INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des lois s'est saisie pour avis des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2018, ainsi que des articles rattachés à cette mission.

Disons-le d'emblée, ce budget n'est pas bon pour les collectivités territoriales. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » elle-même, qui ne regroupe qu'une faible partie des transferts financiers de l'État aux collectivités et à leurs groupements, est marquée par une série d'artifices qui en rendent l'analyse difficile, mais qui ne peuvent occulter les faits : les dotations de décentralisation, versées aux collectivités pour compenser les charges qu'elles supportent à la suite d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, poursuivent leur lente dépréciation ; quant aux dotations d'investissement, elles connaissent une sévère baisse en autorisations d'engagement. Si l'on prend en compte l'ensemble du projet de loi de finances, les concours financiers de l'État régressent légèrement malgré une hausse affichée. Le nouvel élargissement des « variables d'ajustement » à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle du bloc communal mettra en difficulté d'anciennes agglomérations industrielles, qui avaient déjà pâti de la réforme de la fiscalité économique locale. L'instauration d'une « TVA régionale », dont le principe peut être salué, a lieu sur des bases contestables, puisque les régions y perdent 450 millions d'euros par rapport à ce qui leur avait été promis l'an dernier. Enfin, la réforme de la taxe d'habitation fait peser de lourdes incertitudes sur les recettes des communes et de leurs groupements et, surtout, sur leur autonomie financière.

Ce projet de loi de finances doit d'ailleurs être analysé à la lumière du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, en cours d'examen par le Parlement. Or ce projet de loi de programmation vise - le mot n'est pas trop fort - à mettre les collectivités territoriales sous tutelle. Non seulement elles se verraient assigner des objectifs d'économies inaccessibles, déterminés en fonction de paramètres douteux, mais on leur imposerait une contribution au désendettement du pays hors de toute proportion avec leur poids dans la dépense ou la dette publiques. À cette fin, le Gouvernement prétend les assujettir à une « règle d'or renforcée » gravement attentatoire à leur libre administration, pendant que l'État, lui, continuerait de laisser filer son déficit...

Prises ensemble, ces mesures dessinent une reprise en main par l'État que ni les élus locaux, ni le Sénat ne peuvent accepter. Les moyens dont les collectivités territoriales disposent en propre pour investir étant appelés à se réduire, le Gouvernement consent - moins généreusement d'ailleurs qu'il n'y paraît - à leur accorder des dotations d'investissement dont les préfets disposent librement. Est-ce pour cela que les collectivités territoriales sont dotées de conseils élus, responsables devant les citoyens ? Est-ce cela, la République décentralisée ?

Au cours de l'examen de la mission en séance publique, votre commission des lois s'attachera, autant que les règles de la discussion budgétaire le permettent, à rendre aux élus locaux et nationaux un peu de leur pouvoir de décision et de contrôle.

Ce rapport esquisse également des pistes pour l'avenir, en proposant de refonder le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales sur des bases juridiques et fiscales plus solides.

I. LA MISSION « RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES » ET L'INVESTISSEMENT LOCAL

A. UNE MISSION BUDGÉTAIRE DE PORTÉE LIMITÉE

1. Une part infime des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales

À titre liminaire, il convient de rappeler que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente qu'une part infime des transferts financiers de l'État aux collectivités et à leurs groupements : 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement sur un total de 104,6 milliards d'euros, soit environ 3,6 % des sommes prévues dans le projet de loi de finances pour 2018.

Source : direction du budget

Les transferts financiers de l'État se décomposent, en effet, en trois ensembles : les concours financiers de l'État, la prise en charge par l'État de dégrèvements d'impôts locaux et la fiscalité transférée.

Les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales comprennent principalement des prélèvements sur recettes , prévus en première partie de la loi de finances, et des dépenses budgétaires regroupées au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Il faut y ajouter, cette année, la fraction des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) allouée aux régions 3 ( * ) .

L'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales se monte, dans le projet de loi de finances pour 2018, à 48,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement ; les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » en représentent 7,8 % 4 ( * ) .

