fait ses preuves. On a constaté une augmentation du nombre de petits labels indépendants, qui sont aidés par ce dispositif. Nous avons prévu d'en faire une évaluation en 2018.

Madame Blondin, le fonds d'urgence au spectacle vivant a été créé à la fin de l'année 2015, afin d'aider les entreprises du secteur à renforcer leurs dispositifs de sécurité et surmonter les difficultés économiques qu'elles rencontrent. Ce fonds a été doté, en 2016, de 13,4 millions d'euros, dont 6,1 millions apportés par l'État. Il a été abondé de 4 millions d'euros supplémentaires en 2017. Nous avons dégagé les ressources nécessaires pour reconduire ce montant de 4 millions en 2018. En lien avec le ministère de l'intérieur, une enveloppe de 5 millions d'euros, portée par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), a été réservée à la sécurisation des 30 établissements publics nationaux les plus fréquentés par les touristes en 2017. Nous travaillons avec ce ministère pour que cette enveloppe puisse être reconduite au titre du projet de loi de finances pour 2018.

Le Fonpeps a été créé en 2017 afin de développer l'emploi pérenne dans le spectacle vivant. Nous avons travaillé ces derniers mois pour achever la mise en oeuvre des différentes mesures prévues et avons commencé à faire le point avec les partenaires sociaux. Nous souhaitons veiller à ce que ces mesures soient parfaitement adaptées et servent l'emploi durable.

Pour ce qui concerne le programme 175, les langues régionales constituent un patrimoine culturel riche et ancestral que nous souhaitons valoriser. Le programme repose sur des structures institutionnelles dans les régions, dont on entend continuer à soutenir le développement. L'ensemble des crédits contribuant au soutien et à la promotion des langues de France s'établit à 1,4 million d'euros, soit 43 % des crédits alloués au patrimoine linguistique. Ces moyens permettront de favoriser la présence de ces langues dans l'espace public et les médias, de soutenir et développer des projets d'outillage technologique - clavier prédictif, logiciel de reconnaissance vocale -, de valoriser les langues territoriales d'outre- mer et la création culturelle et artistique dans ces langues.

Le ministère de la culture est très mobilisé sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons obtenu les deux labels AFNOR - égalité et diversité. Nous avons évoqué ce matin au conseil des ministres le Tour de France sur l'égalité, lancé le 4 octobre dernier, qui permettra de recueillir les attentes et d'identifier les bonnes pratiques en faveur de l'accès des femmes aux pratiques culturelles. Les priorités seront arrêtées le 8 mars 2018.

En matière de harcèlement, nous avons souhaité que les écoles mettent en place des chartes. Nous avons lancé ce projet, à Paris, à l'école nationale des Beaux-arts et à l'école nationale supérieure d'architecture de Paris-Malaquais.

Le taux de femmes à la tête des lieux de création et de diffusion est de 29 %. Dans certains métiers, il n'y a pratiquement pas de femmes : chefs d'orchestre, techniciens du spectacle. Nous devons être vigilants sur cette question. C'est l'une des priorités du Gouvernement. Ce matin, Marlène Schiappa a présenté le programme de la journée du 25 novembre.

M. Gattolin a évoqué les jeux vidéo. Je me suis récemment rendue à la Paris Games Week qui voit déferler des jeunes et des familles. Sans négliger la question de la violence, il faut prendre en considération ce secteur qui fait preuve d'une incroyable créativité. L'une des plus belles expositions de cet été, « La bibliothèque, la nuit », se tenait à la Bibliothèque nationale de France. Des bibliothèques y étaient reconstituées en réalité virtuelle. Nous devons accompagner cette évolution pour développer la qualité.

Mme Marie-Pierre Monier . - J'interviens au nom du groupe socialiste sur la question du patrimoine.

Madame la ministre, derrière la volonté affichée de faire du patrimoine un axe central de la politique culturelle, on ne peut que constater que l'enveloppe budgétaire ne suffit pas. Pour le programme 175, les crédits sont en diminution de 4 % en autorisations d'engagement et de 0,6 % en crédits de paiement. Vous avez annoncé, lors de votre conférence de presse de vendredi dernier, que le budget dédié à l'entretien et à la restauration du patrimoine augmenterait de 5 % en 2018, pour atteindre 326 millions d'euros. J'aimerais obtenir des précisions sur ce point. Quand on regarde l'action 1 « Patrimoine monumental », on constate certes une hausse de 1,2 % en autorisations d'engagement, mais aussi une baisse de 1,5 million d'euros en crédits de paiement. Or, l'argent effectivement dépensé sur une année se calcule en crédits de paiement.

