N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME VII

COHÉSION DES TERRITOIRES (POLITIQUE DE LA VILLE)

Par Mme Annie GUILLEMOT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool, vice - présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard, secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

L'ESSENTIEL

Il y a 18 mois, après avoir enterré le « rapport Borloo », le Gouvernement relançait la politique de la ville avec une augmentation substantielle des moyens, + 20 % en crédits de paiement. Aujourd'hui, pourtant, le coup d'arrêt qui a été donné se fait toujours sentir.

Plus encore peut-être que les moyens, c'est la philosophie même du projet qui manque cruellement. Jean-Louis Borloo avait intitulé son rapport « Vivre ensemble, pour une réconciliation nationale », le titre à lui seul résonne comme une prémonition alors que les revendications des gilets jaunes et les expressions identitaires apparaissent comme les deux rives d'une même fracture de la société française. Jean-Louis Borloo écrivait : « Si on ajoute les territoires ruraux délaissés et certaines villes ou bassins en grave déprise, ce sont plus de 10 millions de compatriotes qui sont éloignés du moteur de la réussite » et plus loin « À défaut, fermenteront loin des yeux, le recroquevillement identitaire et le repli communautaire si trop de nos concitoyens ont le sentiment de ne pas participer au rêve républicain ».

Dans ce contexte, le budget de la politique de la ville n'apparaît pas à la hauteur de l'enjeu. Les crédits de paiement baisseront en 2020 de 2,07 %, soit 10,5 millions d'euros en moins, alors que le Gouvernement ne respecte pas l'échéancier de ses versements à l'ANRU en les réduisant justement de 10 millions d'euros.

La commission des affaires économiques a pris acte de la stabilisation des moyens de la politique de la ville mais demande le rétablissement des crédits prévus au profit de l'ANRU. Elle a donc décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat concernant les crédits de ce programme.

UN EFFORT MAINTENU POUR LA JEUNESSE

En matière d'éducation , les crédits s'élèvent à 125 millions d'euros. Au sein de ceux-ci des redéploiements sont opérés pour financer les « cités éducatives » à hauteur de 31 millions d'euros. Il n'y a donc pas de crédits à proprement parler nouveaux pour ce programme qui a fait l'objet d'une importante communication. C'est une bonne initiative puisqu'il s'agit de généraliser une expérimentation qui a réussi. Le projet est de fédérer localement les différents acteurs autour de l'école, y impliquer les parents et assurer un suivi des jeunes jusqu'à leurs 25 ans. Ces cités éducatives concernent 80 quartiers qui ont reçu une dotation initiale de 100 000 €.

Les moyens dévolus au lien social et à la participation citoyenne sont stables à hauteur de 87,4 millions d'euros. Au sein de cette action, avaient été décidés l'an passé le doublement (760 à 1 520) et la revalorisation (5 068 € à 7 164 €) des postes Fonjep . On pouvait s'interroger sur la possibilité d'y parvenir puisque l'essentiel du coût de ces emplois restait à la charge des collectivités et des associations concernées. Les résultats 2019 sont encourageants. Tous les postes devraient être pourvus d'ici la fin de l'année. Cependant, pour une large part, il ne s'agira pas de postes nouveaux. Il n'y aura donc pas de présence supplémentaire dans les quartiers de ce seul fait et il faudra encore un an pour en percevoir tous les effets. Malgré cela, l'initiative est positive, les postes Fonjep sont des postes d'encadrant et d'animateur d'associations. Ils donnent un label de qualité, une reconnaissance et une aide, même limitée, à un tissu associatif qui en a le plus grand besoin.

49,3 millions d'euros sont consacrés à l'emploi , poursuivant sur la lancée de 2019. Parmi les actions menées, celle des Écoles de la 2 e chance mérite d'être mise en lumière. Un peu plus de 15 000 jeunes de 16 à 25 ans, sans emploi ni formation, sont pris en charge avec un taux de sortie positive vers l'emploi ou la formation de 60 %. Cet effort sera significativement amplifié d'ici 2022 avec la création de 2 000 places supplémentaires dans ce dispositif pour lequel les collectivités territoriales sont des partenaires clefs.

L'EPARECA UN OUTIL À PRÉSERVER AU SEIN DE L'ANCT

L'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) joue un rôle indispensable dans les opérations de revitalisation commerciale dans les quartiers comme dans le cadre d'Action coeur de ville. Or, au 1 er janvier 2020, il sera absorbé au sein de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).

Il est à craindre que sa culture du terrain, du projet et du monde économique soit marginalisée.

Dans le cadre de la fusion, l'Epareca a été amputée d'une de ses deux jambes : les professionnels du commerce . Ils ne seront pas représentés au conseil d'administration de l'ANCT et pour l'instant aucune procédure n'est prévue pour les inclure dans le processus de décision.

Or, l'expérience prouve qu'en matière, par exemple, d'implantation des commerces dans les quartiers difficiles, les professionnels ont toujours été précieux et participaient étroitement aux décisions pour sélectionner les projets les plus pertinents.

Il est très important de sauvegarder cet outil et de s'assurer de la participation des acteurs économiques, sans quoi les maires se retrouveront en première ligne et sans appui.

GARANTIR LE PLAN DE FINANCEMENT DE L'ANRU

Dans son rapport, Jean-Louis Borloo l'écrivait crument : « Depuis quatre ans, la rénovation urbaine est à l'arrêt, l'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projet ».

En juillet 2018, le Président de la République a réaffirmé l'engagement de l'État d'apporter un milliard d'euros d'ici à 2031 dans le cadre du doublement du NPNRU et a promis 200 millions d'euros durant son quinquennat .

L'ANRU s'est remise à travailler. En un an, sur les 450 quartiers concernés, 329 ont vu leur projet validé. Cela correspond à huit milliards d'engagements sur les dix milliards du programme. Concrètement, ce sont : 65 000 démolitions, 53 000 reconstructions, 85 000 réhabilitations et 650 équipements, dont 180 écoles rénovées. Ce résultat très encourageant est le fruit d'un travail considérable. Mais il est surprenant que de nouvelles études soient encore commandées dans des quartiers bien connus où les habitants attendent des réalisations.

Vu du terrain, très peu de choses ont été concrètement faites dans les quartiers pendant ce mandat municipal alors que la situation est extrêmement difficile.

Dans ce contexte, à la fois de relance de l'ANRU et d'énorme attente dans les quartiers , il est grave que l'État ne respecte pas l'échéancier fixé. Cette année, 35 millions d'euros auraient dû être inscrits, seuls 25 sont au rendez-vous. Au regard du programme c'est peu, mais le signal est extrêmement négatif. Comment imaginer que l'État rattrapera son retard et tiendra sa promesse l'an prochain d'apporter 50 millions d'euros puis 75 millions d'euros l'année suivante ?

La commission a donc voté un amendement rétablissant les crédits programmés .

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