IV. POURQUOI FRAGILISER L'ONERA ?

L'an dernier, le rapport de la commission présentait la situation fragile de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), qui porte pourtant une forme d'excellence française en matière aérospatiale. Les rapporteurs appelaient déjà l'an passé à reconsidérer les moyens de l'ONERA, et en particulier la trajectoire quasi-plane de la subvention que lui versait l'Etat, dans le cadre d'un contrat d'objectif et de performance (COP). Cela semblait d'autant plus légitime que, d'une part, la LPM prévoyait le redressement de l'effort national de défense, et que, d'autre part, la France s'engageait avec l'Allemagne dans l'ambitieux projet du SCAF.

Il a semblé, en début d'année, que ces attentes avaient été entendues. En effet, lors de sa visite à l'ONERA en janvier 2019, la ministre des armées a semblé ouvrir des perspectives favorables. Cela avait d'ailleurs été confirmé par le Délégué général pour l'armement lors de son audition par la commission au début du mois d'octobre 2019. Malheureusement, il apparaît que la réalité du PLF pour 2020 est tout autre .

D'une part, la subvention n'évolue pas favorablement. En effet, elle passe de 104,7 millions d'euros à 105,7 millions d'euros, soit une hausse d'un million d'euros. Mais il faut savoir qu'en 2019 l'Etat apportait également 2 millions d'euros de dotation en fonds propres. L'effort de l'Etat pour l'Office diminue donc en réalité d'un million . Pourrait s'ajouter à cela le fait que l'ONERA, contrairement aux années précédentes, ne serait plus exemptée de la mise en réserve de crédits, ce qui diminuerait encore son budget disponible d'environ 2 millions d'euros. Un autre indicateur pertinent , en cette période d'augmentation des crédits, est l'évolution des emplois : le PLF pour 2020 prévoit pour l'ONERA une perte de 11 ETP (équivalents-temps plein).

Cette cure prolongée d'austérité budgétaire a des conséquences fortes sur les ressources humaines de l'Office, dont le niveau de rémunération est, toutes choses égales par ailleurs, inférieur par exemple à celui constaté à la DGA, et, bien évidemment, très inférieur à celui trouvé dans les entreprises privées du secteur aéronautique. Une étude de l'AID montre ainsi que, si l'on voulait payer les personnels les plus qualifiés de l'ONERA au niveau où ils seraient payés à la DGA, il faudrait environ 5 millions d'euros pour combler l'écart.

Autre exemple assez parlant : le budget de l'équivalent allemand de l'ONERA, dont nous avions évoqué déjà l'an passé le dynamisme : la subvention de l'Etat allemand à la partie consacrée à la recherche aéronautique du DLR est passée de 130 millions d'euros par an au début de la décennie à 180 millions en 2017, et elle continue d'augmenter rapidement. Il est évident que l'ONERA ne pourra pas conserver indéfiniment sa position de référence européenne dans ce domaine si la France consacre beaucoup moins de moyens à ce champ que nos partenaires allemands.

Il semble en outre qu'à ce stade il soit envisagé que les études amont du projet SCAF soient confiées au DLR (qui n'a pourtant pas d'expérience passée en matière d'avion militaire), et non à l'ONERA. Si ce point devait être confirmé, il constituerait aux yeux de la commission une difficulté majeure en terme de pilotage du projet.

On s'explique mal cette situation. L'excellence de l'ONERA est largement reconnue en France, et au niveau mondial. Et dans le même temps, dans un budget de défense qui augmente de 1,7 milliard, le Gouvernement et la DGA ne trouvent pas les quelques millions qui redonneraient une bouffée d'air à cette pépite technologique. Peut-être s'agit-il là d'un de ces effets de latence qui font que certaines parties de l'appareil de défense ne se sont pas encore adaptées à la nouvelle perspective de remontée en puissance de notre effort de défense. Ce dossier reste donc un sujet de préoccupation, dans un contexte général marqué par la remontée attendue des crédits.

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