Les crédits affectés au patrimoine monumental ne sont pas à la hauteur de la situation qui, vous l'avez dit, est critique depuis plus de quinze ans. Ne risque-t-on pas, à moyen terme, de voir l'État se défausser de sa mission d'entretien sur d'autres opérateurs des monuments historiques, voire vendre des éléments du patrimoine ?

Vous avez évoqué le loto du patrimoine. Qui va le gérer ? Qui décidera de l'emploi des moyens, seule la Fondation du patrimoine ou la Commission nationale des monuments historiques ? L'inquiétude grandit à ce sujet.

On a évoqué le CMN, qui gère une centaine de bâtiments. Le retrait de la gestion du Mont-Saint-Michel entraînerait un déséquilibre très important.

J'appuie les propos de M. Leleux relatifs aux ABF. Toujours lors de votre conférence de presse, vous avez annoncé vouloir les impliquer en amont des projets pour qu'ils apportent conseils et recommandations. Certains le font déjà lorsqu'ils sont consultés. Mais quid de la question des moyens ? Le personnel n'est peut-être pas assez nombreux pour jouer ce rôle de conseil en permanence. Je veux aussi faire part d'une inquiétude sur l'avis conforme. Pouvez-vous nous certifier que cet avis conforme sera maintenu pour tous les travaux sur des monuments protégés ?

Je souhaiterais revenir sur l'action 3 relative aux musées, dont les crédits sont en baisse de 10 % en autorisations d'engagement et de 2,1 % en crédits de paiement, tout comme ceux de l'action 8 concernant les acquisitions, en diminution de 4,5 %. Le budget du Fonds du patrimoine, qui permet d'enrichir les collections des musées de France, est passé de 3,6 millions d'euros en 2017 à 1,09 million d'euros en 2018. C'est un sujet majeur pour les petits musées qui maillent notre territoire, car si les grands musées parisiens peuvent aussi compter sur leurs recettes propres pour leurs acquisitions, les petits musées nationaux ne bénéficient pas du même confort financier. Cette évolution est contradictoire avec votre projet de revitalisation des petites villes et des centres anciens.

Prévoir 15 millions d'euros de fonds dédiés aux communes de moins de 2 000 habitants est une bonne mesure. Mais je m'interroge sur la provenance de ces fonds : s'agit-il d'une partie des gains du futur loto du patrimoine ou seront-ils prélevés sur le montant global de 326 millions dédié aux travaux et à l'entretien du patrimoine ? Dans ce dernier cas, quelle sera l'action ponctionnée ?

M. Jacques Grosperrin . - J'apprécie vos propos, madame la ministre, mais j'aimerais obtenir des précisions.

Vous avez parlé de « l'école de la confiance » et du droit à la vie culturelle et artistique. Il existe des crédits d'impôt sur le spectacle vivant et de variétés, sur les oeuvres phonographiques, sur l'audiovisuel, sur le cinéma, sur les créations de jeux vidéo et même sur les casinos entrepreneurs de spectacles. Or, à ce jour, la seule activité culturelle de création qui ne dispose pas de crédit d'impôt, c'est le théâtre, public et privé. Or le déferlement de jeunes et de familles que vous avez évoqué, on le voit aussi en Avignon.

Mme Laure Darcos . - En tant que rapporteur pour avis sur la recherche, je voulais vous interroger sur le programme 186 et la baisse de plus de 5 millions d'euros de la subvention d'investissement accordée à Universcience. Les crédits s'élèvent à 3 millions d'euros, alors que des travaux, représentant un investissement de 23 millions, sur des bâtiments importants comme le Palais de la découverte ou la Cité des sciences et de l'industrie vont devoir être entrepris. Les fonds de roulement de ces établissements seront sollicités, mais ils ne suffiront pas. En prévision des Jeux olympiques, le Grand Palais va être rénové. Le Palais de la découverte recevra peut-être des crédits ? Je voulais vous alerter sur cette question, à la demande de ces établissements.

Mme Sonia de la Provôté . - Je suis d'accord avec mes collèges sur de nombreux sujets. Sur le patrimoine, je relève des points positifs, comme le loto, mais aussi des points négatifs.

