Avis n° 143 (2019-2020) de M. Michel FORISSIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 novembre 2019

Disponible au format PDF (836 Koctets)

Synthèse du rapport (450 Koctets)


N° 143

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME VIII

TRAVAIL ET EMPLOI

Par M. Michel FORISSIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon, président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing, vice - présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno, secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Michelle Gréaume, Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, MM. Jean Sol, Dominique Théophile, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le 27 novembre 2019 , sous la présidence de M. Alain Milon, président , la commission a examiné le rapport pour avis de M. Michel Forissier , sur les crédits de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 .

Après avoir connu en 2019 une forte baisse liée notamment à des effets de périmètre, les crédits de la mission progresseraient en 2020 de près de 534 millions d'euros, soit 4,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019.

Les crédits dédiés à l'accès et au retour à l'emploi baisseraient, en lien avec l'amélioration de la conjoncture d'une part et du désengagement de l'État du financement de Pôle emploi d'autre part.

Le Gouvernement maintiendrait sa politique en matière de restriction du recours aux contrats aidés et intensifierait son soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique.

Les crédits dédiés au plan d'investissement dans les compétences qui ne correspondent pas au financement de dispositifs déjà existant baisseraient sans que leur affectation précise puisse être connue.

Enfin, le ministère du Travail participerait aux efforts interministériels de maîtrise des coûts de fonctionnement et des dépenses de personnel.

L' article 79 , supprimé à l'Assemblée nationale, prévoyait un resserrement des exonérations de cotisations en faveur des publics fragiles ayant recours à des services à la personne.

L' article 80 revient sur l'élargissement de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise (Acre) intervenu en 2019. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à maintenir la possibilité pour le pouvoir règlementaire de prévoir une aide dégressive au-delà de la première année d'activité.

L' article 81 , ajouté par l'Assemblée nationale, corrige une scorie de de la réforme du financement de la formation professionnelle.

Enfin, l' article 82 constitue une demande de rapport.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable, sous réserve de l'adoption d'un amendement de crédit, à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que des articles 80, 81 et 82 rattachés .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Au moment d'examiner les crédits pour 2019 de la mission Travail et emploi, nous constations l'année dernière une forte baisse de ces crédits, qui était en fait essentiellement le résultat de l'extinction de dispositifs supprimés au cours des exercices précédents et d'effets de périmètres.

En 2020, le périmètre de la mission étant stabilisé, les crédits progresseraient de plus de 530 millions d'euros, soit 4,3 % en crédits de paiement, la progression des autorisations d'engagement étant moins marquée (321 millions d'euros ; + 2,4 %). La mission serait dotée de 13,73 milliards d'euros en AE et 12,98 milliards d'euros en CP.

Cette augmentation globale est le résultat d'évolutions contrastées des différents programmes qui composent la mission.

Le programme 102 regroupe les crédits dédiés à l'accompagnement des personnes éloignées de l'emploi. Alors que les dépenses liées à l'indemnisation des demandeurs d'emploi relevant des dispositifs de solidarité baisseraient, essentiellement du fait de l'amélioration de la conjoncture économique, l'État se désengagerait du financement de Pôle emploi une participation accrue étant demandée à l'Unedic.

Le politique menée depuis 2018 par la Gouvernement en matière de contrats aidés se poursuivrait en 2020. Cette politique repose sur un recours moins massif mais plus ciblé aux contrats aidés, qui s'inscrivent désormais dans le cadre de « parcours emploi compétences » PEC, associant emploi et formation. Une partie des économies permises par ce recentrage est mobilisé pour accorder un soutien accru au secteur de l'insertion par l'activité économique.

Votre rapporteur approuve cette approche qui rompt avec les pratiques anciennes de subventions publiques à l'emploi qui n'ont pas permis d'agir sur les causes profondes du chômage. Il s'étonne donc d'autant plus de l'empressement avec lequel le Gouvernement a décidé de prolonger et d'élargir le dispositif des emplois francs, alors même que ce dispositif, qui n'a pas fait l'objet de l'évaluation pourtant prévue par le législateur, semble donner des résultats très éloignés des objectifs fixés.

Une évaluation plus rigoureuse devrait être menée à propos de l'expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée. Si ce dispositif donne certainement satisfaction à ses bénéficiaires et aux élus des territoires qui en bénéficient, la possibilité d'un changement d'échelle semble incertaine en raison du coût pour l'État de ce dispositif.

Comme en 2019, le programme 102 finance enfin des dispositifs présentés comme faisant partie d'un effort exceptionnel en faveur de l'emploi des jeunes dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC) alors qu'il s'agit de dispositifs de droit commun.

Au total, les crédits du programme 102 baisseraient d'un peu plus de 127 millions d'euros (- 1,9 %).

Le programme 103 correspond au financement des dispositifs visant à soutenir l'emploi et à accompagner les mutations économiques. Au sein de ce programme, les crédits dédiés aux aides directes aux entreprises baisseraient, essentiellement sous l'effet de l'extinction de certains dispositifs. A l'inverse, les crédits dédiés au soutien des formations par alternance progresseraient du fait de la montée en charge de la réforme du financement de l'apprentissage prévue par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel 1 ( * ) .

Les dispositifs de baisse du coût du travail seraient maintenus et votre rapporteur salue la suppression à l'Assemblée nationale de l'article 79 du projet de loi initial, qui restreignait le bénéfice des exonérations en faveur des publics fragiles ayant recours à des prestataires de services à la personne.

Le resserrement de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise (Acre) un an après son élargissement témoigne d'un manque d'anticipation du Gouvernement qui ne peut qu'interpeller dans un domaine des politiques publiques où la stabilité des dispositifs est un facteur de leur efficacité. S'il peut être justifié de remettre en question une partie des avantages attachés au statut de micro-entrepreneur pour éviter les effets d'aubaine, il convient de ne pas fragiliser les activités existantes en écourtant la durée de l'exonération sur laquelle certains entrepreneurs pouvaient légitimement compter.

Votre rapporteur regrette le manque de détails fournis au Parlement quant à l'utilisation des crédits regroupés dans l'action consacrée au PIC. Il note au demeurant que ces crédits, qui ont été nettement sous-consommés en 2018, ont été minorés par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale et seront inférieurs aux crédits votés pour 2019. Votre rapporteur s'interroge donc sur l'ampleur réelle de l'effort présenté comme exceptionnel par le Gouvernement.

Les crédits du programme 103 progresseraient ainsi de 670 millions d'euros, soit 12,8 %.

La mission comprend également, au sein du programme 111, des crédits dédiés aux actions en faveur de la santé et de la sécurité au travail, qui baisseraient légèrement, alors que la baisse des crédits dédiés à la formation des conseillers prud'hommes et des défenseurs syndicaux baisserait plus fortement, pour des raisons essentiellement cycliques.

À l'inverse, la mesure de l'audience des organisations syndicales et patronales en préparation du nouveau cycle d'évaluation de la représentativité nécessite une progression des crédits alloués aux projets informatiques dédiés.

Les crédits du programme 111 progresseraient dans l'ensemble de plus de 11 millions d'euros (+ 13 %).

Enfin, les fonctions supports des politiques du ministère du travail verraient leurs crédits baisser en raison d'effets de périmètre et de la réduction globale des effectifs. Les crédits du programme 155 baisseraient ainsi d'environ 20,6 millions d'euros, soit 3 %.

L'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels. L'article 81 corrige une incohérence juridique conduisant certains chefs d'entreprise à se voir imposer une double cotisation au titre de la contribution à la formation professionnelle.

L'article 82 constitue une demande de rapport au Parlement sur les conséquences pour les employeurs publics locaux de la réforme du financement de l'apprentissage.

Si certaines des lignes budgétaires peuvent être discutées, les crédits de la mission Travail et emploi vont globalement, selon votre rapporteur, dans le sens d'une plus grande efficacité de la politique de l'emploi.

*

* *

Suivant la proposition de son rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2020 ainsi que des articles rattachés.

La situation de l'emploi

Au troisième trimestre 2019, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) s'élevait selon l'Insee à 8,5 % de la population active, soit un demi-point en dessous du niveau observé un an avant. Toutefois, la tendance à la baisse du taux de chômage demeure fragile, ainsi que le suggère la légère augmentation (+ 0,1 point) observée entre le deuxième et le troisième trimestre.

Ce taux correspond à 2,5 millions de chômeurs, auxquels il convient d'ajouter les 1,64 million d'inactifs dans le « halo du chômage » au sens du BIT.

Le taux de chômage de longue durée baisse moins vite que le taux global et s'établit à 3,4 % de la population active.

Source : Insee

La dynamique de baisse du taux de chômage s'observe également au sein de l'Union européenne. Le taux de chômage français demeure toutefois nettement supérieur à la moyenne européenne, qui s'établit, selon les données d'Eurostat, à 6,3 % et très éloigné des pays les plus performants en la matière, notamment des pays comparables comme l'Allemagne (3,1 %) ou le Royaume-Uni (3,6 % 2 ( * ) ). Seuls trois de nos voisins connaissent un taux de chômage supérieur au nôtre. Toutefois, la Grèce (17,3 % 3 ( * ) ), l'Espagne (14,2 %) et dans une moindre mesure l'Italie (10,3 % 4 ( * ) ) ont connu au cours de la première moitié des années 2010 une progression extrêmement forte du chômage et le taux qu'ils connaissent aujourd'hui résulte d'une forte baisse sur la période récente.

A l'inverse, le taux de chômage ne s'est réduit en France que de 1,9 point depuis début 2015, soit une évolution comparable à celle de pays qui étaient alors déjà proches du plein emploi.

Notre pays se distingue donc en Europe comme ayant à la fois un des taux de chômage les plus élevés et une baisse de ce taux relativement plus lente.

Source : Eurostat

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE MAINTIEN DES ORIENTATIONS PRISES PAR LE GOUVERNEMENT

A. UNE BAISSE DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INDEMNISATION ET À L'ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI

1. Une poursuite de la baisse tendancielle des charges liées à l'indemnisation des demandeurs d'emploi

L'action 1 du programme 102 retrace la subvention versée à Pôle emploi pour le financement des dispositifs de solidarité du régime d'assurance chômage, et notamment l'allocation spécifique de solidarité (ASS) 5 ( * ) , versée sous conditions de ressources aux chômeurs ayant épuisé leurs droits à indemnisation et qui représente plus de 97 % des crédits de cette action.

Ces crédits s'élèveraient à 2,3 milliards d'euros en 2020, en progression de plus de 240 millions d'euros (+ 11,7 %) par rapport à 2019, principalement en raison de l'augmentation des crédits dédiés à l'ASS (+ 241,3 millions d'euros ; + 12,1 %).

Une présentation du nombre de bénéficiaires de l'ASS qui porte à confusion

Le projet annuel de performance pour 2019 indiquait que le nombre de bénéficiaires de l'ASS s'élèverait en 2019 à 339 301, ce qui constituait, ainsi que le soulignait votre rapporteur pour avis, une baisse de 17 % par rapport aux prévisions pour 2018. Cette baisse résultait essentiellement, selon le Gouvernement, de l'amélioration de la conjoncture.

Le PAP pour 2020 prévoit 375 696 allocataires, ce qui constituerait une augmentation, à rebours de la baisse tendancielle du nombre de demandeurs d'emploi et de chômeurs de longue durée.

Néanmoins, selon les informations communiquées à votre rapporteur par la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), le nombre de bénéficiaires serait en fait en 2019 de 382 500 et baisserait donc de 1,7 % en 2020.

L'écart entre le nombre d'allocataires de l'ASS annoncé dans le PAP 2019 et le nombre réel s'expliquerait en fait par un biais de présentation.

Pôle emploi, qui assure le versement de l'ASS, a bénéficié en 2019 d'un versement exceptionnel du fonds de solidarité - avant sa suppression - à hauteur de 128 millions d'euros ainsi que d'un report de crédits non-consommés en 2018, à hauteur de 73,5 millions d'euros. Les crédits demandés au titre du budget de l'État étaient donc minorés pour tenir compte de ces financements complémentaires, qui n'existeront pas en 2020.

Le chiffre indiqué dans le PAP 2019 correspondait en fait à la part des bénéficiaires de l'ASS dont l'allocation était - fictivement - financée par les crédits demandés.

Si votre rapporteur est disposé à croire qu'il s'agit là d'une imprécision des annexes budgétaires et non d'une volonté délibérée d'exagérer la baisse du nombre de chômeurs de longue durée, il n'en demeure pas moins que les documents d'information fournis au Parlement conduisaient à donner une image inexacte de la réalité.

Les autres allocations de solidarité financées par l'État représentent une masse financière nettement moins importante. Il convient de noter la progression des crédits dédiés à l'ASS maintenue aux bénéficiaires de l'aide aux créateurs d'entreprise (Acre), en lien avec l'élargissement de cette aide en 2019.

Évolution des crédits dédiés au financement des allocations de solidarité

Crédits demandés

(En millions d'euros)

Écart

Part
dans le total

PLF 2020

PLF 2019

Allocation de solidarité spécifique (ASS)

2 235,2

1 993,9

241,3

12,10 %

97,13 %

Allocation équivalent retraite (AER)

1,3

3,3

- 2

- 60,61 %

0,06 %

Allocation de solidarité spécifique formation (ASS-F)

21,6

27,9

- 6,3

- 22,58 %

0,94 %

L'allocation spécifique de solidarité (ASS) - L'aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise (ACCRE)

40,5

34,2

6,3

18,42 %

1,76 %

Allocation fonds intermittents

2,6

1,6

1

62,50 %

0,11 %

Total

2 301,20

2 060,9

240,3

11,66 %

100,00 %

Source : PAP

2. Une progression des effectifs et des ressources de Pôle emploi malgré le désengagement de l'État
a) Un désengagement de l'État compensé par l'Unedic

Le programme 102 porte la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi, qui s'élèverait en 2020 à 1,24 milliard d'euros, soit 136,7 millions d'euros de moins qu'en 2019, ce qui représente une baisse de près de 10 %.

La convention tripartite entre l'État, Pôle emploi et l'Unedic prévoit une poursuite de cette baisse au cours des prochaines années, la subvention de l'État devant descendre à 1,15 milliard d'euros en 2021 et 1,06 milliard d'euros en 2022.

Ce désengagement financier de l'État serait compensé par l'Unedic, dont la contribution à Pôle emploi serait fixée à 11 % de ses recettes contre 10 % actuellement. Cette contribution s'élèverait à 4,14 milliards d'euros en 2020 contre 3,5 milliards d'euros en 2019.

Votre rapporteur considère que, dans un contexte où la dette de l'Unedic demeure élevée, les ressources de l'assurance chômage n'ont pas vocation à financer le service public de l'emploi. Il note par ailleurs que l'augmentation de la dépendance de Pôle emploi vis-à-vis des contributions d'assurance chômage accroît sa vulnérabilité à l'effet « ciseau » qui résulterait d'un retournement conjoncturel et d'une hausse du chômage.

b) Un coup d'arrêt à la trajectoire de baisse des effectifs de Pôle emploi

Cette évolution s'accompagne d'une inversion de la trajectoire de déflation des effectifs de Pôle emploi. Alors que le plafond d'emploi avait baissé de 297 équivalents temps plein (ETPT) en 2018 puis de 400 ETPT en 2019, il augmenterait de 950 ETPT pour atteindre 46 955.

Cette hausse traduit le recrutement de 1 000 agents supplémentaires pour une durée de trois ans afin d'accompagner les entreprises ayant déposé une offre d'emploi qui n'a pas été pourvue au bout de 30 jours.

Parallèlement, la diminution d'effectifs dédiés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi serait suspendue, alors que des gains de productivité et la baisse du taux de chômage permettrait de mieux accompagner les demandeurs d'emploi dans le contexte de la réforme de l'assurance chômage voulue par le Gouvernement et mise en oeuvre par le décret du 26 juillet 2019 6 ( * ) .

Votre rapporteur approuve le changement d'avis du Gouvernement sur la trajectoire des effectifs de Pôle emploi bien qu'il traduise des tergiversations qui ne peuvent permettre à cet opérateur de s'adapter sereinement à l'évolution de ses missions.

3. Un financement finalement prévu pour les maisons de l'emploi

Le PLF déposé à l'Assemblée nationale ne prévoyait aucun crédit en faveur des maisons de l'emploi. Comme l'an passé, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa rapporteure spéciale tendant à prévoir une enveloppe de cinq millions d'euros transférée depuis l'action 1 « Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques » du programme 103.

B. LE RECENTRAGE DES CONTRATS AIDÉS ET UN SOUTIEN À ACCRU À L'INSERTION PAR L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

1. La poursuite de la politique de recentrage du recours aux contrats aidés

Le Gouvernement a amorcé en 2018 7 ( * ) une transformation de la politique de recours aux contrats aidés, qui s'inscrivent désormais dans des « parcours emploi compétences » (PEC) et dont la prescription est recentrée sur les publics pour lesquels aucun autre outil de la politique de l'emploi (dispositifs d'insertion ou formation notamment) n'est plus adapté.

