C. LES ÉTUDES AMONT (758 MILLIONS D'EUROS EN CP)

Les études amont, objet de la sous-action 7-3 du programme 144, sont définies comme « des recherches et études appliquées rattachées à la satisfaction d'un besoin militaire prévisible et contribuant à constituer, maîtriser, entretenir ou à développer la base industrielle et technologique de défense (BITD), ainsi que l'expertise technique de l'État nécessaires à la réalisation des opérations d'armement » . Ces travaux poursuivent un triple objectif :

- disposer des technologies nécessaires au développement et à l'évolution des systèmes pour lesquels une autonomie nationale totale ou partielle est requise ;

- disposer des compétences industrielles et étatiques permettant de réaliser les programmes futurs, dans un cadre national ou en coopération ;

- susciter et accompagner l'innovation dans les domaines intéressant la défense, par le canal de dispositifs de recherche coordonnés avec l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou en favorisant la compétitivité et l'accès au marché de la défense aux PME/PMI et entreprises de taille intermédiaire (ETI), en lien avec la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS).

Depuis 2014, la gouvernance des études amont est organisée selon une segmentation de la recherche scientifique et technologique, par agrégats sectoriels qui présentent une cohérence en termes d'objectifs capacitaires, industriels et technologiques.

1. Une prévision proche de l'objectif fixé par la LPM

La LPM pour 2019-2025 a satisfait la demande récurrente de votre commission de voir les crédits d'études amont relevés pour atteindre un milliard d'euros.

Comme cela a été indiqué plus haut, les crédits de paiements prévus sont dans l'ordre de grandeur attendu, tout en étant légèrement inférieurs au chiffre communiqué par le Gouvernement lors de la LPM en réponse à une question de vos rapporteurs.

Vos rapporteurs avaient, du reste, obtenu que la trajectoire de relèvement de ces crédits soit inscrite de façon précise dans le rapport annexé à la LPM. Les crédits inscrits au PLF représentent 99,5 % du montant inscrit en LPM. Vos rapporteurs considèrent donc que la trajectoire est globalement respectée, mais resteront vigilants sur ce point tout au long de la LPM.

Sur le budget prévu pour l'année prochaine, un peu moins d'un quart (23 %) des CP (171 millions d'euros) se trouve affecté à la dissuasion, le reste étant consacré aux systèmes de forces conventionnels.

Répartition et évolution des crédits de la sous-action 7-3 « Études amont »

Crédits de la sous-action 7-3 « Études amont »

(en millions d'euros)

Opérations budgétaires

LFI 2018

PLF 2019

Evolution 2018-2019 (CP)

AE

CP

Part du total (CP)

AE

CP

Part du total (CP)

Dissuasion

198,9

166

23 %

215

171

23 %

3 %

Aéronautique et missiles

214

238,2

33 %

279,9

248,5

33 %

4 %

Information et renseignement classique

109

94,5

13 %

151

100

13 %

6 %

Information et renseignement espace

32

12,5

2 %

29

14

2 %

11 %

Naval

31

33

5 %

35

30

4 %

- 10 %

Terrestre ; Nucléaire, Radiologique, biologique et chimique (NRBC) et Santé

40

52

7 %

52

52

7%

0 %

Innovation et technologies transverses

135

127

18 %

158

143

19 %

11 %

Total

759,9

723,2

100 %

919,9

758,5

100 %

5 %

Les principales études amont prévues en 2019 :

Dissuasion : Les crédits de l'opération stratégique « dissuasion » couvrent les études amont au profit de la dissuasion qui portent sur les thèmes prioritaires suivants :

- assurer la fiabilité dès la conception des systèmes complexes intégrant des technologies le plus souvent non duales ;

- maintenir le niveau de fiabilité et de robustesse des systèmes de transmission stratégiques ;

- assurer la préparation du renouvellement de la composante océanique à l'horizon de la fin de vie des SNLE actuellement en service ;

- assurer le maintien du niveau d'invulnérabilité des SNLE en service ;

- améliorer les performances des missiles balistiques (précision et capacités de pénétration principalement) ;

- améliorer les performances des missiles stratégiques aéroportés (précision et capacités de pénétration principalement) ;

- concourir au maintien des compétences des secteurs industriels critiques participant à la conception et à la réalisation des systèmes stratégiques.