Le patrimoine est en pleine mutation. On parle à présent aussi du patrimoine du XX e siècle, même si nous ne savons pas encore ce qui en fera partie - je pense notamment au patrimoine de la reconstruction. Les coûts seront très importants. Malgré les efforts entrepris, des ressources complémentaires devront être trouvées. Je m'interroge sur une politique du mécénat à destination des entreprises, mais aussi des structures intermédiaires comme les entreprises publiques locales. Il faut que tous les partenaires qui peuvent accompagner la mise à niveau et aux normes du patrimoine puissent accéder à ce mécénat. L'État doit mener une politique proactive. Pour l'instant, on met la question du patrimoine du XX e siècle sous le boisseau, alors qu'il faut le réhabiliter.

S'agissant des maisons de l'architecture et d'autres lieux, comme le Pavillon de Caen, une politique spécifique est-elle menée ? Le projet urbain fait partie de la culture des citoyens. Il faudra s'investir dans ce domaine et encourager les collectivités qui se sont lancées dans ces projets, très innovants.

Vous avez partiellement apporté des réponses sur les emplois aidés, très répandus dans les entreprises du spectacle vivant, mais j'aimerais des précisions sur leur rôle : étaient-ils consacrés à l'accompagnement administratif ou participaient-ils aux métiers artistiques ?

Enfin, je rejoins mes collègues sur le Pass culture : l'accès à la culture se joue dès avant 18 ans. Que faire pour offrir une trajectoire culturelle réelle aux enfants, quels que soient leur lieu d'habitation et leur situation sociale ? Il existe les contrats éducatifs locaux, des initiatives locales, mais l'État doit prendre toute sa part dans ce domaine. Le temps périscolaire est une formidable opportunité pour agir avant que les jeunes aient 18 ans.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Le musicien professionnel que je suis ne s'attendait pas, en entrant au Sénat, à entendre deux ministres, ô combien importants, vous-même et M. Blanquer, parler autant de la musique. Je sais la sincérité de vos intentions. Je m'interroge, néanmoins, sur les processus de régulation que vous entendez mettre en place, face aux angoisses de chapelles que vous évoquiez tout à l'heure, pour assurer l'harmonie...

Les musiciens croulent sous les contraintes administratives : quelles mesures pour les alléger ?

Je souscris pleinement à l'idée d'une rentrée scolaire en musique, et au plan « chorales », sachant combien la musique peut apporter à notre jeunesse. N'oubliez pas, cependant, l'apport des communes, qui financent des musiciens intervenants - ceux que l'on appelle les « dumistes ». Un soutien à l'action de ces collectivités serait bienvenu.

Je souscris à ce qu'a dit M. Ouzoulias sur les DRAC. Il faut avoir à l'esprit les réalités de terrain. Je pourrais citer le cas d'une commune que je connais bien et qui, bien que dotée de tous les moyens nécessaires pour restaurer un orgue classé dans une église du XV e siècle, ne peut pourtant avancer faute d'avoir, face à elle, un interlocuteur. C'est insupportable. Et je suis heureux que vous ayez inventé le concept d'« amoureux pédagogue des bâtiments de France », l'APBF. Car parmi les ABF, les architectes des bâtiments de France, il en est un certain nombre qui n'ont jamais mis deux parpaings l'un sur l'autre. Et lorsque l'on voit les avis rendus... Nous sommes tous des amoureux du patrimoine et je ne connais pas un maire qui ait envie de défigurer sa commune !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Une précision sur le plan « chorales » : quel sera le rôle des conservatoires, qui vont bénéficier de crédits fléchés, dans le dispositif, non seulement pour former les enseignants dont nous avons besoin, mais en soutien au réseau des dumistes, les titulaires d'un diplôme universitaire de musicien intervenant ? Quel soutien sera apporté aux collectivités territoriales, qui financent énormément ?

M. Pierre Laurent . - Je veux d'abord vous remercier, madame la ministre, pour votre présence annoncée aux obsèques de Jack Ralite, vendredi prochain ; c'est une marque de reconnaissance à laquelle nous sommes très sensibles.

J'espère, madame la présidente, que nous pourrons entendre Roch-Olivier Maistre, car la discussion nous a mis en appétit. Ce serait l'occasion d'approfondir la question de la structuration de la filière.

S'agissant du Pass culture, j'irai dans le sens de Sylvie Robert. Cet instrument viendra-t-il en appui à nos politiques publiques de la culture ou s'agit-il de servir d'autres intérêts ? Cela demande des garanties, qui manquent encore.

