C. DES SOLUTIONS À TROUVER RAPIDEMENT POUR CONFORTER LA PLACE MONDIALE DE L'AGENCE

1. Les ambitieux projets du nouveau président

Le nouveau président de l'AFP, Fabrice Fries, a exposé devant le conseil d'administration un plan ambitieux « AFP 2018-2022 - changeons ! ».

Le nouveau Président propose la mise en place de dix actions, destinées en particulier à donner une nouvelle dynamique commerciale à l'Agence. Parmi les dix « actions » préconisées, trois ont en particulier attiré l'attention de votre rapporteur pour avis.

• Accroître la part de la vidéo dans le chiffre d'affaires

Actuellement, l'image représente 39 % du chiffre d'affaires, dont 12 % pour la vidéo. Le nouveau président, confirmant en cela une orientation de son prédécesseur, souhaite porter cette part à 50 % à l'horizon 2022. À l'occasion de son audition devant votre commission le 3 octobre 2018, Fabrice Fries a réaffirmé avec force cet objectif, destiné à dégager 30 M€ de revenus additionnels au bout de cinq ans, ce qui est relativement ambitieux . À l'occasion du conseil d'administration du 4 octobre, le Président a présenté un plan de suppression de 125 non remplacements de postes et de 35 embauches, essentiellement dans le secteur de l'image . Cette évolution fait craindre à certains une perte de moyens pour le texte, qui pourrait s'avérer préjudiciable à terme pour l'image, la crédibilité et in fine l'attractivité de l'Agence.

• Bénéficier du besoin d'une information crédible et vérifié

L'Agence devrait profiter de l'inversion du rapport de force avec les GAFAM, en quête de crédibilité copte tenu de leur rôle jugé de manière sévère dans la propagation des fausses informations 10 ( * ) . Si le Sénat a rejeté le 26 juillet 2018, à une très large majorité, la proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information, la Présidente de la commission de la culture, également rapporteure du texte, n'en a pas moins exposé dans son rapport le rôle pour le moins ambigu des grands opérateurs d'Internet dans la diffusion de l'information. Dans son plan, le nouveau président note « L'Agence sera en mesure de dépasser les récents accords passés avec Facebook ou Google, qui s'assimilent plus à l'achat à très bon compte par ces derniers d'une bonne conscience qu'à un partenariat digne de ce nom ». Dans cette négociation, l'AFP pourrait être aidée par l'évolution de la législation au niveau européenne sur les droits voisins comme par la volonté des GAFAM de présenter une image plus vertueuse auprès du grand public.

• Ajuster le maillage du réseau national en lien avec la réforme de l'audiovisuel public

L'Agence pourrait s'intégrer dans le rapprochement en cours entre France 3 et France Bleu, qui devrait être inscrit dans la future loi audiovisuelle. Le nouveau président souhaite s'inscrire dans ce schéma, ainsi que dans l'attrition des moyens de la presse quotidienne régionale, pour développer son offre de service « clé en main » au niveau local. Lors de son audition, il a cependant souligné la complexité d'avancer rapidement sur ce dossier , alors que les grands acteurs de l'audiovisuel sont très mobilisés par la future réforme de leur secteur.

2. Des évolutions nécessaires à moyen terme
a) Un statut à rénover ?

La nouvelle présidence ne souhaite pas, à l'heure actuelle, ouvrir le chantier nécessairement périlleux du statut sui generis de l'AFP. Fabrice Fries a ainsi pu déclarer : « la réforme du statut n'est donc pas pour moi un dossier du « haut de la pile ».

Cette position peut se comprendre en termes politiques. Il serait hasardeux et complexe de trouver un bon véhicule législatif dans un calendrier parlementaire surchargé, tout en s'étant assuré de l'accord tant de Bruxelles que de salariés justement attachés à l'indépendance de la rédaction. Le nouveau président préfère donc, dans un premier temps, avancer dans son plan de réforme, avant de solliciter les pouvoirs publics sur le statut.

Si cette solution a le mérite de la simplicité et marque une volonté d'évoluer à droit constant, elle repose sur un pari risqué, qui est que l'AFP aurait la capacité de se confronter à une concurrence internationale sans apport significatif de capitaux.

b) Une doctrine à préciser

Dans son récent rapport consacré à l'Agence France-Presse et communiqué à votre commission de la culture, la Cour des comptes s'inquiète de l'absence d'une réelle vision stratégique sur l'avenir de l'AFP , partagé entre les différents ministères concernés (culture, économie et finances, Europe et affaires étrangères). La Cour souligne ainsi que le COM signé avec l'État en 2014 est très général, de même que le plan 2014-2018 qui en reprend pour l'essentiel la structure. Seul le plan de relance 2017-2021 « AFP 2021 » peut s'apparenter à un document porteur d'une vision, mais demeure un document strictement interne à l'AFP, qui n'a jamais fait l'objet d'une discussion organisée avec les différentes parties prenantes.

Or l'AFP, agence de rang mondial, positionnée dans un secteur tout à la fois à la recherche de son modèle économique, mais également au coeur de la société de l'information, présente un intérêt majeur pour la France comme outil de « soft power » . L'Agence est actuellement doublement entravée par une forte contrainte financière et par un manque de définition de ce que doit être son futur , l'un étant intimement lié à l'autre. L'influence de l'État dans l'élection du nouveau président montre l'ambiguïté des relations entre les pouvoirs publics et l'Agence.

Le futur de l'AFP doit absolument faire l'objet d'une réflexion concertée, dans le cadre de la négociation en cours du futur COM qui est en cours, en particulier avec le ministère des affaires étrangères et d'une vision partagée entre tous, auquel les salariés seraient bien entendu associés .


* 10 Rapport n° 677 (2017-2018) de Mme Catherine Morin-Desailly , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 18 juillet 2018.

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