Avis n° 148 (2018-2019) de Mme Dominique ESTROSI SASSONE , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 22 novembre 2018

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N° 148

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

TOME VI

COHÉSION DES TERRITOIRES (LOGEMENT)

Par Mme Dominique ESTROSI SASSONE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mmes Michelle Gréaume, Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mme Patricia Morhet-Richaud, M. Robert Navarro, Mme Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

• Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a présenté l'an dernier sa stratégie quinquennale qui comprend trois axes : construire plus, mieux et moins cher, répondre aux besoins de chacun et améliorer le cadre de vie. Cette stratégie s'est concrétisée sur le plan législatif par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN).

En matière budgétaire, elle s'est traduite par une baisse significative des crédits dédiés au logement dès 2018. Pour la deuxième année consécutive, les crédits des trois programmes « logement » (programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », programme 109 « Aide à l'accès au logement » et programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ») diminuent de 7,7 %, pour atteindre 15,2 milliards d'euros.

Évolution en 2019 des crédits des programmes « Logement »

Programme

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 953 693 863

1 860 063 305

-4,79 %

1 953 693 863

1 878 163 305

-3,87 %

109 - Aide à l'accès au logement

14 256 200 000

13 110 051 717

-8,04 %

14 256 200 000

13 110 051 717

-8,04 %

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

318 077 968

285 077 968

-10,37 %

308 077 968

285 077 968

-7,47 %

Sous-total

16 527 971 831

15 255 192 990

-7,70 %

16 517 971 831

15 273 292 990

-7,54 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

Lors de l'examen de la mission « Cohésion des territoires », les députés ont adopté plusieurs amendements ayant une incidence sur les crédits de la mission :

- un amendement du Gouvernement visant à augmenter les crédits du programme 177 de 20 millions d'euros. Il s'agit d'un transfert de crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dédiés à l'adaptation des centres d'hébergement aux familles ;

- un amendement du Gouvernement visant à augmenter les crédits du programme 109 de 2,5 millions d'euros afin de couvrir le coût du rétablissement temporaire de l'aide à l'accession à la propriété et à la rénovation des logements situés en outre-mer ;

- un amendement du M. Matthieu Orphelin et plusieurs de ses collègues transférant des crédits du programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » vers les crédits du programme 135 pour un montant de 450 000 euros afin de financer une expérimentation visant à la prise en charge gratuite de la visite d'un opérateur de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et la réalisation d'un audit énergétique pour des ménages aux revenus modestes.

Lors de la seconde délibération du présent projet de loi de finances, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement minorant les crédits de la mission.

En conséquence, les crédits des trois programmes « logement » s'établissent ainsi :

Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 953 693 863

1 873 114 477

-4,12 %

1 953 693 863

1 891 214 477

-3,2 %

109 - Aide à l'accès au logement

14 256 200 000

13 112 551 717

-8,02 %

14 256 200 000

13 112 551 717

-8,02 %

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

318 077 968

280 934 585

-11,68 %

308 077 968

280 934 585

-8,81 %

Sous-total

16 527 971 831

15 266 600 779

-7,6 %

16 517 971 831

15 284 700 779

-7,4 %

Dans la suite du présent rapport, sauf mention spécifique, il sera cependant fait référence aux données figurant dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

À l'issue de ses auditions, votre rapporteur est parvenue aux observations suivantes plus amplement détaillées dans la suite du rapport.

• S'agissant des crédits du programme 177 relatif à l'hébergement d'urgence , votre rapporteur constate que les crédits diminuent de 4,7 % en AE et 3,8 % en CP en raison d'une mesure de périmètre mais augmentent à périmètre constant . Malgré un effort de sincérité budgétaire et une rationalisation des coûts, votre rapporteur s'interroge de savoir si ces crédits seront suffisants pour mettre en oeuvre la politique en faveur du logement d'abord. En effet, la pression sur les structures d'hébergement d'urgence reste forte et de nombreuses personnes demeurent sans solution d'hébergement. En outre, les crédits de la veille sociale augmentent faiblement alors même qu'ils devront couvrir plus de missions.

Dans le cadre du plan en faveur du logement d'abord, le Gouvernement poursuit ses efforts pour limiter le recours aux nuitées hôtelières et pour accroître le nombre de places de logement adapté. Les objectifs de création de places paraissent cependant très ambitieux à votre rapporteur au regard de leur nombre actuel. Enfin, si elle peut entendre l'intérêt de mettre en place des mesures de rationalisation des coûts, votre rapporteur veillera à leur impact sur l'accompagnement des personnes hébergées.

• S'agissant des crédits du programme 109 dédiés aux aides personnelles au logement. Pour la seconde année consécutive, ces crédits diminuent (-8 %), le Gouvernement ayant pris de nouvelles mesures d'économies « (contemporanéisation » des ressources et sous-indexation des paramètres des aides personnelles au logement). Les paramètres de la réduction de loyer de solidarité (RLS) ont été établis pour permettre une économie de 800 millions d'euros sur 11 mois. N'étant pas modifiés, la RLS permettra 873 millions d'euros de baisse d'APL en 2019, soit une économie supplémentaire pour l'État de 73 millions d'euros. En outre, le rendement de TVA sur les constructions de logements sociaux devrait s'avérer plus favorable en 2019 et atteindre 850 millions d'euros contre 700 millions d'euros en 2018.

En ne prenant pas en compte ces éléments et en ne modifiant pas les paramètres de la RLS en 2019, le Gouvernement ne respecte pas ses engagements en termes de trajectoire financière (1,5 milliard de baisse d'APL dont 800 millions liés à la RLS). C'est pourquoi votre rapporteur a proposé de rejeter les crédits du programme 109. Elle souhaite que la clause de revoyure soit l'occasion d'une évaluation exhaustive de l'impact sur la situation financière des bailleurs sociaux de la réduction de loyer de solidarité (RLS) et de l'augmentation de TVA, à court, moyen et long termes.

• S'agissant des crédits du programme 135 qui comprend notamment les aides à la pierre et les crédits destinés à l'ANAH, ils sont en baisse de 10 % en AE et 7 % en CP . Votre rapporteur regrette le désengagement définitif de l'État du financement du FNAP, devenu depuis la démission de son président en 2017 un établissement sans véritable pilote.

En matière de copropriété, l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH) dont les ressources augmentent est appelée à renforcer ses missions (maintien d'objectifs ambitieux du programme Habiter mieux ; doublement du nombre de logements adaptés dans le cadre de la perte d'autonomie pour atteindre 30 000 logements) et à jouer un rôle central dans la mise en oeuvre du plan « Initiative copropriétés ». Si votre rapporteur se félicite de l'augmentation des ressources de l'ANAH, elle regrette néanmoins la décision du Gouvernement de les plafonner estimant qu'il aurait été plus judicieux d'utiliser ces ressources supplémentaires pour accélérer la rénovation énergétique des logements.

Lors de sa réunion tenue le 21 novembre 2018, la Commission des affaires économiques a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat s'agissant de l'adoption des crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » et du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et a proposé de rejeter les crédits du programme 109 « Aide à l'accès au logement », de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2019.

Elle a également donné un avis favorable à l'adoption des articles 74 bis et 74 sexies rattachés à la mission ainsi qu'à l'article 74 quinquies sous réserve de l'amendement qu'elle a adopté.

I. MALGRÉ UN EFFORT DE SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE, DES CRÉDITS QUI POURRAIENT SE RÉVÉLER INSUFFISANTS POUR METTRE EN oeUVRE LA POLITIQUE EN FAVEUR DU LOGEMENT D'ABORD (PROGRAMME 177)

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » regroupe les crédits de la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.

A. UN BUDGET PLUS SINCÈRE QUI AUGMENTE À PÉRIMÈTRE CONSTANT MALGRÉ UNE RATIONALISATION DES COÛTS

1. D'indéniables efforts de sincérité budgétaire

Après plusieurs années d'augmentation, les crédits du programme 177 diminuent de 4,79 % en autorisations d'engagement et de 3,87 % en crédits de paiement .

Plus précisément, les crédits des trois actions du programme connaissent des évolutions différentes. Ainsi, les crédits de l'action n° 2 « hébergement et logement adapté », qui représentent 97 % des crédits du programme, diminuent de 4,9 %, ceux de l'action « Prévention de l'exclusion » diminuent de 2,15 % et ceux de l'action « conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » sont relativement stables avec une augmentation de 0,8 %.

Évolution des crédits du programme 177

Actions

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

Prévention de l'exclusion

50 445 224

49 361 191

-2,15 %

50 445 224

49 361 191

-2,15 %

Hébergement et logement adapté

1 894 189 982

1 801 569 457

-4,89 %

1 894 189 982

1 819 669 457

-3,93 %

Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

9 058 657

9 132 657

0,82 %

9 058 657

9 132 657

0,82 %

Total

1 953 693 863

1 860 063 305

-4,79 %

1 953 693 863

1 878 163 305

-3,87 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

Par souci de sincérité budgétaire, des crédits du programme 177 d'un montant de 118,7 millions d'euros et destinés au financement du centre d'hébergement d'urgence des migrants d'Ile-de-France (CHUM) et du centre provisoire d'hébergement des réfugiés d'Ile-de-France sont transférés vers le programme 303 « Immigration et asile » et vers le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ».

Interrogée sur ce transfert tardif des CHUM alors qu'ils existent depuis 2015, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a indiqué à votre rapporteur qu'il avait été nécessaire de préparer leur transformation en structures spécialisées dans l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés.

À périmètre constant , les crédits du programme 177 augmentent de 1,3 % en autorisations d'engagement et de 2,2 % en crédits de paiement . Les crédits de l'action 12 « hébergement et logement adapté » augmentent de 1,4 % en AE et de 2,3 % en CP.

Évolution des crédits du programme 177 à périmètre constant

Actions

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

Prévention de l'exclusion

50 445 224

49 361 191

-2,1 %

50 445 224

49 361 191

-2,1 %

Hébergement et logement adapté

1 894 189 982

1 920 314 457

1,4 %

1 894 189 982

1 938 414 457

2,3 %

Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

9 058 657

9 132 657

0,8 %

9 058 657

9 132 657

0,8 %

Total

1 953 693 863

1 978 808 305

1,3 %

1 953 693 863

1 996 908 305

2,2 %

Source : Réponse au questionnaire budgétaire.

Depuis plusieurs années, votre rapporteur constate une sous-budgétisation systématique des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence. 2018 n'échappe pas à la règle même si votre rapporteur constate que les crédits qui ont été ouverts dans le projet de loi de finances rectificative pour 2018 sont moindres en comparaison des sommes ouvertes les années précédentes et atteignent 60 millions d'euros auxquels il faut ajouter 96 millions d'euros en intervention de gestion. Ce sont ainsi 2,1 milliards d'euros de crédit qui devraient être consommés en 2018.

2. Une rationalisation des coûts engagée
a) La fixation de tarifs plafonds dans les CHRS

Comme il l'avait annoncé l'an dernier, le Gouvernement a engagé une rationalisation des coûts dans le secteur de l'hébergement d'urgence. Il a ainsi instauré des tarifs plafonds pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) afin de favoriser la convergence tarifaire des établissements.

Ces tarifs ont été déterminés à partir des données recueillies à l'occasion de l'enquête nationale des coûts qui a été rendue obligatoire par l'article 128 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018. En 2017, le taux de participation à cette enquête atteignait 93,4 % des structures. Pour 2018, l'enquête ayant été clôturée fin octobre, la DGCS a indiqué à votre rapporteur que le taux de réponses devrait être proche de celui de l'an dernier. Malgré la mise en place de formation, les petits établissements n'ont pas toujours les ressources humaines pour remplir cette enquête, ce qui explique que le taux n'atteigne pas 100 %. Votre rapporteur invite les directions départementales chargées de la cohésion sociale à examiner de près les raisons conduisant un établissement à ne pas remplir cette enquête et à mettre en place des solutions d'accompagnement pour y remédier.

Votre rapporteur s'est interrogée sur les conséquences de cette convergence tarifaire sur la qualité des prestations offertes par les établissements. Les résultats d'une enquête à laquelle douze régions métropolitaines ont participé et montrant un impact sur la masse salariale des CHRS et dans certains cas une réorganisation des établissements soit par une modification des amplitudes d'ouverture, soit par une mutualisation des structures, soit par une modification partielle des modalités d'accueil (ex. report de mesures nouvelles, étalement de programmes d'investissement) ne sont pas faits pour la rassurer. Votre rapporteur sera attentive à ce que la baisse de la masse salariale n'ait pas un impact sur l'accompagnement apporté aux personnes hébergées dans ces établissements. Elle invite le Gouvernement à évaluer rapidement les effets de cette mesure de tarification.

Cette convergence tarifaire doit permettre des économies de l'ordre de 2 %. 613,8 millions d'euros de crédits sont ainsi fléchés vers les CHRS en 2019 .

b) Des mesures pour favoriser le passage sous statut et accélérer la conclusion de CPOM

Plusieurs mesures permettant une restructuration du secteur de l'hébergement d'urgence ont été adoptées à l'article 125 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN).

Une première disposition a vocation à favoriser le passage sous statut . Actuellement, deux régimes distincts s'appliquent aux établissements chargés d'héberger des personnes sans domicile :

- un régime d'autorisation. L'autorisation est valable 15 ans. Après échange contradictoire, les établissements se voient appliquer des tarifs en échange de financements publics. En cas de création, de transformation et d'extension d'un établissement, l'autorisation est délivrée à l'issue d'une procédure d'appel à projets ;

- un régime de déclaration. Les établissements bénéficient d'une subvention annuelle.