Les prélèvements sur recettes constituent, de loin, la plus grande partie des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Ils forment un ensemble diversifié, qui inclut la dotation globale de fonctionnement (DGF), le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et divers autres prélèvements sur recettes, destinés notamment à compenser des exonérations de fiscalité locale décidées par l'État ou des pertes de produit fiscal (liées en particulier aux réformes successives de la taxe professionnelle).

Cette architecture complexe, que votre commission appelle depuis plusieurs années à simplifier, ne reflète qu'imparfaitement, comme on le verra, les différences de nature entre les différents types de transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales.

Architecture des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales

Source : commission des lois du Sénat

2. Des crédits destinés notamment à compenser les charges des collectivités territoriales et à soutenir leurs investissements

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » se compose de deux programmes. On observe au total une très nette baisse des autorisations d'engagement (AE), due pour l'essentiel à la non-reconduction du fonds exceptionnel de soutien aux régions et à la suppression de la « réserve parlementaire », et une hausse des crédits de paiement (CP) due à une augmentation des dotations d'investissement (qui s'explique en partie par des changements de périmètre). La mission bénéficie en outre de mesures de transfert d'un montant de 4,5 millions d'euros (en AE=CP) 5 ( * ) .

Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »

PLF 2018

LFI 2107

Variation 2018/2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements »

3 598 462 044

3 410 909 207

4 017 569 954

3 181 344 847

-10%

+7%

Programme 122 « Concours spécifiques et administration »

187 671 872

249 391 164

289 343 459

254 396 784

-35%

-2%

TOTAL

3 786 133 916

3 660 300 371

4 306 913 413

3 435 741 631

-12%

+7%

Source : commission des lois du Sénat, sur le fondement des documents budgétaires

Votre rapporteur aura plusieurs fois l'occasion de relever l'imprécision, voire l'opacité des documents annexés au projet de loi de finances, qui nuisent à la bonne information des parlementaires et du public. Il est tout particulièrement regrettable que la représentation nationale ne soit pas mise en mesure d'exercer, au moyen de renseignements fiables, l'une de ses premières missions, à savoir le vote du budget de l'État.

a) Le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements »

Le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », qui comprend six actions, est destiné, d'une part, à compenser certaines charges supportées par les collectivités territoriales à la suite d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, d'autre part, à soutenir les projets d'investissement des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Les crédits du programme 199 par action

PLF 2018

LFI 2017

Variation 2018/2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action n° 1 « Soutien aux projets des communes et de leurs groupements »

1 855 279 990

1 417 727 153

1 680 779 990

1 134 554 883

+10 %

+25 %

Action n° 2 « Dotation générale de décentralisation des communes »

130 308 258

130 308 258

184 308 258

144 308 258

-29 %

-10 %

Action n° 3 « Soutien aux projets des départements et des régions »

211 855 969

461 855 969

215 855 969

215 855 969

-2 %

+114 %

Action n° 4 « Dotation générale de décentralisation des départements »

265 337 672

265 337 672

265 337 672

265 337 672

0 %

0 %

Action n° 5 « Dotation générale de décentralisation des régions »

908 104 567

908 104 567

993 728 778

993 728 778

-9 %

-9 %

Action n° 6 « Dotation générale de décentralisation - concours particuliers »

227 575 588

227 575 588

227 559 287

227 559 287

0 %

0 %

Action n° 7 « Soutien à l'investissement - Part métropoles »

0

0

450 000 000

200 000 000

-100 %

-100 %

TOTAL

3 598 462 044

3 410 909 207

4 017 569 954

3 181 344 847

-10 %

+7 %

Source : commission des lois du Sénat, sur le fondement des documents budgétaires

• La lente érosion des dotations de décentralisation (actions n os 2, 4, 5 et 6)

La dotation générale de décentralisation (DGD) des communes , qui s'élève dans le projet de loi de finances pour 2018 à 130,3 millions d'euros (en AE=CP), a pour objet de compenser les charges liées à divers transferts de compétences au profit des communes et de leurs groupements : l'élaboration des documents d'urbanisme, les services communaux d'hygiène et de santé, l'entretien de la voirie nationale de la Ville de Paris, les monuments historiques et la compétence définie à l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation.