Vous avez évoqué une contractualisation avec les collectivités territoriales sur les objectifs culturels. C'est une démarche très intéressante, mais que je suis tenté de mettre en regard d'une autre forme de contractualisation, budgétaire, dont personne n'a ici parlé. Je n'oublie pas qu'un document a été publié dans la presse, ce qui vous a conduit à porter plainte. Ce document contient des pistes de travail qui, même si elles n'étaient pas celles que vous retenez, visent à inverser le rapport entre les collectivités locales et le ministère de la culture en matière de maîtrise budgétaire. Il nous faudrait en savoir plus sur le jugement que vous portez sur ce document, qui pourrait fâcher beaucoup de monde, et d'autant plus que nous sommes déjà dans une situation difficile - le rapport de l'Observatoire des politiques culturelles souligne que les collectivités territoriales ont, depuis 2015, réduit leurs budgets culturels de 50 %, sous la pression du recul des dotations. Si la contractualisation que vous annoncez visait, non pas à développer les politiques culturelles mais à réduire de concert la dépense publique culturelle, nous irions à la catastrophe. Vous comprendrez que nous avons besoin de réponses, pour dissiper des interrogations que votre dépôt de plainte ne suffit pas à lever...

En ce qui concerne, enfin, le régime des intermittents, vous indiquez que vous serez attentive à l'accord de 2016. Sachant que le débat sur l'indemnisation du chômage va se rouvrir, avez-vous reçu des garanties de la partie patronale - qui a toujours été hostile, comme on le sait, à cet accord - pour que la négociation qui va s'ouvrir ne soit pas l'occasion de sa remise en cause ?

Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Je souhaite vous interroger, madame la ministre, sur l'Office public de la langue occitane, pour la création duquel l'État et les anciennes régions Midi-Pyrénées et Aquitaine s'étaient associés, en 2015. Je souhaiterais connaître l'évolution du montant de la contribution versée chaque année par l'État depuis sa création.

Je souhaite également attirer votre attention sur les surcoûts liés à la sécurité des festivals. Selon les études que nous avons mises à votre disposition, le budget « sécurité » des organisateurs de festivals a triplé en un an. Une étude menée par le CNV montre que les surcoûts s'élèvent en moyenne à 43 213 euros, soit 13 613 euros par jour, dépense que les festivals ne peuvent se permettre.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La question a déjà été posée.

Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Mais pas en ces termes : quelles actions votre ministère entend-il mettre en oeuvre pour mettre fin à cette inflation et garantir la pérennité des festivals ?

M. Michel Laugier . - Permettez-moi, à l'occasion du Congrès des maires et des présidents d'intercommunalités, d'avoir une pensée pour les collectivités territoriales. Une grande partie de l'ambition que vous portez dans ce budget dépend aussi de leur participation, ainsi que de celle des associations. Or, les moyens des collectivités sont en diminution, de même que ceux des associations, pénalisées par la suppression de la réserve parlementaire et des contrats aidés. Comment la scientifique que vous êtes entend-elle résoudre cette équation ?

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Après l'effort consenti en 2017, madame Monier, sur le programme 175, nous avons voulu conforter l'action de l'État en faveur du patrimoine, facteur de cohésion sociale et de dynamisme économique des territoires. À périmètre constant, c'est à dire en tenant compte des dépenses désormais prises en charge par le programme 224, les moyens du programme « Patrimoines » connaissent une augmentation de 3,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 0,4 %. Les 15 millions prévus pour les petites communes viennent en plus, les crédits s'établissant au total à 326 millions d'euros.

Les ressources du loto du patrimoine seront versées à un fonds dédié, au sein de la Fondation du patrimoine. Les dossiers sélectionnés, avec un comité d'experts, concerneront des projets de restauration de monuments en péril, y compris, comme je l'ai dit, détenus par des propriétaires privés. Une convention sera signée entre l'État et la Fondation du patrimoine pour s'assurer de l'encadrement et du suivi dans l'utilisation de ces fonds.

Pour répondre à vos interrogations sur les ABF, je précise que leur avis conforme sera bien maintenu. Ces architectes ne seraient pas assez nombreux ? On ne saurait, en la matière, s'exempter d'une réflexion sur l'organisation du travail. Une meilleure organisation, en amont, doit conduire à moins d'interventions en aval.