Il est ainsi proposé pour la durée du plan quinquennal en faveur du logement d'abord, soit jusqu'au 31 décembre 2022, et sous réserve de conclure un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM), d'exonérer de la procédure d'appels à projet :

- les demandes d'extension de la capacité d'un établissement inférieures ou égales au doublement de la capacité de l'établissement ;

- les demandes d'autorisation d'un établissement relevant du régime de la déclaration au 30 juin 2017.

Il s'agit pour le Gouvernement de donner de la visibilité aux structures sur leur financement et d'harmoniser les conditions d'accueil et d'accompagnement social des personnes hébergées.

La Fédération des acteurs de la solidarité a fait part de ses inquiétudes quant à la capacité des établissements qui passeraient sous statut d'assumer les missions des établissements soumis à autorisation. Elle s'est également interrogée sur une diminution mécanique des coûts moyens de l'ensemble des établissements qui résulterait de la mesure, si les budgets des établissements passés sous statuts ne sont pas revalorisés.

La deuxième mesure vise à rendre obligatoire la conclusion d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) pour les établissements relevant du 8° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles 1 ( * ) . Ce contrat devra préciser les éléments pluriannuels du budget de l'établissement et pourra prévoir une modulation des tarifs en fonction d'objectifs définis dans le contrat. Ce contrat devra être conclu au plus tard le 1 er janvier 2023.

Évolution du taux de contractualisation pluriannuelle

2016

2017

Prévision 2018

Prévision 2019

Prévision 2020

12 %

14 %

18 %

30 %

50 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

3. Des interrogations sur une possible sous-évaluation des crédits

Bien que des efforts de sincérité budgétaire soient réalisés et que des mesures de rationalisation des coûts aient été mises en place, votre rapporteur s'interroge sur une possible sous-évaluation des crédits du programme pour trois raisons.

Premièrement, les crédits de paiement sont fixés à un niveau inférieur à ce qui devrait être consommé en 2018 alors que la pression sur le parc d'hébergement demeure tendanciellement à la hausse.

Deuxièmement, l'augmentation des crédits de la veille sociale ne paraît pas suffisante. Si les crédits dédiés à la veille sociale pour 2019 sont en augmentation de 6,2 % pour atteindre 134,3 millions d'euros, néanmoins, au regard des crédits consommés en 2017, l'augmentation doit être relativisée et s'approche d'1,8 %. Or, ces crédits sont censés couvrir de nouvelles dépenses : prise en compte de l'augmentation des flux, prise en charge et orientation de publics spécifiques ou encore développement de maraudes professionnalisées.

Troisièmement, les crédits dédiés à certains dispositifs de logement adapté, comme l'intermédiation locative, ne paraissent pas en adéquation avec les objectifs de création de place affichés par le Gouvernement.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur estime qu'on ne peut exclure une insuffisance de crédits pour 2019.

B. UNE AUGMENTATION DU NOMBRE DE PLACES DE LOGEMENT ADAPTÉ QUI NE DOIT PAS FAIRE OUBLIER L'IMPORTANCE DE L'ACCOMPAGNEMENT

1. Une augmentation du nombre de places de logement adapté

En 2019, le Gouvernement entend poursuivre ses efforts en faveur du logement d'abord et plus particulièrement en faveur du logement adapté. Il a lancé en 2018 un appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour accélérer la mise en oeuvre du plan en faveur du logement d'abord. 24 territoires ont été retenus dans lesquelles les collectivités mettront en oeuvre un programme dans la perspective de diminuer le nombre de personnes sans-abris. 8 millions d'euros ont été dédiés à cet AMI en 2018 et 4 millions d'euros sont prévus pour 2019.

Pour 2019, 325,4 millions d'euros seront consacrés au logement adapté, soit une augmentation de 3,6%

Dans le cadre de son plan en faveur du logement d'abord, le Gouvernement a souhaité mettre l'accent sur l'intermédiation locative et les places en pensions de famille.

? Crédits liés à l'intermédiation locative

Le Gouvernement souhaite créer 40 000 nouvelles places en intermédiation locative d'ici la fin du quinquennat. L'objectif pour 2018 a été fixé à 5 892 places d'intermédiation locative. 3 159 places ont été créées au 11 octobre 2018. Le Gouvernement, qui table sur une accélération significative de création de places d'ici la fin de l'année, considère qu'il devrait atteindre ses objectifs en 2018.

Pour 2019, 97,2 millions d'euros sont fléchés pour ce dispositif, soit une augmentation de 3,7 %. Pour votre rapporteur, non seulement l'objectif de création de places, fixé à 8 850 places, est extrêmement ambitieux au regard du nombre de places qui devraient être créées en 2018 mais en outre le montant des crédits budgétés pourrait s'avérer insuffisant pour permettre une telle augmentation .

Évolution du nombre de places d'intermédiation locative

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Prévision 2018

Prévision 2019

Nombre de places

6 611

7 935

18 378

21 643

25 575

28 656

34 358

40 250

49 100

Nombre de places supplémentaires par rapport à l'année précédente

+ 1324

+ 10443

+ 3265

+ 3932

+ 3081

+ 5702

+ 5892

+ 8850

Source : Commission des affaires économiques d'après le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2012, pour 2013, pour 2014, pour 2015 et pour 2016, projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2017 et pour 2018 et 2019 réponse aux questionnaires budgétaires.

? Crédits dédiés aux maisons-relais et pensions de famille

Le Gouvernement a en complément de l'intermédiation locative annoncé la création de 10 000 places en pensions de famille sur la durée du quinquennat. 748 places ont été créées au 11 octobre 2018, le Gouvernement présume une accélération des créations de places d'ici la fin de l'année mais à un rythme insuffisant pour atteindre l'objectif de 1 700  places qu'il s'était fixé. C'est pourquoi l'objectif a été revu à la baisse pour atteindre 1 300 places. Dès lors la création de 2 300 places en 2019 paraît ambitieuse à votre rapporteur.

Pour 2019, 113,3 millions d'euros sont prévus pour financer la création des maisons-relais et pensions de famille , soit une augmentation de 4,4 %.

Évolution des crédits et du nombre de places
pour les maisons relais et pensions de famille

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Prévision 2018

Prévision 2019

Crédits
(en millions d'euros)

54, 6

61, 5

70, 2

80, 4

83, 5

87, 5

92,2

108,5

113,3

Nombre de places

10 269

11 527

12 702

14 038

14 843

15 446

16 521

17 821

20 121

Nombre de places supplémentaires par rapport à l'année précédente

+1 258

+1 175

+1 336

+805

+603

+ 1 075

Initialement

+ 1 700

mais ramené à
+ 1 300

+ 2 300

Source : Commission des affaires économiques d'après le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2012, pour 2013, pour 2014, pour 2015 et pour 2016, projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2017 et pour 2018 et 2019 réponse aux questionnaires budgétaires.

? Crédits dédiés aux résidences sociales et à l'aide à la gestion locative sociale

En 2017, on dénombrait 1 403 résidences sociales comportant plus de 123 993 places. Ces résidences sociales accueillent temporairement des ménages ayant de faibles revenus ou qui rencontrent des difficultés d'accès au logement ordinaire, et pour lesquels un accompagnement social est nécessaire.

Les gestionnaires des résidences sociales peuvent recevoir une aide à la gestion locative sociale (AGLS) pour couvrir les dépenses rendues nécessaires pour l'accueil et l'accompagnement de certains résidents.

26 millions d'euros sont prévus en 2019. Ils permettront de financer la transformation de foyers de jeunes travailleurs ou de travailleurs migrants en résidences sociales.

? Crédits dédiés au financement de l'aide au logement temporaire des personnes défavorisées (ALT1)

L'aide au logement temporaire des personnes défavorisées (ALT1) permet de couvrir les dépenses engagées par les organismes qui mettent à disposition des logements pour les personnes sans domicile. Cette aide remplace les aides personnelles qui ne peuvent être octroyées faute pour la personne de remplir certaines conditions en matière de ressources ou encore de titre de séjour. Cette aide est prise en charge intégralement par le budget de l'État depuis 2018. Les crédits prévus pour 2019 sont en augmentation de 2,8% et atteignent 73,5 millions d'euros.

2. Malgré la création de places pérennes, le parc d'hébergement d'urgence demeure insuffisant pour répondre à la demande

Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs se sont engagés dans une politique de baisse du recours aux nuitées hôtelières et dans la création de places pérennes d'hébergement d'urgence qui permettent une meilleure prise en charge des personnes hébergées.

Le plan de réduction du recours aux nuitées hôtelières lancé en février 2015 avait vocation à limiter le recours aux nuitées hôtelières. La délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) a estimé que, trois ans après la mise en place de ce plan, l'objectif d'éviter 10 000 nuitées en trois ans était quasiment atteint avec 9 061 nuitées évitées au regard de la tendance qui était observée en 2015.

La DIHAL rappelle que 12 606 places d'intermédiation locative, 2 440 places de logement adapté et 2 771 places spécifiques en Ile-de-France pour les ménages sortant d'hôtel ont été créées. En outre, deux appels d'offres ont permis de créer 3 675 places sur le programme 177 et 5 351 places sur le programme 303 par le biais d'un rachat d'hôtels transformés en résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS).

La DIHAL souligne également les efforts engagés par l'administration pour permettre une meilleure répartition territoriale des nuitées hôtelières. En effet, l'existence d'hôtels anciens avec des prix abordables conduisait en mai 2015 à ce que 28 % des nuitées soient localisées en Seine-Saint-Denis. Ce taux est aujourd'hui de 22 %.

La pression sur le parc demeurant forte, le manque de foncier ne permettant pas de construire des structures pérennes et le nombre de logements sociaux étant insuffisant, le nombre de places d'hébergement d'urgence continue de croître. En 2018, ont ainsi été ouvertes 49 000 places dans les centres d'hébergement d'urgence et 45 000 dans les CHRS, auxquelles s'ajoutent 48 000 places dans les hôtels. Si on observe un ralentissement de la progression de ces nuitées hôtelières (6 % en 2017 contre 12 % précédemment) , leur diminution n'est pas encore enclenchée .

Capacités d'accueil en matière d'hébergement d'urgence

NB : pour 2013, le PAP ne mentionne pas le détail des places en centre d'hébergement d'urgence. En raison d'une difficulté pour les territoires à distinguer place de stabilisation et place d'insertion, le tableau donne un nombre cumulé à compter de 2017

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et réponse au questionnaire budgétaire.

Évolution du nombre de nuitées d'hôtel

Source : Commission des affaires économiques d'après les réponses au questionnaire budgétaire.

3. L'accompagnement des personnes, une des conditions de réussite du plan en faveur du logement d'abord

S'agissant des conditions d'accueil et d'accompagnement des familles, le bilan du plan de réduction des nuitées hôtelières est plutôt décevant. Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que malgré les efforts fournis les conditions d'accompagnement ne sont pas satisfaisantes. « Les constats quant aux conditions de vie des ménages à l'hôtel restent sévères : insécurité alimentaire (près de 8 familles sur 10 et 2 enfants sur 3 souffrent d'insécurité alimentaire ; 11 % des ménages à l'hôtel souffrent d'insécurité alimentaire sévère (4 % en CHRS)), santé mentale affectée (un trouble dépressif maternel est repéré chez 29 % des mères à l'hôtel, soit 4 fois plus qu'en population générale), promiscuité, déscolarisation (taux importants de non scolarisation des enfants entre 6 et 12 ans au moins 10 fois plus importants qu'en population générale). »

Les conditions et les moyens de l'accompagnement demeurent un sujet prégnant pour les familles hébergées à l'hôtel mais aussi dans les autres structures d'hébergement. Votre rapporteur estime que cette question ne doit pas être éludée et que le plan relatif au logement d'abord ne permettra une sortie plus rapide vers le logement abordable qu'à la condition que la personne soit accompagnée.

Des crédits en matière d'accompagnement sont prévus via le fonds national d'accompagnement dans et vers le logement (FNAVDL). Votre rapporteur constate que la situation ne s'est pas améliorée, le passage de crédits budgétaires à un financement par le biais des astreintes prononcées en matière de DALO plus irrégulières ne permettant pas d'avoir de la visibilité sur les crédits disponibles. En 2017, 23,9 millions d'euros ont été engagés en AE et 24,5 millions d'euros en CP.

Un quatrième appel à projets a été lancé en juillet dernier dans le cadre du programme « 10 000 logements accompagnés » mais contrairement aux appels à projet précédents, le FNAVDL a limité sa participation à un million d'euros en raison des tensions sur les crédits que le fonds a rencontrées. Dans les réponses au questionnaire budgétaire, le Gouvernement a indiqué manquer de recul sur les effets de la réforme engagée en 2016 permettant une liquidation plus régulière des astreintes.

Les députés ont adopté un amendement de Mme Vignon et plusieurs de ses collègues tendant à prévoir la remise par le Gouvernement, avant le 1 er septembre 2019, au Parlement d'un rapport analysant « la pertinence du financement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) via la seule mission budgétaire cohésion des territoires, compte tenu des enjeux relatifs à l'accompagnement social des personnes hébergées » (article 74 sexies ). Votre rapporteur est par principe circonspecte sur les demandes de rapports, estimant qu'il appartient au Parlement de procéder aux évaluations et contrôles qui lui paraissent nécessaires. Néanmoins, elle estime que ce rapport pourrait amener le Gouvernement à réfléchir aux moyens que l'État apporte en matière d'accompagnement des personnes hébergées et à l'opportunité de créer une ligne budgétaire spécifique.

II. UNE NOUVELLE DIMINUTION DES CRÉDITS DÉDIÉS AU FINANCEMENT DES AIDES PERSONNELLES (PROGRAMME 109)

Le programme 109 « Aides à l'accès au logement » comporte les crédits destinés au financement des aides à la personne, à l'information relative au logement, à l'accompagnement des publics en difficulté et à la garantie des risques locatifs. Pour la deuxième année consécutive, ces crédits sont en diminution (- 8 %).