Aéronautique et missiles : les études dans le domaine aéronautique concernent les aéronefs à usage militaire ou gouvernemental : avions et drones de combat, hélicoptères, avions de transport et de mission. Ces études doivent permettre de rendre matures les technologies pour préparer la conception des futurs aéronefs militaires (véhicules aériens, systèmes de combat et de mission, cellules, moteurs, capteurs et équipements, autoprotection, intégration des armements et des moyens de communication) ainsi que les évolutions des aéronefs en service. Les principaux enjeux sont la préparation du système de combat aérien futur, incluant les évolutions de l'avion Rafale, et celle des prochains standards des hélicoptères de combat et de manoeuvre.

Les études dans le domaine des missiles visent à maintenir l'excellence technologique de la filière européenne, tout en préparant le renouvellement des capacités actuelles, dont l'accroissement du niveau de performance doit être cohérent avec l'évolution des menaces. Il s'agit en particulier de la capacité de frappe à distance de sécurité, dans la profondeur, au moyen de missiles de croisière, d'attaque au sol ou antinavire et des capacités de combat aérien. Des travaux sur les matériaux et composants de missiles ainsi que sur les matériaux énergétiques de défense (charges militaires, propulsion) relèvent aussi de ce domaine.

Information et renseignement

Les systèmes d'information, de communication et de renseignement sont nécessaires pour acheminer les informations aux différents niveaux de commandement, afin d'apprécier une situation et d'anticiper les actions à mener. Ils contribuent ainsi à l'appui, à la planification et à la conduite des opérations militaires et apportent une supériorité aux forces. Ces systèmes constituent donc un outil de souveraineté garantissant l'autonomie d'appréciation et de décision nationale. Ils conditionnent la capacité à assurer le commandement des forces, depuis le plus haut niveau jusqu'à l'échelon tactique, et à disposer de l'ensemble des informations nécessaires à la pertinence de la décision et à la justesse de l'action.

L'évolution du renseignement d'intérêt militaire vers plus de précision et de réactivité ainsi que la prise en compte d'un besoin d'exploration mondiale et permanente impliquent de renforcer la cohérence entre les systèmes. Les systèmes de communication participent aussi à la maîtrise de l'information et au développement de la numérisation de l'espace de bataille. La performance et l'intégrité des moyens de géolocalisation, ainsi que la disponibilité et la pertinence des données d'environnement géophysique contribuent directement à la performance des systèmes d'armes. Dans un contexte où l'intégrité de l'information revêt une importance croissante et où les menaces sur celles-ci s'accroissent, le développement de la cybersécurité est une priorité.

Les études du domaine de l'information et du renseignement portent ainsi en particulier sur les technologies de recueil et de traitement des images, de guerre électronique (détection, interception, localisation des émissions électromagnétiques), d'exploitation et de traitement des données de renseignement, ainsi que sur les technologies relatives aux moyens de communications. Elles incluent les travaux visant à améliorer la protection des systèmes d'information, des systèmes d'armes mais aussi des systèmes industriels critiques.

Une partie de ces études concerne spécifiquement les systèmes spatiaux (satellites militaires de renseignement d'origine électromagnétique, d'imagerie et de communication).

Naval : les études du domaine visent à préparer les futurs systèmes de surface de premier rang et le futur porte-avions, ainsi que les évolutions des systèmes en service. Le domaine recouvre aussi les études relatives à la lutte sous la mer (détection, contre-mesures, lutte anti-torpilles, etc.) et en surface, ainsi que celles relatives à la survivabilité des bâtiments.

Ces études portent en particulier sur les architectures de plateformes navales, les systèmes de combat, les senseurs (radars et sonars en particulier), les moyens de guerre électronique, les contre-mesures et leur intégration.

Terrestre, NRBC et Santé : les études dans le domaine terrestre concernent essentiellement les senseurs des futurs systèmes, leur fonctionnement en réseau, la protection du combattant et des véhicules, la robotique, le combattant augmenté ainsi que les munitions et plus globalement la fonction « feu ».

Dans le domaine de la défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), un enjeu essentiel concerne la préservation de la capacité d'expertise souveraine envers les risques NRBC actuels et émergents, ce qui inclut la fonction de connaissance de la menace. Il s'agit en outre de réaliser les études visant à pallier les insuffisances actuelles des technologies de détection des agents, ainsi que les études sur les contre-mesures médicales.

Les études sur la santé du militaire concernent quant à elles le maintien de la compétence nationale pour le traitement des urgences vitales en opérations extérieures et l'amélioration de la résilience individuelle et collective des forces.