Cette orientation, que votre rapporteur approuve, se poursuivrait en 2020. Fixés à hauteur de 427,33 millions d'euros en autorisations d'engagement et 204,54 millions d'euros en crédits de paiement, les crédits demandés permettraient de financer, comme en 2019, 100 000 nouvelles entrées, sur la base d'une prise en charge à hauteur de 50 % du SMIC brut (60 % en Outre-mer) et d'une durée moyenne des contrats de 11 mois, pour une durée de travail hebdomadaire de 20,2 heures.

Par ailleurs, les crédits dédiés aux contrats déjà signés continueraient de décroître. Ils seraient de 146,4 millions d'euros pour les contrats du secteur non-marchand (CUI-CAE) et de 2,38 millions d'euros pour les contrats du secteur marchand (CUI-CIE) qui ne sont plus éligibles aux PEC. Le financement résiduel des emplois d'avenir, dispositif en voie d'extinction, représenterait en 2020 une dépense de 41,84 millions d'euros, contre 169,99 millions d'euros en 2019.

Au total, les crédits dédiés au « stock » de contrats aidés s'élèveraient en 2020 à 190,62 millions d'euros contre 410,69 millions d'euros en 2019.

Évolution des crédits de paiement demandés au titre des PEC

CP demandés

( en millions d'euros)

Évolution par rapport à 2019

Dépenses liées aux nouvelles entrées en PEC

204,5

8 %

Dépenses liées aux contrats conclus antérieurement

CUI-CAE

146,4

- 39 %

CUI-CIE

2,4

- 1 %

Emplois d'avenir

41,8

- 75 %

Total Stock

190,6

- 54 %

Total

395,2

- 34 %

Source : PAP, calculs du rapporteur

2. Un soutien accru à l'insertion par l'activité économique

Le Gouvernement a fait du soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) un des éléments de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Les crédits dédiés au soutien du secteur de l'IAE progresseraient ainsi de plus de 110 millions d'euros pour dépasser pour la première fois 1 milliard d'euros (+ 12 %). Cette progression est d'autant plus notable qu'elle tient compte de la baisse de plus de 40 % (7,7 millions d'euros) des crédits liés à la compensation des exonérations dont bénéficient les ateliers et chantiers d'insertion (ACI).

L'essentiel de cette progression résulterait de l'augmentation des dépenses liées aux aides au poste en faveur des structures d'IAE, tandis que des dispositifs nouveaux seraient créés ou expérimentés en 2020.

a) Les aides au poste des structures d'IAE

Les structures d'IAE, qui peuvent avoir plusieurs statuts, bénéficient d'aides au poste indexées sur le SMIC et dont une part est modulée.

Le projet annuel de performance prévoit une progression de l'aide au poste pour tous les types de structures à l'exception des entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI), qui ont, selon le PAP, « engagé un effort substantiel » et dont l'aide au poste diminue de près de 10 %. Par ailleurs, les effectifs progresseraient pour chacune des structures à l'exception des associations intermédiaires (AI), dont le nombre de postes aidé baisserait de 17 %.

Par ailleurs, le PAP prévoit 2,8 millions d'euros au titre des entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI), modalité expérimentale prévue par la loi du 5 septembre 2018 et pour lesquelles aucun financement spécifique n'était mentionné dans le PAP pour 2019.

Effectifs et montant des aides en faveur des structures d'insertion
par l'activité économique
( données 2019 )

Effectifs

Effectifs 2019

Montant
de l'aide au poste (en €)

Montant 2019

Modulation moyenne

Crédits demandés

(en M€)

Crédits 2019

Évolutions des crédits par rapport à 2019

Associations intermédiaires

17 500

1 390,5

5 %

25,55

- 15 %

21 100

1 361

5 %

30,15

Ateliers et chantiers d'insertion

32 000

20 541

5 %

690,19

8 %

30 350

20 118

5 %

641,11

Entreprises d'insertion

16 000

10 699

5 %

179,73

14 %

14 350

10 478

5 %

157,88

Entreprises de travail temporaire d'insertion

13 000

4 093

5 %

55,86

17 %

10 200

4 453

5 %

47,69

Entreprises d'insertion
par le travail indépendant

500

5 373

5 %

2,82

-

-

-

-

-

Total

79 000

42 096,5

5 %

954,15

9 %

76 000

36 410

5 %

876,83

Source : PAP, calculs du rapporteur

b) Les modèles innovants

Des outils spécifiques, plus adaptés à certains publics, existent par ailleurs.

Les contrats de professionnalisation inclusion sont un dispositif expérimental prévu par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel 8 ( * ) qui bénéficierait à 1 500 personnes. L'État et Pôle emploi cofinancent une aide au poste de 4 000 euros, le coût pour l'État étant estimé à 6 millions d'euros en 2020

Les « contrats-passerelles » consistent en la mise à disposition de salariés en fin de parcours dans une structure d'IAE au sein d'entreprises de droit commun, un accompagnement étant maintenu pendant six mois. Le PAP prévoit une dépense de 7,38 millions d'euros, pour 1 800 personnes accompagnées, le montant de l'aide au poste s'élevant à 4 100 euros.

Le Gouvernement entend par ailleurs mettre en place un « CDI inclusion seniors », qui aurait vocation à remplacer la dérogation à la durée maximale des contrats des CDD d'insertion dont bénéficient les personnes de plus de 55 ans. L'aide au poste serait abaissée à 70 % de son niveau actuel. Le nombre de personnes concernées serait de 700, le montant de l'aide au poste serait de 12 764 euros, pour un coût total de 8,93 millions d'euros.

c) Le Fonds départemental de l'insertion

Les crédits alloués au fonds départemental de l'insertion (FDI) progresseraient de près de 40 % (+ 6,4 millions d'euros).

d) Les exonérations en faveur des associations et chantiers d'insertion

En raison de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, l'exonération spécifique en faveur des ACI a été supprimée à compter de 2019, sauf pour celles dont la structure porteuse n'est pas éligible aux allègements généraux. Depuis 2019, les crédits budgétaires ne financent donc plus que la compensation des exonérations en faveur des ACI portées par une structure publique. Les crédits correspondant baisseraient de près de 41 % (- 7,7 millions d'euros).

Évolution des crédits dédiés au soutien du secteur de l'insertion
par l'activité économique

Crédits demandés

(en millions d'euros)

Évolution en M€

Évolution en %

PLF 2020

PLF 2019

Aide aux structures d'IAE

954,16

872,93

81,23

9,31 %

AI

25,55

30,04

- 4,49

- 14,95 %

ACI

690,19

639,19

51

7,98 %

EI

179,74

156,56

23,18

14,81 %

ETTI

55,86

47,14

8,72

18,50 %

EITI

2,82

2,82

Innovations

22,31

22,31

Contrat de professionnalisation inclusion

6

6

Contrats-passerelles

7,38

7,38

CDI inclusion seniors

8,93

8,93

Expérimentations

10

10

FDI

23,29

16,85

6,44

38,22 %

Exonérations ACI

11,28

19

- 7,72

- 40,63 %

Total

1021,06

908,78

112,26

12,35 %

Source : PAP, calculs du rapporteur

3. Une progression plus limitée des crédits en faveur de l'emploi des personnes handicapées

Les crédits dédiés à l'emploi des personnes handicapées s'établiraient à 407,47 millions d'euros contre 400,04 millions d'euros en 2019, soit une progression de 1,9 %.

L'essentiel de ces crédits (402,86 millions d'euros) servirait à financer les aides au poste dans les entreprises adaptées. Par ailleurs, comme en 2019, 4,6 millions d'euros seraient consacrés aux mesures en faveur des personnes handicapées dans le cadre des programmes régionaux pour l'insertion des travailleurs handicapés (PRITH).

4. Une progression des crédits accordés aux missions locales

Les crédits destinés à financer les missions locales dans le cadre des contrats pluriannuels d'objectifs (CPO) s'élèveraient à 211,94 millions d'euros, soit 7,1 % de plus qu'en 2019. Cette programmation tient notamment compte du financement de l'obligation de formation pour tous les jeunes de 16 à 18 ans, prévue par la loi pour une école de confiance 9 ( * ) , à laquelle les missions locales participeront à partir de la rentrée scolaire 2020. Les missions locales recevraient par ailleurs 160 millions d'euros au titre de l'accompagnement des jeunes dans le cadre de la garantie jeune, inscrits à l'action 3 du programme 102.

Les crédits dédiés aux écoles de la deuxième chance (E2C) s'élèveraient à 24 millions d'euros, soit le même niveau qu'en 2019. La subvention versée à l'établissement public d'insertion de la défense (Epide) passerait elle de 54,4 millions d'euros à 56 millions d'euros, l'ouverture d'un 20 ème site étant prévue en 2021.

Le PAP prévoit enfin 5 millions d'euros en faveur des actions de parrainage, qui n'étaient pas budgétés en 2019.

5. La poursuite de l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée

L'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (TZCLD), prévue par la loi du 29 février 2016 10 ( * ) , se poursuivrait en 2020 sur les dix territoires déterminés par l'arrêté du 24 novembre 2016 11 ( * ) .

Les crédits dédiés progresseraient de 6,1 millions d'euros pour s'établir à 28,5 millions d'euros.

Selon le PAP, ces crédits doivent permettre de financer 1 750 emplois en 2020 contre 1 270 en 2019.

Il est toutefois probable que ces projections surévaluent le nombre de bénéficiaires potentiels. En effet, fin juin 2019, le nombre de bénéficiaires s'élevait à 744, soit 656 ETP. Les réponses adressées à votre rapporteur par la DGEFP mentionnent au demeurant une cible de 1 000 équivalents temps plein (ETP) en fin d'année 2019, soit 787 ETP en moyenne annuelle, ce qui porterait le coût par ETP à 28 424 euros.

L'expérimentation TZCLD doit durer jusqu'en février 2021 sur les 10 territoires expérimentateurs. Votre rapporteur estime qu'il convient de prendre le temps d'une expérimentation sérieuse avant d'envisager son extension.

Une expérimentation dont l'extension doit être envisagée avec prudence

L'expérimentation TZCLD a pour objet l'embauche en contrat à durée indéterminée de chômeurs de longue durée par des entreprises de l'économie sociale et solidaire dans le cadre d'activités n'entrant pas en concurrence avec celles qui existent déjà sur le territoire.

Cette expérimentation est financée par l'État et, sur la base du volontariat, par les collectivités territoriales ou d'autres organismes publics et privés. Elle repose sur le principe de l'activation des différentes dépenses directes et indirectes liées au chômage de longue durée.

En 2020, le coût pour l'État représenterait 28,5 millions d'euros pour 1 750 bénéficiaires, soit, dans l'hypothèse où cette cible serait atteinte, une moyenne supérieure à 16 285 euros par personne et un coût par ETP probablement supérieur, en fonction de la nature des contrats conclus.

Il semble que le financement complémentaire apporté par les autres financeurs mentionnés par la loi du 29 février 2016 soit très variable d'un territoire expérimentateur à l'autre et en tout état de cause marginal, ce qui pose la question de la réalité de l'activation des dépenses.

Votre rapporteur conçoit assez bien qu'un dispositif consistant à embaucher, avec de l'argent public, tous les chômeurs d'un territoire peut avoir un impact positif pour les personnes concernées. Il comprend par ailleurs facilement que de nombreux élus locaux soient très favorables à ce que l'État finance des activités d'intérêt général employant les chômeurs de leur territoire.

Toutefois, la solution consistant à financer un emploi, à hauteur de 95 % du SMIC (soit un coût nettement supérieur à celui de la plupart des dispositifs d'insertion) et pour une durée indéterminée pour tous ceux qui en recherchent un apparaît difficilement soutenable à plus grande échelle.

Le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection des affaires sociales (Igas) remis le 27 novembre 2019 à la ministre du travail relève en effet que le gain direct pour les finances publiques « apparaît comme étant environ deux fois moindre qu'escompté », que le modèle économique des entreprises à but d'emploi créées dans le cadre de l'expérimentation continue de dépendre de financements complémentaires et que l'absence de concurrence avec des activités existantes est difficile à vérifier.

Si des décisions ont été annoncées par la ministre du Travail pour janvier 2020, une éventuelle extension de cette expérimentation nécessitera donc des améliorations substantielles de son fonctionnement.

6. Une légère baisse du soutien au secteur de l'aide sociale

Enfin, 10,4 millions d'euros seraient consacrés au soutien au secteur de l'aide sociale au travers de la compensation de l'exonération de cotisations patronales dont elles bénéficient. Cette dotation baisserait légèrement par rapport à 2019 (12,02 millions d'euros).

C. DES CRÉDITS PRÉSENTÉS COMME FINANÇANT LE PLAN D'INVESTISSEMENT DANS LES COMPÉTENCES QUI FINANCENT EN FAIT DES DISPOSITIFS DE DROIT COMMUN

Comme en 2019, l'action 3 du programme 102 comprend des crédits présentés comme participant au grand plan d'investissement dans les compétences (PIC) annoncé par le Gouvernement pour la période 2017-2022.

Ainsi que votre rapporteur le notait l'année dernière, les crédits inscrits au titre du PIC financeraient en fait des dispositifs qui existaient déjà, à savoir le parcours contractualisé vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) et sa modalité particulière que constitue la garantie jeune.

Il s'agit de dispositifs pérennes, et il semble exagéré, voire trompeur, de les présenter comme relevant d'un effort exceptionnel.

Ces crédits s'élèveraient en 2020 à 589,47 millions d'euros, soit une progression de plus de 10 millions d'euros.

En ce qui concerne la garantie jeune, le coût de l'accompagnement n'évoluant pas, cette progression serait liée à une légère augmentation du coût de l'allocation, qui est alignée sur le RSA, et du nombre de bénéficiaires, qui atteindrait 99 672 en moyenne annuelle, soit un niveau proche de la cible de 100 000 jeunes accompagnés.

Les prévisions retiennent par ailleurs une baisse du cofinancement européen et une légère progression des dépenses liées à l'allocation Pacea hors garantie jeune.

Par ailleurs, les crédits au titre de la rémunération de fin de formation (R2F) qui avaient été transférés vers l'action 3 ne sont plus mentionnés dans les prévisions de dépenses pour 2020.

Crédits demandés au titre du parcours contractualisé
vers l'emploi et l'autonomie (Pacea)

Crédits demandés pour 2020

Crédits 2019

Pacea-Garantie jeune

Accompagnement

160

153,08

Allocation

407,25

390,66

Co-financement européen

- 42,78

- 54 ,05

Total

524,47

489,69

Allocation Pacea

65

48

Rémunération de fin de formation

-

41,64

Total

589,47

579,33

Source : PAP

Une mesure de solidarité interministérielle qui brouille l'information du Parlement

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, les crédits de la mission Travail et emploi ont fait l'objet de modifications résumées dans le tableau ci-dessous :

Les explications fournies par le Gouvernement au sujet de l'amendement qu'il a déposé dans le cadre de la nouvelle délibération ne permettent pas de comprendre comment s'imputera la baisse de 40 millions d'euros prévue sur les crédits du programme 102.

II. L'ACTION PUBLIQUE TÉMOIGNE D'UN CERTAIN TATONNEMENT DU GOUVERNEMENT

A. DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX AIDES À L'EMBAUCHE QUI BAISSERAIENT MALGRÉ LA GÉNÉRALISATION DES EMPLOIS FRANCS

Les crédits dédiés à l'anticipation et à l'accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi devaient initialement s'élever à 301,8 millions d'euros, soit près de 100 millions d'euros de moins qu'en 2019 (- 24,4 %). Les crédits initialement prévus au titre de cette action ont été minorés de 5 millions d'euros au profit des maisons de l'emploi (action 1 du programme 102).

1. L'extinction de l'aide à l'embauche et la stabilité des crédits dédiés aux aides aux branches

L'aide à l'embauche en faveur des PME est un dispositif qui a été mis en extinction depuis le 1 er janvier 2018. Les crédits demandés à ce titre ne correspondent donc qu'aux paiements résiduels. Ils s'élèvent à 20 millions d'euros, contre 90 millions d'euros en 2019 et 1,09 milliard d'euros en 2018.

Les crédits correspondant au financement de l'appui des Direccte aux PME et TPE progresseraient pour atteindre 64,18 millions d'euros, dont 13,66 millions d'euros au titre des contrats de plan État-région (CPER), contre 58,61 millions d'euros en 2019.

Cette programmation tient compte d'une mesure de transfert vers le programme 162 des crédits du contrat de convergence et de transformation de la Guyane (0,33 million d'euros).

2. Une généralisation précipitée des emplois francs

Suite à l'échec d'une première version de ce dispositif, le Gouvernement persiste à promouvoir le dispositif des emplois francs prévu par la loi de finances pour 2018 12 ( * ) sous le quinquennat précédant. Ce dispositif consiste en une aide financière 13 ( * ) accordée aux employeurs recrutant des demandeurs d'emploi résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

a) Un dispositif assoupli et élargi en 2019 pour remédier à un démarrage difficile

Alors que le Gouvernement estimait que 12 000 à 15 000 contrats seraient signés la première année (soit entre le 1 er avril, date d'entrée en vigueur de l'expérimentation, et le 31 décembre), le rapport annuel de performances (RAP) de l'exercice indique que le nombre de contrats ayant débuté en 2018 s'élevait à un peu plus de 4 000 (3 600 demandes acceptées). Le taux d'exécution des crédits demandés en LFI s'est ainsi élevé à 11,5 % en AE et 32 % en CP.