La DGD des communes, de même que les autres composantes de la DGD, est gelée en valeur depuis 2009, sauf accroissement ou diminution des compétences transférées qu'elle est destinée à financer 6 ( * ) . Toutefois, il semble que l'augmentation des crédits du programme 119 de 54 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 14 millions d'euros en crédits de paiement, au cours de l'examen parlementaire du projet de loi de finances pour 2017 7 ( * ) , ait été entièrement mais fictivement imputée par l'administration à l'action n° 2, alors que cette augmentation de crédits était destinée à financer un abondement de 50 millions d'euros de la dotation politique de la ville et la création de la dotation communale d'insularité, qui relèvent toutes deux de l'action n° 1. De là, la baisse apparente des crédits de l'action n° 2 entre la loi de finances initiale pour 2017 et le présent projet de loi de finances.

La dotation générale de décentralisation des départements , qui s'élève à 265 337 672 millions d'euros (en AE=CP), est attribuée aux départements pour compenser certaines charges qui leur ont été transférées (collèges à sections binationales et internationales, monuments historiques, etc .). Elle prend également en compte les mouvements financiers liés aux transferts de personnel résultant de la loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 8 ( * ) , qui ne sont pas encore connus pour 2018.

La dotation générale de décentralisation des régions , de 908 104 567 millions d'euros (en AE=CP), compense certaines charges transférées aux régions (lycées à sections binationales et internationales, monuments historiques, transports scolaires en Île-de-France, etc .). Contrairement à ce qu'indiquent les documents budgétaires , la baisse des crédits par rapport à 2017, qui atteint 85,6 millions d'euros, ne s'explique pas par la suppression de la dotation de continuité territoriale versée à la collectivité de Corse, mais par celle du reliquat de la DGD versée à cette même collectivité (90,1 millions d'euros) 9 ( * ) , compensée à partir de 2018 par la fraction de TVA qui lui sera allouée au même titre qu'aux autres régions. Cette baisse est légèrement atténuée par le transfert, au sein de la DGD des régions, de la compensation annuelle versée par l'État au titre de la redevance de quai (4,5 millions d'euros).

Enfin, divers concours particuliers sont attribués, au titre de la dotation générale de décentralisation, indistinctement aux communes, départements, régions et groupements de collectivités territoriales. Il s'agit des concours particuliers aux autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains, en faveur des ports maritimes, des aérodromes, des bibliothèques municipales et départementales de prêt, et du concours relatif au domaine public fluvial.

Au total, depuis leur « gel » en valeur en 2009, les différentes composantes de la dotation générale de décentralisation auront subi, à périmètre constant, une baisse de près 9 % en volume .

• Les dotations d'investissement (actions n os 1 et 3) : une hausse apparente qui masque la réduction du soutien financier de l'État à l'investissement local

- Le soutien à l'investissement du bloc communal

L'action n° 1 « Soutien aux projets des communes et de leurs groupements » regroupe les crédits de plusieurs dotations d'une grande importance pour les investissements du bloc communal, versées sous la forme de subventions allouées par l'État sur la base des projets présentés aux préfets par les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) , créée par la loi de finances pour 2011, est destinée à subventionner les dépenses d'équipement des communes et EPCI situés essentiellement en milieu rural. Le montant de cette dotation, après avoir progressé de 815 millions d'euros en autorisations d'engagement en 2015 et 2016 à 996 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017, devait être stabilisé en valeur l'an prochain, selon le projet annuel de performance de la mission. Quant aux crédits de paiement, ils devaient être portés de 722,7 millions à 791,1 millions d'euros, pour tenir compte de l'augmentation des engagements au cours de l'année écoulée.

Nos collègues députés ont cependant supprimé, à l'article 59, la seconde enveloppe de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), d'un montant de 50 millions d'euros, dans l'intention que cette somme soit réaffectée à la DETR (voir ci-dessous).

