EXAMEN EN COMMISSION

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MARDI 23 JANVIER 2018

- Présidence de M. François Pillet, vice-président -

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis . - Nous connaissons déjà les dispositions de ce texte, que nous avons déjà adopté le 11 janvier 2017 sous la forme d'une proposition de loi présentée par nos anciens collègues députés Bruno Le Roux et Pascale Got, que nous avions amendée, mais qui n'a pas été adoptée définitivement.

La proposition de loi relève de la compétence de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui a nommé rapporteur notre collègue Didier Mandelli. Je l'ai rencontré ; nous partageons la même approche.

Ce texte part d'un constat : depuis deux tiers de siècle, l'érosion du trait de côte s'accélère ; les côtes les plus attaquées ont perdu plusieurs centaines de mètres. Le niveau de la mer devrait monter de 30 à 80 centimètres d'ici 2100. Les activités économiques et l'habitat sont remis en cause. Le littoral du Nord-Pas-de-Calais est attaqué à 70 %, celui de la Normandie à 60 % ; 5 400 logements du littoral aquitain sont menacés d'ici 2050. En revanche, l'Ille-et-Vilaine et la Corse ne sont touchées qu'à 10 %. L'outre-mer est aussi concerné par l'évolution du climat, comme nous en avons eu le triste témoignage l'an dernier avec l'ouragan Irma.

Cette proposition de loi diminue le risque financier supporté par les occupants des installations menacées par le recul du trait de côte en autorisant les collectivités territoriales à créer des zones d'activité résiliente et temporaire (ZART), au sein desquelles elles pourront préempter le bâti et assumer le risque pendant les décennies qui nous séparent de l'atteinte définitive, de manière à maintenir jusque-là l'activité économique. Les collectivités territoriales pourraient également louer ces installations aux particuliers sous la forme d'un bail réel immobilier littoral (BRILi).

Il faut parfois organiser le repli des activités vers l'arrière-pays, ce qui est souvent difficile à comprendre pour des riverains qui préfèreraient que les collectivités territoriales engagent des travaux coûtant des dizaines, voire des centaines de millions d'euros - totalement hors de leur portée - et dont l'efficacité n'est pas certaine, tant le phénomène de l'érosion garde ses mystères. Il faut donc déplacer des constructions existantes vers des zones du littoral non menacées par le recul du trait de côte ou à l'intérieur des terres. Mais cela est interdit par l'interprétation stricte des tribunaux administratifs en ce qui concerne la loi « littoral » du 3 janvier 1986.

Nous devons donc, avec le tact du chirurgien maniant son scalpel, apporter des aménagements à celle-ci. Ce texte propose que le terrain situé entre deux maisons d'un hameau non visible du rivage et distant de plus de 100 mètres devienne constructible. C'est ce que l'on appelle le « comblement des dents creuses », que nous avons adopté à de nombreuses reprises, mais sans jamais obtenir satisfaction devant l'Assemblée nationale. Il n'y a pourtant pas le moindre soupçon d'atteinte à la protection du rivage. Nous prendrions les précautions nécessaires : les zones concernées devraient être ciblées par les documents d'urbanisme et leur création autorisée par le préfet après avis de la commission départementale de la nature des sites et des paysages (CNDPS)... Nous prévoyons donc bien ceinture et bretelles ! Ceux qui, comme moi, viennent d'un département littoral et voient dans la protection du rivage un élément fondamental de son attractivité n'ont certainement pas envie de le voir se dégrader.

Moyennant l'adoption de mes amendements, je vous suggère de donner un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi.

M. Alain Marc . - J'y suis également favorable. On ignore souvent que les lacs intérieurs de plus de 1 000 hectares sont concernés par la loi « littoral ». Lorsque la commune est en zone de montagne, comme en Aveyron, cela impose une double contrainte : la loi « montagne » et la loi « littoral ». Un agriculteur qui veut construire une stabulation près du lac de Pareloup, par exemple, ne le peut pas. On pourrait augmenter ce seuil de 1 000 à 1 500 hectares. Certes le tourisme est une source bienvenue d'activité, mais il faut penser aussi à ceux qui habitent là toute l'année et se voient régulièrement opposer la covisibilité avec le lac.

Mme Muriel Jourda . - Cette proposition de loi intéresse l'élue du Morbihan que je suis. Cela fait des années que les élus souffrent de l'impossibilité d'aménager les « dents creuses ». En Bretagne, l'association des « PLUmés », en référence au plan local d'urbanisme (PLU), se plaint d'avoir perdu tout droit à construction sur des terrains dont ses membres ont hérité ou qu'ils ont achetés, et qui ont depuis lors perdu toute valeur. Nous, élus, avons du mal à leur expliquer cette situation.

M. Pierre-Yves Collombat . - Le texte concerne-t-il les plages ou l'arrière-pays situé immédiatement derrière ? Il y a des plages comme Pampelonne, dans le Var, où certains font de l'or en été, sans que le régime de propriété des lieux soit clairement défini. Les collectivités publiques peuvent avoir du mal à faire fonctionner les plages tout en faisant respecter les règles. Il ne faudrait pas que le BRILi conduise à donner des droits aux occupants qui soient tout à fait contraires aux principes de protection des sites.

M. Jean-Luc Fichet . - La loi « littoral » est une très bonne loi. L'imprécision de la différence entre un hameau et un village occasionne toutefois de nombreux contentieux. Les  « PLUmés » proposent que la loi désigne, en substitution, des « zones déjà urbanisées ».