Face à ces résultats décevants, le Gouvernement a cherché à créer les conditions d'une augmentation du nombre de contrats conclus en élargissant le champ géographique de l'expérimentation d'une part et en assouplissant les conditions d'éligibilité d'autre part.

Un arrêté du 22 mars 2019 14 ( * ) a ainsi étendu le périmètre de l'expérimentation à l'ensemble des QPV de deux régions et six départements de métropole, des départements d'outre-mer et de Saint-Martin 15 ( * ) . Ce sont donc 740 QPV au lieu de 194 qui sont concernés, soit la moitié des demandeurs d'emploi de catégories A, B et C résidant dans les QPV (400 000 personnes).

Un décret du 24 avril 2019 16 ( * ) a par ailleurs assoupli les conditions d'accès à l'aide en allongeant le délai pour la solliciter de deux à trois mois, en ouvrant le dispositif aux bénéficiaires d'un contrat de sécurisation professionnelle et en permettant la poursuite du versement de l'aide en cas de transformation d'un CDD en CDI ou de renouvellement d'un CDD.

b) Une généralisation malgré des résultats nettement en deçà des objectifs fixés

Au 13 octobre 2019, 9 631 demandes d'aide avaient été acceptées sur l'année glissante, dont 7 418 sur le périmètre initial et 2 153 sur les territoires ajoutés par l'arrêté du 22 mars 2019, portant le nombre total de demandes acceptées à 13 381.

Ces chiffres sont très éloignés des objectifs fixés avant même l'élargissement opéré en mars 2019, qui étaient de 25 000 contrats sur la durée de l'expérimentation (1 er avril 2018-31 décembre 2019).

Loin de déduire de ces résultats que l'expérimentation était un échec, et sans avoir rédigé le rapport d'évaluation qui devait être remis au Parlement avant le 15 septembre 2019 conformément à la LFSS pour 2018, le Gouvernement a annoncé la prorogation du dispositif jusqu'à fin 2020 et son extension à l'ensemble des QPV du territoire national. Alors que le l'expérimentation avait été autorisée par le législateur, cette prorogation et cette extension doivent être prévues par voie règlementaire.

La cible quantitative retenue par le Gouvernement traduit une forte révision à la baisse de son ambition.

En effet, au moment de lancer l'expérimentation sur 194 QPV et pour une durée de 20 mois, le Gouvernement espérait la conclusion de 25 000 contrats.

Malgré son extension en cours d'année 2019 puis sa généralisation à l'ensemble du territoire national, soit 1 438 QPV, à compter du 1 er janvier 2020, et alors que les critères d'attribution de l'aide ont été assoupli, le Gouvernement ne compte que sur la conclusion de 40 000 contrats entre le début de l'expérimentation et fin 2020.

L'objectif reste donc le même en termes de ratio de contrats par mois (1 250) alors même que le champ de l'expérimentation a été considérablement élargi. L'atteinte de cet objectif, qui supposerait la conclusion de près de 25 000 contrats entre octobre 2019 et décembre 2020, ne pourrait donc être interprétée comme un succès du dispositif 17 ( * ) .

NB : L'objectif de 25 000 contrats sur les 194 QPV du périmètre initial de l'expérimentation devait être atteint fin 2019. L'objectif de 40 000 contrats doit être atteint fin 2020, sur un périmètre qui serait élargi à l'ensemble des QPV de France à compter du 1 er janvier 2020, après avoir été élargi une première fois à 740 QPV en mars 2019.

Source : DGEFP, calculs du rapporteur

Votre rapporteur note au demeurant que malgré l'extension et les assouplissements institués en 2019 et la généralisation prévue en 2020, les crédits demandés baisseraient de 3,47 millions d'euros en AE et ne progresseraient que de 21,6 millions d'euros (+ 36 %) en CP.

Évolution des crédits demandés au titre des emplois francs (en M€)

Nombre de QPV concernés

Crédits demandé
en AE

(crédits consommés)

Crédits demandé
en CP

(crédits consommés)

LFI 2018

(expérimentation
du 1 er avril au 31 décembre)

194

180,08

(20,7)

11,72

(3,76)

LFI 2019

194 du 01/01
puis 740 du 28/03 au 31/12

237,06

58,61

PLF 2020

1 438

233,59

79,73

Source : PAP, DGEFP

Les emplois francs : un exemple du mauvais usage des expérimentations

Le dispositif expérimental des emplois francs est issu d'un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2018, déposé au stade de l'examen en séance publique. Il n'a donc pas fait l'objet d'une étude d'impact.

L'expérimentation autorisée par le Parlement devait être menée du 1 er avril 2018 au 31 décembre 2019, un rapport d'évaluation devant être remis par le Gouvernement au plus tard le 15 décembre 2019.

Cette évaluation n'a jamais été transmise au Parlement. Au demeurant, les conditions d'éligibilité et le spectre géographique de l'expérimentation ayant été modifiés en cours d'année 2019, il n'est pas possible d'analyser sérieusement ce dispositif sur une année pleine. Or, au vu des résultats nettement inférieurs aux objectifs fixés, une évaluation rigoureuse aurait été la bienvenue.

Le Gouvernement a néanmoins annoncé vouloir d'une part prolonger l'expérimentation jusqu'au 31 décembre 2020 et d'autre part l'étendre à la totalité des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce prolongement et cette extension doivent être prévus par voie règlementaire, sans que le Parlement soit consulté.

Cette méthode ne peut être satisfaisante ni du point de vue de la bonne gestion des deniers publics ni du point de vue de la bonne information du Parlement. La décision de prolonger l'expérimentation en doublant le nombre de bénéficiaires potentiels ne saurait, selon votre rapporteur, s'expliquer que par une volonté, qu'il hésite à qualifier de désespérée, de donner des résultats à un dispositif qui figurait dans le programme électoral du président de la République.

B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L'ALTERNANCE ET DES QUALIFICATIONS

1. La montée en charge de la réforme du financement de l'apprentissage

Les crédits de l'action 2 « Amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences »s progresseraient de plus de 368 millions d'euros pour s'établir à 1,39 milliard d'euros (+ 36 %).

Cette progression s'explique essentiellement par la montée en charge de la réforme de l'apprentissage prévue par la loi du 5 septembre 2018. En effet, alors que l'aide unique aux employeurs d'apprentis représentait 922,76 millions d'euros en autorisations d'engagement mais seulement 172,33 millions d'euros en crédits de paiement en 2019, le PAP pour 2020 prévoit 912,6 millions d'euros en AE et 661,72 millions d'euros en CP.

À l'inverse l'aide aux TPE recrutant un jeune apprenti est en voie d'extinction et représenterait 1,35 million d'euros en 2020 contre 192,7 millions d'euros en 2019.

Enfin, les exonérations de cotisations sociales en faveur de l'apprentissage représenteraient une dépense de 589,52 millions d'euros en 2020 contre 467,74 millions d'euros en 2019.

2. Une stabilité des crédits en faveur des opérateurs

Dans un contexte de restructuration de cet opérateur, la subvention pour charges de service public versée à l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) serait maintenue au même niveau qu'en 2018 et en 2019, soit 110 millions d'euros.

Le Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente (Centre Inffo) serait elle aussi maintenue, à 4,1 millions d'euros.

C. DES HÉSITATIONS REGRETTABLES DANS LA POLITIQUES DE SOUTIEN À L'EMPLOI

1. Des dispositifs de baisse du coût du travail finalement maintenus

Selon les documents annexés au projet de loi de finances, les crédits dédiés à la baisse du coût du travail devaient s'élever à 2,8 milliards d'euros, soit une baisse de 110,8 millions d'euros (- 4 %) par rapport à 2019. Cette baisse s'expliquait largement par les économies prévues au titre du recentrage, par l'article 79 du PLF, des dispositifs d'exonération en faveur des services d'aide à domicile employés par un public fragile, prévu.

Préalablement au dépôt du texte sur le bureau de l'Assemblée nationale, le Gouvernement a annoncé que cette mesure serait supprimée au cours de la procédure parlementaire. Ce revirement tardif n'a pas permis l'actualisation des documents budgétaires. Si votre rapporteur se félicite de la suppression de l'article 79, il note que les hésitations du Gouvernement nuisent à la sincérité des documents soumis au Parlement, même si ce n'est que marginalement.

Un amendement du Gouvernement a été adopté par l'Assemblée nationale afin de tirer les conséquences de la suppression de cet article.

L'ajustement des crédits demandés par le Gouvernement en cours d'examen du PLF

Le resserrement des exonérations de cotisations sociales initialement prévu par l'article 79 du PLF devait permettre une économie de 323 millions d'euros pour le budget de l'État mais de seulement 203 millions d'euros pour les finances publiques en raison d'un report sur les allègements généraux

Par ailleurs, au cours de l'examen du PLF par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a décidé de reporter l'entrée en vigueur du décret prévu au titre de la réforme de l'Acre, initialement prévu pour le mois d'octobre 2019 et qui ne serait finalement publié que le 1 er janvier 2020.

Afin de tenir compte de ces décisions, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement majorant les crédits demandés au titre du programme 103 à hauteur de 253 millions d'euros.

2. Un retour en arrière sur l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise

Les crédits dédiés aux dispositifs en faveur de la promotion de l'activité progresseraient de 220 millions d'euros pour atteindre 770 millions d'euros. Cette progression résulte essentiellement de la forte hausse des crédits dédiés à l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise (ACRE) 18 ( * ) , qui représentent 95 % des crédits de la sous-action.

Cette aide, qui prend la forme d'une exonération de cotisations sociales, concernait initialement les demandeurs d'emploi indemnisés créant ou reprenant une entreprise et a été progressivement étendu à plusieurs catégories de personnes, dont les bénéficiaires du RSA, les jeunes de 18 à 26 ans et les résidant des QPV.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 19 ( * ) a fait de ce dispositif le vecteur d'une « année blanche » durant laquelle les travailleurs indépendants créant ou reprenant une entreprise sont exonérés de cotisations sociales sur la fraction de revenus inférieure au plafond de la sécurité sociale (40 524 euros en 2019) 20 ( * ) . Cet élargissement de l'ACRE est entré en vigueur le 1 er janvier 2019.

Pour les micro-entrepreneurs, l'exonération est prolongée, de manière dégressive jusqu'à la troisième année 21 ( * ) .

Selon l'étude d'impact du PLFSS pour 2018, l'Acre devait bénéficier, au terme de sa montée en charge, à 350 000 personnes de plus, pour un coût supplémentaire de 320 millions d'euros 22 ( * ) .

La progression du nombre de bénéficiaires de l'ACRE, et donc des dépenses associées, a été nettement supérieure aux anticipations du Gouvernement, notamment en raison de la forte progression du nombre de micro-entreprises. Cette progression traduit, selon le Gouvernement, des effets d'aubaine importants, une partie substantielle des créations de micro-entreprises concernant des activités qui pourraient relever du salariat.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par la DGEFP, le coût du dispositif atteindrait, sans mesure nouvelle, 893 millions d'euros en 2020 et 1,4 milliard d'euros en 2022.

Face à cette explosion des coûts qu'il n'avait pas prévue, le Gouvernement souhaite resserrer les critères d'éligibilité à l'ACRE.

À cette fin, l'article 80 :

- revient sur l'élargissement opéré par la LFSS pour 2018 et limite, pour les micro-entrepreneurs, le bénéfice de l'ACRE aux publics mentionnés à l'article L. 5141-1 du code du travail 23 ( * ) ;

- supprime la possibilité pour le pouvoir règlementaire d'allonger la durée de l'exonération pour les micro-entrepreneurs ;

- réduit le montant de l'exonération dont bénéficient les micro-entrepreneurs afin de l'aligner sur celle qui est applicable aux autres travailleurs indépendants ;

- étend par ailleurs le bénéfice de l'ACRE aux conjoints collaborateurs des travailleurs indépendants non micro-entrepreneurs.

Ces mesures permettraient de contenir les dépenses liées à l'Acre, qui s'élèveraient, à 743,25 millions d'euros en 2020.

Votre rapporteur s'étonne du manque d'anticipation du Gouvernement. Il n'est en effet pas de bonne politique de modifier chaque année des dispositifs dont l'effet incitatif est conditionné par leur lisibilité et leur stabilité. Au demeurant, le resserrement opéré conduit à ce que l'ACRE soit moins favorable en 2020 qu'elle ne l'était avant son élargissement le 1 er janvier 2019, puisque l'exonération était alors dégressive sur trois ans pour les micro-entrepreneurs.

Il apparaît néanmoins à votre rapporteur que les avantages procurés par le statut de micro-entrepreneur peuvent susciter des effets d'aubaine et attirer des travailleurs vers une forme de travail moins protectrice sur le long terme. Il approuve donc le resserrement proposé par le Gouvernement avec une réserve.

Les micro-entrepreneurs ayant débuté leur activité en 2018 et 2020 pouvaient légitimement s'attendre à bénéficier de l'ACRE pour une durée de trois ans et ont pu intégrer cette attente dans leurs prévisions financières. Supprimer cette aide pourrait donc injustement créer des difficultés pour ces entrepreneurs. En outre, une telle modification du droit pourrait être contraire au principe d'espérance légitime protégé par le droit européen 24 ( * ) ainsi que par la jurisprudence administrative française 25 ( * ) .

Les autres éléments de dépense en faveur de la promotion de l'activité, qui représentent une part marginale des crédits de la sous-action, progresseraient également.

Crédits dédiés à la promotion de l'activité

Crédits demandés

(en millions d'euros)

Évolution en M€

Évolution en %

PLF 2020

PLF 2019

Fonds de cohésion sociale (FCS)

18

17

1

6%

Aide aux créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACRE)

743,25

527,55

215,7

41%

Développement des nouvelles formes d'emploi (FNE)

9

5,7

3,3

58%

Total

770,25

550,25

220

40%

Source : PAP, calculs du rapporteur

D. UN PLAN D'INVESTISSEMENT DANS LES COMPÉTENCES AU CONTENU FLOU

Les crédits dédiés au plan d'investissement dans les compétences au titre du développement de l'emploi sont regroupés dans l'action 4 du programme 103. Ils devaient s'élèver en 2020, selon les crédits initialement présentés, à 864,90 millions d'euros en autorisations d'engagement et 495,72 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 16,2 millions d'euros (+ 1,91 %) et 108 millions d'euros (+ 27,86 %) respectivement.

Ces crédits sont essentiellement transférés aux régions dans le cadre des pactes pluriannuels d'investissement dans les compétences (PPIC) conclus avec l'État 26 ( * ) .

Si le PAP présente les cinq axes stratégiques du PIC et précise qu'il comprend des actions visant à « accompagner les personnes les plus fragiles avant, pendant et après leur formation » et à « assurer la transformation qualitative et la modernisation de l'offre de formation », aucune information plus précise n'est fournie au Parlement sur l'affectation prévisionnelle des crédits demandés au titre du PIC. Votre rapporteur ne peut que le regretter.

Par ailleurs, la compensation budgétaire de la suppression de l'article 79 du PLF, qui prévoyait de réduire les exonérations dont bénéficient les publics fragiles ayant recours à des services à la personne, passerait par une moindre dépense au titre du PIC du fait du retard que prendraient certains projets. La moindre dépense serait de 120 millions d'euros, soit près d'un quart des crédits initialement demandés.

Cela appelle deux observations.

D'une part, au lieu de progresser, les crédits dédiés au PIC baisseraient donc de 3 %, après avoir déjà baissé de 9,5 % dans le PLF pour 2019 par rapport à la LFI pour 2018, même s'il est vrai que les crédits effectivement consommés en 2018 ont été inférieurs de 38 millions d'euros aux crédits votés.

Cette baisse interroge alors que le PIC doit constituer la réponse du Gouvernement au chômage.

D'autre part, votre rapporteur s'étonne que le Gouvernement découvre en cours d'examen du projet de loi que les crédits demandés sont en fait très nettement supérieurs aux dépenses prévues, alors même que ces dépenses ne sont pas détaillées. Cette gestion est de nature à susciter des doutes quant à la sincérité des documents fournis au Parlement.

Enfin, comme en 2019, les crédits budgétaires doivent être abondés par un fond de concours apporté par France compétences, dont le montant s'élèverait à 1,58 milliard d'euros, soit une progression de 3,2 %. Ce fonds de concours correspond en fait à une part de la contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle, qui était autrefois affectée au fonds de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) 27 ( * ) pour le financement de la formation des demandeurs d'emploi. Plus qu'un effort exceptionnel en faveur de la formation des publics éloignés de l'emploi, il s'agit donc plutôt d'une captation par l'État de ressources précédemment gérées de manière paritaire.

Le PIC : une présentation exagérée de l'effort budgétaire
en faveur de la formation des jeunes et des chômeurs

Le plan d'investissement dans les compétences est la composante du « Grand plan d'investissement » (GPI) portée par le ministère du Travail. Il doit être doté de 13,8  milliards d'euros pour la période 2018-2022 et doit permettre, aux termes du PAP, « de former et d'accompagner 2 millions de jeunes et demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés, tout en accélérant, par l'investissement, la transformation du système de formation professionnelle continue ».