Innovation et technologies transverses : les études de ce domaine ont vocation à renforcer les synergies autour des technologies duales. Elles se traduisent par le financement de projets innovants des PME, ETI ou de laboratoires de recherche académique. L'enjeu est de démultiplier l'efficacité des budgets mis en commun avec la communauté scientifique et de recherche civile.

Les principaux outils utilisés pour soutenir cette politique sont les suivants :

- le dispositif RAPID (régime d'appui pour l'innovation duale). ;

- le programme ASTRID (accompagnement spécifique des travaux de recherche et d'innovation de défense), lancé en 2011 et dont la gestion est confiée à l'ANR) ;

- le cofinancement d'autres programmes avec l'ANR. Ce mode d'action génère un effet de levier supplémentaire sur les travaux et résultats de recherche ;

- la participation financière à la politique des pôles de compétitivité : le ministère des armées est notamment chef de file de certains d'entre eux ;

- le fonds d'investissement Definvest, dont la gestion a été confiée à Bpifrance Investissement. Il constitue un nouvel outil de soutien à la BITD au travers d'une prise de participation au capital des entreprises jugées stratégiques pour le ministère des armées. Ce dispositif cible préférentiellement les PME critiques dans la supply chain des programmes d'armement et les entreprises porteuses d'une innovation présentant un caractère disruptif pour les futurs systèmes d'armes. Les premières participations ont été prises au premier semestre 2018 ;

- la formation par la recherche. Elle finance chaque année des thèses et des stages de recherche de chercheurs confirmés.

Le financement de l'innovation dans le domaine de la défense prend également d'autres formes :

- soutien des projets innovants soumis par les personnels du ministère et de la gendarmerie nationale (Mission pour le développement de l'innovation participative) ;

- création d'un Innovation Defense Lab , qui sera une structure et un lieu du ministère des armées, offrant des services mutualisés aux directions, services et organismes du ministère (gestion de communauté, design thinking , tiers-lieu, achat rapide de maquettes...) pour développer des projets innovants.

En outre, ce domaine a pour enjeux la préservation des compétences et la maturation de technologies transverses à plusieurs domaines ou pour lesquelles un potentiel de rupture est détecté. Ceci concerne en particulier :

- les matériaux et composants : des études sont conduites pour couvrir les besoins spécifiquement militaires, mais aussi en termes de méthodologies de gestion des risques liés à l'utilisation de matériaux et composants civils dans des conditions militaires ;

- les briques technologiques relatives aux capteurs, notamment de guidage et de navigation ;

- les études relatives à l'exercice de l'autorité technique et à l'entretien des compétences d'expertise et d'évaluation nécessaires à la conduite des opérations d'armement (outils et méthodes pour l'ingénierie, évaluation des performances des systèmes, etc.).

Source : PAP de la mission « Défense » annexé au PLF 2019

Pour mémoire, les dix principaux destinataires des crédits d'études amont étaient, en 2017, Thales, ArianeGroup, Dassault, MBDA, Naval Group, Safran, l'ONERA, le CEA, Nexter et Airbus Group.

2. Une contribution forte au soutien à l'innovation

Le soutien direct à l'innovation, en vue d'entretenir la « compétitivité technologique » nationale en matière de défense et de renforcer les synergies autour des technologies duales, est effectué par la DGA au moyen de différents dispositifs :

En partenariat avec l'agence nationale de la recherche (ANR), dans le cadre d'un accord de coopération que la DGA et l'ANR ont signé en 2010 et renouvelé fin 2014 :

- le programme ASTRID (« Accompagnement spécifique de travaux de recherche et d'innovation défense »), financé entièrement par la DGA et dont la gestion est confiée à l'ANR, soutient depuis 2011 des projets spontanés de laboratoires de recherche et de PME innovantes ;

- le programme ASTRID-Maturation , également confié à l'ANR, lancé en 2013, a pour objectif d'aider au transfert vers les entreprises des résultats des recherches les plus prometteuses obtenus au titre des premiers projets ASTRID, de thèses financées par la DGA ou, depuis 2015, de projets financés par la DGA dans les écoles placées sous sa tutelle ;

- le cofinancement de projets d'intérêt dual de l'ANR .