Les conditions d'éligibilité à la DETR

Peuvent bénéficier de la dotation d'équipement des territoires ruraux, en vertu de l'article L. 2334-33 du code général des collectivités territoriales :

1° Parmi les communes :

a) celles dont la population n'excède pas 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d'outre-mer ;

b) celles dont la population est supérieure aux seuils ci-dessus mais n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer, et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n'excède pas 20 000 habitants ;

c) les communes de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

d) dans le cas où elles ne respectent pas les conditions de population mentionnées ci-dessus, et pendant les trois premiers exercices à compter de leur création, les communes nouvelles issues de la transformation d'EPCI éligibles à la DETR l'année précédant leur transformation, ou issues de la fusion de communes dont l'une était éligible à cette dotation l'année précédant leur fusion ;

2° Parmi les EPCI :

a) les EPCI à fiscalité propre dans les départements de métropole qui ne forment pas un ensemble de plus de 75 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave autour d'une ou plusieurs communes centres de plus de 20 000 habitants ;

b) les EPCI à fiscalité propre dans les départements d'outre-mer et le département de Mayotte qui ne forment pas un ensemble de plus de 150 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave autour d'une ou plusieurs communes centres de plus de 85 000 habitants ;

c) les EPCI éligibles en 2010 à la dotation globale d'équipement des communes ou à la dotation de développement rural, ainsi que les syndicats de communes et syndicats mixtes « fermés » dont la population n'excède pas 60 000 habitants.

La dotation politique de la ville (DPV) , créée par la loi de finances pour 2015, a pour objet de soutenir les communes urbaines défavorisées. Après avoir connu une forte hausse en 2017, les autorisations d'engagement resteraient stables en 2018, à 150 millions d'euros. Les crédits de paiement seraient portés de 88,4 millions à 101,1 millions d'euros, pour tenir compte de l'augmentation des engagements passés.

La répartition de la DPV

Les conditions d'éligibilité et critères de répartition de la dotation politique de la ville sont fixés aux articles L. 2334-40 et L. 2334-41 du code général des collectivités territoriales.

1° En métropole

La DPV destinée aux communes de métropole est composée de deux parts :

- la première part (75 % des crédits alloués à la métropole) est répartie entre les premières communes classées en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges, sans que le nombre total de communes bénéficiaires en métropole et en outre-mer puisse excéder 180. Ces communes doivent en outre compter plus de 19 % de leur population en quartier prioritaire ou en zone franche urbaine (ZFU), avoir été éligibles à la DSU et faire partie des 250 premières communes de plus de 10 000 habitants ou des 30 premières communes de 5 000 à 9 999 habitants éligibles à la DSU cible l'année précédente ; elles doivent également faire l'objet d'une convention pluriannuelle avec l'ANRU ou contenir un quartier prioritaire visé en priorité par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). L'attribution au titre de cette première enveloppe est plafonnée à 5 millions d'euros par commune ;

- la seconde part (25 % des crédits attribués à la métropole) est répartie entre les 90 premières communes classées selon le même indice synthétique. L'attribution au titre de cette seconde part est plafonnée à 1 million d'euros par commune.

2° En outre-mer

La dotation politique de la ville comporte une quote-part réservée aux communes des départements d'outre-mer de plus de 5 000 habitants, faisant l'objet d'une convention pluriannuelle avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ou comprenant un quartier prioritaire visé par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPRU) parmi ceux qui présentent les dysfonctionnements urbains les plus importants.

Cette quote-part est calculée en appliquant au montant total de la DPV le rapport, majoré de 33 %, existant entre la population totale des communes des départements d'outre-mer et la population totale des communes des départements de métropole et d'outre-mer.

La dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) , créée en 2016 et reconduite en 2017 pour encourager financièrement les investissements des communes et de leurs groupements - qui pâtissaient de la baisse globale des concours financiers de l'État - se trouve pérennisée par le projet de loi de finances pour 2018. Son article 59 (rattaché à la présente mission) prévoit, en effet, d'insérer dans le code général des collectivités territoriales une section consacrée à la DSIL et composée d'un seul article, qui prendrait le relais de l'article 141 de la loi n° 2016-1917 de finances pour 2017.

