B. VERS UNE NOUVELLE ÉTAPE DE TRANSFORMATION DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE

La veille de la conférence nationale de l'administration territoriale de l'État du 25 juillet 2018, le Premier ministre a signé deux circulaires dessinant les contours de la prochaine réforme de l'administration territoriale.

Dans la première circulaire 18 ( * ) relative à l'organisation territoriale des services publics, le Premier ministre commence par rappeler le constat de la crainte des usagers vis-à-vis de l'éloignement des services publics avec le développement de la dématérialisation des démarches administratives, des interrogations des agents de l'administration territoriale sur le sens de leurs missions et de la mise sous tension des services par les fortes réductions d'effectifs ces dernières années. Si votre rapporteur ne peut que rejoindre le Premier ministre sur le constat des craintes des usagers et acteurs publics, il doute que le lancement d'une nouvelle réforme soit le remède approprié...

Le Premier ministre entend clarifier les recoupements de compétences de l'État et des collectivités territoriales. Ainsi la circulaire demande aux préfets de région de faire des propositions en fonction des missions de l'État :

- les missions pour lesquelles le rôle de l'État doit être réaffirmé : sécurité, prévention et gestion des crises, gestion des flux migratoires, missions relatives à l'environnement, et en matière d'ingénierie territoriale 19 ( * ) ;

- celles pour lesquelles l'intervention de l'État peut être allégée compte tenu du développement des compétences des collectivités territoriales. Il est ainsi prévu que la compétence relative au tourisme ne soit plus exercée par l'État sur le terrain, ou encore que les compétences en matière de développement économique des DIRECCTE soient maintenues seulement pour les dossiers de restructuration les plus sensibles ;

- celles pour lesquelles la répartition entre l'État et d'autres opérateurs doit être ajustée. Pour ces dernières, le Premier ministre demande son avis aux ministres et préfets de région concernant, par exemple, le transfert du pilotage des contrats aidés des DIRECCTE vers Pôle Emploi ou encore celui des compétences en matière des politiques familiales et de l'enfance aux caisses d'allocations familiales.

La réforme de l'administration menée sous le quinquennat 2012-2017 prévoyait déjà ce travail de clarification et de simplification du périmètre d'intervention de l'État, comme on le constate à la lecture de la liste des 45 engagements publiée en juillet 2015 20 ( * ) . Cet usage intensif du « copier-coller » pourrait expliquer la productivité éditoriale de Matignon. Le Premier ministre actuel prévoit également de « renforcer l'efficacité de l'intervention de l'État en faisant évoluer l'organisation et le fonctionnement des services dans une logique de profonde déconcentration, de plus grande modularité et de mutualisation ». Il est notamment demandé aux préfets d'envisager de nouvelles fusions de services, la création de services interdépartementaux dans des domaines particuliers, le jumelage de directions départementales interministérielles (DDI) de départements limitrophes, des regroupements immobiliers, des rationalisations de fonctions support. En perspective, de nouvelles sources d'économie, mais aussi de nouvelles possibilités de réduire les effectifs de l'administration déconcentrée. Pourquoi pas ? Mais reste à savoir ce que concrètement cela va signifier.

Dans le cadre de la rationalisation des moyens de fonctionnement, ceux des DDI, des directions régionales 21 ( * ) et des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), qui constituent le programme 333 « Moyens mutualisés des services déconcentrés » , seront regroupés avec les crédits du programme 307 « Administration territoriale » à compter du 1 er janvier 2020. Ces crédits regroupés seront gérés par des secrétariats généraux communs chargés des fonctions support à l'échelle des DDI et du réseau préfectoral.

Enfin, la circulaire invite les préfets de région à « réinventer » le service public de proximité, pour répondre aux attentes des usagers. Il s'agit notamment de revoir le modèle des Maisons de service au public (MSAP), qui ne sont pas toujours connues des usagers et en conséquence parfois peu fréquentées. Il s'agit aussi de définir un mode de financement pérenne pour ces dernières. Dommage que, sur ce chapitre, le Premier ministre n'en dise pas plus, car là est la clef de la réussite.

La circulaire ayant été transmise juste avant les congés d'été et les préfets devant répondre pour la deuxième quinzaine d'octobre, gageons que là aussi, le « copier-coller » a dû fonctionner !

S'agissant des agents, la circulaire précise que l'accompagnement de ceux qui seront concernés par les réorganisations territoriales doit être « ambitieux » et personnalisé. Voilà qui les rassurera !

Dans la seconde circulaire du 24 juillet 2018 22 ( * ) , relative à la déconcentration et à l'organisation des administrations centrales, il est demandé aux ministères de faire des propositions en vue de :

- déconcentrer le plus grand nombre possible de décisions et d'actions au niveau territorial. D'après la circulaire, il semble que la charte de la déconcentration 23 ( * ) soit rarement respectée !

- tirer les conséquences de la revue des missions demandée dans le cadre de la première circulaire et de l'élargissement prévu des compétences de certains opérateurs.

Pour l'heure, le secrétaire général adjoint du ministère de l'intérieur a indiqué que les réunions interministérielles sur les périmètres d'intervention de l'État étaient en cours et qu'aucun arbitrage n'avait pour le moment été rendu.

Si votre rapporteur ne doute ni de la créativité des préfets, ni de l'abnégation des agents publics, il a quelque peine à penser que ces vertus suffisent à compenser la suppression annoncée de 50 000 postes de fonctionnaires d'ici 2022, objectif premier de la réforme.

La gestion du corps électoral

Les critiques récurrentes sur le nombre important de préfets hors cadre et/ou aux activités manquant de consistance avaient conduit à une modification du statut des préfets, supprimant notamment la position « hors cadre ». Cette position avait été remplacée par celle de conseiller du Gouvernement. Comme votre rapporteur l'avait souligné dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2018, la modification est restée sémantique même si la position est encadrée de conditions de nomination un peu plus strictes.

Constatons, une fois encore, que plus de la moitié des préfets (127 sur 252) n'occupent pas de poste territorial et 12 des 20 primo-nominations de préfets en 2017 seulement ont concerné des sous-préfets ou des hauts fonctionnaires appartenant à des corps analogues du ministère de l'intérieur. C'était 11 sur 12 primo-nominations en 2016.


* 18 Circulaire n° 6029/SG du Premier ministre, du 24 juillet 2018, relative à l'organisation territoriale des services publics .

* 19 Nous reviendrons sur la mission de l'État en matière d'ingénierie territoriale ci-après (cf. II, C).

* 20 Dossier de presse Revue des missions de l'État les engagements , 22 juillet 2015, consultable à l'adresse suivante : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2015/07/dossier_de_presse_-_revue_des_missions_de_letat_-_22_07_2015.pdf.

* 21 Directions régionales sous l'autorité du préfet, soit DIRECCTE, DREAL, DRJSCS, DRAAF.

* 22 Circulaire n° 6030/SG du Premier ministre, relative à la déconcentration et à l'organisation des administrations centrales .

* 23 Décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration.

Page mise à jour le

Partager cette page