Les « dents creuses », entre deux maisons, n'intéressent pas le monde agricole, car elles sont enclavées. Il faut évoluer sur cette question et permettre leur constructibilité. Certains jeunes couples ont acheté des terrains de 1 000 ou 2 000 mètres carrés à 60 euros le mètre carré en espérant y construire plus tard leur maison, et se retrouvent propriétaires d'une terre agricole à 20 centimes le mètre carré. Je souhaite que les propositions faites l'année dernière par le groupe socialiste, écologiste et républicain de l'Assemblée nationale et reprises par ce texte soient adoptées définitivement.

Mme Françoise Gatel . - Sans vouloir donner l'impression d'un lobby breton, il faut bien reconnaître que certaines réalités sont spécifiques à un territoire. C'est le cas des hameaux. Consolider et densifier ces derniers n'empiète en rien sur la protection du littoral, même si cela peut inquiéter l'opinion publique. C'est une question de bon sens. Nous ne faisons que suivre la sagesse de nos anciens, qui construisaient ainsi...

M. Pierre-Yves Collombat . - ...Avec moins de pression foncière, cependant...

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis . - Nous pouvons espérer des progrès dans la prise en compte de la situation spécifique des lacs de montagne. Le 24 novembre dernier, devant le congrès des maires, le Président de la République a parlé des « rigidités pensées pour parfois toute une catégorie alors que ça ne correspond pas à la réalité locale ! Des spécificités qui créent d'autres contraintes. » Il a ensuite cité le maire de Piana en Corse : « Moi, ma commune tout entière est dans la loi « littoral ». Comme j'ai des calanques, je suis pour partie dans la loi « montagne » et j'ai la moitié de la commune qui n'est concernée au fond, ni pas l'un, ni par l'autre. Ce sont des contraintes partout. Cela coûte cher, cela empêche des projets de développement ».

M. Pierre-Yves Collombat . - Que c'est émouvant !

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis . - Les constats faits par notre collègue Jean Bizet et notre ancienne collègue Odette Herviaux dans leur rapport semblent devoir être pris en compte par le Président de la République. J'ai bien conscience du problème soulevé par Alain Marc.

Le repli des activités et les dents creuses sont deux sujets différents, monsieur Collombat. Si pour ces dernières, la proposition de loi prévoit un aménagement pour les hameaux à plus de 100 mètres du rivage, les dispositions relatives au repli concernent des zones menacées directement par l'érosion, puisqu'il s'agit de déplacer des bâtiments pour éviter que les activités aillent s'installer sur le territoire d'autres communes.

Les solutions proposées par ce texte sont consensuelles ou presque parmi nous. Elles pourraient l'être à l'Assemblée nationale si le Président de la République a une position en cohérence avec ses déclarations devant le congrès des maires.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je ne suis pas en désaccord avec ce texte. Je souhaite m'assurer que le nouveau type de bail ne soit pas détourné de son objet. Sur certaines plages, des gens sont là sans le moindre titre, mais avec une capacité de lobbying extraordinaire, et parfois la complicité des services de l'État. Il ne faudrait pas leur donner des droits permanents et réels avec cette disposition. Leur activité n'est pas sans but lucratif, je vous prie de le croire ! À Pampelonne, cela rapporte beaucoup !

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis . - Je suis entièrement d'accord avec M. Collombat. Il sera impossible pour une commune d'utiliser le droit de préemption prévu par la proposition de loi s'il s'agit d'occupants sans titre. Le contrôle de légalité le garantit : un maire ne peut pas racheter un bien à un occupant qui n'en est pas propriétaire. Je le répéterai dans l'hémicycle.

Examen des articles

Article 8

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis . - Il s'agit d'un amendement de cohérence calendaire, prenant en compte le fait que les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) peuvent être élaborés jusqu'au 28 juillet 2019.

L'amendement COM-29 est adopté.

Article 11

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis . - Idem , il s'agit d'un amendement de cohérence concernant les servitudes transversales autorisant l'accès au rivage.

L'amendement COM-30 est adopté.

Article 14

M. François Pillet, président . - Pourquoi proposez-vous, par l'amendement COM-31, de supprimer l'article 14 ?

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis . - Il ne faudrait pas qu'une commune fasse un bénéfice en revendant une parcelle qu'elle a préemptée selon la procédure prévue par la proposition de loi. Ce n'est pas le but ! En conséquence, l'article 14 de la proposition de loi tend à interdire expressément à une collectivité territoriale de vendre un bien situé dans une zone d'activité résiliente et temporaire (ZART). Mais il pose ce faisant un problème constitutionnel : le droit de propriété des communes n'est pas un droit au rabais. En accord avec notre collègue Didier Mandelli, rapporteur de la commission saisie au fond, plutôt que de braver l'inconstitutionnalité, nous avons préféré nous en remettre à la sagesse des collectivités territoriales, d'autant plus que le contrôle de légalité apporte une garantie supplémentaire. C'est pourquoi je propose de supprimer l'article 14.

M. François Pillet, président . - L'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est d'une clarté parfaite à cet égard.

L'amendement COM-31 est adopté.

Article 16

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis . - Avec mon amendement COM-32, je souhaite intégrer à la proposition de loi, par cohérence, les sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN), créées par la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.

L'amendement COM-32 est adopté.

M. Philippe Bas, rapporteur pour avis . - L'amendement COM-33 assouplit les modalités de cession des constructions et améliorations réalisées par le preneur durant le BRILi et rappelle que le preneur jouit librement des biens faisant l'objet d'un tel bail à condition de ne pas modifier la destination des immeubles et de remettre en état les biens à l'issue du bail.

L'amendement COM-33 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

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