La hausse apparente de cette dotation, de 570 millions d'euros en autorisations d'engagement en loi de finances pour 2017 10 ( * ) à 665 millions d'euros l'an prochain, masque en fait d'importants changements de périmètre .

La DSIL, en 2017, se composait de deux enveloppes dont les différentes fractions étaient réparties entre le présent programme 119 et le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires ». La première enveloppe comprenait trois parts : la première consacrée au financement des pactes métropolitains d'innovation prévus par le pacte État-métropoles (130 millions d'euros en AE au titre du programme 119, 20 millions d'euros au titre du programme 112), la deuxième au bénéfice d'investissements des communes et EPCI considérés comme prioritaires (420 millions d'euros en AE au titre du programme 119), la troisième dédiée aux « grandes priorités d'aménagement du territoire » (30 millions d'euros en AE au titre du programme 112). La seconde enveloppe était consacrée au financement des contrats de ruralité (215,7 millions d'euros en AE au titre du programme 112) 11 ( * ) .

Selon le projet de loi de finances pour 2018 présenté par le Gouvernement, la nouvelle DSIL relèverait tout entière du programme 119. Une première part , de 615 millions d'euros, serait consacrée au financement des grandes priorités d'investissement définies par la loi : rénovation thermique et transition énergétique, mise aux normes et sécurisation des équipements publics, mobilité, logement, numérique et téléphonie mobile, bâtiments scolaires, etc . Le projet annuel de performance de la mission indique que cette première part de la DSIL serait mise à contribution à hauteur de 200 millions d'euros pour financer le grand plan d'investissement annoncé par le Gouvernement, et plus particulièrement des projets de transports publics durables (100 millions d'euros) et de rénovation thermique des bâtiments des collectivités territoriales (100 millions d'euros). Cette première part servirait aussi à financer les contrats de ruralité, à hauteur de 45 millions d'euros seulement.

Une seconde part , de 50 millions d'euros, serait allouée aux communes et intercommunalités qui, par convention avec l'État, se seraient engagées dans un projet de modernisation pour mieux maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Cette seconde part est présentée comme la contrepartie de la suppression de la « réserve parlementaire » , qui s'élevait pourtant à 146 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017, dont 86 millions d'euros au titre des travaux divers d'intérêt local (TDIL) imputés sur l'action n° 1 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales » du programme 122.

D'une DSIL à l'autre

Source : commission des lois du Sénat

Si l'on neutralise ces effets de périmètre, les autorisations d'engagement diminueraient de 257 millions d'euros, soit une baisse de 29 % en volume . Les crédits de paiement, pour autant que l'on puisse reconstituer avec exactitude leur montant en 2017, progresseraient pour leur part d'environ 70 millions d'euros, afin de couvrir les engagements passés.

Évolution du montant de la DSIL et des TDIL entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

DSIL

TDIL

TOTAL

1 e enveloppe 2017

(et paiements en 2018)

2 e enveloppe 2017

(et paiements en 2018)

1 e part 2018

2 e part 2018

1 e part

2 e part

3 e part

2017

programme 119

AE

130

440

570

CP

322,9

322,9

programme 112

AE

20

30

215,7

265,7

CP

2,8

30 12 ( * )

30,4

63,2

programme 122

AE

86

86

CP

86

86

TOTAL

AE

150

440

30

215,7

86

921,7

CP

2,8

322,9

30

30,4

86

472,1

2018

programme 119

AE

615

50

665

CP

481,3

481,3

programme 112

AE

CP

15,2

44,2

59,4

TOTAL

AE

615

50

665

CP

15,2

44,2

481,3

540,7

Évolution

AE

en millions d'euros courants

-256,7 (-28 %)

en millions d'euros constants

-263,3 (-29 %)

CP

en millions d'euros courants

+68,6 (+15 %)

en millions d'euros constants

+63,2 (+13 %)

Source : commission des lois, sur le fondement des documents budgétaires

Encore nos collègues députés ont-ils supprimé la deuxième part de la DSIL prévue à l'article 59 du projet de loi de finances, en émettant le souhait que les 50 millions d'euros correspondants soient affectés à la DETR.