Évolution des crédits du programme 109

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

Aides personnelles

14 238 131 300

13 096 634 317

-8,02 %

14 238 131 300

13 096 634 317

-8,02 %

Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

8 268 700

8 317 400

0,59 %

8 268 700

8 317 400

0,59 %

Sécurisation des risques locatifs

9 800 000

5 100 000

-47,96 %

9 800 000

5 100 000

-47,96 %

Aide à l'accès au logement

14 256 200 000

13 110 051 717

-8,04 %

14 256 200 000

13 110 051 717

-8,04 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

Les crédits de l'action « Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté » augmentent légèrement pour permettre aux associations d'information sur le logement (ADIL) d'intervenir dans deux nouveaux départements. Ceux de l'action « Sécurisation des risques locatifs » diminuent de 47,9 %, le dispositif de garantie des risques locatifs (GRL) étant en extinction depuis son remplacement par VISALE.

Dans le reste de cette partie, votre rapporteur se concentrera sur les crédits dédiés au financement des APL.

Les crédits de l'action « aides personnelles » sont destinés au financement de la contribution de l'État au Fonds national d'aide au logement (FNAL).

A. DE NOUVELLES MESURES D'ÉCONOMIE EN MATIÈRE D'APL

1. Une partie des économies attendues en 2019 résultent de mesures prises l'an dernier

Lors de la loi de finances pour 2018, le Gouvernement a décidé de manière brutale et unilatérale une économie importante en matière d'aides personnelles au logement.

Plusieurs mesures ont contribué à cette économie : introduction d'une réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social, augmentation de la TVA appliquée aux constructions du secteur social, gel des barèmes de l'APL et des loyers, suppression de l'APL-accession. Au moins 1,5 milliard d'économie devait ainsi en résulter.

La réduction de loyer de solidarité (RLS)

Le Gouvernement a souhaité diminuer la contribution de l'État versé au FNAL en introduisant le mécanisme de la réduction de loyer de solidarité qui doit permettre une économie de 800 millions d'euros pour l'État en 2018 et 2019 et d'1,5 milliard en 2020.

En 2018, l'économie a atteint 780 millions d'euros sur 11 mois , la RLS ayant été appliquée à compter du 1 er février. 2019 sera la première année pleine d'application de la RLS. Les paramètres de la RLS établis pour permettre une économie de 800 millions sur 11 mois, n'étant pas modifiés, la RLS permettra 873 millions d'euros de baisse d'APL, soit une économie supplémentaire pour l'État de 73 millions d'euros.

Présentation du mécanisme de réduction de loyer de solidarité (RLS)

La RLS s'applique aux ménages du parc social occupant un logement conventionné à l'APL et dont les ressources sont inférieures à un plafond. 1,9 million de ménages sont concernés. La RLS est fonction de la composition familiale et de l'implantation géographique du logement.

La RLS s'accompagne d'une baisse de l'APL du ménage à hauteur de 98 % de la RLS.

Un mécanisme de lissage pour prendre en compte la situation des organismes ayant beaucoup d'APLisés a été mis en place. 238 organismes sont contributeurs et 351 sont bénéficiaires du dispositif.

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

La mise en place du dispositif ayant été plus longue que prévue, la RLS a été effectivement appliquée en juin pour les prestations versées par les caisses d'allocation familiale et en juillet pour les caisses de la mutualité sociale agricole avec effet rétroactif au 1 er février 2018.

Le relèvement du taux de TVA

Pour atteindre 1,5 milliard d'euros d'économie en 2018, le Gouvernement avait accepté la proposition sénatoriale de fixer la diminution des économies d'APL à 800 millions d'euros en 2018 en contrepartie du vote du relèvement du taux de TVA à 10 % pour la construction de logements sociaux et leur réhabilitation. Le rendement est estimé par le Gouvernement à 700 millions d'euros en 2018 mais pourrait rapporter 850 millions d'euros en 2019 .

L'USH souhaiterait que les paramètres de la RLS soient modifiés afin que l'économie globale engendrée par l'État ne dépasse pas 1,5 milliard conformément à ce qui était annoncé l'an dernier.

Votre rapporteur considère qu'en ne modifiant pas les paramètres de la RLS dès le PLF pour 2019, le Gouvernement ne respecte pas les engagements pris auprès des bailleurs sociaux. C'est pourquoi elle a proposé à votre commission des affaires économiques de rejeter les crédits du programme 109.

Mesures complémentaires à la RLS

Le Gouvernement a également supprimé l'APL-accession à compter du 1 er janvier 2018 sauf pour l'achat d'un logement ancien en zone détendue pour lesquels l'APL-accession est encore versée jusqu'au 1 er janvier 2020. Selon le Gouvernement, cette extinction progressive permet une économie de 47 millions d'euros en 2018 et de 70 millions d'euros en 2019 .

Votre rapporteur s'était prononcée contre cette suppression de l'APL-accession. Elle constate que le Gouvernement maintient temporairement à l'article 74 ter du projet de loi de finances l'APL-accession pour les départements d'outre-mer et l'invite à rétablir ce dispositif dans tous les territoires.

Le Gouvernement avait également décidé :

- le gel des barèmes de calcul des APL pour une économie attendue de 59 millions d'euros en 2018 et de 126 millions d'euros en 2019 ;

- le gel des loyers du parc social en 2018 , pour une économie attendue de 200 millions d'euros en 2018 et de 26 millions d'euros en 2019. Aucun gel n'est prévu en 2019 et les loyers pourront être revalorisés en fonction de l'indice de référence des loyers.

Enfin, il tablait sur une économie de 48 millions d'euros résultant de la lutte contre la fraude qui ne sera pas entièrement atteinte, obligeant à diminuer les économies attendues en 2019 de 26 millions d'euros.

2. De nouvelles mesures d'économie pour 2019 pour diminuer les crédits d'1,15 milliard d'euros

Pour 2019, les crédits diminuent d'1,15 milliard d'euros . Cette évolution des crédits masque deux mouvements :

- d'une part, une économie d'1,25 milliard d'euros pour le financement des APL ;

- d'autre part, une augmentation de la contribution de l'État de 105 millions d'euros en raison du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) qui va relever le seuil d'assujettissement des employeurs à la cotisation versée au FNAL.

La mesure d'économie principale résulte de la « contemporanéisation des ressources ». Le Gouvernement s'est engagé dans la modernisation de la délivrance des aides personnelles au logement à raccourcir le délai d'actualisation des ressources du bénéficiaire qui servent de référence pour le calcul des aides au logement. Ainsi, au lieu de prendre en compte les données fiscales ayant deux ans d'ancienneté, il propose d'utiliser les informations de la déclaration sociale nominative et du prélèvement à la source pour actualiser plus rapidement la situation des allocataires.

Cette mesure sera réalisée par décret. Néanmoins, l'article 50 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 autorise la prise en considération d'une période de référence différente en fonction de la nature des revenus. L'économie en résultant est estimée à 910 millions d'euros pour l'État .

Pour votre rapporteur, le dispositif proposé est certes plus juste mais il est complexe. Il pourrait n'être mis en place qu'en juillet 2019, ce qui laisse votre rapporteur interrogative sur la réalisation des économies annoncées. Elle estime qu'une attention particulière devra être portée à l'accueil des usagers et à leur bonne compréhension de la mesure.

Le Gouvernement envisage par ailleurs de revaloriser les paramètres de l'APL pour 2019, en appliquant un taux forfaitaire de 0,3 % au lieu de l'indexation sur l'indice de référence des loyers. Cette mesure qui n'est pas propre aux APL est prévue par l'article 65 du projet de loi de finances pour 2019. Elle générera 102 millions d'euros d'économie .

En conclusion, l'État versera 13 milliards d'euros au FNAL en 2019. Les ressources du FNAL s'établiront ainsi :

(en millions d'euros)

2017

Prévision 2018

PLF 2019

Contributions employeurs

2 714

2 791

2 767

Taxe sur les bureaux

116

116

116

Surtaxe sur les plus-values immobilières

45

45

45

Contribution de l'État

15 501

14 238

13 097

Total

18 376

17 190

16 025

Source : réponse au questionnaire budgétaire et projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

B. LES EFFETS DE LA RLS SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DES BAILLEURS SOCIAUX ET LA PRODUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX

Votre rapporteur tient à rappeler que le coût de la RLS pour les bailleurs sociaux est plus important que le montant des économies attendues pour l'État. Ainsi, selon l'Union sociale pour l'habitat (USH), le coût de la RLS pour les bailleurs est estimé à 830 millions d'euros en 2018 et à 916 millions d'euros en 2019.

Cette différence entre le coût pour les bailleurs sociaux et l'économie pour l'État résulte des frais de gestion qu'entraîne ce dispositif et par l'existence de ménages qui ne bénéficient pas de l'APL mais qui bénéficient de la réduction de loyer de solidarité.

Votre rapporteur invite le Gouvernement dans le cadre de la clause de revoyure à examiner les moyens de réduire ce coût. Le ministre chargé de la ville et du logement, M. Julien Denormandie, s'y est engagé lors de son audition devant votre commission des affaires économiques.

? Les conséquences sur la situation financière des organismes

Selon les informations transmises par la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), la RLS devrait conduire pour 2018 et 2019, à une perte d'autofinancement net de 21 % et 40 % du résultat total. Pour 2020, la RLS qui devra permettre une économie budgétaire d'1,5 milliard conduirait à une perte d'autofinancement net de 32 % et 60 % du résultat total. En outre, le nombre d'organismes en situation de fragilité passerait de 127 à 309 (+143 %) et celui en autofinancement négatif de 54 à 183 organismes (+238 %). Néanmoins ces données ne tiennent pas compte des mesures de soutien notamment en matière de prêt. Votre rapporteur tient cependant à souligner que ces mesures pèseront à terme sur la situation des bailleurs, les prêts devant être remboursés in fine .

La Caisse des dépôts et consignations a publié en octobre dernier des projections sur 20 ans de la situation du secteur social. Elle indique que « le résultat récurrent généré par l'activité locative se dégraderait fortement au cours des 20 prochaines années, du fait de la RLS qui pèse sur les recettes locatives et de la charge de la dette portée par les importants investissements réalisés depuis la fin des années 2000. Ce repli serait toutefois atténué par d'importants efforts du secteur sur les charges d'exploitation. L'autofinancement global serait lui relativement moins affecté car soutenu par le doublement des ventes annuelles. (...) La situation financière résisterait ainsi sur l'ensemble de la période au prix toutefois d'un repli substantiel de la production de logements à moyen terme et d'importants efforts du secteur sur les charges d'exploitation. » Votre rapporteur note que ce scenario est bâti sur des hypothèses optimistes comme la multiplication par deux des ventes pour atteindre 17 000 ventes chaque année d'ici 2022.

Dans son rapport d'orientation de juin 2018, la Fédération des offices publics de l'habitat a présenté un tableau plus sombre montrant qu'en tenant compte du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) et d'une RLS maintenue pendant 10 ans au moins, l'autofinancement passerait de 9,9 % des loyers en 2016 à 1,1 % en 2026, mais plongerait sous les 5 % dès 2018.

? Les conséquences sur la construction et sur l'entretien des logements sociaux

Interrogée par votre rapporteur, la DHUP lui a indiqué qu'entre 108 000 et 120 000 logements pourraient être agréés en 2018. Si ce chiffre semble dans la tendance des années précédentes, votre rapporteur est néanmoins attentive à son évolution. En effet, les bailleurs sociaux ne sont semble-t-il pas revenus sur la construction de logements décidée en 2018 mais leur position pourrait s'avérer différente pour 2019 en raison des incertitudes sur leur capacité financière résultant à la fois de l'impact de la RLS et des regroupements d'organismes rendus nécessaires par la loi dite ELAN. L'USH confirme une baisse des agréments de 5 % en 2018.

Évolution des objectifs de construction de logements sociaux

Source : rapports annuels de performance annexés aux projets de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et réponse au questionnaire budgétaire.

Selon France urbaine et l'Assemblée des communautés de France, les collectivités territoriales, interrogées à l'occasion d'une enquête flash dont les résultats ont été rendus publics en octobre dernier, « redoutent les implications des contraintes financières sur la programmation à venir et la capacité des bailleurs à conjuguer en même temps production neuve, entretien, démolition et réhabilitation ».

À moyen et long terme, les projections précitées de la Caisse des dépôts et consignations ne sont guère optimistes puisque la CDC conclut à une résistance du secteur sur le plan financier moyennant « un repli substantiel » de la production de logements qui diminuerait de 38 % en 2037 par rapport à la situation actuelle et moyennant d'importants efforts en matière de charges d'exploitation.

L'impact sur l'entretien n'est pas clairement établi, mais 61 % des OPH pourraient diminuer de 6 % leur budget consacré à l'entretien et la moitié d'entre eux pourraient réduire d'un tiers leurs investissements.

? Évaluation de la RLS et clause de revoyure

Lors de son audition, le ministre chargé de la ville et du logement, M. Julien Denormandie, a indiqué que la clause de revoyure serait bien mise en oeuvre d'ici la fin de l'année 2018. Des conclusions sont attendues d'ici février 2019. Votre rapporteur considère que cette revoyure doit être l'occasion d'un bilan exhaustif des effets de la RLS, de l'augmentation de la TVA et des mesures d'accompagnement, sur la situation des bailleurs sociaux mais aussi sur la construction et la réhabilitation des logements sociaux. Il est évident pour votre rapporteur que l'analyse ne peut porter sur les effets pendant le seul quinquennat mais doit bien porter sur les effets à court, moyen et long termes de ces mesures.