Monsieur Grosperrin, le crédit d'impôt au titre des dépenses de création, d'exploitation, de numérisation d'un spectacle vivant, musical ou de variété, créé par la loi de finances pour 2016, vise à faire émerger des artistes et à les accompagner. Ce dispositif fiscal est aujourd'hui réservé aux producteurs de spectacles vivants musicaux, de variété ou d'humour présentant des spectacles n'ayant pas comptabilisé plus de 12 000 entrées payantes au cours des trois années précédentes. Une mission sera lancée afin d'évaluer ce crédit d'impôt et d'étudier l'opportunité de son extension à d'autres secteurs du champ du spectacle vivant.

Madame Darcos, je tiens à vous rassurer : la baisse de cinq millions d'euros dans la dotation d'investissement d'Universcience est justifiée par un rythme insuffisant de consommation des crédits certaines années, malgré des améliorations certaines. Les moyens de fonctionnement pour 2018 ont été consolidés. La réduction du taux de gel à 3 % permettra à l'établissement d'améliorer de 2,3 millions d'euros la capacité d'autofinancement de ses investissements. La baisse est donc limitée à 2,7 millions d'euros. Les moyens pour le Palais de la Découverte sont préservés.

Madame de la Provôté, le ministère soutient le développement du mécénat, qui permet d'apporter des moyens supplémentaires à l'action publique et associative et favorise le partage d'expertise entre la sphère privée et la sphère publique. Nous encourageons le développement du mécénat collectif en faveur de projets comme l'acquisition de biens culturels, la production de spectacles pérennes, ainsi que le mécénat participatif sur les plateformes de dons, notamment les appels à la générosité publique en faveur de la culture et de la sauvegarde du patrimoine. Nous travaillons avec nos partenaires du monde économique et juridique : chambres de commerce et d'industrie, notaires, avocats, experts-comptables...

Le ministère favorise la création de pôles régionaux de mécénat : guichet permanent de mise en relation des porteurs de projets et de mécènes, information sur la législation ou les bonnes pratiques. Il sera favorable à un relèvement du plafond des dons de 0,5 % à 1 % du chiffre d'affaires, pour donner plus de marge au mécénat des PME et TPE, qui constitue, avec la philanthropie individuelle, la principale visée de développement du mécénat culturel.

Je suis tout à fait consciente de l'importance des contrats aidés dans le secteur culturel. Le Gouvernement l'a rappelé, il n'est pas question de les supprimer. Il y en aura 200 000 en 2018, et le secteur culturel continuera à en bénéficier. Nous faisons beaucoup de pédagogie, notamment pour s'assurer de leur pérennité, dans un domaine où, loin d'être de faux emplois, ceux qui les occupent assument de réelles responsabilités.

Nous voudrions aussi soutenir le développement de l'emploi culturel. Le Fonpeps est fait pour cela. Le Gouvernement réfléchit à un plan de compétences et de formation pour encourager le retour à l'emploi pérenne.

À propos de pratique musicale, je vous recommande un très joli premier film, La Mélodie , qui montre l'effet de l'accompagnement des enfants non seulement sur ces derniers, mais aussi sur le musicien qui en avait la charge.

Le plan « chorales », mis en place dès la rentrée 2017, a été une réussite.

Le rapport de Roch-Olivier Maistre montre vraiment qu'il faut repenser l'action du ministère de la culture en matière de musique. Il y a deux axes majeurs : la place de la France sur la scène internationale et la volonté d'aller plus loin dans l'accès de tous à la musique. Nous défendons toutes les musiques. Ainsi, nous développerons la couverture du territoire par les scènes de musique actuelle.

Nous continuons aussi de soutenir les festivals. Pour développer les approches partenariales dans le champ musical, nous poursuivrons l'élaboration des contrats régionaux de filières de musiques actuelles avec les régions, les départements et les métropoles. Ces co-constructions stratégiques permettent de s'adapter au mieux aux enjeux locaux. J'en ai déjà signé quelques-uns. Je travaille également sur la régulation des phénomènes de concentration verticale et horizontale.

Nous n'aurons de cesse de faire progresser la qualité de l'emploi et l'insertion professionnelle dans le champ musical, afin de favoriser la circulation des oeuvres sur le territoire et à l'international, ainsi que l'insertion des compositeurs dans les institutions et les réseaux.

Monsieur Laurent, je vous remercie de vos propos sur Jack Ralite. En 2014, celui-ci avait écrit à François Hollande : « La culture, c'est le nous extensible à l'infini des humains, et c'est cela qui se trouve en danger et requiert notre mobilisation et notre appel en votre direction. » C'est aussi en pensant à lui que nous avons voulu préserver le budget de la culture.