Le PIC se compose notamment :

- des crédits dédiés au Pacea et à la garantie jeune, dispositifs de droit commun (programme 102) ;

- des crédits de l'action 4 du programme 103 dont l'affectation n'est pas précisée et qui doivent financer des projets sélectionnés dans le cadre PPIC ;

- des crédits issus de la contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle, qui étaient auparavant affectés au FPSPP ;

- de crédits relevant de fonction support du ministère du Travail (programme 155).

Présenté par le Gouvernement comme un effort exceptionnel, le PIC apparaît donc plutôt d'une part comme la labellisation de dispositifs déjà existants et d'autre part comme une réserve financière inscrite au budget de la mission Travail et emploi sans que son affectation précise soit décidée ex ante .

De plus, alors que les crédits votés pour 2018 au titre du programme 103 ont fait l'objet d'une sous-consommation de plus de 38 millions d'euros, le Gouvernement a fait adopter à l'Assemblée nationale un amendement réduisant les crédits demandés pour 2020 de 120 millions d'euros, au titre du retard pris dans la mise en oeuvre de certains des projets financés par le PIC. Il semble donc que les documents budgétaires donnent une image exagérée de l'ampleur de l'effort budgétaire consenti dans le cadre du PIC.

III. LES CRÉDITS DÉDIÉS AU FONCTIONNEMENT DU MINISTÈRE DU TRAVAIL SERAIENT GLOBALEMENT STABLES EN 2020

A. LES CRÉDITS DÉDIÉS À L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL ET AU DIALOGUE SOCIAL EN LIEN AVEC LA MESURE DE LA REPRÉSENTATIVITÉ DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET PROFESIONNELLES

Les crédits du programme 111 connaissent une évolution liée aux cycles de mesure de la représentativité des organisations syndicales et patronales.

1. Une stabilité des crédits alloués aux actions en faveur de la santé et de la sécurité au travail dans l'attente du PST 4

Les crédits dédiés à l'amélioration de la santé et de la sécurité au travail seraient stables et s'élèveraient en 2020 à 24,3 millions d'euros (- 0,57 %).

Ils recouvrent notamment les subventions versées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). Ces subventions baisseraient légèrement en 2020.

Évolution du montant des subventions
versées aux agences nationales relevant du programme 111

(en millions d'euros)

Crédits demandés PLF 2020

Crédits demandés PLF 2019

Anses

8,33

8,40

Anact

9,91

9,98

Source : PAP

Par ailleurs, le PAP prévoit, comme en 2019, 4,05 millions d'euros au titre du financement de recherches et d'actions d'appui aux entreprises et 2 millions d'euros versés au Fonds pour l'amélioration des conditions de travail (FACT).

L'année 2020 devra permettre la définition du 4 ème plan santé au travail (PST).

2. Une baisse des crédits dédiés à la formation des conseillers prud'hommes et des défenseurs syndicaux

Les crédits de l'action 2 « Qualité et effectivité du droit » sont fortement liés au coût associés à la désignation et à la formation des conseillers prud'hommes et des défenseurs syndicaux. Ils baisseraient de 18 % en 2020.

L'année 2020 serait marquée par des désignations complémentaires pour la période 2018-2021, entraînant une augmentation des crédits liés.

Les crédits dédiés à l'activité et à la formation des défenseurs syndicaux baisseraient fortement, une partie d'entre eux ayant déjà été formés depuis leur désignation.

Évolution des crédits dédiés à la qualité
et à l'effectivité du droit du travail

Crédits demandés

(en millions d'euros)

Évolution en M€

Évolution en %

PLF 2020

PLF 2019

Renouvellement des conseillers prud'hommes

1,79

0,21

1,58

752%

Formation des conseillers prud'hommes

12,14

12,78

- 0,64

- 5%

Conseillers du salarié
et subventions aux groupements et associations

1,31

1,31

0

0%

Défenseur syndical

2,09

6,9

- 4,81

- 70%

Total

17,33

21,2

- 3,87

- 18%

Source : PAP

3. Des besoins induits par la mesure de l'audience des organisations syndicales et patronales

L'action 3 « Dialogue social et démocratie sociale » regroupe presque 60 % des crédits du programme 111. Sa dotation progresserait de près de 36 % en 2020 pour atteindre 57,72 millions d'euros en lien avec le nouveau cycle de mesure de la représentativité des organisations syndicales et patronales.

Les crédits dédiés aux projets informatiques permettant la mesure de l'audience des organisations progresseraient ainsi de près de 200 %.

Par ailleurs, des crédits sont inscrits en 2020 pour le financement des formations communes prévues par la loi du 8 août 2016 dispensées par l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) et du dispositif « Ega-pro » prévus par la loi du 5 septembre 2018.

Évolution des crédits dédiés au dialogue social et à la démocratie sociale

Crédits demandés

(en millions d'euros)

Évolution en M€

Évolution en %

PLF 2020

PLF 2019

Projets informatiques
liés à la mesure de la représentativité

19,44

6,55

12,89

197 %

dont système MARS

2,8

2,38

0,42

18 %

dont système TPE

16

3,95

12,05

305 %

dont SI dédié à la mesure de l'audience des organisations patronales

0,64

0,22

0,42

191 %

Contribution de l'État
au financement des organisations syndicales et patronale

32,6

32,6

0

0 %

Financement
des organismes de formation économique, sociale et syndicale

1,4

1,4

0

0 %

Financement de formations communes

0,58

0

0,58

-

Aide au développement de la négociation collective

2

1,9

0,1

5 %

Dispositif « Ega-Pro »

1,7

0

1,7

Total

57,72

42,45

15,27

36 %

Source : PAP

B. LE MINISTÈRE DU TRAVAIL PARTICIPERAIT À LA MAÎTRISE DES COÛTS DE FONCTIONNEMENT ET DE PERSONNEL DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

1. Des dépenses moindres au titre des fonctions support du ministère du travail

L'année 2020 verrait une baisse des crédits dédiés aux fonctions supports des politiques menées par le ministère du travail, qui s'expliquerait en partie par un effet de périmètre au titre des actions 8 « Fonctionnement des services », et 10 « Affaires immobilières », les dépenses de fonctionnement et d'immobilier des Dieccte étant portées à compter de 2020 par le programme 354 « Administration territoriale de l'État » et les dépenses de l'administration centrale par le programme 124. Les crédits dédiés aux systèmes d'information, qui doivent notamment permettre la refonte du SI de l'inspection du travail, baisseraient de 8,9 %.

Les dépenses de communication et d'études statistiques seraient stables.

Évolution des crédits des actions du programme 155
(hors crédits de personnel)

Crédits demandés

(en millions d'euros)

Évolution en M€

Évolution en %

PLF 2020

PLF 2019

08 - Fonctionnement
des services

3,07

3,55

- 0,48

- 13,44%

09 - Systèmes d'information

15,45

16,95

- 1,5

- 8,85%

10 - Affaires immobilières

0

4,04

- 4,04

- 100,00%

11 - Communication

7,51

7,51

0

0,00%

12 - Études, statistiques évaluation et recherche

14,26

14,26

0

0,00%

Source : PAP

2. Une baisse marquée des crédits de personnel

Le programme 155 centralise l'ensemble des crédits de personnel du Ministère du Travail exerçant en cabinet et en administration centrale ainsi que dans les services déconcentrés (Direccte et Dieccte).

Le plafond d'emploi du programme baisserait de 253 ETPT pour atteindre 8 599 ETPT, et le solde des entrées et sorties prévues en 2020 serait de - 226 ETPT.

Les crédits de titre 2 correspondants baisseraient de 15,5 millions d'euros, soit 2,5 %.

Enfin, la politique des ressources humaines verrait ses crédits progresser de 4,06 % pour atteindre 29 millions d'euros dont 6,9 millions d'euros au titre de l'action sociale et 0,9 millions d'euros au titre de la formation. La subvention versée à l'Intefp s'élèverait à 13,9 millions d'euros, comme en 2019.

Évolution des crédits de personnel et des crédits
liés à la politique des ressources humaines

Plafond d'emplois

Crédits demandés PLF 2020 (M€)

Crédits demandés PLF 2019

(M€)

Évolution en M€

Évolution en %

13 - Politique des ressources humaines

-

29,01

27,88

+ 1,13

4,06 %

14 - Personnels mettant en oeuvre les politiques d'accès et retour à l'emploi

956

67,93

72,09

- 4,16

- 5,77 %

15 - Personnels mettant en oeuvre les politiques d'accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

1 191

83,48

85,83

- 2,35

- 2,74 %

16 - Personnels mettant en oeuvre les politiques d'amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

4 667

332,95

333,27

- 0,32

- 0,10 %

17 - Personnels de statistiques, études et recherche

265

21,36

21,75

- 0,39

- 1,79 %

18 - Personnels transversaux et de soutien

1 460

93,22

101,51

- 8,29

- 8,17 %

Total crédits de personnel

8 599

598,95

614,46

- 15,5

- 2,52 %

Source : PAP

3. Une hausse des crédits reçus du Fonds social européen

Le programme 155 comprend enfin une action retraçant les crédits reçus du Fonds social européen (FSE) au titre de l'assistance technique. Cette action est dotée uniquement d'un fonds de concours, à hauteur de 10,3 millions d'euros en 2020 contre 9,3 millions d'euros en 2019.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

___________

I. AUDITION DE MME MURIEL PÉNICAUD,
MINISTRE DU TRAVAIL

M. Alain Milon , président . - Je suis heureux d'accueillir cet après-midi Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, pour la présentation des crédits de la mission « Travail et emploi » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Je rappelle que ces crédits seront examinés par notre commission sur le rapport pour avis de notre collègue Michel Forissier et qu'ils seront examinés en séance publique dans l'après-midi du lundi 2 décembre.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » représentent 12,6 milliards d'euros et traduisent, après la réforme du marché du travail et de la formation professionnelle conduite par le Gouvernement, les orientations données à la politique de l'emploi : baisse des contrats aidés, diminution des exonérations ciblées, investissement dans les compétences, mais maintien de dispositifs d'aides directes comme les « territoires zéro chômeur » ou les emplois francs. Cette audition nous donnera l'occasion de faire le point sur les politiques de l'emploi, mais aussi sur la réforme de l'assurance chômage que notre commission suit avec attention.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Je suis ravie de vous retrouver pour répondre à vos questions sur la mission « Travail et emploi ». Je rappellerai tout d'abord en quelques mots la philosophie générale de notre action que porte ce budget.

Comme vous le savez, au cours des deux dernières années, nous avons posé les fondations d'une nouvelle politique de l'emploi fondée sur les compétences et la liberté donnée aux acteurs, au travers notamment des ordonnances révisant le code du travail, la réforme de l'apprentissage et de la formation, le plan d'investissement dans les compétences (PIC) et la réforme de l'assurance chômage.

La clé de voûte de notre politique est l'émancipation par le travail et la formation. L'année 2020 sera l'année de l'approfondissement de la mise en oeuvre opérationnelle de la transformation de la politique de l'emploi et de la montée en charge des dispositifs issus de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

C'est dans cet esprit de transformation, en multipliant les déplacements sur le terrain et en favorisant le dialogue avec les acteurs, que j'ai construit le budget de l'emploi et de la formation professionnelle. En 2020, le budget global de la mission « Travail et emploi » s'élève à 13,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 13 milliards d'euros en crédit de paiement (CP).

Il progresse par rapport à 2019, avec une stabilisation des AE et une progression de 210 millions d'euros des CP, marquant la volonté du Gouvernement de poursuivre les efforts de transformation et de les voir s'inscrire de façon concrète dans la vie de nos concitoyens.

Nous donnons la priorité à l'inclusion dans l'emploi. L'insertion par l'activité économique (IAE) constitue le premier volet de cette politique. Au moment où la croissance repart et que le chômage recule, il est primordial que les personnes les plus vulnérables soient replacées au coeur des politiques d'inclusion en cohérence avec l'objectif d'émancipation porté par la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Cette stratégie trouve son aboutissement dans le Pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique. Il est le fruit d'une concertation de plus de six mois avec les représentants du secteur et a été présenté au Président de la République le 10 septembre dernier, à Bonneuil-sur-Marne. Ainsi, le budget pour 2020 prévoit une augmentation historique du financement des aides au poste dans les structures de l'insertion par l'activité économique : 83 000 équivalents temps plein (ETP) seront financés dans le cadre du Fonds d'inclusion dans l'emploi, soit environ 7 000 ETP de plus que dans la loi de finances initiale pour 2019. Notre objectif est que 15 000 à 20 000 personnes de plus puissent accéder à l'insertion par l'activité économique dès 2020, car elle donne de très bons résultats avec un taux d'insertion de plus de 60 %. Pour cela, le budget est augmenté de 120 millions d'euros, dépassant pour la première fois la barre symbolique du milliard d'euros. À l'horizon de 2022, nous espérons que 100 000 personnes auront bénéficié de ce dispositif.

Le deuxième volet repose sur le développement des entreprises adaptées. En cette semaine pour l'emploi des personnes handicapées, permettez-moi de rappeler l'engagement fort du Gouvernement en faveur de l'inclusion dans l'emploi des personnes handicapées. J'ai d'ailleurs installé lundi, avec mes collègues Sophie Cluzel et Olivier Dussopt, le comité de suivi et d'évaluation de la réforme de la politique d'emploi des personnes handicapées. Le projet de loi de finances réaffirme l'engagement du Gouvernement en faveur des entreprises adaptées qui jouent un rôle essentiel pour l'insertion des personnes handicapées les plus éloignées de l'emploi, comme j'ai pu le constater à plusieurs reprises, sur le terrain, à l'invitation du président de l'Union nationale des entreprises adaptées (UNEA), Cyril Gayssot, tant, le 26 avril, dans l'Entreprise FMS, à Saint-Geours-de-Maremne dans les Landes, que le 10 octobre dernier, lors du lancement à Pau, de l'Inclusive tour. J'ai aussi pu mesurer à nouveau, à ces occasions, la nécessité d'une transformation et les attentes du secteur. C'est précisément le sens de l'engagement national « Cap vers l'entreprise inclusive 2018-2022 », que nous avions signé avec Sophie Cluzel, le 12 juillet 2018, avec l'UNEA, l'APF France Handicap et l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei). Son ambition, sans précédent, est de changer d'échelle et de doubler, d'ici à 2022, le nombre de personnes en situation de handicap en emploi grâce aux entreprises adaptées, soit de passer de 40 000 à 80 000 personnes.

L'appui financier de l'État à la transformation des entreprises adaptées se poursuit donc, en 2020, avec un budget de 403 millions d'euros, en augmentation de 7 millions par rapport à 2019. Au total, nous voulons, grâce à ce budget et à la contribution de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (l'Agefiph), que 6 000 à 10 000 personnes supplémentaires accèdent aux entreprises adaptées dès 2020. Parallèlement, le PIC crée un système d'incitation à la formation des travailleurs handicapés - 8 % des formations leur sont réservées - pendant la durée de leur CDD tremplin ou contrat de mission.

Ces efforts sont complétés par 100 000 nouveaux parcours emploi compétences (PEC), qui remplacent les contrats aidés. Dès l'été 2017, le Gouvernement a décidé, en effet, de recentrer les contrats aidés afin d'en faire de véritables outils d'insertion durable dans l'emploi, avec un accent mis sur la qualité de la formation plutôt que sur la quantité. Les premiers résultats sont là : le taux d'insertion dans l'emploi durable à l'issue d'un contrat aidé a progressé de cinq points entre fin 2017 et fin 2018. L'effort de transformation de ces contrats s'est poursuivi, avec le déploiement des PEC qui renforcent davantage encore les engagements des employeurs, ainsi que la formation et l'accompagnement des salariés pendant la durée des contrats.

L'expérimentation des emplois francs, lancée le 1 er avril 2018, se poursuit et sera généralisée, début 2020, à l'ensemble des quartiers relevant de la politique de la ville (QPV). L'enjeu est de lutter contre les discriminations à l'embauche dont sont victimes les habitants de ces quartiers. Le budget prévoit une enveloppe de 233,6 millions d'euros en AE et 80 millions d'euros en CP pour financer ce dispositif. Nous visons 40 000 personnes en contrat fin 2020.

L'expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » bénéficiera d'un budget de 28,5 millions d'euros, en progression de 6 millions par rapport à l'an dernier. J'ai rencontré Laurent Grandguillaume, président de l'association « Territoires zéro chômeur de longue durée », Michel de Virville et Louis Gallois. Nous avons eu un échange très constructif. Nous partageons la conviction qu'il s'agit d'un dispositif innovant, qu'il faut soutenir et développer. Lundi prochain, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), d'une part, et le comité scientifique d'autre part, nous remettront chacun un rapport d'évaluation à mi-parcours sur la base desquels nous engagerons une discussion avec les acteurs pour améliorer l'expérimentation, la prolonger et la développer. Cette évaluation, qui, d'après la loi, n'aurait dû être réalisée que l'année prochaine, a été anticipée à la demande des acteurs.