Les députés ont adopté un amendement, présenté par M. Jolivet, rapporteur spécial, et Mme Do, rapporteur pour avis, tendant à la remise d'un rapport au Parlement avant le 1 er septembre 2019 sur les conséquences de la RLS sur l'autofinancement et les capacités d'investissement des bailleurs sociaux (article 74 quinquies ). Votre rapporteur regrette que cette évaluation n'ait pas eu lieu l'an dernier avant l'adoption du dispositif. Bien que peu favorable aux demandes de rapport, elle estime que ce rapport permettra de présenter en toute transparence l'analyse du Gouvernement sur les conséquences de la RLS et sur l'impact d'une RLS permettant une économie d'1,5 milliard. Elle a proposé un amendement pour que l'évaluation tienne compte de l'augmentation de TVA et pour que l'analyse porte sur les effets de ces mesures à court, moyen et long termes.

III. LE DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT DES AIDES À LA PIERRE (PROGRAMME 135)

Les crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » sont notamment consacrés au financement des aides à la pierre, de la lutte contre l'habitat indigne ou encore au financement de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Ces crédits du programme 135 diminuent de nouveau de 10,3 % en AE et de 7,4 % en CP.

Ici aussi, cette diminution de crédits masque des évolutions divergentes des crédits des actions du programme. Ainsi, tandis que les crédits dédiés à la lutte contre l'habitat indigne augmentent de 250%, ceux destinés au financement des aides à la pierre n'existent plus.

Évolution des crédits du programme 135

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

Construction locative et amélioration du parc

61 815 197

10 800 000

-82,53 %

51 815 197

10 800 000

-79,16 %

Soutien à l'accession à la propriété

3 900 000

3 994 162

2,41 %

3 900 000

3 994 162

2,41 %

Lutte contre l'habitat indigne

7 200 000

25 200 000

250,00 %

7 200 000

28 125 283

290,63 %

Réglementation, politique technique et qualité de la construction

162 995 000

160 972 968

-1,24 %

163 875 000

160 972 968

-1,77 %

Soutien

17 187 771

22 985 972

33,73 %

17 187 771

18 485 972

7,55 %

Urbanisme et aménagement

64 980 000

61 124 866

-5,93 %

64 100 000

62 699 583

-2,18 %

Grand Paris

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

318 077 968

285 077 968

-10,37 %

308 077 968

285 077 968

-7,47 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

Est rattachée à ce programme la quasi-totalité des dépenses fiscales en matière de logement telles que l'application de taux réduits de TVA, les dispositifs d'investissement locatif, ou encore le crédit d'impôt lié au prêt à taux zéro. Ces dépenses fiscales sont estimées à 13,4 milliards d'euros pour 2018.

Votre rapporteur a souhaité s'intéresser plus particulièrement dans cette partie aux aides à la pierre et à la construction de logements sociaux. Elle examinera la question de la lutte contre l'habitat indigne dans la section suivante (cf. infra IV).

A. LE DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT DU FINANCEMENT DU FNAP

1. L'absence de crédits budgétaires pour financer le FNAP

Depuis plusieurs années, votre rapporteur constate la diminution des crédits budgétaires dédiés au financement des aides à la pierre. Le Gouvernement avait déjà annulé des crédits en 2018 pour abonder le fonds national des aides à la pierre (FNAP) de 39 millions d'euros seulement.

Évolution des crédits budgétaires de l'État
consacrés aux aides à la pierre
(en millions d'euros)

Source : Rapport d'information de M. Philippe Dallier, n° 3 (2018-2019) intitulé « Aides à la pierre : du retrait de l'État à la décentralisation ? »

En 2019, sans surprise, le Gouvernement ne financera plus les aides à la pierre laissant les bailleurs sociaux et Action Logement seuls financeurs du FNAP. Ce faisant, l'État achève le processus de passage des aides à la pierre vers les aides à la personne engagée il y a quarante ans.

Ressources du Fonds national des aides à la pierre
(en millions d'euros)

2017

2018

2019

Contribution de l'État

180,1

38,8

0

Contribution des bailleurs sociaux (fraction des cotisations versées à la CGLLS et produit de la taxe sur les produits de cessions de vente HLM)

270

375

375

Action Logement

-

50

50

Reliquat de prélèvements SRU

-

4,3

4-5

Majoration SRU

12

12

28,2

Crédits issus des Fonds d'aménagement urbains (les crédits non engagés ont été transférés au FNAP après la suppression des FAU)

-

6,6

-

Total

462,1

486,7

458,2

Total après annulation de crédits

366,1

Source : Commission des affaires économiques d'après les réponses au questionnaire budgétaire.

Les bailleurs sociaux financeront la quasi-totalité des ressources du FNAP. Depuis la loi de finances pour 2018, le montant de cette contribution est fixé à 375 millions d'euros par an. Cette contribution repose sur les cotisations versées par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et sur la taxe sur les plus-values des ventes de logements sociaux instaurée lors de la loi de finances pour 2018.

Votre rapporteur avait été partagée sur la création de cette taxe puisque si elle est une source de financement du FNAP elle pourrait aussi être un frein au développement de la vente HLM. Le taux de la taxe qui doit être inférieur à 10 %, pourrait être fixé à 4,5 % pour obtenir un rendement de 10 millions d'euros. Selon les informations transmises par le Gouvernement, cette taxe représenterait environ 1 400 euros sur une plus-value moyenne de 31 700 euros. Elle note que les députés ont adopté le report de cette mesure à 2019.

2. Les objectifs de construction de logements sociaux du FNAP

S'agissant des objectifs de financement de logements sociaux décidés par le FNAP , votre rapporteur constate que ce dernier a mis en place une enveloppe de 10 millions d'euros dédiée au financement d'opérations de démolition en zone détendues hors cadre des programmes de renouvellement urbain.

Le FNAP doit également déterminer des objectifs de réalisation de logements sociaux à destination des ménages éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence (PLAI adapté) et de la mise en oeuvre de dispositifs d'intermédiation locative dans les communes carencées. En effet, en application de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, la majoration sur les prélèvements SRU, dont est bénéficiaire le FNAP, est fléchée vers certaines opérations.

Constatant une sous-exécution de l'enveloppe des PLAI adaptés, les dispositions relatives à son utilisation ont évolué à plusieurs reprises : doublement de la subvention, instruction déconcentrée des dossiers, éligibilité des résidences sociales. Néanmoins, ces évolutions si elles ont permis d'augmenter le nombre de projets proposés n'ont pas réussi à renverser la situation et fin 2017, les ressources non utilisées demeuraient importantes (16 millions d'euros d'AE et 25 millions d'euros de CP). Or, au regard du bilan triennal 2014-2016, ces ressources ont vocation à augmenter puisqu'une première analyse des arrêtés de carence laisse entrevoir un doublement de cette ressource, soit environ 28 millions d'euros par an.

Par une décision du 21 septembre 2018, le FNAP a de nouveau modifié ses critères. Peuvent bénéficier de cette enveloppe les opérations de construction ou d'acquisition de logement, de résidences sociales ou pensions de famille. Les projets doivent respecter les conditions suivantes :

- les logements doivent être destinés aux ménages éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence. Sont ainsi visés les ménages reconnus prioritaires DALO ou les publics prioritaires identifiés dans le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, les accords collectifs ou les conventions intercommunales d'attribution, ainsi que les ménages en situation de surendettement ;

- un niveau de loyer maîtrisé doit être garanti ;

- des modalités d'accompagnement des ménages doivent être précisées ;

- le projet doit contribuer à la mixité sociale.

Votre rapporteur sera attentive à la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions qui participent à la mise en oeuvre du plan quinquennal en faveur du logement d'abord.

3. Le FNAP, un établissement sans véritable pilote depuis un an

Le FNAP est composé de 15 membres répartis en trois collèges :

- 5 représentants de l'État ;

- 5 représentants des bailleurs sociaux ;

- 3 représentants des collectivités territoriales, un député et un sénateur. Le président du conseil d'administration est nommé parmi les représentants des collectivités territoriales.

Après les annulations de crédits budgétaires en 2018, le président du FNAP, Emmanuel Couet, a démissionné. Depuis, le poste est vacant et c'est le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages qui exerce l'intérim.

Notre collègue Daniel Dubois qui siège au sein du FNAP a dénoncé lors de l'audition de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, l'absence de réunion du conseil d'administration du FNAP depuis la démission de M. Couet.

Pour votre rapporteur, cette situation est inadmissible. Elle partage la recommandation de notre collègue Philippe Dallier, rapporteur spécial, appelant à la nomination rapide d'un président susceptible de redonner de l'impulsion à l'action du FNAP.

En outre, face au désengagement de l'État, elle s'interroge sur la composition du conseil d'administration, considérant que la présence de membres de l'État à parité avec les bailleurs avait perdu toute légitimité.

B. LES DISPOSITIFS FISCAUX D'AIDE À LA CONSTRUCTION : UN NOUVEAU DISPOSITIF D'INVESTISSEMENT LOCATIF POUR LES LOGEMENTS ANCIENS

En application de sa nouvelle stratégie en matière de logement, le Gouvernement avait modifié en 2018 les conditions relatives au dispositif d'investissement locatif dit Pinel et au prêt à taux zéro (PTZ) et avait supprimé l'APL-accession sauf pour les logements anciens dans les zones détendues jusqu'en 2020.

? S'agissant du prêt à taux zéro , l'article 83 de la loi de finances pour 2018 prévoit :

- sa prorogation jusqu'au 31 décembre 2021 ;

- pour les logements neufs, son recentrage progressif sur les zones tendues : maintien en zones B2 et C jusqu'au 31 décembre 2019 avec diminution de la quotité, puis à partir du 1 er janvier 2020 aux zones tendues et aux communes couvertes par un contrat de redynamisation de sites de défense (sans condition de zone) ;

- pour les logements anciens, dès le 1 er janvier 2018, application du PTZ aux seules zones détendues (B2 et C).

Le coût de la mesure est estimé à 1,8 milliard en 2017, à 1,4 milliard en 2018 puis 1,2 milliard en 2020.

En outre, le Gouvernement doit remettre au Parlement :

- un rapport d'évaluation du zonage applicable au prêt à taux zéro avant le 1 er septembre 2018 ;

- un rapport d'évaluation du prêt à taux zéro avant le 1 er septembre 2019.

Ces mesures ont des conséquences sur l'accession sociale à la propriété. Les bailleurs sociaux ont ainsi fait état d'une chute des ventes de logements en accession sociale à la propriété (-21% au 1 er trimestre 2018,
-19 % au 2 ème trimestre 2018 par rapport au même trimestre 2017).

? S'agissant du dispositif d'investissement locatif privé dit dispositif Pinel , l'article 68 de la loi de finances prévoit :

- la prolongation du dispositif jusqu'au 31 décembre 2021 ;

- son application aux zones tendues (A, A bis et B1) et aux communes dont le territoire est couvert par un contrat de redynamisation de site de défense ;

- sa non-application aux zones B2 et C. Les dispositions transitoires permettent l'application du dispositif aux opérations réalisées dans les zones B2 et C ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire au plus tard le 31 décembre 2017 et à la condition que les logements soient acquis au plus tard le 31 décembre 2018.

En outre, le Gouvernement doit remettre au Parlement :

- un rapport évaluant les zones géographiques applicables au dispositif, avant le 1 er septembre 2018 ;

- un rapport d'évaluation du dispositif avant le 1 er septembre 2019. Il devra analyser le respect des conditions de loyer et de ressources des locataires par les contribuables bénéficiant du dispositif.

Selon la FPI, l'arrêt du dispositif Pinel dans les zones B2 explique la baisse des ventes en direction de l'investissement locatif.

Votre rapporteur regrette que le Gouvernement n'ait pas remis au Parlement les deux rapports relatifs au zonage du dispositif Pinel et du PTZ . Elle constate que les chiffres de la construction sont en baisse. De juillet à septembre 2018, les autorisations de construction de logements et les mises en chantier poursuivent leur baisse (respectivement -2,1 % par rapport aux trois mois précédents après -2,6 % ; -4,0 % après -1,6 %). En un an, d'octobre 2017 à septembre 2018, le nombre de logements autorisés diminue de 5,8 %.

? Par ailleurs, les députés ont adopté un nouveau dispositif d'investissement locatif (article 74 bis ) dans le but d'encourager la rénovation des logements dans les centres-villes . Le dispositif d'investissement locatif dit Pinel est étendu au logement acquis par le contribuable entre le 1 er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et qui fait ou a fait l'objet de travaux d'amélioration . Ces travaux doivent représenter au moins 25 % du coût total de l'opération .

Le logement doit être situé « dans des communes dont le besoin de réhabilitation de l'habitat en centre-ville est particulièrement marqué, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés du logement et du budget et dans les communes signataires d'une convention d'opération de revitalisation de territoire ». Interrogé par plusieurs membres de la commission des affaires économiques, M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, a précisé que les 222 villes du plan « Action coeur de ville » seront éligibles au dispositif . Selon les informations transmises par le Gouvernement, le coût est difficilement évaluable en raison d'un périmètre par définition instable . Le risque pour les investisseurs serait selon le Gouvernement limité, le dispositif ne concernant que les communes s'inscrivant dans un projet global de territoire.

IV. STRATÉGIE « INITIATIVE COPROPRIÉTÉS » : LE RÔLE CENTRAL DE L'ANAH QUI BÉNÉFICIE À CE TITRE DE RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES

A. UNE AUGMENTATION DES RESSOURCES DE L'ANAH POUR FAIRE FACE À UN ACCROISSEMENT DE SES MISSIONS

1. Des crédits en augmentation malgré des ressources instables

Conformément à l'engagement du président de la République de s'engager dans le traitement des « passoires thermiques », l'État contribue de nouveau au financement de l'ANAH depuis 2018. Pour 2019, le montant de cette contribution est maintenu et atteint 110 millions d'euros .

En complément, l'ANAH bénéficie de plusieurs ressources.