Au total, les trois grandes dotations d'investissement destinées au bloc communal (DETR, DPV, DSI) connaîtraient en 2018 une hausse de 9 % en volume de leurs crédits de paiement , mais une baisse de 13 % de leurs autorisations d'engagement. On ne peut donc accueillir qu'avec circonspection les annonces gouvernementales sur la poursuite du soutien de l'État à l'investissement des communes et de leurs groupements.

La dotation forfaitaire relative à la délivrance des titres sécurisés connaît, elle, une hausse réelle, puisqu'elle passe de 18,3 millions d'euros en 2017 à 39,8 millions d'euros en 2018 (en AE=CP), afin de tenir compte des charges exposées par les communes, au nom de l'État, pour recueillir les empreintes digitales des personnes qui demandent la délivrance d'un passeport ou, depuis 2017, d'une carte nationale d'identité. On peut espérer que cela contribuera à réduire l'important reste à charge des communes.

L'action n° 1 comprend enfin la dotation « régisseurs de police municipale » (0,5 million d'euros en AE=CP) et la dotation communale d'insularité (4 millions d'euros en AE=CP), qui restent stables.

- Le soutien à l'investissement des départements et des régions

L'action n° 3 « Soutien aux projets des départements et des régions » regroupe les crédits affectés à la dotation globale d'équipement des départements et au fonds de soutien aux régions créé en 2017 au titre de leurs nouvelles compétences économiques.

La dotation globale d'équipement (DGE) des départements est destinée à concourir financièrement à leurs investissements en matière d'aménagement foncier et aux subventions qu'ils versent pour des travaux d'équipement rural. À l'inverse de ce qui est indiqué dans le projet annuel de performance , son montant connaît cette année une baisse d'environ 2 % , pour s'établir à 211,9 millions d'euros (en AE=CP).

Le fonds de soutien exceptionnel aux régions, au Département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane a été institué par l'article 149 de la loi n° 2016-1917 de finances pour 2017, afin d'accompagner ces collectivités dans l'exercice de leurs nouvelles compétences en matière de développement économique, telles qu'elles résultent de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe ». Ce fonds a été doté en 2017 de 450 millions d'euros en autorisations d'engagement, qui ont été intégralement engagés par les préfets de région. S'agissant des crédits de paiement, 200 millions d'euros ont été ouverts en 2017 et le solde de 250 millions d'euros est ouvert par le projet de loi de finances pour 2018. Comme le prévoit l'article 149 de la loi n° 2016-1917 de finances pour 2017, cette seconde enveloppe représente un montant de dépenses maximal , qui sera réparti entre les collectivités dont les dépenses en matière de développement économique auront augmenté en 2017.

En revanche, contrairement à ce que prévoyait le même article 149, les 450 millions d'euros du fonds de soutien ne seront pas pris en compte pour le calcul de la fraction du produit de TVA que percevront ces mêmes collectivités territoriales à compter de 2018 , en substitution de leur DGF notamment 13 ( * ) .

Enfin, s'agissant de l'action n° 7, votre rapporteur ne peut que déplorer une nouvelle fois le manque de transparence des documents budgétaires, puisqu'il est écrit dans le projet annuel de performance (« bleu ») annexé au projet de loi de finances pour 2018 qu'il s'agissait de l'enveloppe destinée aux pactes métropolitains d'innovation, tandis que l'annexe correspondante à la loi de finances initiale pour 2017 (« vert ») indique que cette action regroupait les crédits du fonds exceptionnel de soutien aux régions. Cette dernière hypothèse correspond mieux aux montants indiqués 14 ( * ) . En tout état de cause, en 2018, cette action ne serait plus dotée d'aucun crédit.

b) Le programme 122 « Concours spécifiques et administration »

Le programme 122 « Concours spécifiques et administration », quelque peu hétéroclite, regroupe les aides financières destinées aux collectivités territoriales faisant face à des situations exceptionnelles, les moyens de la direction générale des collectivités locales et diverses dotations allouées à certaines collectivités d'outre-mer.

