N° 150

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

TOME III

DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT -
MISSION INTERMINISTÉRIELLE DE LUTTE CONTRE LES DROGUES ET LES CONDUITES ADDICTIVES (MILDECA)

Par Mme Chantal DESEYNE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing , vice-présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, MM. Jean Sol, Dominique Théophile, Mme Claudine Thomas, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mercredi 21 novembre 2018 sous la présidence de M. Alain Milon, président , la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Chantal Deseyne sur les crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » (Mildeca) du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement » du projet de loi de finances pour 2019 .

La Mildeca impulse et coordonne la politique gouvernementale en matière de drogues et d'addictions, avec ou sans substance. L'année 2018 a été marquée par la genèse du nouveau plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022, dont l'annonce a été malheureusement maintes fois reportée depuis le mois de mars.

Le rapporteur pour avis s'est réjoui de la diminution marquée du nombre de fumeurs de tabac en France - moins un million en l'espace d'un an. Cette baisse et les données encourageantes relatives à la consommation de substances psychoactives chez les jeunes ne doivent cependant pas occulter le niveau préoccupant de l'usage de drogues en France. Dans un contexte international marqué par la crise des opioïdes aux États-Unis, la hausse de la consommation de médicaments opioïdes impose la plus grande vigilance aux autorités françaises.

Le rapporteur pour avis a également évoqué l 'inflexion de la sanction pénale infligée aux usagers de stupéfiants , via la mise en place d'une amende forfaitaire délictuelle prévue par le projet de loi de programmation de la justice. Ce nouveau dispositif dans l'arsenal juridique réprimant l'usage de stupéfiant devrait permettre de désengorger les tribunaux. Le rapporteur pour avis a souhaité rappeler les bénéfices des stages de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.

Enfin, l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque entame sa troisième année à Paris et à Strasbourg. Les bénéfices sanitaires de tels dispositifs étant indéniables, on ne peut qu'encourager l'ouverture de nouvelles structures, notamment en Ile-de-France, afin de répondre aux besoins des usagers et de satisfaire aux impératifs de sécurité et de tranquillité publique.

Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement » du projet de loi de finances pour 2019.

Mission « Direction de l'action du Gouvernement »

Programme 129 « Coordination du travail gouvernemental »

Crédits de l'action n° 15
« Mission interministérielle de lutte contre les drogues
et les conduites addictives » pour 2019

Crédits
de paiement

(en euros)

Variation 2019/2018

(en %)

Action 15 « Mildeca »

17 496 968

- 1,9 %

dont subventions
pour charges de service public

Observatoire français
des drogues et des toxicomanies (OFDT)

2 805 000

0 %

Centre interministériel
de formation anti-drogue (Cifad)

365 000

- 1,1 %

Source : Projet annuel de performance de la mission annexé au projet de loi de finances pour 2019

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, à l'occasion du projet de loi de finances, votre commission des affaires sociales accorde une attention particulière aux crédits affectés à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, en raison de l'importance de la mission qui lui est conférée : animer et coordonner les initiatives de l'État en matière de lutte contre l'usage de stupéfiants et les addictions.

2018 a été une année importante pour cette structure interministérielle, marquée par l'élaboration du nouveau plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022. Le plan doit définir la stratégie des pouvoirs publics en matière de prévention, de soins et de réduction des risques et des dommages liés aux addictions. La Mildeca a été le fer de lance de ce nouveau plan, qui vise à prendre en considération les critiques et lacunes du précédent plan de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017. Malheureusement, son annonce a été maintes fois reportée , depuis le mois de mars dernier, et il n'a toujours pas été présenté par le Premier ministre. On peut s'interroger sur la raison de ces reports : l'annonce de ce plan n'est-elle pas considérée comme une priorité par les pouvoirs publics, ou la Mildeca a-t-elle éprouvé des difficultés à finaliser le plan ?

Les crédits alloués en LFI 2019 devront permettre d'amorcer la mise en place du nouveau plan. Ces orientations tant attendues de politiques publiques ne s'accompagneront pourtant pas de moyens renforcés pour la Mildeca, dont le budget est en léger recul en 2019 par rapport à 2018 (- 1,9 %). Pour la septième année consécutive , les moyens alloués à la Mildeca sont en baisse. Ses deux opérateurs, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et le Centre interministériel de formation anti-drogue (Cifad) voient leurs subventions pour charge de service public maintenues. Parallèlement, le fonds de concours « drogues », dont un dixième est versé à la Mildeca, voit son montant stabilisé à hauteur de 14 millions d'euros.

La mise en oeuvre du plan 2018-2022 s'accompagnera de modifications législatives relatives à la répression de l'usage de stupéfiants , qui devrait désormais être puni d'une amende forfaitaire délictuelle , au même titre que la vente d'alcool aux mineurs. Cette mesure devra permettre de désengorger les tribunaux.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 substitue au fonds actuel de lutte contre le tabac un fonds dédié plus largement à la lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives . Le fonds sera doté de la contribution spécifique sur les fournisseurs agréés de produits du tabac, mais également d'un montant correspondant au produit des amendes forfaitaires sanctionnant la consommation de cannabis, estimé à 12 millions d'euros. Cette dilution affaiblit dangereusement les actions de prévention du plan national de lutte contre le tabagisme 2018-2022 et supprime son caractère prioritaire, entrainant un effondrement du financement des actions de lutte contre le tabac par dilution des ressources. Pour votre rapporteur pour avis, les réponses apportées aux comportements à risque doivent être propres à chaque substance. Seuls des fonds dédiés, dotés d'un financement en provenance des produits incriminés, peuvent limiter les conséquences de ces consommations sur la santé et la société.

L'expérimentation des salles de consommation à moindre risque (SCMR), à Paris et à Strasbourg, entame sa troisième année . Ces lieux semblent contribuer de manière inédite à la politique de réduction des risques et des dommages pour les usagers de drogues, en permettant d'orienter certains consommateurs particulièrement désinsérés vers des prises en charge sanitaires et sociales. La capacité d'accueil de la structure parisienne semble néanmoins insuffisante face à l'ampleur des usages de drogues dans la capitale et son agglomération.

Enfin, et même si la situation française est sans commune mesure avec la crise sanitaire des opioïdes nord-américaine, à l'origine de plusieurs dizaines de milliers de décès, le contexte international et le développement de la prescription de médicaments opioïdes forts invitent à une vigilance extrême . L'objectif des autorités sanitaires doit être de garantir l'accessibilité des opioïdes aux patients qui en ont besoin, tout en sécurisant au mieux leur utilisation et leur éventuel détournement. La consommation hexagonale de médicaments opioïdes augmente fortement, ainsi que le nombre de décès par surdose et le nombre d'hospitalisations dues à ces médicaments. Ces données préoccupantes ont amené à la mise en place d'une structure de veille sur la consommation de médicaments antalgiques, opioïdes ou non : l'Observatoire français des médicaments antalgiques .

L'an passé, des données encourageantes ont été publiées relatives à la baisse des consommations de substances psychoactives . D'une part, le nombre de fumeurs quotidiens de tabac a baissé d'un million entre 2016 et 2017 , une baisse considérable qu'on ne peut qu'accueillir avec soulagement. D'autre part, les tendances à la consommation de tabac, d'alcool et de cannabis sont à la baisse chez les jeunes de 17 ans , leurs niveaux de consommations respectifs étant les plus bas enregistrés depuis l'an 2000. Néanmoins, cette évolution favorable ne doit pas masquer l'ampleur des phénomènes addictifs en France. Les attentes envers la Mildeca demeurent donc particulièrement élevées de la part de tous les acteurs confrontés aux addictions.

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