J'en viens aux acteurs de l'accompagnement. Opérateurs essentiels de l'accompagnement et de l'insertion des jeunes, les missions locales bénéficieront d'une inscription de crédits à hauteur de 371,94 millions d'euros en 2020, soit une hausse de 21 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Ces financements assurent la mise en oeuvre de la stratégie pluriannuelle de performance des missions locales. Ils sont désormais globalisés en gestion et couvrent à la fois la convention pluriannuelle d'objectifs et l'accompagnement des jeunes qui bénéficient de la Garantie jeunes.

Cette globalisation des crédits introduit plus de souplesse et favorise une approche décloisonnée des dispositifs. Le montant prévu en 2020 intègre aussi le financement de la mise en oeuvre de l'obligation de formation, instaurée par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Je rencontrerai d'ailleurs vendredi prochain, à Metz, les responsables de la mission locale, qui m'est chère, et les jeunes bénéficiaires des actions de la mission.

S'agissant de la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi, le budget prévoit un montant de 1 235,9 millions d'euros, soit une baisse de 136,8 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Cependant, cette baisse est plus que compensée par l'augmentation de la contribution de l'Unédic, qui progresse sous l'effet conjugué du dynamisme de la masse salariale et du passage de 10 % à 11 % des contributions d'assurance chômage qui lui sont affectées. Pôle emploi disposera de 622 millions d'euros de ressources supplémentaires en 2020. Celles-ci lui permettront de mettre en oeuvre les évolutions issues de la loi du 5 septembre 2018 et surtout de transformer ses modalités d'accompagnement, conformément à la convention tripartite entre l'État, l'Unédic et Pôle emploi, signée à l'issue d'une large concertation avec les partenaires sociaux.

S'agissant des maisons de l'emploi, nous avons échangé avec le réseau Alliance Villes Emploi, présidé par Nathalie Delattre, sur la nécessité de poursuivre l'effort de transformation du réseau. Aussi, comme je l'avais indiqué dès mon audition par la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, j'ai donné un avis favorable à un amendement autorisant un financement à hauteur de 5 millions d'euros pour 2020, soit au même niveau qu'en 2019. Il permettra d'accompagner l'évolution des maisons de l'emploi, en leur donnant une meilleure visibilité et une capacité accrue pour candidater à des appels à projets dans le cadre du PIC pour développer des projets innovants.

Nous poursuivrons aussi la montée en puissance du PIC, avec un nouvel engagement de près de 3 milliards d'euros, financé, à parts égales, par des crédits budgétaires et par la contribution des entreprises, via France compétences. L'année 2020 doit ainsi constituer l'année du plein déploiement des actions.

Les crédits seront mobilisés dans quatre directions. Tout d'abord pour mettre en oeuvre des parcours de formation qui seront déployés dans le cadre des pactes régionaux sur la période 2019-2022, 1,7 milliard d'euros sont ainsi provisionnés pour la seule année 2020.

Il s'agit aussi de consolider les mesures d'accompagnement des jeunes du Parcours contractualisé d'accompagnement vers l'autonomie et l'emploi (Pacea) et d'atteindre l'objectif de 100 000 jeunes bénéficiant de la Garantie jeunes. Ces mesures représenteront environ 575 millions d'euros en 2020. Le PIC permettra également de renforcer les capacités d'accueil dans les écoles de la deuxième chance (E2C) et les établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide).

Les crédits permettront également de repérer les invisibles, les jeunes sans emploi ni formation, qui ne sont pas suivis par le service public de l'emploi, pour mieux les accompagner et les former : près de 60 millions d'euros seront investis en 2020 pour financer la mise en place d'actions de repérage de ces jeunes décrocheurs dans le cadre d'un appel à projets « Repérage ».

Enfin, il s'agit de promouvoir les expérimentations portant des approches innovantes sur des problématiques ciblées, telles que la remobilisation et le retour à l'emploi dans les QPV par l'appel à projets « 100 % inclusion » ou la préparation à l'apprentissage. L'expérimentation du parcours intégré d'insertion « hébergement, orientation et parcours vers l'emploi » (HOPE) se poursuivra au profit de 1 500 réfugiés bénéficiaires d'une protection internationale, avec un taux d'embauche de 90 %.

La mise en oeuvre de la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage se poursuivra en 2020. L'année 2019 aura été une année de profonde transition, avec la mise en place de France Compétences ou encore la création de onze nouveaux opérateurs de compétences (OPCO), à la place des 20 organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) préexistants, avec des missions recentrées sur le développement de l'apprentissage et l'appui aux TPE. L'année dernière a aussi vu le déploiement du nouveau compte personnel de formation, « Mon Compte Formation », qui trouvera son aboutissement demain, avec le lancement d'une application mobile dédiée. Cette application sera un élément clé du mouvement de transformation de la formation professionnelle que nous avons initié, donnant accès à 26 millions d'actifs à leurs droits et au choix de leur formation.

Les crédits du programme 111 augmentent sensiblement pour pouvoir financer l'organisation des élections syndicales visant à déterminer l'audience syndicale dans les petites entreprises.

Au-delà, mon ministère poursuit ses efforts dans le cadre de l'objectif gouvernemental global de réduction des effectifs. En 2020, la baisse sera de 226 emplois soit un taux d'effort de 2,6 %, identique à celui de 2019.

Cet effort s'inscrit plus largement dans le cadre de la réorganisation des services territoriaux de l'État initiée cette année par le Premier ministre. Un nouveau service public de l'insertion, sous l'autorité des préfets, regroupera l'ensemble des compétences contribuant à l'accompagnement, de l'hébergement d'urgence à l'insertion par l'activité économique jusqu'à l'emploi.

Enfin, le ministère relèvera le défi du numérique par le biais de la modernisation des systèmes d'information du ministère et surtout le lancement du code du travail numérique au 1 er janvier 2020.

Un mot pour conclure sur les articles rattachés. La réforme de l'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise (Acre) s'inscrit dans la même volonté de recentrer les crédits vers les personnes les plus éloignées de l'emploi. L'Acre est une exonération totale de cotisations de sécurité sociale, hors CSG et CRDS, pour la première année d'activité. Initialement réservée aux demandeurs d'emploi qui créent leur activité, elle bénéficie, depuis le 1 er janvier dernier, à tous les créateurs d'entreprise, quelle que soit leur situation, y compris pour la création d'une micro-entreprise. Le projet de loi de finances prévoit un ajustement du dispositif pour réduire les effets d'aubaine identifiés, et ainsi maîtriser le montant de l'exonération de début d'activité, recentrer le mécanisme sur le public initialement visé, c'est-à-dire les créateurs et repreneurs d'entreprise donnant lieu à une activité économique nouvelle, et enfin rétablir l'équité entre les travailleurs indépendants, en alignant le niveau d'exonération pour les micro-entrepreneurs sur celui des travailleurs indépendants. L'exonération sera également limitée à un an pour tout le monde. Ces deux mesures sont prévues par un décret qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2020. Le PLF réserve par ailleurs l'exonération pour les micro-entrepreneurs aux chômeurs créateurs d'entreprises à compter de 2020 afin de cibler l'aide sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Les crédits prévus pour financer cette mesure s'élèvent à 743 millions d'euros, soit une progression conséquente de 216 millions d'euros par rapport à l'an passé, malgré la réforme.

Ensuite, comme vous le savez, nous avons décidé de stabiliser les exonérations de charges pour les services à la personne pour les personnes de 70 ans et plus, quel que soit leur niveau de revenu, que ces personnes soient dépendantes ou non. Pour financer cette stabilisation, nous avons recherché des économies de l'ordre de 120 millions d'euros. En effet, la suppression envisagée de ces exonérations entraînait un coût pour la sécurité sociale à hauteur du report sur les allègements généraux de charges sociales estimé à 125 millions d'euros, ramenant l'économie à 198 millions d'euros. Après prise en compte du crédit d'impôt, qui aurait été plus élevé puisque les bénéficiaires de l'exonération auraient payé plus cher la prestation après suppression de l'exonération et auraient donc bénéficié d'un crédit d'impôt supérieur, l'économie pour l'ensemble des administrations publiques était estimée à 101 millions d'euros au titre de 2020. À compter de 2021, l'économie nette totale toutes administrations publiques confondues et après prise en compte de l'effet sur le crédit d'impôt, était estimée à environ 120 millions d'euros par an.

Ce sont ainsi 120 millions d'euros d'économies qui ont été recherchées sur le budget de la mission « Travail emploi », et que nous pouvons intégrer sur le PIC, en raison de son caractère pluriannuel. Le léger retard pris sur certains projets permet de décaler le lancement de certaines formations du dernier trimestre 2020 au premier trimestre 2021, permettant ainsi de réaliser les économies, sans pénaliser les demandeurs d'emploi. C'est le sens des amendements déposés par le Gouvernement et votés par l'Assemblée nationale le 6 novembre dernier.

En conclusion, ce budget porte deux grandes ambitions : intensifier l'effort d'inclusion et d'émancipation par l'emploi, d'une part, et stimuler la création d'emplois, grâce à la réforme de l'alternance et de la formation professionnelle, d'autre part.

- Présidence de M. René-Paul Savary, vice-président -

M. René-Paul Savary , président. - Vous l'aurez compris, nous sommes très attentifs à la question des exonérations à cause de ses effets sur le projet de loi de finances de sécurité sociale, de même qu'aux mesures visant les cotisations retraite des micro-entrepreneurs.

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis . - Le budget de la mission « Travail et emploi » avait connu une baisse très importante l'an dernier, mais cette baisse résultait largement d'effets de périmètre et de mesures décidées au cours des exercices précédents. En 2020, le budget serait stable, et progresserait même légèrement, dans un contexte où le chômage reste élevé. Je note d'ailleurs que les derniers chiffres de l'Insee font apparaître une légère hausse du taux de chômage.

J'approuve globalement la philosophie qui vous a conduit à resserrer le recours aux contrats aidés et à promouvoir les structures d'insertion par l'activité économique et la formation des demandeurs d'emploi. Je m'interroge toutefois sur votre insistance, qui pourrait passer pour de l'obstination, à essayer de faire décoller les emplois francs. Vous ne cessez d'élargir le dispositif pour tenter d'atteindre les cibles que vous vous fixez, au risque de créer des effets d'aubaine. Or, il me semble que les décisions d'embauche des entreprises dépendent essentiellement de leurs besoins et des compétences qu'elles trouvent, et non d'une aide temporaire de quelques milliers d'euros. N'est-il donc pas temps d'arrêter les frais, et d'admettre que les emplois francs, même s'ils sont une idée du président de la République, sont un échec ?

L'année dernière, vous avez largement ouvert les vannes de l'Acre. Vous constatez cette année que son coût explose. N'était-ce pas prévisible ? Vous souhaitez resserrer le dispositif, mais cela vous conduit à retirer le bénéfice de cette aide au-delà de la première année à des entrepreneurs qui comptaient dessus. N'est-ce pas contraire au principe d'espérance légitime ?

Comme l'année dernière, le projet de loi de finances ne prévoyait pas de crédit en faveur des maisons de l'emploi. Comme l'année dernière, l'Assemblée nationale a prévu une enveloppe de 5 millions d'euros. Il me semble que cette enveloppe est insuffisante. Seriez-vous disposée à accepter un amendement qui la porterait à 10 millions d'euros ?

Ma dernière question porte sur un article qui n'est pas rattaché à la mission, mais qui intéresse la commission des affaires sociales. L'article 51 met en oeuvre la taxation des CDD d'usage annoncée dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage. L'Assemblée nationale a adopté un amendement aux termes duquel seuls les secteurs qui n'ont pas conclu un accord visant à lutter contre les contrats courts seront concernés. Avez-vous étudié les conséquences financières de cet amendement ? Un nombre important de secteurs font valoir que les contrats à durée déterminée d'usage (CDDU), sont nécessaires en raison de la nature de leur activité. Êtes-vous prête à épargner certains secteurs de cette taxation, comme c'est d'ailleurs le cas pour le système de bonus-malus ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Je tiens à rappeler, tout d'abord, que le taux de chômage a baissé de 0,5 % et 150 000 demandeurs d'emploi ont retrouvé un travail depuis un an, qui s'ajoutent aux 300 000 personnes qui en avaient déjà retrouvé un depuis le début du quinquennat.

Les emplois francs ont mis du temps à décoller, mais durant le précédent quinquennat, seuls 300 contrats ont été signés au total, même si le dispositif était un peu différent. Le dispositif est maintenant bien lancé : entre 15 000 et 18 000 contrats devraient avoir été signés avant la fin de l'année. Le décollage a été lent, car l'expérimentation était initialement limitée à certains quartiers et nous avons eu du mal à faire connaître le dispositif, tant aux entreprises qu'aux personnes visées. L'élargissement à des départements entiers lui a donné un nouveau souffle. Dans un monde idéal, un tel mécanisme ne devrait pas exister, je vous l'accorde, car on ne devrait recruter qu'en se fondant sur la compétence, mais la réalité est qu'à qualification ou expérience égales, les personnes des quartiers prioritaires de la ville ont 2,5 fois moins de chances d'être embauchées. Il est un peu étrange de devoir intéresser financièrement les entreprises, mais si cela permet de casser des stéréotypes et de faciliter l'accès à l'emploi, pourquoi pas ! D'ailleurs, les retours sur les premières cohortes montrent un taux de 80 % de CDI ; une fois passée la barrière de l'embauche, la carrière se poursuit avec succès. J'espère qu'un jour les discriminations auront cessé et qu'un tel dispositif n'aura plus de raisons d'être.

En ce qui concerne l'Acre, nous avions expérimenté le passage à trois ans : on a constaté des effets d'aubaine et des effets de distorsion importants, relevés par les artisans, car des salariés devenaient micro-entrepreneurs pour baisser le coût du travail. Donc nous avons réduit l'aide à la première année d'installation, où les coûts sont les plus importants, pour soutenir vraiment le démarrage, et on a aligné les régimes des micro-entrepreneurs et des indépendants pour supprimer les formes de concurrence déloyale, comme celles observées dans le bâtiment.

Les maisons de l'emploi doivent évoluer, elles avaient été créées à une époque où le service public de l'emploi et Pôle emploi n'existaient pas. Elles offrent une palette de services différents d'un lieu à l'autre, ce qui est très bien, car elles répondent à des initiatives locales. Leur diversité constitue leur richesse et je ne crois pas qu'il faille faire un jardin à la française en la matière. Mais le réseau reconnaît que des évolutions sont nécessaires pour mieux s'insérer dans tous les dispositifs. Le montant de 5 millions d'euros paraît adapté à cet égard. De plus, nouveauté, des maisons de l'emploi ont remporté des appels d'offres dans le cadre du PIC, ce qui leur fournira des ressources supplémentaires.

Les CDD d'usage ont été créés pour des secteurs où l'activité est très fluctuante, difficile à prévoir, mais il y a eu une dérive. Alors que le décret ne vise que treize secteurs, ils sont plus du double à y recourir. De plus, ces CDD sont devenus une solution de facilité pour certaines entreprises qui se dispensent de mener une vraie gestion de ressources humaines, si vous me permettez de rappeler un épisode de ma vie professionnelle, préférant recruter des personnes dans le cadre de CDD d'usage, sans prime de précarité ni priorité à l'embauche et sans délai de carence. Certaines entreprises embauchent pendant 100 jours, voire davantage, la même personne en CDD d'une journée ou de plusieurs demi-journées ! Il y a des abus manifestes. C'est pour cela que nous avons décidé d'instaurer une taxe de 10 euros par contrat. Cela n'aura guère d'incidence pour un contrat de six mois, mais cela sera dissuasif pour ceux qui embauchent la même personne en multipliant les contrats à la journée. Il est vrai que cette mesure peut soulever des difficultés dans certains secteurs, comme le transport. C'est pourquoi l'amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoit que les secteurs qui auront négocié un accord paritaire, comme l'ont fait les déménageurs, pour éviter les abus, en garantissant un minimum d'heures ou en prévoyant une proposition de CDI si la durée de travail s'allonge, seront exonérés de la taxe. C'est donc un encouragement à la négociation collective, en alliant sécurité et flexibilité.

M. Philippe Mouiller . - Je veux tout d'abord saluer l'effort en faveur des entreprises adaptées. Mais certaines rencontrent des difficultés de trésorerie à cause du décalage dans le temps du versement des aides. Je voulais aussi vous faire part d'une difficulté dans l'application de la réforme de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés (OETH), notamment concernant les personnes lourdement handicapées. Un certain nombre d'entreprises ont mis en place des contrats de travail prévoyant le télétravail à domicile pour profiter de la bonification en cas d'embauche d'une personne handicapée. La suppression de la bonification met en péril de nombreux emplois, car les entreprises préfèrent travailler différemment. Il s'agit de publics déjà très défavorisés qui avaient pu bénéficier parfois de 5 heures ou 10 heures de travail par semaine et qui risquent de perdre leur emploi.

En ce qui concerne la réforme de l'assurance chômage, avez-vous pu évaluer le nombre des personnes qui, n'ayant plus droit à indemnité, quitteront le champ de l'assurance chômage et glisseront vers les dispositifs relevant de la solidarité nationale ? L'impact de cette réforme n'est pas chiffré dans la mission « Solidarité, insertion et égalité ».