• Le produit issu de la mise aux enchères des quotas carbone demeure la première ressource de l'agence. Néanmoins, cette ressource ne peut être supérieure à 550 millions d'euros par an en application de l'article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

Votre rapporteur estime difficile pour l'ANAH de fonder un budget à partir de cette ressource par définition instable. Alors que les prévisions du budget 2017 avaient dû être revues à la baisse en cours d'année, c'est la situation inverse qui se présente pour 2018. Ainsi, l'agence avait construit son budget sur un cours de 6,2€/ tonne soit 336,7 millions d'euros de recettes. Le cours a finalement opéré une remontée pour atteindre 12,7€/t  permettant à l'agence de bénéficier de 550 millions d'euros en 2018, soit le montant maximum de recette.

Estimant que cette remontée était durable, le Gouvernement a décidé d'ajuster le plafond de recette issue de ces quotas afin qu'il corresponde « au besoin effectif de l'agence ». L'article 29 du projet de loi de finances diminue ainsi le plafond de cette ressource de 550 millions d'euros à 420 millions d'euros. Le surplus sera donc reversé au budget général, soit 130 millions d'euros. Ce plafonnement à 420 millions d'euros obligera l'agence à puiser dans les recettes supplémentaires perçues en 2018 au titre des quotas carbone.

Votre rapporteur s'étonne de ce choix alors même que le Gouvernement a lancé un grand plan en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments et a consacré l'accélération de la transition énergétique comme priorité nationale. Elle estime qu'il faudrait profiter de cette manne pour rénover énergétiquement un plus grand nombre de logements.

• L'ANAH a finalisé plusieurs conventions avec les fournisseurs d'énergie . Outre la convention finalisée en 2017 avec EDF, elle a conclu des conventions avec Engie et TOTAL en 2018. Les contributions des fournisseurs d'énergie devraient ainsi lui procurer 68,3 millions d'euros de ressources contre 58,1 millions d'euros en 2018. Votre rapporteur note que cette ressource qui est négociée chaque année en fonction du niveau de réalisation des objectifs du programme « Habiter mieux » est également une ressource variable qui dépend du cours des certificats d'économie d'énergie.

• Votre rapporteur constate par ailleurs une augmentation du montant de la taxe sur les logements vacants. Fixé à 61 millions d'euros en 2015 contre 21 millions les années précédentes, puis ramené à 21 millions en 2016, 2017 et 2018, le plafond de cette taxe est de nouveau augmenté par l'article 29 du projet de loi de finances pour 2019 pour atteindre 61 millions d'euros. Si elle se félicite de cette augmentation qu'elle recommandait dans son rapport de l'an dernier, votre rapporteur regrette néanmoins le manque de stabilité dans le temps de cette ressource .

• En revanche, l'ANAH ne bénéficiera pas de contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ni de celle d'Action Logement.

Il convient enfin de noter que l'ANAH a bénéficié en 2018 d'une recette exceptionnelle de 33,7 millions d'euros résultant des crédits non engagés du Fonds d'aide à la rénovation thermique (FART) au programme Habiter mieux.

En conclusion, le budget de l'ANAH pour 2019 devrait atteindre 662 millions d'euros, soit largement plus que le montant initialement envisagé l'an dernier et alors estimé à 579,6 millions d'euros. Néanmoins, votre rapporteur constate dans le même temps que les missions de l'agence s'accroissent. Celle dernière va en effet consacrer 200 millions d'euros chaque année au plan « Initiative copropriétés » et devra maintenir des objectifs élevés de rénovation de logements dans le cadre du programme Habiter mieux. L'agence pourrait également être amenée à doubler ses objectifs de rénovation de logement dans le cadre de la perte d'autonomie.

Votre rapporteur ne peut que réaffirmer la nécessité pour l'agence d'avoir des ressources stables et pérennes qui lui permettent de proposer une action claire et prévisible sur la durée pour les acteurs de terrain et les particuliers afin d'éviter des stop-and-go qui nuisent à la crédibilité de la politique de l'État en la matière.

Évolution des ressources de l'ANAH

2015

2016

2017

Projection

Projection

Exercice 2018

Exercice 2019

Produit de la taxe sur les logements vacants

61 000 000

21 000 000

21 000 000

21 000 000

61 000 000

Contribution des fournisseurs d'énergie

41 715 570

55 721 470

42 072 553

58 140 000

68 300 000

Produits issus

312 116 110

234 683 755

313 401 500

550 000 000

420 000 000

de la mise aux enchères des quotas carbone

Contribution de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

20 000 000

-

20 000 000

20 000 000

Contribution Action logement

50 000 000

150 000 000

50 000 000

Contribution Fonds de financement de la transition énergétique

20 000 000

50 000 000

Contribution de l'État (programme 135)

110 000 000

110 000 000

Autre financement

241 300

Autres produits

8 646 007

2 444 735

3 698 852

33 754 500

3 000 000

Total

513 477 687

464 091 261

500 272 905

792 994 500

662 300 000

Source : réponses au questionnaire budgétaire et ANAH.

2. Un programme Habiter mieux qui peut encore être amélioré
a) Le maintien des objectifs de rénovation des logements à un haut niveau

Le programme Habiter mieux se décline en trois catégories :

- « Habiter mieux sérénité » qui est le programme classique et qui comprend un accompagnement renforcé ;

- « Habiter mieux agilité » centré sur la réalisation de travaux jugés prioritaires. L'ANAH a mis en place en 2018 cette nouvelle offre qui permet d'octroyer des aides à des propriétaires occupants de maisons individuelles et réalisant un seul type de travaux parmi trois catégories permettant un gain énergétique significatif : le changement de chaudière ou de mode de chauffage, l'isolation des murs extérieurs et/ou intérieurs, ou l'isolation des combles aménagés et aménageables. Il s'agit ainsi de permettre à des propriétaires occupants de s'engager dans une première phase de travaux sans la contrainte d'un accompagnement ;

-  « Habiter mieux copropriété ».

Votre rapporteur sera attentive à l'évolution des objectifs des différentes catégories du programme. Il ne faudrait pas que les services instructeurs se concentrent sur le programme « Habiter mieux agilité » pour des raisons de facilité au détriment du programme classique « Habiter mieux sérénité » qui a démontré son efficacité. L'ANAH a indiqué à votre rapporteur qu'elle ne constatait pour l'instant pas une telle tendance.

Alors que les objectifs pour 2016 n'avaient pu être tenus, le Gouvernement était revenu à des objectifs plus réalistes en 2017 fixant les objectifs à atteindre à 60 000 logements à rénover, dont 44 000 logements de propriétaires occupants, 4 000 logements de propriétaires bailleurs et 12 000 copropriétés. Néanmoins, l'objectif de rénovation des copropriétés est loin d'être atteint, 4 528 copropriétés ayant bénéficié d'aide quand 12 000 étaient attendus, soit 37,7 % de l'objectif.

Pour 2018, l'objectif est passé de 60 000 logements à 75 000 logements . Votre rapporteur s'interroge sur l'atteinte de cet objectif de progression alors même que 52 266 bénéficiaires ont été dénombrés en 2017. Néanmoins, la présidente de l'ANAH s'est voulue rassurante annonçant le 6 novembre dernier que 68 000 logements seraient rénovés en 2018. L'objectif de 75 000 logements rénovés est maintenu pour 2019.

Évolution des objectifs de l'ANAH depuis 2011

Bénéficiaires

Objectifs

Propriétaires occupants

Propriétaires bailleurs

Syndicat de copropriété

TOTAL

2010

22

-

-

22

2011

30 000

6 669

-

-

6 669

2012

30 000

12 738

-

-

12 738

2013

30000

27 530

2 150

1 555

31 235

2014

43 000

44 055

3 579

2 197

49 831

2015

50 000

43 710

3 791

2 205

49 706

2016

70 000

34 149

4 469

2 108

40 726

2017

60 000

44 132

3 606

4 528

52 266

Prévision 2018

75 000

58 000

4 000

13 000

Source : Commission des affaires économiques d'après le rapport de l'IGF et du CGEDD sur les aides à la rénovation énergétique des logements privés d'avril 2017 et réponse au questionnaire budgétaire.

b) Un programme dont le bilan est positif et qui peut encore être amélioré

À la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a évalué le programme Habiter mieux 2 ( * ) et estimé que son bilan était encourageant, soulignant que les imperfections et faiblesses du programme pouvaient être corrigées. Un point a plus particulièrement retenu l'attention de votre rapporteur, c'est la question du reste à charge.

La Cour des comptes a examiné les différents dispositifs pouvant être mobilisés dans le cadre du financement du reste à charge. Elle a souligné que le recours à l'éco-PTZ ne pouvait par définition bénéficier qu'à très peu de ménages modestes.

Lors de son enquête, l'éco-prêt « Habiter mieux » n'était pas disponible, les établissements de crédits exigeant la mise en oeuvre du fonds de garantie pour la rénovation énergétique pour le distribuer. Le financement du fonds de garantie a été mis en oeuvre fin août 2018. Les éco-prêts seront en conséquence disponibles en 2019. Votre rapporteur regrette ce temps perdu.

Enfin, le ménage peut cumuler les aides du programme avec le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Il convient cependant de noter que pour bénéficier du CITE, le ménage doit avoir recours à des entreprises labélisées « Reconnu Garant de l'Environnement (RGE) », ce qui entraîne un coût plus important des travaux. Votre rapporteur s'est interrogée sur l'impact sur le programme Habiter mieux de l'exigence pour les entreprises intervenantes d'être labélisées RGE. L'ANAH lui a indiqué que cette exigence qui devait s'appliquer au 1 er janvier 2019 pourrait faire l'objet d'un report pour les programmes Habiter mieux sérénité et Habiter mieux copropriété.

Le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) a été recentré en 2018 sur les actions les plus efficaces au plan énergétique. Votre rapporteur fera le bilan de cette évolution sur le reste à charge des ménages bénéficiant du programme Habiter mieux. Si une transformation du CITE en subvention était décidée, il conviendra de revoir la coordination entre les différents systèmes d'aides. Votre rapporteur sera attentive à ces évolutions.

Dans un souci de limiter le reste à charge des ménages, les députés ont adopté un amendement du M. Matthieu Orphelin et plusieurs de ses collègues qui augmente les crédits du programme 135 de 450 000 euros afin de permettre la mise en place d'une expérimentation dans cinq départements permettant la prise en charge gratuite de la visite d'un opérateur de l'ANAH et la réalisation d'un audit énergétique pour 30% des ménages aux revenus les plus modestes. Selon les députés, cette visite et cet audit, dont le coût est estimé à 600 euros, ne sont actuellement remboursés qu' a posteriori lorsque le ménage décide de réaliser les travaux. Il s'agit donc d'inverser la logique.

B. LA STRATÉGIE GOUVERNEMENTALE DE LUTTE CONTRE LES COPROPRIÉTÉS DÉGRADÉES

Le 10 octobre dernier, le Gouvernement a présenté sa stratégie nationale d'intervention sur les copropriétés.

1. L'identification de copropriétés en grande difficulté dans le cadre de la stratégie « Initiative copropriétés »
a) Un phénomène de copropriétés en difficulté malaisé à définir

Le Gouvernement dispose d'un recensement précis du nombre total de copropriétés. En 2015, leur nombre est estimé à 740 083 copropriétés, comportant 9,9 millions de logements.

Les résidences principales en copropriété sont occupées principalement par leurs propriétaires. 69 % des copropriétés ont de moins de 10 logements.

Modalités d'occupation des résidences principales en copropriété

Source : Commission des affaires économiques d'après les réponses au questionnaire budgétaire.

Si l'on dispose de données quantitatives, néanmoins, des efforts doivent être faits s'agissant des données qualitatives. En effet, il n'existe pas de définition de la copropriété en difficulté, de copropriété fragile ou encore de copropriété dégradée.

Pour déterminer si une copropriété est en difficulté , la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages a recours à un faisceau d'indices :

- état du bâti ;

- difficulté de gestion ou d'administration de la copropriété ;

- difficultés financières et juridiques ;

- dépréciation de la valeur des logements de la copropriété.

Cette qualification est relative et fonction de la situation du territoire (zone tendue ou non, territoire défavorisé ou non, années de construction).

Dans ses réponses au questionnaire budgétaire, le Gouvernement admet ne pas disposer d'un outil recensant les copropriétés fragiles ou en difficulté et se fonde sur les « remontées du terrain » pour affirmer que le nombre de ces copropriétés serait en augmentation.

Pour essayer de préciser le diagnostic, la DHUP a mis en place avec l'ANAH un outil d'identification des copropriétés fragiles à partir d'indicateurs relatifs aux caractéristiques des logements et des ménages occupants. En 2013, le nombre de ces copropriétés était estimé à 107 118 comprenant 1,1 million de logements, soit 19,1% des copropriétés. Ces copropriétés sont essentiellement des petites copropriétés de moins de 10 logements et des grandes copropriétés de plus de 150 logements.

La loi ALUR a instauré une obligation d'immatriculation des copropriétés qui entre en vigueur progressivement ; l'ensemble des copropriétés devant être immatriculées au plus tard le 31 décembre 2018.

Cette immatriculation, lorsqu'elle sera complète, permettra de disposer de données plus précises sur la situation financière des copropriétés. En août 2018, 230 000 syndicats de copropriétaires étaient immatriculés.

Au regard des enjeux, votre rapporteur demande instamment au Gouvernement de créer un outil permettant d'identifier précisément ces copropriétés en difficultés.

b) L'identification de 14 sites dans le cadre de la stratégie « Initiative copropriétés »

Dans le cadre de sa stratégie « Initiative copropriétés », l'État a identifié par le biais d'un recensement réalisé auprès des préfets 684 copropriétés en difficulté comprenant environ 56 000 logements. 90% d'entre elles étaient situées dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou un quartier relevant du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).