Un document consacré aux pistes de réforme pour le champ artistique dans le cadre du chantier « Action publique 2022 » a effectivement fuité dans la presse. J'insiste bien sur le fait qu'il s'agit seulement de réflexions, d'ailleurs souvent inspirées de pratiques en vigueur dans d'autres domaines, et non de décisions validées. Il n'est pas admissible que des documents de travail internes soient ainsi rendus publics et, au final, instrumentalisés !

Les attentes considérables de tous les Français à l'égard de la culture doivent nous amener à adapter nos politiques, à y réfléchir avec l'ensemble des collectivités publiques. Je souhaite que nous parvenions à mobiliser tous les établissements culturels à cette fin. J'insiste sur la notion de mission. Les plus jeunes et les Français les plus éloignés de la culture doivent être accompagnés. Il faut une plus grande diffusion des oeuvres au profit des artistes, dont la paupérisation doit être combattue avec détermination, et du public, qui doit s'élargir grâce aux outils numériques.

Plus généralement, réfléchissons à un service public audiovisuel dans un environnement qui a profondément évolué. J'aurai l'occasion de préciser mes orientations en la matière. Nous voulons travailler dans la concertation et faire émerger des constats partagés pour prendre des mesures adaptées.

Je me suis déjà exprimée sur le régime de l'intermittence. L'accord de 2016, intervenu grâce aux propositions des professionnels du secteur, est un bon accord. Le Président de la République s'est engagé à le préserver.

Madame Bruguière, les festivals, qui sont très fréquentés, sont un marqueur fort d'identité et d'attractivité culturelle, économique et touristique pour un territoire. Les aides publiques sont maintenues.

Le financement de l'État s'élève à 19 millions d'euros par an pour le spectacle vivant, à quoi il convient d'ajouter le fonds d'urgence qui, avec près de 6 millions d'euros d'aides distribuées depuis 2015 aux festivals, vient compenser les coûts relatifs à la sécurité. L'État fonde son action en faveur des festivals sur les critères d'excellence, de pluralité de l'offre, de diversité de la vie culturelle dans les territoires... Il est important de réfléchir avec les collectivités territoriales à la situation des festivals et à leur accompagnement par la puissance publique. M. Serge Kancel, inspecteur général des affaires culturelles, est l'interlocuteur au sein du ministère sur le sujet.

La politique de valorisation des langues régionales du ministère de la culture s'appuie sur les structures institutionnelles qui existent dans les régions : Office public de la langue bretonne, Office public de la langue basque, Office public de la langue occitane, Académie des langues kanakes.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous pourrons poursuivre le dialogue en séance publique lors de l'examen des crédits.

Hier, lors du débat sur l'Institut français et l'avenir de notre politique d'influence, que j'avais souhaité, M. le secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoyne a fait remarquer à juste titre que cet institut était désormais soumis à la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - La francophonie - je me trouvais hier à Bruxelles - est un sujet dont nous devons nous emparer avec vigueur. Il y a une vraie demande en la matière.

Notre présence est par exemple très importante pour le développement du continent africain. J'ai ainsi visité le campus de l'ESSEC au Maroc, qui accueille des étudiants de tout le continent africain et communique par visioconférence avec la Chine ou la France. C'est extraordinaire !

Nous travaillons en parfaite harmonie avec mes homologues du ministère des affaires étrangères.


* 1 Les dix-sept villes concernées par l'expérimentation sont les suivantes : Gien, Romorantin-Lanthenay, La Châtre, Sancerre, Sedan, Chaumont, Lunéville, Longwy, Bar-le-Duc, Saint-Dié-des-Vosges, Guebwiller, Lauzerte, Lodève, Figeac, Villefranche-de-Rouergue, Pont-Saint-Esprit et Mende.

* 2 Rapport de la Cour des comptes de 2013 sur l'organisation territoriale de l'État.

* 3 Ces demandes émanent de Bidart (64), Bourganeuf (23), Mirepoix (09), Saint-Aubin-du-Cormier (35), Lusignan (86), Reims (51), Toul (54), Angers (49), Les Baux-de-Provence (13), Saint-Rémy-de-Provence (13), Marmande (47), La Roche-Posay (86), Domfront-en-Poirée (14), Moret-sur-Loing (77), Sèvres (92), Lussac-les-Châteaux (86), la communauté de communes "Coeur du Perche" (61) et communauté d'agglomération du Cotentin (50).

* 4 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-D-09 du 1 er juin 2017 relative à des pratiques mises en oeuvre par l'Institut national de recherches archéologiques préventives dans le secteur de l'archéologie préventive.

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