Les crédits du programme 122 par action 15 ( * )

PLF 2018

LFI 2017

Variation 2018/2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action n° 1 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales »

42 000 000

106 665 967

147 559 603

112 559 603

-72 %

-5 %

Action n° 2 « Administration des relations avec les collectivités territoriales »

2 463 826

2 517 151

2 463 826

2 517 151

0 %

0 %

Action n° 4 « Dotations outre-mer »

140 208 046

140 208 046

139 320 030

139 320 030

+1 %

+1 %

TOTAL

184 671 872

249 391 164

289 343 459

254 396 784

-36 %

-2 %

Source : commission des lois du Sénat, sur le fondement des documents budgétaires

• Les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales

L'action n° 1 « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales » regroupe divers dispositifs destinés aux collectivités territoriales qui font face à des situations exceptionnelles.

Les subventions exceptionnelles aux communes en difficulté sont versées par l'État aux communes connaissant de graves difficultés financières afin de favoriser la mise en place d'un plan de redressement, conformément à l'article L. 2335-2 du code général des collectivités territoriales. Le montant des crédits nécessaires est évalué, pour 2018 comme pour 2017, à 2 millions d'euros (en AE=CP). Il convient de noter que les aides accordées à cinq communes en difficulté s'étaient élevées en 2016 à un total de 2,26 millions d'euros 16 ( * ) .

Les subventions exceptionnelles pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques sont allouées aux collectivités en cas d'événements climatiques ou géologiques de très grande ampleur, au titre de la solidarité nationale. Les prévisions du Gouvernement semblent ici pour le moins optimistes : les crédits affectés à ces subventions passent de 55 millions d'euros en autorisations d'engagement en 2017 à 40 millions d'euros en 2018, alors même que les plafonds prévus en loi de finances sont régulièrement dépassés, ce qui nécessite l'ouverture de nouveaux crédits en cours d'année.

Comme l'an dernier, aucun crédit nouveau n'est ouvert au titre des aides aux communes concernées par la restructuration des implantations du ministère de la défense . Des redéploiements internes de crédits sont annoncés pour aider les communes touchées par les dissolutions et transferts d'unités intervenus entre 2011 et 2018.

Enfin, les subventions pour travaux divers d'intérêt local (TDIL) , correspondant à une partie de l'ancienne « réserve parlementaire », ne sont dotées que de 76,7 millions d'euros de crédits de paiement pour couvrir les engagements des années précédentes.

• Les moyens de la direction générale des collectivités locales

L'action n° 2 « Administration des relations avec les collectivités territoriales » finance, en premier lieu, les dépenses de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et des organismes nationaux dont elle assure le fonctionnement, à savoir le conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le conseil national de la formation des élus locaux et le conseil national des opérations funéraires (0,55 million d'euros en AE et 0,51 million d'euros en CP).

En second lieu, l'action n° 2 finance les dépenses informatiques de la DGCL (1,9 million d'euros en AE et 2 millions d'euros en CP). Le montant de ces dépenses reflète, selon le Gouvernement, la montée en gamme de l'application destinée à assurer la dématérialisation des budgets des métropoles et des collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants. Votre rapporteur observe néanmoins que ces crédits d'informatique, stables en valeur depuis 2015, sont régulièrement sous-consommés 17 ( * ) . Il serait sans doute préférable de les ramener à un montant plus modeste et de budgéter de manière plus fiable les dépenses relatives aux subventions et aides exceptionnelles aux communes.

• Diverses dotations aux collectivités d'outre-mer

L'action n° 4 « Dotations outre-mer » comprend diverses dotations destinées à plusieurs collectivités ultramarines : la dotation globale de fonctionnement des provinces de Nouvelle-Calédonie (82,7 millions d'euros en AE=CP), les dotations globales de compensation versées à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française au titre des services et établissements publics transférés (respectivement 52 millions d'euros et 1 million d'euros en AE=CP), et la dotation globale de compensation allouée à Saint-Martin (4,4 millions d'euros en AE=CP). Ces diverses dotations sont stables ou en très légère progression par rapport à 2017.


