INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'avis budgétaire « Fonction publique » sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 répond à un triple objectif.

Il s'agit, tout d'abord, d'examiner les principales orientations du Gouvernement en matière de réduction des effectifs et de gestion de la masse salariale de l'État, et leurs conséquences sur les autres versants de la fonction publique.

À ce jour, de nombreuses interrogations subsistent pour l'ensemble de la fonction publique, tant du point de vue :

- des agents, dont les syndicats représentatifs ont appelé à la grève le 10 octobre 2017 et ont boycotté le conseil commun de la fonction publique du 6 novembre dernier ;

- que des employeurs, dont les dépenses de personnel dépendent directement des décisions prises lors des « rendez-vous salariaux » organisés entre le ministre de l'action et des comptes publics et les syndicats.

L'avis budgétaire étudie ensuite les crédits alloués au programme 148 « Fonction publique » (239,11 millions d'euros en autorisations d'engagement, AE,  et en crédits de paiement, CP). Malgré son intitulé générique, ce programme n'intervient qu'à titre subsidiaire dans la gestion des agents : il ne couvre que les actions interministérielles destinées à la fonction publique de l'État, ce qui exclut la gestion RH de chaque ministère mais également les versants territorial et hospitalier.

Enfin, au-delà du projet de loi de finances pour 2018, votre rapporteur a souhaité analyser les enjeux du compte personnel d'activité (CPA), un instrument qui pourrait substantiellement modifier la mise en oeuvre de la formation professionnelle des agents publics.

I. UN PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2018 QUI NE PERMET PAS DE CERNER LES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT À L'ÉGARD DE LA FONCTION PUBLIQUE

A. UNE BAISSE TIMIDE DES EFFECTIFS DE L'ÉTAT ET DE SES OPÉRATEURS

La fonction publique représente plus de 5 millions d'équivalents temps plein (ETP), soit environ 20 % de l'emploi total . Ces effectifs sont répartis entre l'État (45 % des ETP), les collectivités territoriales (34 %) et les hôpitaux (21 %) 2 ( * ) .

Le Président de la République a annoncé sa volonté de supprimer 120 000 ETP durant son quinquennat, dont 50 000 dans la fonction publique de l'État et 70 000 dans la fonction publique territoriale .

Pour mettre en oeuvre cet objectif, le comité « Action publique 2022 » (CAP 22) a été installé le 13 octobre 2017 afin d'examiner les pistes d'évolution du service public et de ses effectifs. Son rapport est attendu pour mars 2018.

Le plus grand flou persiste, néanmoins, sur la méthode envisagée par le Gouvernement pour atteindre ses objectifs, notamment en ce qui concerne la fonction publique territoriale .

L'État n'a pas vocation à dicter le schéma d'emplois des collectivités territoriales , dont la libre administration est garantie par l'article 72 de la Constitution. S'il dispose d'un levier budgétaire, une nouvelle réduction des transferts financiers vers les collectivités territoriales et leurs groupements pourrait gravement porter atteinte aux services publics locaux.

Le Gouvernement dispose d'une plus grande marge de manoeuvre sur la fonction publique de l'État , le projet de loi de finances déterminant les plafonds d'emplois de l'État et de ses opérateurs 3 ( * ) .

Il hérite toutefois d'une situation préoccupante : lors du précédent quinquennat, 35 687 ETP ont été créés (solde net) 4 ( * ) entre la loi de finances rectificative pour 2012 5 ( * ) et la loi de finances pour 2017 6 ( * ) , dont 29 027 dans les ministères et 6 660 chez les opérateurs.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 prévoit une suppression nette de 1 600 ETP dans la fonction publique de l'État : - 324 ETP dans les ministères (soit 20,25 % de l'effort) et - 1 276 ETP chez les opérateurs (soit 79,75 % de l'effort).

La réduction des effectifs dans les ministères concerne principalement les ministères économiques et financiers 7 ( * ) (- 1 648 ETP), le ministère de la transition écologique et solidaire (- 828 ETP) et le ministère des solidarités et de la santé (- 258 ETP). Les effectifs du ministère de l'éducation nationale, premier employeur de l'État, sont stabilisés .

Parallèlement, les effectifs des secteurs prioritaires augmentent pour faire face à la menace terroriste : 1 420 ETP supplémentaires au ministère de l'intérieur, 518 au ministère des armées et 1 000 au ministère de la justice.

Dans le PLF pour 2018, le plafond d'emplois du ministère de la justice (84 969 ETP) reste inférieur à celui adopté par le Sénat lors de l'examen de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice (85 747 ETP) 8 ( * ) .

Schéma d'emplois des ministères

État

Ministères

Schéma d'emplois (ETP)

Plafond d'emplois
PLF 2018
(en ETP)

LFI 2017
(format 2018)

PLF 2018

Ministères dont les effectifs baissent dans le PLF pour 2018

Action et comptes publics

Économie et finances

-1 540

-1 648

139 673

Transition écologique et solidaire

-660

-828

40 805

Solidarités et santé

-80

-258

9 938

Travail

-150

-239

9 251

Agriculture et alimentation

0

-130

30 362

Culture

0

-110

11 148

Europe et affaires étrangères

-48

-100

13 530

Cohésion des territoires

-6

-15

573

Ministères dont les effectifs sont stabilisés dans le PLF pour 2018

Éducation nationale

+ 11 662

0

1 021 721

Enseignement supérieur, recherche et innovation

+ 50

0

8 016

Sports

0

0

0

Ministères dont les effectifs augmentent dans le PLF pour 2018

Intérieur

+ 1 774

+ 1 420

287 325

Justice

+ 2 100

+ 1 000

84 969

Armées

+ 464

+ 518

274 580

Services du Premier ministre

+ 153

+ 75

11 536

Outre-mer

+ 196

+ 20

5 525

TOTAL Budget général

+ 13 915

-295

1 948 952

Contrôle et exploitation aériens

0

0

10 677

Publications officielles et information administrative

-40

-29

704

TOTAL Budgets annexes

-40

-29

11 381

TOTAL

+ 13 875

-324

1 960 333

Source : commission des lois du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Si votre rapporteur salue la volonté du Gouvernement de diminuer les effectifs de la fonction publique de l'État et de ses opérateurs, les efforts consentis dans le PLF pour 2018 semblent très insuffisants .

Respecter l'engagement du Président de la République de supprimer 50 000 ETP d'ici la fin du quinquennat reviendrait ainsi à supprimer 12 100 ETP nets par an entre 2019 et 2022, soit un effort 7,5 fois plus important que celui qui sera consenti en 2018.

À ce stade, le Gouvernement se limite à déclarer que « les efforts en matière d'emplois ont vocation à se renforcer (après 2018), et s'appuieront sur les résultats du programme de transformation Action publique 2022 » 9 ( * ) .


* 2 Source : DGAFP, Rapport annuel sur l'état de la fonction publique , décembre 2016, p. 88.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.fonction-publique.gouv.fr .

* 3 Les opérateurs sont des organismes placés sous la tutelle de l'État et exerçant une mission de service public comme, par exemple, les universités ou Météo France. Leurs effectifs sont hétérogènes : ils comprennent des fonctionnaires, des agents contractuels de droit public mais également des agents contractuels de droit privé.

* 4 Source : réponses au questionnaire budgétaire. Ce solde net est obtenu en soustrayant les postes supprimés aux postes créés.

* 5 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 6 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 7 Soit, concrètement, le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'action et des comptes publics.

* 8 Proposition de loi n° 7 (2017-2018) de M. Philippe Bas, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 et consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/tas17-007.pdf .

* 9 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

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