Le budget consacré à la prime d'activité augmente. Comment appréciez-vous l'efficacité de ce dispositif ?

Je suis membre du conseil d'administration du Fonds d'expérimentation contre le chômage de longue durée présidé par Louis Gallois. Nous attendons avec impatience votre analyse, après lecture des rapports d'évaluation de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Le Président de la République avait annoncé une extension de l'expérimentation à 40 nouveaux territoires. Avez-vous anticipé cette extension sur le plan budgétaire ?

Mme Frédérique Puissat . - Lorsque nous avons commencé l'examen du projet de loi de finances la convention tripartite entre l'État, l'Unédic et Pôle emploi n'avait pas encore été signée. Pourriez-vous nous donner des précisions sur son contenu et les indicateurs retenus ? Vous annoncez une progression de 1 000 emplois, sur trois ans, à Pôle emploi, mais la loi de finances initiale pour 2019 prévoyait une suppression de 400 emplois. Quel sera donc le nombre d'emplois créés ? Ces emplois auront un coût et ce n'est pas la subvention pour charges de service public, qui baisse de 136 millions d'euros, qui permettra de l'assurer... L'Unédic sera donc mise à contribution. Cette dépendance accrue à l'égard des ressources de l'assurance chômage ne risque-t-elle pas de fragiliser Pôle emploi : en cas de retournement de conjoncture, l'organisme devra accompagner plus de demandeurs d'emploi tandis que ces moyens diminueront du fait de la chute des ressources de l'Unédic. Je crains un effet ciseaux.

J'en viens à la gouvernance des organisations syndicales. L'année 2020 sera marquée par la préparation du nouveau cycle de mesures concernant la représentation des organisations syndicales et patronales. Nous avons été saisis de demandes visant à modifier les règles de la représentation patronale. Envisagez-vous des évolutions à cet égard ?

Chacun a constaté les dérives auxquelles donnait lieu le CDD d'usage. Ne faudrait-il pas remettre à plat ce dispositif ? La taxe de 10 euros peut sembler anecdotique pour certains contrats. Vous avez accepté un amendement à l'Assemblée nationale. Certains syndicats trouvent qu'il manque de précision. Accepteriez-vous qu'on le retravaille au Sénat, notamment pour éviter le risque d'applications très différentes d'un territoire à l'autre ?

Mme Nadine Grelet-Certenais . - Votre priorité est l'inclusion dans l'emploi et l'insertion par l'activité économique. Les statistiques du chômage sont à prendre avec beaucoup de précautions à cause de la hausse des emplois précaires, liée aux politiques de flexibilisation de l'emploi. Je rappelle, par exemple, que la part des CDD de moins d'un mois s'est établie, en 2017, à 83 %.

Parallèlement, on note une baisse constante des effectifs du ministère du travail et une baisse des moyens alloués à l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui avait su pourtant combiner quantité et qualité en matière de formations, avec un taux d'entrée en emploi supérieur à la moyenne des organismes de formation.

Je suis attachée à l'expérimentation « Territoire zéro chômeur », qui a suscité énormément d'espoirs dans nos territoires et notamment les territoires ruraux. Les acteurs que j'ai rencontrés, lors d'un déplacement dans la Nièvre, par exemple, ou ailleurs, m'ont témoigné que l'expérience avait un effet positif sur les territoires et aboutissait à la création d'emplois locaux. Le projet de loi de finances prévoit une enveloppe de 6 millions, c'est sans doute insuffisant au regard des attentes. Ces crédits sont fléchés principalement vers l'association gestionnaire du fonds d'expérimentation. Le taux de prise en charge par l'État a baissé, ce qui compromet l'équilibre fragile de certaines expérimentations en cours. Le nombre d'expérimentations devait être multiplié par dix. Le Gouvernement entend-il étendre l'expérimentation à d'autres territoires ? Que puis-je répondre à tous ceux qui, dans la Sarthe notamment, attendent avec fébrilité vos annonces ?

Mme Catherine Fournier . - Mes questions porteront sur l'enveloppe qui sera affectée aux régions pour l'apprentissage, la formation et l'orientation. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis aux régions de contribuer, pour des besoins d'aménagement du territoire, au financement de certains centres de formation des apprentis, à la fois en termes de fonctionnement et d'investissement. Lors du congrès des régions de France, le Premier ministre a confirmé trois enveloppes : la première, destinée à la compensation du transfert de la compétence apprentissage, était de 220 millions d'euros, alors que le Gouvernement avait promis 280 millions initialement ; nous voulons la porter à 230 millions ; une deuxième enveloppe, dotée de 138 millions d'euros, très importante, contribue à financer le passage des coûts préfectoraux aux coûts au contrat ; et, enfin, une enveloppe de 180 millions d'euros pour les investissements. Il n'appartiendrait plus à l'État de répartir les enveloppes, mais à France compétences. Après le rapport de la mission d'inspection, l'engagement avait été pris que le fonctionnement relèverait de contrats de trois ans et l'investissement de contrats de cinq ans. Cet engagement de l'État sera-t-il tenu par France compétences ?

Ensuite quand les régions connaîtront-elles leurs compensations financières pour mettre en place leurs nouvelles compétences en matière d'orientation ? La région Hauts-de-France ne connaît pas encore le montant exact des participations, surtout pour l'investissement, et nous sommes en train de préparer le budget ? Quand aurons-nous cette information ? Enfin, avec qui les régions pourront-elles discuter des montants qui leur seront alloués ?

Mme Corinne Féret . - Un amendement adopté à l'Assemblée nationale octroie 5 millions d'euros aux maisons de l'emploi, puisque le texte initial ne prévoyait aucun crédit. Cela reste toutefois insuffisant, au regard du rôle essentiel des maisons de l'emploi en matière de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. Nous déposerons un amendement pour doubler ce montant.

Vous avez insisté sur le rôle des maisons de l'emploi, essentielles dans nos territoires.

Le plan d'investissement dans les compétences reprend certains dispositifs existants, comme la Garantie jeunes, mais ses crédits sont en forte diminution, à 120 millions d'euros. C'est un mauvais signal. Je pensais que la formation des chômeurs était une des priorités du Gouvernement...

Il y a certes une hausse des effectifs à Pôle emploi. C'est grâce à l'Unédic, dont la contribution augmente d'un point. Il y aura un renforcement de l'accompagnement des entreprises. C'est nécessaire. Encore faut-il que cet accompagnement ne soit pas uniquement centré sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Avec la réforme de l'assurance chômage, nombre de personnes seront en grande difficulté, ce qui mériterait un accompagnement renforcé.

Le Calvados est concerné par le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée ». À Colombelles, l'intérêt de ce dispositif pour les chômeurs éloignés de l'emploi se manifeste chaque jour. Quid pour la centaine de territoires qui sont prêts et attendent de s'inscrire dans ce dispositif ? Le montant envisagé dans le PLF semble insuffisant pour répondre à ces attentes.

Je relaie enfin une demande des organisations syndicales, qui concerne la suppression d'un certain nombre de commissions et d'instances consultatives et délibératives dans l'annexe du PLF. Je pense au Haut Conseil du dialogue social et à la Commission des accords de retraite et de prévoyance (Comarep). Supprimer ces instances de consultation et de délibération ne va pas dans le sens d'un développement du dialogue social avec les organisations syndicales, alors que sont organisées des élections dans les TPE. Il faut revenir sur cette suppression pour permettre aux représentants des salariés d'exercer leur mission.

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Plusieurs questions concernent Pôle emploi. La convention tripartite est désormais signée, et nous pouvons vous communiquer les indicateurs qui ont été choisis.

Oui, nous avions prévu une trajectoire de baisse des effectifs de Pôle Emploi, pour contribuer à la baisse générale des effectifs dans le secteur public. Pour 2020, 400 emplois devaient être supprimés et 4 000 sur cinq ans. Nous avons changé d'avis sur ce sujet, car nous sommes convaincus que l'un des leviers de la réforme est un accompagnement renforcé.

Au fond, la réforme de l'assurance chômage repose sur trois piliers.

D'abord, la responsabilisation des employeurs, pour éviter un recours excessif aux contrats courts. C'est le bonus-malus et le CDDU.

Deuxième pilier, il faut rendre l'indemnisation du chômage juste - tout euro gagné doit donner droit à la même indemnisation - et incitative au retour à l'emploi, pour corriger certaines situations.

Enfin, tous les pays qui ont réussi à faire baisser le chômage de façon durable ont un accompagnement beaucoup plus proactif et rapide des demandeurs d'emploi. On le comprend bien : au bout de quatre, six ou huit mois, on se décourage, le CV n'a pas tout à fait la même allure, et le retour à l'emploi est d'autant plus difficile qu'il est tardif. Nous avons donc prévu d'augmenter les effectifs, pour un accompagnement beaucoup plus précoce. Actuellement, il y a en moyenne un rendez-vous de 45 minutes dans les deux premiers mois pour un nouveau demandeur d'emploi. Et encore, on y parle d'indemnisation ! Nous aurons désormais deux demi-journées de véritable coaching individuel et collectif. Donc, au lieu de moins 400, ce sera plus 1 000.

Et nous offrons trois accompagnements de nature nouvelle, qui améliorent et transforment l'offre de Pôle emploi.

Pour tous les nouveaux demandeurs d'emploi, il y aura ces deux demi-journées, dont on m'a dit à Nice, dans l'une des agences pilotes, que cela changeait tout et avait des effets très positifs.

Deuxièmement, toute entreprise qui, au bout de trente jours, n'aura pas eu de réponse à son offre d'emploi, sera contactée par Pôle Emploi, soit pour l'aider à reformuler son offre, parce qu'elle ne correspond pas au marché ou n'est pas attractive, soit pour remobiliser des moyens afin de trouver des ressources qui correspondent aux besoins de l'entreprise.

Troisièmement, une offre particulière sera mise en place pour ceux qui alternent les contrats très courts - intérim ou CDD très courts - et qui, de fait, ne bénéficient guère de l'accompagnement de Pôle emploi, car il faut pour cela être disponible en journée. Nous prévoyons pour ces personnes un accompagnement en soirée et en week-end.

Nous augmentons donc les effectifs, à un moment où l'emploi repart, mais où 300 000 ou 400 000 emplois ne sont pas pourvus, faute de trouver les compétences ou les bonnes personnes.

D'autre part, le financement de Pôle emploi augmente fortement. Grâce à la baisse du chômage et à l'augmentation des cotisations, nous enregistrons une hausse de plus 622 millions d'euros. Nous sommes dans une phase dynamique. S'il y a une crise dans dix ans, il faudra s'adapter. Actuellement, la priorité est l'accompagnement et le désendettement : la réforme de l'assurance-chômage a pour objectifs premiers d'accroître l'emploi et de réduire la précarité, mais n'oublions pas que l'assurance chômage est endettée à hauteur de 35 milliards d'euros... Si l'on ne commence pas à la désendetter quand cela va mieux, nous n'aurions pas de capacité de rebond en cas de crise.

Mme Frédérique Puissat . - Y a-t-il une hausse de 1 000 emplois, ou de 600 ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Il y aura 1 000 personnes physiques de plus à Pôle emploi. La numérisation fait aussi gagner beaucoup d'emplois administratifs. Au lieu de les supprimer, nous les transformons en emplois de conseil des entreprises. La capacité d'action supplémentaire dépasse donc les 1 000 personnes.

On entend tout un discours sur le risque qu'un nombre important de demandeurs d'emploi aillent vers les minima sociaux au lieu de l'assurance chômage. Nous créons pourtant des droits nouveaux pour les démissionnaires, c'est-à-dire les salariés qui ont travaillé cinq ans au moins, et veulent se reconvertir. Deuxièmement, nous créons un nouveau droit pour les indépendants. Actuellement, un agriculteur, un artisan ou un petit commerçant qui fait faillite n'a rien ! Avec la réforme de l'assurance chômage, depuis le 1er novembre, il touche pendant six mois une aide, certes modeste, puisqu'il n'y a pas de cotisation supplémentaire. Pour les demandeurs d'emploi qui gagnaient plus de 4 500 euros brut par mois, nous baissons les indemnités de 30 % au bout de six mois. Ils seront toujours à l'assurance chômage pendant deux ans, à un niveau élevé - l'un des plus hauts d'Europe, et pendant la plus longue durée. Mais le taux de chômage des cadres est aujourd'hui de 2,8 %, il n'y en a plus que chez les seniors, qui sont protégés dans la réforme.

Il faudra de nouveau, comme il y a dix ans, avoir travaillé six mois dans les deux dernières années pour entrer à l'assurance chômage au lieu de quatre mois. Mais les personnes qui ont déjà quatre mois de contrat ne sont pas les plus vulnérables. On revient, en somme, aux règles d'avant la crise, telles que les avaient définies les partenaires sociaux. C'est, aussi, un des systèmes les plus protecteurs d'Europe. Vu l'offre d'emplois actuelle, très peu de personnes seront en difficulté : beaucoup pourront trouver le mois de plus qu'il leur faut. Ce matin, par exemple, il y a 705 963 offres d'emplois disponibles à Pôle emploi. Ce n'est donc pas une précarisation.

Enfin, en avril seront adoptées des règles pour ceux qui alternent les contrats très courts et l'assurance chômage. Le but sera - et c'est une règle de bon sens - qu'on ne puisse jamais gagner plus à l'assurance chômage que la moyenne de ce qu'on a gagné en étant salarié. Cela ne concerne qu'un demandeur d'emploi sur cinq. Leur capital de droits ne diminue pas, puisqu'ils seront indemnisés plus longtemps.

Il faut donc être précis, car il y a un vrai halo, mais si l'on regarde la réalité de la réforme, on a une vision différente.

Il a été convenu que certains secteurs puissent être exonérés de CDDU, s'il y a un accord conventionnel. Il ne faut pas tout écrire dans la loi, afin de trouver le bon équilibre entre le conventionnel et le législatif sur ce sujet. L'amendement qui a été adopté à l'Assemblée nationale fixe deux critères : une durée minimale du CDDU - un tiers des CDD en France couvrent moins d'une journée - et, au-delà d'une certaine durée, l'employeur sera tenu de proposer un CDI. La durée sera définie conventionnellement. Le but est de responsabiliser les partenaires sociaux. Et il y aura un avantage significatif pour les salariés, tout en correspondant à la réalité du terrain. J'ai tendance à faire confiance aux acteurs de la négociation sociale.

Sur la trésorerie des entreprises adaptées, je n'ai pas été alertée.

Sur l'OETH, nous n'avons pas fini le travail d'explication. La réforme responsabilise davantage les employeurs. Il y a toujours autant de sous-traitance, mais les entreprises sont responsabilisées sur les signatures de contrats à l'intérieur de l'entreprise. Beaucoup de chefs d'entreprises ne savaient pas qu'ils n'embauchaient aucun handicapé et pensaient qu'ils étaient en règle. Lorsque c'est entièrement sous-traité, ce n'est pas la société inclusive. Et entièrement à l'intérieur, quasiment aucune entreprise ne le fait. Il y a un équilibre à trouver, et un travail d'explication à conduire.

La loi d'urgence que vous avez votée le 24 décembre dernier a révélé l'existence de la prime d'activité à beaucoup de gens, ce qui a amélioré le pouvoir d'achat de beaucoup de travailleurs modestes. La forte augmentation de la prime d'activité résulte donc de deux effets : un effet de recours au droit des personnes qui avaient droit et ne le savaient pas, et un effet d'augmentation du pouvoir d'achat des travailleurs les plus modestes. Il faut tenir le coût du travail : on ne peut pas augmenter de 10 % les salaires les plus bas sans mettre en péril l'emploi. Et en même temps, il y a la question du pouvoir d'achat. La France a un système mixte, avec une économie de marché, mais régulée par un accompagnement social. Une prime d'activité, de retour à l'emploi, vaut toujours beaucoup mieux qu'une logique d'assistance, même si cette dernière est toujours nécessaire par défaut, car la prime d'activité relie le social et l'économique.

Sur le programme « Territoires zéro chômeur de longue durée », je suis allée sur le terrain, à Pipriac. La loi de 2016 limite l'expérimentation à cinq ans et à dix sites. Il y a beaucoup de demandes pour de nouveaux sites : il faut changer la loi ! Une loi pour élargir l'expérimentation ne peut se faire que si nous avons un diagnostic partagé sur la réussite du dispositif. L'essentiel du financement de ce programme repose sur le budget de mon ministère - à 90 %. Or nous parlons de 17 000 euros par ETP, auxquels s'ajoutent 5 000 euros pour contribuer à la structure. Un coût de 22 000 euros par ETP représente un investissement social important de la Nation.