* 3 La fraction du produit de la TVA affectée aux régions est considérée, dans les documents annexés au présent projet de loi de finances et dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, comme une composante des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, alors qu'elle aurait plutôt sa place au sein de la fiscalité transférée (voir ci-dessous, pp. 37-38 et pp. 41-42).

* 4 À cet ensemble, on peut ajouter les subventions en faveur des collectivités territoriales relevant d'autres ministères que le ministère de l'intérieur, retracées par diverses missions budgétaires et placées en dehors de l'enveloppe normée des concours financiers de l'État. Elles se monteraient, en 2018, à quelque 3 milliards d'euros : voir l'annexe « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales » au projet de loi de finances pour 2018, consultable à l'adresse suivante : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr .

* 5 Ces crédits, transférés du programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » vers le programme 119, correspondent, d'une part, à l'ajustement de la compensation annuelle due par l'État aux régions au titre de la redevance de quai (4,47 millions d'euros), d'autre part, à la compensation annuelle due par l'État au département de la Somme au titre du transfert de propriété du domaine public fluvial de l'écluse de Sormont (0,02 million d'euros).

* 6 Article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales.

* 7 Amendement n° II-570 du Gouvernement à l'article 20, état B, du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

* 8 Loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 relative à la prise en charge par l'État, les départements et les régions des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services placés sous leur autorité.

* 9 Contrairement à ce que l'on peut lire dans le projet annuel de performance de la mission, la dotation de continuité territoriale, composante de la DGD de la collectivité de Corse, ne s'élevait pas en 2017 à 90,1 millions, mais à 187 millions d'euros. La somme de 90,1 millions d'euros correspond à la différence entre ces 187 millions et l'enveloppe totale de la DGD de Corse, soit 277,1 millions d'euros. L'ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse a d'ailleurs expressément prévu que la dotation de continuité territoriale continuerait d'être perçue par cette collectivité, conformément au nouvel article L. 4425-26 du code général des collectivités territoriales, qui doit entrer en vigueur le 1 er janvier 2018.

* 10 Et non pas 580 millions d'euros, comme il est indiqué dans le projet annuel de performance, qui ne tient pas compte de l'adoption de l'amendement n° 542 par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2017.

* 11 Il est plus difficile de reconstituer, à partir des documents budgétaires, la somme des crédits de paiement dédiés à ces différentes fractions en 2017. Au titre du programme 112, 30,4 millions d'euros en CP ont été budgétés pour les contrats de ruralité et 2,8 millions pour les pactes métropolitains d'innovation ; au titre du programme 119, 322,9 millions d'euros pour l'ensemble des fractions de la DSIL relevant de ce programme.

* 12 À défaut d'éléments d'information précis, on a supposé que le montant des crédits de paiement de cette troisième part de la première enveloppe de la DSIL était égal en 2017 à celui des autorisations d'engagement.

* 13 Pour de plus amples développements sur ce point, voir ci-dessous, pp. 41-42.

* 14 L'action n° 7 du programme 119 était dotée en loi de finances initiale pour 2017 de 450 millions d'euros en AE et 200 millions d'euros en CP.

* 15 L'ancienne action n° 3, qui comprenait les concours particuliers au titre de la dotation générale de décentralisation, a été transférée en 2015 vers le programme 119.

* 16 Rapport annuel de performance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », annexe au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2016, p. 58-59, consultable à l'adresse suivante : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr .

* 17 Selon les annexes aux projets de loi de règlement de 2015 et 2016, les dépenses liées aux applications informatiques de la DGCL se sont montées, ces années-là, respectivement à 1,44 million d'euros et à 1,57 million d'euros (en AE=CP). Les dépenses imputées à l'action n° 2 du programme 122 étaient à chaque fois beaucoup plus faibles.

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