Conduits par la seule DGA :

- le programme RAPID (« Régime d'appui pour l'innovation duale), mis en place en 2009 en liaison avec la direction générale des entreprises (DGE) afin de soutenir l'innovation duale des PME, et étendu en 2011 aux entreprises de taille intermédiaire de moins de 2 000 salariés. Depuis 2015, la dotation du programme est de 50 millions d'euros par an. Vos rapporteurs pour avis se félicitent de l'impact très positif de ce dispositif. Ils considèrent qu'il pourrait être utile d'envisager, à enveloppe constante, d'étendre le périmètre du dispositif à la phase de pré-production des produits bénéficiant du dispositif ;

- la participation du ministère des armées au fonds unique interministériel (FUI) destiné à financer les projets des pôles de compétitivité ;

- la formation par la recherche ;

3. Une part seulement de l'effort de recherche de défense (près de 4,7 milliards d'euros au total)

Les études amont ne constituent qu'une partie de l'effort de recherche en matière de défense . Celui-ci est usuellement mesuré à travers deux agrégats :

- « recherche et technologie » ( R&T ), agrégat composé du budget des études amont et des subventions aux écoles relevant de la tutelle de la DGA, que retrace la sous-action 7-4 du programme 144 ;

- « recherche et développement » ( R&D ), agrégat composé de l'agrégat R&T précité, des autres études de défense (études prospectives et stratégiques [EPS], études à caractère opérationnel et technico-opérationnel [EOTO], crédits de recherche de la direction des application militaires [DAM] du CEA et crédits de recherche duale du CNES et du CEA) et des crédits de développement des programmes d'armement retracés, au plan budgétaire, par le programme 146 « Équipement des forces ».

Évolution des crédits de recherche de défense

(CP, en millions d'euros)

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

LFI 2014

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI

2018

PLF

2019

TOTAL R&D

TOTAL Études de défense

TOTAL R&T

TOTAL EA

Études amont

653,2

645,2

633,2

747,9

745,0

738,9

706,5

720,4

723,2

758,5

653,2

645,2

633,2

747,9

745,0

738,9

706,5

720,4

723,2

758,5

Subventions de R&T

161,5

155,3

147,3

148,8

121,7

124,8

128,0

130,3

131,7

129,0

814,7

800,5

780,5

896,7

866,7

863,7

834,5

850,7

854,8

887,4

Recherche CEA

585,5

626,6

647,7

615,0

640,8

505,3

488,5

527,0

494,0

332,7*

EPS

3,5

4,2

4,5

4,7

5,8

5,5

5,5

5,6

8,8

9,1

EOTO

18,5

19,6

18,5

19,8

20,5

20,8

21,0

21,3

21,6

21,8

Recherche duale

200,0

196,9

192,9

192,2

192,9

192,1

180,1

180,1

179,5

179,5

1 620,1

1 647,9

1 644,0

1 728 ,4

1 728,0

1587,4

1529,5

1584,7

1558,8

1430,5

Développements (prog. 146)

1 948,5

1 629,6

1 800

1 550,0

1 835,1

2051,6

2255,2

3343,2

3117,0

3 426,3

3 568,6

3 277,5

3 444,0

3 278,4

3 563,1

3639,0

3784,7

4927,9

4675,8

4 856,9

* Ne tient pas compte de dépenses n'entrant plus, pour 2019, dans la catégorie des dépenses de R&D. La mise au format 2019 des données antérieures n'est pas disponible à ce stade.

Le budget de R&T est prévu pour 2019 à hauteur de 884,7 millions d'euros en CP, montant en hausse (+ 22,6 million d'euros, soit + 3,5 %, par rapport à la LFI pour 2018). Compte tenu des autres études de défense et des développements réalisés dans le cadre des programmes d'armement (soit, pour ces derniers, 3,43 milliards d'euros inscrits sur le programme 146), le budget total de R&D de défense doit représenter 4,86 milliards d'euros l'année prochaine, soit une progression de 3,9% . Vos rapporteurs pour avis le notent avec satisfaction .

Ainsi, malgré les contraintes pesant sur ses finances publiques, la France s'avère le pays d'Europe qui consacre de loin le plus gros effort budgétaire à sa R&D de défense (11,1 % du budget de la défense nationale en 2018).

Évolution des crédits de recherche de défense

(CP, en millions d'euros)

LFI 2014

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

PLF 2019

Études amont

745,0

738,9

706,5

720,4

723,2

758,5

R&T

866,7

863,7

834,5

850,7

854,8

887,4

Développements (prog. 146)

1 835,0

2 051,6

2 255,2

3 343,2

3117,0

3426,3

Total R&D

3 563,1

3 639,0

3 784,7

4 927,9

4675,8

4856,9

(Source : réponse du Gouvernement au questionnaire établi en application de l'article 49 de la LOLF

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