Avec l'association, nous voulions d'abord un diagnostic partagé. Nous aurons le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et celui du comité scientifique indépendant, ainsi que l'auto-évaluation de l'association. Sur ces bases, nous verrons ce qui doit être amélioré, ce qui est précieux, ce qu'il faut amplifier. Le but est de proposer une feuille de route commune. En particulier, l'activation des dépenses passives fonctionne-t-elle ? La mobilisation territoriale, elle, fonctionne très bien, notamment dans les zones rurales. Quel est le taux de réinsertion dans l'emploi ordinaire ? Il y a donc des questions. Il faut aussi être sûr que nous ne faisons pas de concurrence aux artisans et aux TPE. Il n'y a que 811 salariés concernés, en tout. Nous avions prévu un budget pour 1 000 salariés. Je ne suis pas sûr que nous les trouvions. La loi avait prévu d'aller jusqu'à 1 700 ETP. Nous prévoyons 1 750 dès 2020.

Nous ne supprimons rien, madame Féret, nous fusionnons plusieurs instances, qui se recoupaient largement dans leur objet. Le Haut Conseil du dialogue social existait parallèlement à la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle. Souvent, les mêmes personnes y siégeaient - en tout cas, les mêmes organisations. Nous les fusionnons, mais leurs missions seront reprises intégralement.

L'apprentissage est un sujet qui me tient à coeur. Le Premier ministre a annoncé aux régions que trois enveloppes, pour un total de plus de 500 millions d'euros, seraient transférées chaque année aux régions.

D'abord, une enveloppe de 180 millions d'euros, au titre de l'investissement. C'est ce qui existait déjà. Comme les régions ont également la compétence des investissements dans les lycées, il nous a paru important que ce soit le même décideur public qui soit aux commandes.

Une deuxième enveloppe de 138 millions d'euros sera déléguée aux régions. Le coût au contrat, qui est le nouveau système de financement, est plus favorable de 8 % à ce que faisaient les régions. Certains réseaux, qui étaient inquiets de la réforme, ont même demandé qu'on l'anticipe, tant elle est favorable ! Le résultat est une hausse de 8,4 % du nombre d'apprentis au premier semestre. Tous les CFA bénéficient de la réforme et peuvent se développer sans contrainte. Dans certains départements, la hausse atteint 50 %... En zone rurale, il peut y avoir de petits CFA utiles à maintenir parce que le prochain CFA est à 50 ou 100 kilomètres. L'enveloppe de 138 millions d'euros a été conçue à partir d'une analyse complète de tous les comptes d'exploitation de tous les CFA en France.

Enfin, 200 millions d'euros seront versés au titre de la compensation des régions qui n'utilisaient pas toute la taxe d'apprentissage pour l'apprentissage, mais pour un autre objet, comme prévu par la loi de décentralisation. Nous avons proposé que ce soit l'Assemblée des régions de France qui propose une clé de répartition. Nous attendons ses propositions.

Ces enveloppes figureront dans la discussion du budget chaque année. Ce que fait France compétences, c'est uniquement la discussion détaillée de la répartition de l'enveloppe. À son conseil d'administration siègent l'État, les régions et les partenaires sociaux.

Mme Michelle Meunier . - Le 12 novembre dernier, un contrôle policier visant des livreurs à vélo a été effectué à Nantes en coordination avec la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). Des procédures pour travail illégal ont été engagées pour six sous-traitants de comptes, sur les huit livreurs contrôlés.

Qu'est-il prévu dans le PLF pour 2020 comme mesures de sanction et de protection des livreurs compte tenu des engagements de la France contre la traite des êtres humains ?

Par ailleurs, nous célébrons aujourd'hui le trentième anniversaire de la signature par la France de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE). Madame la ministre, je vous avais interpellée en octobre 2018 sur le cas des enfants utilisés dans des vidéos à portée publicitaire sur internet. Vous m'aviez dit que vous demanderiez une expertise à vos services sur ce sujet.

En l'absence de réponse de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique, je vous sollicite de nouveau sur ce point. Serait-il possible selon vous d'intégrer au code du travail un moyen de régulation du travail numérique pour les enfants ?

M. Yves Daudigny . - Madame la ministre, vous avez souligné l'augmentation du nombre de créations d'emplois, dont nous nous félicitons. Pourriez-vous nous fournir une photographie de la durée moyenne de ces emplois et du niveau de rémunération moyen associé pour le premier semestre de 2019 ?

Faut-il considérer par ailleurs que le Smic, et plus largement le niveau des salaires, ont atteint un plafond qui risquerait s'il était dépassé de mettre en danger la compétitivité de nos entreprises ? En effet, dans le public comme dans le privé, les compléments de pouvoir d'achat se font sous forme de primes. Et le terme de « niveau de salaire » comme le Smic semble avoir disparu du débat public.

Mme Victoire Jasmin . - Madame la ministre, tenez-vous compte dans vos chiffres des besoins des territoires d'outre-mer (TOM) où les filières ne sont pas organisées en branches professionnelles ?

Par ailleurs, plusieurs dispositifs ont été mis en place par les gouvernements successifs en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap. Mais leur niveau d'embauche n'est pas satisfaisant. Il faudrait mobiliser des moyens pour y remédier, en particulier dans les services de l'État.

Enfin, j'ai eu l'agréable surprise d'être invitée récemment à une réunion de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) de Guadeloupe consacrée notamment aux emplois francs. Les chefs d'entreprise présents ont demandé pourquoi la généralisation de ces derniers ne concernerait que les quartiers prioritaires de la politique de la ville, alors que nos territoires sont marqués par un taux de chômage important. Je souhaiterais donc savoir s'il serait possible de revoir les critères de généralisation des emplois francs.

M. Guillaume Arnell . - Les créations d'entreprises innovantes sont de plus en plus nombreuses dans les TOM, les jeunes ultramarins ayant compris qu'ils ne pourraient pas tous être salariés. Les mesures d'exonération prévues au titre de l'Acre s'adressent-elles à l'ensemble des territoires, TOM compris ?

Les jeunes créateurs d'entreprise d'outre-mer sont confrontés à de nombreuses difficultés pour concrétiser leurs projets, notamment les créateurs de start-up. Ainsi, ceux d'entre eux qui sont susceptibles d'être éligibles au réseau Initiative France se voient refuser l'accès à ce réseau localement pour des raisons de domiciliation, et au niveau hexagonal, car leur projet concerne principalement un territoire ultramarin. Or ces aides sont nécessaires pour permettre aux jeunes créateurs d'entreprise de se lancer avant de pouvoir émarger à BpiFrance.

Il faudrait donc encourager davantage les créations d'entreprises dans les territoires ultramarins, car les opportunités y sont nombreuses.

M. Martin Lévrier . - Madame la ministre, dans le cadre du pacte d'ambition pour l'IAE, vous avez annoncé la création, par le biais d'une start-up d'État, d'un « portail de l'inclusion ». Quels seront les services ou fonctionnalités proposés dans cette plate-forme ? Quand ce portail sera-t-il opérationnel ?

Je souhaiterais également connaître la différence entre le contrat de professionnalisation « inclusion » et le contrat de professionnalisation simple.

Par ailleurs, dans le cadre du PIC, vous avez mentionné le repérage des invisibles. Certains invisibles sont des élèves qui ont quitté le radar de l'Éducation nationale avant seize ans et que personne ne connaît. Envisagez-vous de travailler avec l'Éducation nationale pour créer des fichiers qui permettraient d'anticiper leur repérage ou est-il illusoire de le penser ?

Les CFA interbranches étaient très inquiets de la réforme de l'apprentissage. Comment s'en sont-ils sortis ? De même, les branches qui ne fonctionnaient pas ou très peu ont-elles réussi à se réformer ?

Je relaie enfin une question de Mme Patricia Schillinger : « Madame la ministre, pouvez-vous nous détailler les mesures envisagées au titre du PLF pour 2020 par la mission « Travail et emploi » pour accompagner vers et dans l'emploi les personnes en situation de handicap afin d'amplifier les efforts déjà entrepris sous le Gouvernement avec la réforme de de 2019 de l'OETH et celle des entreprises adaptées ? »

Mme Monique Lubin . - Madame la ministre, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoyait le lancement d'une expérimentation visant à rendre possible la création d'entreprises d'insertion par le travail indépendant.

Quoique militante de l'IAE à titre personnel, je m'interroge sur les conséquences potentielles d'un tel système, à l'heure où de nombreuses personnes, notamment des jeunes, se laissent séduire par le miroir aux alouettes du travail indépendant et par son apparente liberté et subissent presque une forme d'esclavage moderne de la part d'entreprises de livraison ou d'autres sociétés du même type.

Favoriser la création d'entreprises d'insertion par le travail indépendant revient à inciter, par le biais de l'insertion, les personnes les plus démunies à se tourner vers cette forme de travail, ce qui ne me semble pas sans danger. Cette expérimentation a-t-elle démarré et quels en sont les résultats ? Est-il prévu de pérenniser ce système dans la loi ?

Par ailleurs, je me suis laissé dire que les crédits destinés aux associations d'insertion diminuaient. Qu'en est-il en réalité dans le PLF pour 2020 ?

Mme Cathy Apourceau-Poly . - Madame la ministre, nous pensons évidemment que le budget n'est pas à la hauteur des besoins. Plusieurs coupes claires ont en effet été réalisées : baisse des crédits de Pôle emploi, abandon de la subvention accordée aux maisons de l'emploi en 2020, réduction drastique des emplois aidés - un coup dur pour les associations -, etc. La réforme de l'assurance chômage entraînera en outre une économie d'environ 4,5 milliards d'euros d'ici à 2022, sur le dos des chômeurs.

Par ailleurs, sont prévues également s'agissant de l'administration du travail la suppression de 256 postes dans les ministères et dans les Direccte en 2019 et la suppression de 734 postes sur trois ans.

Madame la ministre, vous avez annoncé la création de 1 000 postes supplémentaires pour Pôle emploi. En réalité, il s'agit de 950 emplois à temps plein en 2020, après les diminutions successives de 2018 (297 postes) et de 2019 (400 postes). Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur la mise en oeuvre de ce dispositif de recréation d'emplois ? Quelle sera la nature de ces emplois, des CDI ou des CDD ? Quelles missions seront-elles confiées aux agents concernés ?

L'Inspection du travail traverse une crise depuis plusieurs années. Vous annoncez la diminution annuelle de 2,5 % de ses effectifs jusqu'en 2022, alors que 2 000 départs à la retraite sont attendus cette même année. Quels moyens comptez-vous apporter pour répondre aux besoins des contrôleurs et inspecteurs du travail qui se retrouveront en sous-effectif ?

Enfin, vous devez présenter un projet de loi visant à assouplir le recours au travail après 21 heures dans les commerces alimentaires. Il serait désormais possible de travailler jusqu'à minuit sans que les heures effectuées par les salariés soient considérées comme du travail de nuit.

Actuellement, le travail de nuit après 21 heures fait l'objet de règles protectrices dans le code du travail. Cette situation concerne beaucoup de femmes, dont la vie de famille risquerait de se trouver bouleversée si elles devaient travailler jusqu'à minuit. Pensez-vous vraiment qu'il est nécessaire de porter un tel projet ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Le budget pour 2020 ne comporte pas de mesures relatives aux travailleurs de plates-formes. En revanche, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel en comporte certaines.

Plus de 90 % de ces travailleurs veulent conserver un statut de travailleurs indépendants. Mais cela ne signifie pas qu'ils ne veulent pas de protection. Je mets la nuance !

Le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) porté par Mme la ministre de la transition écologique et solidaire comporte une partie relative à l'amélioration de la protection de ces travailleurs. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel contient pour sa part des dispositions relatives au droit à la formation. En effet, de nombreux travailleurs de plates-formes ont eu peu d'autres opportunités professionnelles et sont souvent peu diplômés. De plus, ils ne veulent pas forcément rester travailleurs de plates-formes toute leur vie. Dans le cadre du compte personnel de formation (CPF), directement accessible à l'ensemble des salariés à partir d'un smartphone dès le 22 novembre, ils disposeront de 500 euros par an, comme tous les travailleurs, ainsi que de 500 euros supplémentaires fournis à notre demande par les plates-formes, soit 1 000 euros par an de financement possible pour des formations.

Ces travailleurs bénéficient déjà de l'assurance accident du travail, payée par les plates-formes. En ce qui concerne l'assurance chômage, ils font partie des auto-entrepreneurs ou indépendants dont je disais plus haut qu'ils pourraient bénéficier d'une protection minimale.

Le fait de mettre en place dans la loi des possibilités de chartes définissant des sujets comme le droit à la déconnexion ou le droit de refuser des courses me semble également important. Nous ne sommes pas au bout de ce sujet.

Nous devons aussi le traiter au niveau européen. Nous avons d'ailleurs commencé à le faire. Les plates-formes sont mondiales. Pour peser dans ce dossier, il faut être fort. Or si l'Europe définit des règles, elles auront un impact dans le monde entier. Nous faisons donc notre part du travail en France, mais cela fait partie du projet européen.

Il s'agit d'une nouvelle forme de travail, qui intéresse de nombreuses personnes, notamment des jeunes. Un système de protection adapté, digne, et similaire à celui appliqué aux autres catégories professionnelles doit donc être mis en place en conséquence.

En ce qui concerne les entreprises d'insertion par le travail indépendant, leur création répond à la demande de certains secteurs d'insertion pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, qui ne sont pas en mesure d'accepter le salariat, car elles ne peuvent assumer une responsabilité, même pour quelques jours. Je pense notamment à Lulu dans ma rue, qui travaille beaucoup avec des chômeurs de très longue durée et des SDF et qui souhaite pouvoir lancer une entreprise de travail temporaire d'insertion (ETTI) afin de leur proposer des « petits boulots » d'une à deux heures. L'idée est de mener cette démarche dans un but d'insertion, afin de les conduire progressivement, en augmentant petit à petit le nombre d'heures travaillées, vers l'emploi ordinaire et le salariat, par le biais d'une formule sur mesure adaptée à leurs besoins. Jusqu'à présent, de telles démarches étaient tolérées, mais le droit actuel ne permettait pas réellement ce genre d'expérimentation, même sous la forme de contrats courts, compte tenu du risque de licenciement auquel ces personnes s'exposent au moindre refus d'accomplir une tâche. Cette formule est réservée à ce type d'association, sous contrôle de l'État.

Par ailleurs, l'absence d'organisation des branches professionnelles en outre-mer a bien été prise en compte dans le travail mené avec les parlementaires pour l'adaptation de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel aux spécificités des outre-mer. Ainsi, toutes les branches doivent être représentées dans les opérateurs de compétences (OPCO), mais un opérateur peut représenter plusieurs branches.

L'ordonnance du 28 août 2019 portant adaptation des dispositions de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution et à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon est publique. Le projet de loi de ratification a été adopté en conseil des ministres le 13 novembre et vous sera présenté courant 2020.

Cette adaptation, que nous avons bâtie ensemble, me semble pertinente et réaliste.

S'agissant des emplois francs, tous les territoires d'outre-mer sont éligibles à leur généralisation depuis le 1 er avril 2019. De plus, ces emplois sont effectivement destinés aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui subissent une discrimination à l'embauche, mais ils ne sont pas censés être situés dans ces mêmes quartiers. Leurs bénéficiaires peuvent donc être embauchés partout, en métropole comme en outre-mer.

M. René-Paul Savary , président . - Cela ne règle peut-être pas le problème de Mme Jasmin !

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Nous avons également annoncé le lancement du plan Priorités et rassemblement pour l'emploi local (Petrel) avec le Président de la République à La Réunion le 23 octobre dernier. Cela n'interdit pas d'inventer ou d'adapter des mesures en outre-mer. Mais cela devrait à mon sens bien fonctionner.

Les mesures d'exonération prévues au titre de l'Acre concernent par ailleurs l'intégralité du territoire français, quels que soient le lieu de création de l'entreprise concernée et sa vocation - d'outre-mer vers la métropole ou d'outre-mer vers l'outre-mer.

Les crédits destinés à l'IAE ne diminuent pas quant à eux, mais augmentent. Le PLF pour 2020 prévoit en effet plus d'un milliard d'euros pour ce secteur, qui n'a jamais bénéficié d'un tel budget en France. Cette mesure contribuera à l'augmentation du nombre de bénéficiaires, qui passera de 140 000 à 240 000 d'ici à 2022. Jamais nous n'avons autant cru ni autant investi dans l'IAE. Pour ma part, j'y crois beaucoup.

Le portail de l'inclusion est en cours de développement. Les premiers résultats sont attendus à la fin du premier trimestre de 2020. Ils prendront la forme d'une maquette que nous pourrons tester. Le but est de favoriser la rencontre entre l'offre et la demande, entre l'entreprise et le prescripteur. Nous y croyons beaucoup, car les mises en relation multiplient les capacités d'innovation.

Je le constate particulièrement à travers les clubs d'entreprises que le Président de la République nous a incités à créer dans les départements dans le cadre de l'initiative « La France, une chance. Les entreprises s'engagent ! » En six mois, 90 clubs ont déjà été créés. Et 7 000 entreprises sont prêtes à s'engager - sur le handicap, l'IAE, les réfugiés, les seniors, ou d'autre thématique. Notre tissu de PME est donc prêt à s'engager.

Nous nous efforçons donc par ce biais de favoriser la rencontre entre l'offre et la demande, notamment dans les politiques d'achat. Les entreprises veulent bien faire, mais ne savent pas, souvent, à qui s'adresser. Les clubs pourraient constituer une réponse à ce problème.