Parmi celles-ci, il a identifié 14 sites de priorité nationale représentant 128 copropriétés dégradées soit 23 330 logements. Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, n'a pas précisé si la liste était fermée . Or, cette réponse n'est pas anodine pour votre rapporteur.

Le Gouvernement a classé les copropriétés en trois catégories : les copropriétés très dégradées, les copropriétés dégradées et les copropriétés fragiles.

Tableau comparant les éléments d'identification de ces différentes catégories de copropriétés

Copropriétés très dégradées

Copropriétés dégradées

Copropriétés fragiles

un parc privé majoritaire dans le quartier

un parc privé minoritaire dans le quartier

-

des sites comprenant un volume de logements de 600 à 5 000 logements en copropriétés

des sites comprenant entre 100 et 600 logements en copropriétés

-

des copropriétés majoritairement détenues par des propriétaires bailleurs avec la présence de marchands de sommeil et de propriétaires bailleurs indélicats

une occupation plus équilibrée entre propriétaires occupants et propriétaires bailleurs

-

une majorité d'occupants aux revenus très modestes

une spécialisation de l'occupation, des occupants aux ressources très modestes et en dessous du seuil de pauvreté et des conditions d'habitat indignes

une majorité d'habitants modestes voire très modestes

une majorité de propriétaires occupants

un niveau d'endettement des copropriétés compromettant leur gestion courante

un niveau d'impayés conséquent

des taux d'impayés maîtrisés (inférieurs à 25 %)

une gestion défaillante avec la présence d'administrateurs provisoires dans une majorité de sites

une gestion majoritaire par des syndics professionnels

des conseils syndicaux à renforcer et des difficultés de prise de décision en assemblée générale

des instances de gouvernance (Conseil syndical et syndic) qui fonctionnent

des travaux de sécurisation à conduire rapidement

un retard important dans la réalisation des travaux (remise aux normes comme travaux de rénovation énergétique)

des besoins de travaux principalement liés au saut énergétique

des ventes immobilières empêchées du fait d'un décrochage des prix

des valeurs immobilières en dessous des prix de marché

-

Source : Agence nationale pour l'habitat.

2. La mobilisation de moyens financiers à hauteur de 2,7 milliards pour le traitement des copropriétés dégradées

2,7 milliards d'euros seront consacrés à cette stratégie gouvernementale sur 10 ans. L'Agence nationale pour l'habitat, l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) et Procivis qui regroupe les bailleurs sociaux réalisant de l'accession sociale à la propriété se mobiliseront financièrement à cette fin, l'ANAH étant le financeur principal de cette opération.

Répartition du financement de la stratégie nationale
d'intervention sur les copropriétés

Source : Commission des affaires économiques d'après réponse au questionnaire budgétaire.

La stratégie nationale se décline selon trois axes : faciliter les opérations de « recyclage » pour les copropriétés très dégradées cumulant des dysfonctionnements, faciliter le redressement des copropriétés en difficulté et mettre en place des actions de prévention.

Le premier axe qui doit permettre de faciliter les opérations de « recyclage » c'est-à-dire de rachats de lots de copropriété permettra de démolir l'immeuble à terme et de reconstruire une nouvelle offre de logements. Ces opérations de recyclage sont très coûteuses. La stratégie nationale prévoit une mesure de prise en charge d'une partie du déficit de l'opération :

- lorsque l'opération s'inscrit dans le cadre d'un programme de renouvellement urbain, le déficit de l'opération est pris en charge par l'ANRU jusqu'à 80 % ;

- lorsque la copropriété a fait l'objet d'un arrêté de carence, le déficit de l'opération est pris en charge par l'ANAH à hauteur de 80 % ;

- la taxe spéciale d'équipement pourra être mise en place dans le cadre d'une opération de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (ORCOD-IN).

Par ailleurs, les travaux de mise en sécurité seront pris en charge par l'ANAH dans sa totalité sous réserve de respecter certaines conditions.

Pour pallier l'absence d'opérateur apte à réaliser des opérations de portage massif, Action Logement et la Banque des territoires seront mis à contribution.

Le second axe doit faciliter le redressement des copropriétés . Il est ainsi prévu :

- de mobiliser les dispositifs de l'ANAH tels que les plans de sauvegarde ou les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) ;

- de renforcer les mesures d'accompagnement des professionnels de l'immobilier, en développant des syndics spécialisés dans l'accompagnement des copropriétés en difficulté, en finançant par l'ANAH des surcoûts de gestion, en organisant grâce à l'ANAH la gestion urbaine de proximité du parc privé ;

- de mobiliser des prêts de Procivis pour financer les travaux prévus dans le cadre d'un plan de sécurisation des logements ;

- de mobiliser les acteurs compétents pour lutter contre l'habitat indigne et agir contre la sur-occupation des logements.

Outre que l'ANAH financera les travaux de mise en sécurité des occupants, l'Agence s'est engagée à attribuer une prime en complément d'aides versées par les collectivités territoriales, les restes à charge trop importants pouvant en effet être un frein à la réalisation de travaux.

Enfin, le dernier axe vise à prévenir la dégradation des copropriétés . Le Gouvernement mobilise ainsi des dispositifs existants comme le dispositif de Veille et d'Observation des Copropriétés (VOC), le Programme Opérationnel de Prévention et d'Accompagnement en Copropriétés (POPAC) et l'aide aux travaux de rénovation énergétique Habiter Mieux copropriété.

3. Des mesures législatives complémentaires pour lutter contre l'habitat indigne adoptées dans le cadre de la loi ELAN

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) comprend plusieurs mesures relatives au traitement des copropriétés dégradées et à la lutte contre l'habitat indigne que le Sénat a contribué à enrichir.

Ainsi, l'article 202 vise à :

- modifier le déroulement de la procédure de carence en simplifiant le mode de saisine du juge pour lancer une procédure de carence, en prévoyant que la notification des conclusions de l'expertise aux copropriétaires vaudra intervention forcée à l'instance, en précisant que la notification des conclusions de l'expertise au préfet vaudra signalement à l'autorité compétente en matière d'habitat indigne ou insalubre, en permettant à un copropriétaire d'être entendu par le juge à l'audience, enfin en prévoyant la notification de l'ordonnance de carence aux copropriétaires ;

- faciliter les relogements ;

- faciliter la création d'ORCOD-IN en supprimant des critères à remplir pour déclarer d'intérêt national une ORCOD, le critère relatif à la présence d'une ou plusieurs copropriétés bénéficiant d'un plan de sauvegarde ;

- instaurer une procédure de prise de possession anticipée accélérée pour les bâtiments dégradés situés dans les ORCOD-IN, lorsque des risques sérieux pour la sécurité des occupants rendent nécessaires la prise de possession anticipée et qu'un projet de plan de relogement des occupants a été établi ;

- autoriser d'autres opérateurs que les établissements publics fonciers d'État à mettre en oeuvre une ORCOD-IN permettant ainsi d'appliquer ce dispositif dans des territoires où il n'existe pas d'établissement public foncier d'État.

La loi ELAN prévoit également plusieurs mesures pour renforcer la lutte contre l'habitat indigne :

• modification de la procédure de déclaration préalable et d'autorisation préalable de mise en location communément appelée « permis de louer » afin de permettre aux établissements publics de coopération intercommunale ayant la compétence en matière d'habitat de déléguer aux communes qui le demanderaient la mise en oeuvre de ces procédures ;

• information du maire par le notaire lorsqu'une vente n'a pu avoir lieu en raison de l'interdiction d'acheter pesant sur un marchand de sommeil ;

• obligation pour les agents immobiliers de déclarer au procureur de la République les agissements des marchands de sommeil ;

• automaticité de certaines peines, comme la confiscation des biens ayant servi à l'infraction pour les personnes morales dont usent les marchands de sommeil ;

• possibilité pour le juge de confisquer des biens du patrimoine des marchands de sommeil, au-delà de ceux ayant servi à l'infraction.

Au regard des différents événements survenus notamment à Marseille, votre rapporteur estime qu'un bilan devra être fait de la situation en France des immeubles menaçant de s'effondrer et pour voir si d'autres mesures doivent être prises pour améliorer le traitement des copropriétés dégradées et la lutte contre l'habitat indigne.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 novembre 2018, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Logement » de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2019.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Je suis chargée de vous présenter les crédits relatifs au logement c'est-à-dire :

- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ;

- le programme 109 « Aide à l'accès au logement » ;

- et le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ».

Le Gouvernement a présenté l'an dernier sa stratégie quinquennale en matière de logement qui s'est concrétisée sur le plan législatif par l'adoption de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) adoptée définitivement et qui va être promulguée, le Conseil constitutionnel ayant rendu sa décision jeudi 15 novembre par laquelle il a censuré uniquement des cavaliers et déclaré conformes les dispositions relatives aux normes d'accessibilité des logements et à la loi Littoral. Cette stratégie s'est également traduite sur le plan budgétaire par une baisse significative des crédits dès 2018 résultant de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS) permettant une économie en matière d'aides personnelles au logement (APL) de 800 millions d'euros. Pour atteindre 1,5 milliard d'euros d'économie, une augmentation du taux de TVA a été décidée en complément. Ce n'était pas forcément la bonne solution mais c'était la plus acceptable par les bailleurs sociaux. Nous aurons de nouveau un débat l'an prochain lorsque la RLS s'appliquera seule pour un montant d'1,5 milliard d'euros.

Pour la deuxième année consécutive, les crédits des trois programmes « logement » diminuent de 7,7 %, pour atteindre 15,2 milliards d'euros.

Les députés ont adopté plusieurs amendements modifiant le montant des crédits (environ 23 millions d'euros) sans que cela ne modifie les grands équilibres. Dans le reste de mon intervention, je citerai les crédits issus du projet de loi initial.

Le programme 177 regroupe les crédits de la politique d'hébergement d'urgence. Après plusieurs années d'augmentation, ces crédits diminuent de 4,7 % en autorisations d'engagement et 3,8 % en crédits de paiement en raison d'une mesure de périmètre.

En effet, par souci de sincérité budgétaire et je le porte au crédit du Gouvernement, 118,7 millions d'euros destinés au financement du centre d'hébergement d'urgence des migrants d'Ile-de-France (CHUM) et du centre provisoire d'hébergement des réfugiés d'Ile-de-France sont transférés vers la mission « Asile et immigration ».

Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à augmenter les crédits du programme 177 de 20 millions d'euros. Il s'agit d'un transfert de crédits du programme 304 « inclusion sociale et protection des personnes » dédiés à l'adaptation des centres d'hébergement aux familles.

À périmètre constant, les crédits du programme 177 augmentent de 1,3 % en autorisations d'engagement et de 2,2 % en crédits de paiement.

Depuis plusieurs années, on constate une sous-budgétisation des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence.

2018 n'échappe pas à la règle même si les crédits qui ont été ouverts dans le collectif budgétaire sont moindres en comparaison des sommes ouvertes les années précédentes et atteignent 60 millions d'euros auxquels il faut ajouter 96 millions d'euros en intervention de gestion. Ce sont ainsi 2,1 milliards d'euros qui devraient être consommés en 2018.

Comme il l'avait annoncé l'an dernier, le Gouvernement a engagé une rationalisation des coûts dans le secteur de l'hébergement d'urgence. Il a ainsi instauré des tarifs plafonds pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) afin de favoriser la convergence tarifaire des établissements.

Cette mesure doit permettre des économies de l'ordre de 2 %. 613,8 millions d'euros de crédits sont ainsi fléchés vers les CHRS.

En outre, plusieurs mesures permettant une restructuration du secteur de l'hébergement d'urgence ont été adoptées dans la loi ELAN : passage sous statut, obligation de conclure un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM).

Bien que des efforts de sincérité budgétaire soient réalisés et que des mesures de rationalisation des coûts aient été mises en place, je m'interroge sur une possible sous-évaluation des crédits du programme pour plusieurs raisons.

Premièrement, les crédits de paiement sont fixés à un niveau inférieur à ce qui devrait être consommé en 2018 et la pression sur le parc d'hébergement demeure tendanciellement à la hausse.

Deuxièmement, l'augmentation des crédits de la veille sociale ne paraît pas suffisante. S'ils sont en augmentation de 6,2 % pour atteindre 134,3 millions, néanmoins, au regard des crédits consommés en 2017, l'augmentation doit être relativisée et s'approche d'1,8 %. Or, ces crédits sont censés couvrir de nouvelles dépenses : prise en compte de l'augmentation des flux, prise en charge et orientation de publics spécifiques ou encore développement de maraudes professionnalisées.

Troisièmement, les crédits dédiés à certains dispositifs de logement adapté, comme l'intermédiation locative, ne paraissent pas en adéquation avec les objectifs de création de place affichés par le Gouvernement.

On ne peut donc exclure une insuffisance de crédits pour 2019.

Dans le cadre du plan en faveur du logement d'abord, qui me paraît être un bon plan à condition d'y mettre les moyens, le Gouvernement poursuit ses efforts pour limiter le recours aux nuitées hôtelières et pour accroître le nombre de places de logement adapté.

325 millions d'euros sont fléchés vers le logement adapté, soit une augmentation de 3,6 %. L'accent est mis sur l'intermédiation locative et les pensions de famille. Les objectifs de création de places paraissent très ambitieux : 8 850 places en intermédiation locative contre 5 892 en 2018 ; 2 300 places en pensions de famille contre 1 300 en 2018.

Enfin, les conditions et les moyens de l'accompagnement à l'hôtel et dans les centres d'hébergement d'urgence demeurent plus que jamais un sujet prégnant. Une sortie plus rapide vers le logement abordable ne sera possible qu'à la condition que la personne soit accompagnée et qu'elle bénéficie de véritables mesures sociales. Si on peut adhérer au plan en faveur du logement d'abord, cela suppose néanmoins des moyens qui permettent d'accompagner la personne pour qu'elle sorte de l'hébergement d'urgence vers le logement abordable et qu'elle puisse rester dans ce dernier. Dès lors, je m'interroge sur l'impact des mesures de rationalisation des coûts mises en place par le Gouvernement dont les premiers effets ont semble-t-il conduit à une diminution de la masse salariale des établissements.

L'article 74 sexies introduit par les députés prévoit la remise au Parlement, avant le 1er septembre 2019, d'un rapport analysant « la pertinence du financement des CHRS via la seule mission budgétaire cohésion des territoires, compte tenu des enjeux relatifs à l'accompagnement social des personnes hébergées ». Je suis plutôt circonspecte sur les demandes de rapports. Néanmoins, ce rapport pourrait amener le Gouvernement à réfléchir aux moyens que l'État apporte en matière d'accompagnement des personnes hébergées et à l'opportunité de créer une ligne budgétaire spécifique. J'y suis favorable encore faut-il qu'il soit remis...

Pour l'ensemble de ces raisons je vous propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme 177.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement », comprend essentiellement la contribution de l'État au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL).

En 2018, le Gouvernement a décidé l'application d'une réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social devant permettre une économie pour l'État de 800 millions d'euros en 2018 et 2019 et d'1,5 milliard d'euros en 2020. En complément pour atteindre 1,5 milliard d'euros d'économie en 2018 et 2019, le taux de TVA sur les constructions et réhabilitations de logements sociaux a été relevé à 10 %, cette mesure devant rapporter à l'État 700 millions d'euros.

Pour 2019, les crédits dédiés au financement des APL diminuent de 8 %, pour atteindre 13 milliards d'euros. Les députés ont relevé les crédits de 2,5 millions d'euros afin de couvrir le coût du rétablissement temporaire de l'aide à l'accession à la propriété et à la rénovation des logements situés en outre-mer. L'an dernier, nous nous étions fortement opposés à la suppression de l'APL-accession, dont le coût avoisinait les 50 millions d'euros, considérant qu'il s'agissait s'un très mauvais signal envoyé à l'accession à la propriété. Malgré les engagements du ministre en séance l'an dernier, le Gouvernement ne l'a pas maintenue. Le présent projet de loi de finances prévoit une APL-accession pour les outre-mer, nous aurions évidemment préféré que le dispositif soit rétabli pour la France entière.

Cette baisse des crédits procède pour partie d'économies résultant de mesures adoptées l'an dernier (70 millions d'euros pour la suppression de l'APL-accession, 126 millions d'euros pour le gel des barèmes et 26 millions d'euros pour le gel des loyers) et de mesures nouvelles. 910 millions d'euros résulte de la « contemporanéisation des ressources » c'est-à-dire le calcul des APL en fonction des ressources actuelles et non des ressources de l'année N-2. Le dispositif est certes plus juste mais il est complexe. Il pourrait n'être mis en place qu'en juillet 2019. Il faudra être attentif à l'accueil des usagers et à leur bonne compréhension de la mesure. Les économies seront-elles au rendez-vous ? Le ministre M. Julien Denormandie ne nous a pas répondu. Par ailleurs, 102 millions d'euros d'économie résulteront de la sous-indexation des paramètres de l'APL.

Les paramètres de la RLS ont été établis pour permettre une économie de 800 millions d'euros sur 11 mois. Ces paramètres n'étant pas modifiés, la RLS permettra 873 millions d'euros de baisse d'APL en 2019, soit une économie supplémentaire pour l'État de 73 millions d'euros. En outre, le rendement de TVA sur les constructions de logements sociaux devrait s'avérer plus favorable en 2019 et atteindre 850 millions d'euros.

Or, je rappelle que le coût de la RLS pour les bailleurs sociaux (830 millions d'euros en 2018 et 916 millions d'euros en 2019) est plus important que le montant des économies pour l'État.

En ne modifiant pas les paramètres de la RLS, je considère que le Gouvernement ne respecte pas ses engagements en termes de trajectoire financière (1,5 milliard d'euros de baisse d'APL dont 800 millions d'euros liés à la RLS).

C'est pourquoi je vous proposerai de rejeter les crédits du programme 109.

Quelques éléments des premiers effets de la RLS. Selon les premières informations et sans tenir compte des mesures de soutien, la RLS devrait conduire pour 2018, à une perte d'autofinancement net de 21 % et le nombre d'organismes en situation de fragilité passerait de 127 à 309 (+143 %) et celui en autofinancement négatif de 54 à 183 (+238 %).

La construction de logements sociaux devrait diminuer de 5 %. Les projections de la Caisse des dépôts et consignations ne sont guère optimistes puisque la Caisse conclut à une résistance du secteur moyennant « un repli substantiel » de la production de logements (-38 % d'ici 20 ans) et d'importants efforts en matière de charges d'exploitation.

La clause de revoyure annoncée par le Gouvernement lors du Congrès HLM de Marseille doit être l'occasion d'un bilan exhaustif des mesures d'économies prises l'an dernier et des mesures d'accompagnement, sur la situation des bailleurs sociaux mais aussi sur la construction et la réhabilitation des logements sociaux.

L'article 74 quinquies introduit par les députés prévoit la remise d'un rapport au Parlement avant le 1er septembre 2019 sur les conséquences de la RLS sur l'autofinancement et les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Je regrette que cette évaluation n'ait pas eu lieu l'an dernier avant l'adoption du dispositif. Bien que peu favorable aux demandes de rapport, j'estime que ce rapport permettra de présenter en toute transparence l'analyse du Gouvernement sur les conséquences de la RLS. Néanmoins, selon moi, l'analyse ne peut porter sur la seule RLS mais doit aussi porter sur l'impact de l'augmentation de la TVA. En outre, il doit s'agir d'une analyse des effets à court, moyen et long termes de ces mesures. Je vous proposerai un amendement en ce sens.

Pour les raisons précédemment indiquées, je vous propose de rejeter les crédits du programme 109.

J'en viens au programme 135 qui concerne notamment les aides à la pierre et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Ces crédits sont en baisse de 10 % en autorisations d'engagement et 7 % en crédits de paiement.

Depuis plusieurs années, les crédits budgétaires dédiés au financement des aides à la pierre diminuaient. Pour 2019, l'État se désengage définitivement du financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Les bailleurs sociaux, déjà mis à contribution avec la RLS et le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), financeront la quasi-totalité des ressources du FNAP, en apportant 375 millions d'euros, le reste étant apporté par Action Logement qui est régulièrement sollicité par le Gouvernement pour financer les politiques de l'habitat.

Face à ce désengagement, je m'interroge sur la composition du conseil d'administration du FNAP qui comprend des représentants de l'État et des bailleurs sociaux à parité. Ne devrait-elle pas évoluer ?

Enfin, le FNAP, Daniel Dubois l'avait souligné lors de l'audition du ministre, est un établissement sans véritable pilote depuis la démission de son président il y a plus d'un an. C'est le directeur de la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) qui assure l'intérim. Cette situation est tout simplement inadmissible.

Sont également rattachés à ce programme un certain nombre de dépenses fiscales, comme le prêt à taux zéro et le dispositif d'investissement dit Pinel. Les dispositifs ont été reconduits jusqu'en 2021 avec des aménagements selon les territoires. Le Gouvernement n'a pas remis au Parlement les deux rapports relatifs au zonage du dispositif Pinel et du PTZ. C'est pour le moins regrettable.

Par ailleurs, l'article 74 bis introduit par les députés prévoit un nouveau dispositif d'investissement locatif dans le but d'encourager la rénovation des logements dans les centres-villes.

Le dispositif d'investissement locatif dit Pinel est ainsi étendu au logement acquis par le contribuable entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et qui fait ou a fait l'objet de travaux d'amélioration. Ces travaux doivent représenter au moins 25 % du coût total de l'opération.

Le logement doit être situé « dans des communes dont le besoin de réhabilitation de l'habitat en centre-ville est particulièrement marqué, dont la liste est fixée par arrêté » et dans les communes signataires d'une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT). Le ministre M. Julien Denormandie a précisé que les 222 villes du plan « Action coeur de ville » seraient éligibles au dispositif.

Le gouvernement n'a pu nous indiquer le coût de la mesure en l'absence de prévisibilité du nombre de communes retenues. Je vous proposerai de donner un avis favorable à cette disposition.

En matière de copropriété, l'ANAH est appelée d'une part, à renforcer ses missions (maintien d'objectifs ambitieux du programme Habiter mieux ; doublement du nombre de logements adaptés dans le cadre de la perte d'autonomie pour atteindre 30 000 logements) et d'autre part, à jouer un rôle central dans la mise en oeuvre du plan « Initiative copropriétés ».

Ses ressources augmentent grâce à la remontée des cours du quota carbone qui constitue la principale ressource de l'agence.

Estimant que cette remontée des cours du quota carbone était durable, le Gouvernement a décidé d'ajuster le plafond de cette recette afin qu'il corresponde selon lui « au besoin effectif de l'agence » en le diminuant de 550 millions à 420 millions d'euros. Ce plafonnement obligera l'agence à puiser dans les recettes supplémentaires perçues en 2018. Il est regrettable de retirer une partie de ces ressources pour les rediriger vers le budget général. Il me semble qu'il aurait été plus judicieux de laisser à l'ANAH ces ressources supplémentaires et de mettre un coup d'accélérateur à la rénovation thermique des logements.

Par ailleurs, le Gouvernement relève de nouveau à 61 millions le plafond de la taxe sur les logements vacants. Le niveau du plafond fait le yoyo depuis plusieurs années. Un peu de stabilité et de cohérence seraient les bienvenues.

Le plan gouvernemental en matière de copropriété mobilisera 2,7 milliards sur 10 ans. 14 sites de priorité nationale ont été identifiés sans que l'on sache si la liste est ou non fermée. À la suite des effondrements d'immeubles et du drame qu'a connu Marseille, je crois nécessaire de créer un outil d'identification précis des copropriétés en difficulté. En effet, l'identification de ces copropriétés est faite à partir des remontées du terrain, des tiers, des locataires, des communes, du préfet. C'est un fléau dans nombre de nos régions. Il nous faut un outil d'identification plus opérationnel. Il me semble qu'une évaluation devrait être menée pour savoir si d'autres immeubles sont dans la même situation et si des mesures nouvelles doivent être prises en termes de lutte contre l'habitat indigne et de traitement des copropriétés dégradées.

En raison du désengagement de l'État du FNAP, je vous propose de donner un avis de sagesse sur les crédits du programme 135.

En conclusion, je vous propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur les programmes 177 et 135 et de rejeter le programme 109. Je vous propose de donner un avis favorable aux articles 74 bis et 74 sexies rattachés à la mission et un avis favorable sous réserve de l'adoption de mon amendement à l'article 74 quinquies rattaché à la mission.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci madame le rapporteur, je pense qu'il va y avoir quelques prises de paroles fortes.

Mme Valérie Létard . - Au regard de l'importance des sujets qui composent ces programmes budgétaires, je remercie notre rapporteur pour sa présentation exhaustive et claire, qui permet de comprendre les enjeux qui sont devant nous. Si l'on prend le sujet de la réduction de loyer de solidarité (RLS), dont le montant a été fixé à 800 millions d'euros, on comprend que l'État récupère 300 millions d'euros de plus que l'objectif initial, une fois qu'on additionne toutes les mesures d'économie. Aussi, sans remettre en question la dynamique et la logique engagées par le Gouvernement, on pourrait à juste titre déposer un amendement pour laisser à 800 millions d'euros le prélèvement fait auprès des bailleurs sociaux qui correspond à l'objectif fixé par l'État pour 2018 et 2019. Cela permettrait que ces 300 millions supplémentaires soient utilisés au financement de la production de logements et de la rénovation du parc existant. Cela donnerait un peu de marge de manoeuvre aux bailleurs sociaux.

Concernant le calcul de l'APL sur la base des revenus actuels, je suis très inquiète. Les caisses d'allocation familiale (CAF) ont été réformées afin d'en réduire le nombre dans des départements très denses, où les demandes d'APL sont très importantes. Dans un département que je connais bien, mais c'est vrai ailleurs y compris en Île-de-France, il y avait huit CAF. Il n'y en a plus qu'une. La CAF doit souvent être fermée une journée par semaine pour écluser les dossiers en cours. Il faudrait que le ministre nous informe de l'état d'avancement de la mise en oeuvre du dispositif et des discussions en amont avec la CNAF. Quels moyens sont donnés aux CAF dans le budget de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ? Dans les territoires où l'on a recentré la gestion des prestations familiales, qui gère cette situation ? Il faut veiller à ce que les territoires soient en ordre de marche, afin de ne pas reproduire les erreurs commises lors de la réforme du paiement des retraites.

On voit que la RLS peut freiner la production et la rénovation de logements. J'ai interrogé les métropoles de ma région, pour voir l'effet sur les territoires « favorisés » de ce mécanisme. En 2018, sur un objectif de production de 2000 logements sociaux dans la métropole de Lille, on constate une réduction des constructions de 600 logements, alors même que le fait d'être dans une métropole devrait faciliter la construction de logements et devrait avoir un effet démultiplicateur. Je m'inquiète énormément car les bailleurs sociaux que l'on a mis en situation de ne plus avoir d'autofinancement sont les mêmes que l'on soit dans une métropole ou non. Quand bien même les bailleurs sociaux ont les moyens de trouver des financements, ils ont besoin d'avoir des fonds propres.

Enfin, on constate une diminution du nombre de logements financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) et par un prêt locatif à usage social (PLUS) et une augmentation des logements financés par un prêt locatif social (PLS) ou un prêt locatif intermédiaire (PLI). Cela signifie que, dans des territoires où les bénéficiaires de l'APL relèvent de logements financés par des PLUS ou des PLAI, on vend du patrimoine massivement afin de constituer des fonds propres et pour sécuriser la possibilité de revente pour les bailleurs, on construit des logements financés par un PLS plus aisés à revendre qu'un logement financé par un PLUS ou un PLAI.

Enfin, le fait de repousser la clause de revoyure et l'évaluation pose de nombreux problèmes. Les chiffres concernant le nombre d'organismes à la limite de la banqueroute ou en autofinancement négatif sont alarmants. Cela veut dire que pendant ce délai supplémentaire, on risque de constater la disparition de bailleurs étranglés financièrement qui sont repris par des groupes. Le travail de redéfinition de la cartographie des bailleurs sociaux sera fait par la « sélection naturelle » des bailleurs et ce au mépris d'une véritable prise en compte des territoires et des bailleurs. Cette logique n'est pas favorable à l'aménagement du territoire mais bien au déménagement du territoire.

Mme Annie Guillemot . - Je voudrais aborder quatre points. En premier lieu, je déplore que le budget 2019 s'inscrive dans la continuité du budget de 2018, au détriment de l'objectif de cohésion des territoires qui reste secondaire. Alors même que la Commission européenne vient d'appeler les pays européens à investir massivement dans le logement social afin de faire face à la pénurie de logements abordables -on a le plan d'Angela Merkel et celui de Theresa May-, on assiste en France à un véritable retrait de l'investissement public. La contraction des ressources des organismes HLM, leur restructuration à marche forcée ainsi que la vente contrainte de leur patrimoine vont sérieusement déstabiliser le secteur. On est bien loin d'un élan de l'offre promis par le ministre. Le coût du foncier ne cesse d'augmenter et aucune mesure n'est prévue pour enrayer ce phénomène.

Le deuxième point concerne les chiffres de la construction qui sont en baisse, soulevant la question de la capacité du secteur du logement social à absorber l'ensemble des réformes qui le concernent et la question des difficultés toujours croissantes des Français à accéder à un logement abordable qui réponde à leurs besoins. Je partage le point de vue de Jean-Louis Borloo, exprimé dans son rapport, qui considère que la Nation devrait consentir à cet effort, constitutif de notre République, pour rétablir une équité d'accès au logement. On le voit aujourd'hui avec les gilets jaunes, la situation est très inquiétante pour notre pays. Si la production de logements neufs est en repli pour 2018, on va dans le mur en 2020. Il ne faut pas attendre. Nous soutiendrons l'amendement proposé par la rapporteure. J'ai par ailleurs entendu ce matin le ministre Julien Denormandie vouloir en finir avec les zones tendues, pourtant nous n'avons toujours pas vu le rapport sur l'analyse des zonages que le Gouvernement devait livrer pour le 1 er septembre. Nous désirerions en savoir davantage.

Concernant les aides personnelles au logement, qui représentent le principal poste budgétaire, le Gouvernement poursuit la baisse des APL en 2019, via leur sous-revalorisation et la mise en place du mécanisme de contemporanéisation des ressources. Je rappelle que la sous-valorisation concerne l'ensemble des prestations sociales et représente 3,5 milliards d'euros d'économie. 900 millions d'euros d'économie résulteront de la contemporanéisation des ressources. Je voudrais également attirer l'attention sur le risque de contraction de revenus lié à la combinaison de la réforme du calcul de l'APL et du prélèvement à la source. Quelqu'un n'ayant pas travaillé jusqu'au premier novembre, en janvier ne touchera plus l'APL qu'il pensait avoir car il aura trouvé un travail entretemps et se verra appliquer la retenue de l'impôt sur le revenu immédiatement effective. Nous allons assister à des cas très douloureux de familles et de ménages.

Je veux également pointer le désengagement total de l'État sur le financement des aides à la pierre, désengagement qui est complètement assumé et qui laisse aux collectivités territoriales, aux bailleurs sociaux et à Action Logement le soin de s'en charger.

Enfin, sur les enjeux de rénovation, bien que les ressources de l'ANAH soient conservées entre 2018 et 2019, et que l'objectif affiché est de 500 000 logements construits ou rénovés, le chantier de la rénovation thermique a pris beaucoup de retard et aucune mesure de prévention des copropriétés dégradées n'est prévue dans la loi ELAN, ce qui est problématique au moment où des ventes massives d'HLM sont prévues. Le relèvement du seuil de 20 à 50 salariés pris en considération pour le versement de la participation des employeurs à l'effort de construction conduit à une perte de ressources pour Action Logement. On donne une subvention à Action Logement qui est compensée par une taxe sur les assurances emprunteurs, alors que je pensais qu'on n'allait plus créer de nouvelle taxe.

Nous voterons donc contre le budget logement.

Mme Viviane Artigalas . - Sur la question des copropriétés dégradées, si le Gouvernement a voté une stratégie d'intervention d'un plan de trois milliards sur 10 ans, notre groupe regrette l'absence de mesure dans la loi ELAN pour éviter la dégradation des copropriétés, notamment suite aux ventes de HLM. Nous pensons qu'un travail de prévention est nécessaire et pas seulement de rénovation. Mon deuxième point porte sur le rendement budgétaire des mesures d'économies votées l'an dernier. Il est estimé à 1,7 milliard d'euros qui se décompose ainsi : la RLS va permettre à l'État de réduire sa dépense budgétaire de 870 millions d'euros en 2019, et le rendement du relèvement de 5 % à 10 % du taux de TVA est estimé à 850 millions d'euros. Cela dépasse le montant attendu qui était fixé à 1,5 milliard d'euros. Un amendement avait été déposé lors de l'examen du PLFSS pour réajuster ce montant, mais il n'était pas recevable. J'ai interrogé le ministre sur ce réajustement qui ne m'a pas répondu, ce que je regrette.

M. Daniel Dubois . - Je voulais faire une observation sur le FNAP : c'est l'argent qui vient des pauvres qui sert à financer le logement des pauvres, ce qui pose un vrai problème d'éthique dans notre société.

Le plafonnement des ressources de l'ANAH est inadmissible d'autant plus que l'abaissement du plafond des aides à 50 % des travaux est problématique pour de nombreux ménages qui vivent dans des territoires ruraux et qui ont besoin de ces aides car leur logement est une véritable passoire énergétique. Pour réhabiliter énergétiquement leur logement, une prise en charge de 50 % ne suffira pas. On l'a vu par le passé : les aides atteignaient 70 % ou 80 %, avec le soutien des collectivités locales. Or, les ressources de ces dernières diminuent et elles ne pourront continuer à contribuer ainsi à la rénovation thermique.

Enfin, de nombreux dispositifs de soutien à la construction de logement sont supprimés ou affaiblis : le prêt à taux zéro (PTZ), qui devait être supprimé en 2021, est maintenu mais avec une quotité divisée par deux pour les territoires détendus ; l'APL-accession est supprimée, la taxe d'habitation est supprimée également. Aujourd'hui, construire du logement locatif sur des territoires ruraux présente un intérêt économique moindre. L'intervention des organismes HLM n'avait bien souvent lieu qu'à la condition d'obtenir une aide par les collectivités territoriales. L'article 74 bis prévoit une aide fiscale pour le logement ancien dans les centres-bourgs. Or la liste de ces derniers est fixée par décret ou par arrêté, et l'on a bien compris que les territoires ruraux n'en feront pas partie. Aussi je vous fais part de mon extrême inquiétude concernant la production de logement au niveau national, et plus particulièrement sur les territoires ruraux. L'État veut continuer à piloter le logement sans mettre les moyens de son intervention et les politiques du logement, et celles concernant l'insertion et les familles en difficultés, vont de fait être transférées aux régions, aux territoires et aux organismes HLM eux-mêmes.

M. Daniel Gremillet . - Je partage les propos de Daniel Dubois. L'ANAH est un vrai sujet. Je soutiens l'ajout de l'évaluation de l'impact de la TVA sur les bailleurs sociaux proposé par l'amendement de la rapporteure.

M. Marc Daunis . - La question du logement renvoie directement à celle du pouvoir d'achat, dont on sait ô combien elle préoccupe nos concitoyens. Je ferai donc deux remarques : le patron de NEXITY a alerté sur les impacts de la politique du logement, témoignant d'une crainte de l'inversion de la courbe de production - crainte qui commence à être confirmée. Sans développer et en reprenant les propos de mes collègues, je souhaiterais néanmoins que sur la question de l'accession, de la production et de la rénovation du logement, nous disposions d'une étude spécifique. Je voterai l'amendement sur le rapport, mais il faudrait s'emparer de cette question et faire nous-même ce travail, en exigeant des administrations les informations demandées.

Mme Sophie Primas , présidente . - Cela demanderait des pouvoirs de commission d'enquête.

M. Marc Daunis . - Soit on accepte ce boisseau mis par les administrations centrales sur le pouvoir législatif, soit nous considérons que le Parlement a un vrai rôle à jouer. Il nous appartient de faire plier ces administrations centrales, qui ont pris l'habitude de s'affranchir du politique à travers leur ministre et plus généralement de la terre entière et du Parlement, y compris en allant jusqu'à la commission d'enquête.

M. Martial Bourquin . - Concernant les crédits de l'ANAH, certes il y a une augmentation, mais l'ANAH va être mise à contribution avec les opérations de revalorisation des centres-villes. Où sont les 5 milliards prévus pour les opérations dans les centres-villes et centres-bourgs ? Je n'arrive pas à les trouver. Il faut démêler dans ce budget ce qui relève de l'effet d'annonce et de la réalité des chiffres.

Il y a une immense inquiétude dans le secteur du bâtiment : les constructions de logements baissent très sensiblement, alors que le secteur reprenait tout juste du souffle. On risque de mettre en difficulté cette filière française. On voit que la part mise à la vente avant le début des travaux explose : si elle était en moyenne de 20 % auparavant, aujourd'hui elle monte jusqu'à 50 %, voire 70 % avant de commencer les travaux. Par exemple, où en est l'idée de la baisse de la TVA sur les logements de centre-ville ? De tels outils sont nécessaires pour revitaliser nos centres-villes et centres-bourgs.

Enfin, la taxation de l'assurance emprunteur est scandaleuse. Les familles pouvaient faire jusqu'à 13 000 euros d'économies sur les commissions prises par les banques sur l'assurance. Il ne faut pas les fiscaliser.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - L'amendement concernant l'ajustement des mesures d'économies est contraire à l'article 40 de la Constitution, ce qui le rend irrecevable.

Concernant la contemporanéité des aides, les défis techniques et humains de leur mise en oeuvre laissent planer le doute sur le fait d'atteindre 910 millions d'euros d'économies.

À propos des logements financés par des PLAI et des PLUS, le choix de se tourner davantage vers les logements financés par des PLS concerne les communes ayant déjà atteint les objectifs de la loi SRU. Pour les autres, on voit bien que les objectifs sont tenus, voire dépassés, en PLAI et en PLUS, qui sont les logements dont on a le plus besoin.

Concernant la clause de revoyure, le ministre s'est engagé à un retour fin février. La Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et l'Union sociale pour l'habitat (USH) nous ont assuré que des groupes de travail ont été constitués dans la perspective de cette clause.

Les 5 milliards prévus pour les opérations de centre-ville n'étaient pas issus exclusivement de l'ANAH. Il s'agit d'un budget global qui comprend des contributions d'Action Logement, de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ainsi que des recyclages de crédits de l'ANAH.

Concernant les remarques de M. Marc Daunis, je laisserai la présidente répondre, mais il y a effectivement un réel sujet. Le fait que les rapports ne soient pas donnés à la date voulue - c'est le cas pour le zonage du PTZ et du dispositif Pinel - est extrêmement préjudiciable.

Enfin, il faut s'interroger sur les conséquences de ces mesures d'économies sur la situation des collectivités territoriales qui garantissent les emprunts des bailleurs sociaux. Nous devons nous doter d'un outil permettant de mesurer les conséquences de ces économies, notamment sur les bailleurs sociaux. Jusqu'à présent, les garanties d'emprunt étaient demandées mais elles ne jouaient jamais. Alors avec les difficultés que peuvent rencontrer les bailleurs sociaux aujourd'hui, de telles garanties pourront être mises en jeu. Je souscris à vos nombreuses remarques.

L'amendement AFFECO.1 est adopté.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits des programmes 177 et 135. Elle émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 109. Elle émet un avis favorable à l'adoption des articles 74 bis et 74 sexies . Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 74 quinquies sous réserve de l'adoption de l'amendement de la rapporteure.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ET CONTRIBUTION ÉCRITE

I. Liste des personnes auditionnées

Mardi 6 novembre 2018 :

- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : MM. François Adam , directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, et Arnaud Mathieu , adjoint à la sous directrice du financement et de l'économie, du logement et de l'aménagement ;

- Direction générale de la Cohésion sociale (DGCS) : Mmes Cécile Tagliana , cheffe de service des politiques sociales et médico-sociales, adjointe au directeur général, Delphine Aubert , adjointe à la cheffe de bureau urgence sociale et hébergement, et Marie Nonorgue , cheffe de bureau budgets et performance ;

- Agence nationale de l'habitat (ANAH) : Mme Valérie Mancret-Taylor , directrice générale, et M. Grégoire Frerejacques , directeur général adjoint.

Mardi 14 novembre 2018 :

- Union sociale pour l'habitat (USH) : M. Dominique Hoorens , directeur des études économiques et financières, et Mme Francine Albert , conseillère pour les relations avec le Parlement.

II. Contribution écrite

- Fédération des acteurs de la solidarité.


* 1 « Les établissements ou services comportant ou non un hébergement, assurant l'accueil, notamment dans les situations d'urgence, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active ou l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse ».

* 2 Rapport d'information n° 399 (2017-2018) de Philippe Dallier.

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