En ce qui concerne les invisibles, nous travaillons avec l'Éducation nationale sur les listes des élèves décrocheurs. Le service national universel (SNU) pourra également représenter un levier dans ce domaine. Les premières expérimentations du SNU ont en effet permis de constater que de jeunes décrocheurs y voyaient un moyen de « raccrocher ». Nous travaillons sur ce point avec M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, pour voir comment nous pourrions engager le contact avec eux au cours de leur service.

L'appel à projets « 100 % Inclusion - La fabrique de la remobilisation », du PIC comporte par ailleurs de nombreuses mesures pertinentes - par le sport, la culture, etc. Il faut aller chercher les jeunes invisibles là où ils sont, en zone rurale, au bas des immeubles - au moyen par exemple de bus itinérants - et ne pas attendre qu'ils viennent de leur propre initiative.

Par ailleurs, les CFA interbranches inquiets de la réforme de l'apprentissage ne sont plus très nombreux. En revanche, des inquiétudes ont été exprimées en fin d'année 2018 du fait de la baisse drastique des budgets décidée par de nombreuses régions sous prétexte que le pouvoir de régulation de l'apprentissage leur serait retiré l'année suivante. Nous avons dû venir secourir certains établissements. Je trouve cette absence de continuité de l'action publique assez choquante.

S'agissant de l'emploi des personnes en situation de handicap, nous disposons de quatre leviers. Les premiers sont le développement des entreprises adaptées et la réforme de l'OETH, qui permettra de créer 100 000 emplois supplémentaires dans les entreprises, l'obligation d'emploi de 6 % n'étant plus calculée par établissement mais par entreprise, ce qui aura une incidence importante sur les entreprises en réseau. Je souhaite évoquer également le travail que nous menons avec Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées en matière d'apprentissage. Dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous avons exigé la nomination d'un référent handicap dans chacun des CFA, alors que les apprentis en situation de handicap ne représentent que 1 % des effectifs globaux d'apprentis. Nous visons les 6 %. Par ailleurs, 8 % du public du PIC est composé de personnes en situation de handicap.

Monsieur Daudigny, le Smic continue d'augmenter chaque année, selon la règle d'indexation en vigueur, du fait de l'inflation et de la moyenne de l'augmentation des salaires des ouvriers et des employés. À titre d'exemple, le Smic est passé de 9,88 euros à 10,03 euros de l'heure au 1 er janvier 2019. Nous ne connaissons pas encore les chiffres pour 2020.

Nous avons diminué le coût du travail en supprimant une bonne partie des charges patronales, ce qui favorise l'accès à l'emploi. Il faut cependant toujours trouver l'équilibre entre le salaire et l'emploi. Je pense qu'il faut que le Smic continue à évoluer en fonction des indicateurs que j'évoquais plus haut. Et nous devons aller plus loin.

Le salaire minimum est plus élevé en France que dans d'autres pays d'Europe. Nous nous efforçons d'inciter les autres pays à rehausser leurs standards en la matière pour ne pas mettre en péril la compétitivité et l'emploi tout en augmentant les conditions sociales dans toute l'Europe. C'est pourquoi nous avons milité dans la feuille de route européenne en faveur de l'instauration d'un Smic dans chaque pays - à travail égal, salaire égal dans le travail détaché.

Il faut également, surtout, que les branches fassent entièrement leur travail. Certaines l'ont fait, mais d'autres doivent encore le faire. Une fois le Smic augmenté, il convient en effet de relever tous les niveaux supérieurs de rémunération, afin d'éviter un « écrasement » global des salaires au niveau du Smic. Un travail important est à mener sur ce point, notamment dans les conventions collectives des secteurs où de nombreuses femmes sont embauchées.

Ce sujet a occupé une place importante dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Je rappelle que l'index de l'égalité salariale femmes-hommes et l'obligation de résultat sont en oeuvre pour 7 000 entreprises de plus de 250 salariés. Au 1 er mars prochain, cet index concernera 40 000 entreprises - toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Cela concerne 4,5 millions de femmes qui verront potentiellement leurs perspectives de carrière et de rémunération augmenter.

La question du Smic contient donc à mon sens la question plus large des bas salaires, qui concerne particulièrement les femmes. L'index permettra d'agir dans ce domaine dans les secteurs les plus touchés.

La question portant sur le travail numérique des enfants est importante. Il existe un régime spécifique d'autorisation et de contrôle du travail des enfants dans le monde du spectacle. Ce régime est très protecteur et très exigeant, mais bien équilibré. La question qui se pose est la suivante : comment caractériser toutefois l'activité numérique ? S'agit-il d'une activité de travail ? Comment caractériser en ce cas la quantité du travail effectué ? Qu'en est-il du respect des obligations ? Et du rôle des parents ? Une autorisation parentale est en effet requise dans le monde du spectacle, ainsi qu'une autorisation spécifique délivrée notamment par la Direccte. Un travail est en cours entre le ministère du travail, le ministère de la justice et le ministère de la culture sur ce sujet.

Mais il est vrai que le droit ne s'est pas encore prononcé sur cette question. Il serait bon d'y remédier pour éviter les dérives.

Mme Michelle Meunier . - Les pratiques existent, mais pas la loi.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. - En effet. Je vous signale aussi que la France vient de prendre la présidence de l'Alliance 8.7, qui correspond à la cible 8.7 des objectifs de développement durable de l'Organisation des Nations unies (ONU) contre le travail des enfants et le travail forcé. J'ai présidé une table ronde le 12 novembre dernier au forum de Paris pour la paix. Il existe 150 millions d'enfants qui travaillent dans le monde. C'est un sujet majeur.

Le travail des enfants n'existe pas nos pays, sauf dans ces zones d'ombre que nous nous devons de vérifier et où nous devrons nous montrer tranchants dans l'exécution de notre position une fois qu'elle aura été clarifiée. Reste à voir comment caractériser le droit dans ce domaine.

Par ailleurs, nous avons également des responsabilités sur ce point au vu des difficultés de contrôle des sous-traitants de sous-traitants de sous-traitants de grandes entreprises internationales. Nous avons pris des engagements avec les grandes entreprises sur ce sujet, qui nous tient tous à coeur.

Enfin, s'agissant des services, je vois beaucoup d'agents Pôle emploi sur le terrain. Je tiens à saluer leur action, leur engagement et leur professionnalisme, d'autant plus impressionnants compte tenu de la difficulté de leur métier.

L'annonce des emplois supplémentaires a été saluée, d'autant que cela n'était pas arrivé depuis longtemps. Les nouvelles offres l'ont été également. Tout ce qui donne du sens au travail est un élément de motivation.

Enfin, tous les services contribuent à la baisse des dépenses de l'État. Concernant l'inspection du travail, cette contribution porte moins sur les effectifs de contrôleurs et d'inspecteurs que sur les emplois administratifs. En effet, nous sommes en train de rationaliser ces emplois, notamment par le regroupement de plusieurs services. Le nombre d'inspecteurs du travail par rapport au nombre de salariés d'entreprises est pour sa part supérieur aux normes de l'Organisation internationale du travail (OIT) et doit le rester.

Nos quatre priorités sont la lutte contre le travail illégal, la lutte contre la fraude au travail détaché, les sujets relatifs à la santé au travail - accidents du travail, chutes de hauteur, etc. - et l'index sur l'égalité hommes-femmes.

M. René-Paul Savary , président . -Merci beaucoup.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

II. EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le 27 novembre 2019, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Michel Forissier sur la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2020.

M. Gérard Dériot , vice-président . - Mes chers collègues, je vous prie d'excuser le retard du président Milon, qui nous rejoindra dans la matinée. Je vous propose de commencer par l'examen de l'avis de Michel Forissier sur la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2020.

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis . - Avant de vous présenter mes observations sur les crédits demandés au titre de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances (PLF), il me semble utile de rappeler quelques éléments quantitatifs récemment publiés par l'Insee. Au troisième trimestre 2019, le taux de chômage s'élevait dans notre pays à 8,6 % de la population active, ce qui représente une baisse d'un demi-point sur un an, mais une légère augmentation par rapport au trimestre précédent. La situation de l'emploi demeure donc fragile.

En Europe, seuls trois pays connaissent un taux de chômage supérieur au nôtre, mais la Grèce, l'Espagne et, dans une moindre mesure, l'Italie, sont sur une trajectoire de baisse rapide. La France est en effet le seul pays européen à appartenir à la fois à deux groupes de pays qui sont tous deux très restreints : ceux qui connaissent un taux de chômage supérieur à 8 % et ceux dont le taux de chômage n'a baissé que de deux points ou moins depuis le pic de 2015. Ces résultats suggèrent que nous luttons contre le chômage comme si nous connaissions le plein emploi.

Ceci étant posé, j'en viens à l'examen des crédits de la mission. L'an dernier, nous faisions le constat que ces crédits connaissaient une forte baisse, de près de trois milliards d'euros, mais que cette baisse résultait essentiellement d'une part de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisses de charges pérennes compensées par une affectation de recettes fiscales à la sécurité sociale et d'autre part de l'extinction de dispositifs dont la suppression avait déjà été décidée au cours des années précédentes.

Ces effets ne jouant pas en 2020, les crédits demandés sont stables, et même en légère augmentation puisqu'ils progressent de 320 millions d'euros pour atteindre près de 13 milliards d'euros.

La mission « Travail et emploi » se compose de quatre programmes. Les deux plus importants, dédiés à l'accompagnement des publics éloignés de l'emploi d'une part et au développement de l'emploi d'autre part, représentent respectivement 50 % et 44 % des crédits de la mission et c'est sur ces deux programmes, le 102 et le 103, que je m'attarderai le plus.

Au sein du programme 102, on peut noter la baisse de la subvention accordée par l'État à Pôle emploi, l'Unédic étant dans le même temps mise davantage à contribution. On peut s'interroger sur la pertinence de ce désengagement alors même que le Gouvernement a choisi de reprendre la main sur la définition des règles de l'assurance chômage. Je constate par ailleurs que le Gouvernement a « changé d'avis », selon les termes de la ministre du Travail, au sujet des effectifs de Pôle emploi et qu'il souhaite cette année donner un coup d'arrêt à la trajectoire de réduction des effectifs qu'il avait imposée ces dernières années. Notons toutefois que les 1 000 emplois supplémentaires prévus seront recrutés en CDD et qu'ils auront vocation à renforcer l'accompagnement des entreprises et non celui des demandeurs d'emploi.

Comme l'année dernière, aucune ligne budgétaire n'était prévue pour le financement des maisons de l'emploi et, comme l'année dernière, le Gouvernement a consenti à leur accorder 5 millions d'euros dans le cadre de l'examen du PLF par l'Assemblée nationale. Comme l'année dernière, je vous proposerai de suivre l'avis de la commission des finances et de porter ce financement à 10 millions d'euros.

Le Gouvernement poursuit par ailleurs sa politique qui consiste à réduire le recours aux contrats aidés et de renforcer, à l'inverse, son soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique.

J'approuve cette orientation. En effet, les contrats aidés n'ont souvent été qu'un palliatif, permettant de faire baisser artificiellement le taux de chômage, ce qui peut être tentant avant des échéances électorales, sans agir sur les freins à l'emploi des personnes qui connaissent le chômage et la précarité.

À cet égard, on peut s'interroger sur la logique qui soutient l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Je sais que cette expérimentation a de nombreux défenseurs - y compris au sein de cette commission -, de différentes couleurs politiques, mais j'attends avec impatience les éléments d'évaluation qui doivent être publiés prochainement. En effet, résumée à gros traits, cette expérimentation consiste pour l'État à financer des services d'intérêt général dans des territoires, à hauteur de près d'un Smic par personne embauchée. Je n'ai pas de mal à croire que l'impact pour les personnes concernées soit positif et je comprends aisément que de nombreux élus locaux soient volontaires pour en bénéficier. Toutefois, il me semble que si la solution au chômage était d'embaucher tous les chômeurs avec de l'argent public pour des activités non marchandes, il y a longtemps que nous serions au plein emploi. Les évaluations qui viennent d'être publiées poussent à envisager tout élargissement de cette expérimentation avec une grande prudence.

Cette observation me permet de faire la transition avec la question d'une autre expérimentation, celle des emplois francs. Pour rappel, il s'agit d'un dispositif qui a été inséré dans le PLF pour 2018 par un amendement du Gouvernement et qui n'a donc fait l'objet d'aucune étude d'impact. Nous n'avons pas non plus reçu l'évaluation pourtant prévue par la loi et que le Gouvernement devait remettre au Parlement au plus tard le 15 septembre dernier - nous avons l'habitude ! Nous disposons toutefois de quelques éléments quantitatifs qui laissent penser que cette expérimentation est un échec assez flagrant, et ce malgré les assouplissements et élargissements intervenus en cours d'année 2019.

Pour autant, le Gouvernement annoncé vouloir prolonger cette expérimentation tout en l'étendant à la France entière. Ce prolongement se ferait cette fois par décret, et le Parlement ne serait pas consulté. Cette méthode ne me semble satisfaisante ni du point de vue du nécessaire contrôle que doit exercer le Parlement sur l'action de l'exécutif ni en termes de bon usage des deniers publics.

Je sais qu'il est sans doute politiquement difficile d'assumer l'échec d'un dispositif qui était l'une des promesses de campagne du président de la République, et cela explique certainement l'insistance de la ministre du Travail à assouplir progressivement tous les critères d'éligibilité, mais il convient sans aucun doute d'arrêter les frais.

Les crédits dédiés au financement de l'alternance, progresseraient, sous l'effet de l'augmentation du nombre d'apprentis mais également de la réforme du financement de l'apprentissage, l'aide unique créée par la loi du 5 septembre 2018 ayant remplacé un certain nombre d'aides qui étaient financées par les régions.

Les crédits en faveur des dispositifs de baisse du coût du travail et de soutien à l'activité témoignent de tâtonnements regrettables de la part du Gouvernement.

Le projet de loi initial, et les annexes budgétaires transmises par le Gouvernement, prévoyaient une restriction de l'exonération au titre des services à la personne pour les publics fragiles. Devant les nombreuses réactions, le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de l'article 79. J'approuve ce recul mais je déplore la méthode et le signal envoyé.

L'année dernière, le Gouvernement a décidé d'élargir les conditions pour bénéficier de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise (Acre). Cet élargissement a eu des conséquences budgétaires largement supérieures à ce qu'il envisageait, ce qui le conduit cette année à nous proposer de revenir en arrière, au travers de l'article 80 du PLF. Si on peut admettre que ce retour en arrière soit justifié par les effets d'aubaine constatés, on peut déplorer le manque d'anticipation et l'imprévisibilité qui en résulte. Or, en matière de dispositifs incitatifs, la prévisibilité est une condition essentielle de l'efficacité.

Je vous proposerai donc un amendement, qui a déjà été adopté par la commission des finances, qui vise à maintenir l'aide pour les entrepreneurs qui se sont lancés en comptant sur une exonération dégressive sur trois ans.

La mission « Travail et emploi » porte égalent les crédits du plan d'investissement dans les compétences (PIC), que le Gouvernement présente comme un des principaux vecteurs de sa politique de lutte contre le chômage. Plusieurs lignes budgétaires s'inscrivent dans le cadre de ce programme. Au titre du programme 102, il s'agit principalement des crédits de la Garantie jeunes, c'est-à-dire d'un dispositif pérenne créé sous le quinquennat précédent et qu'il me semble quelque peu abusif de présenter comme relevant d'un investissement exceptionnel.

Au sein du programme 103, les crédits du PIC sont regroupés dans une action et doivent largement être transférés aux régions dans le cadre des pactes régionaux d'investissement dans les compétences. Néanmoins, le législateur n'a aucune visibilité sur l'affectation de ces crédits, et le PIC s'apparente ainsi presque à une réserve budgétaire dont le Gouvernement pourra faire usage de manière plus ou moins discrétionnaire.

Je note en outre que les crédits demandés ne correspondent pas nécessairement à l'investissement réellement consenti. En 2018, dernier exercice clos pour lequel nous disposons de données définitives, la sous-consommation des crédits inscrits au programme 103 au titre du PIC s'est élevée à 38 millions d'euros, soit près de 10 % des crédits votés.

Cette sous-consommation pouvait être imputée à l'inertie liée au lancement des différents projets financés au titre du PIC, mais votre rapporteur note que, pour 2020, le Gouvernement a constaté que les crédits qu'il demandait initialement étaient surévalués et les a réduits de 120 millions d'euros par un amendement adopté à l'Assemblée nationale. Ainsi, les crédits demandés seraient, comme en 2019 en diminution et non en progression.

Malgré ces réserves touchant à l'information du Parlement et cette remarque sur l'ampleur réelle de l'effort que représente le PIC, il me semble néanmoins s'inscrire dans une démarche vertueuse.

Le programme 111 comprend les crédits dédiés aux actions de l'État en matière de santé et de sécurité au travail et en matière de respect du droit du travail et de dialogue social. Ils progresseraient du fait des chantiers informatiques rendus nécessaires par le nouveau cycle de mesure de l'audience des organisations syndicales et patronales.

Enfin, la baisse des crédits du programme 155 traduit, outre des mesures de périmètre, la contribution du ministère du travail à l'effort de maîtrise des coûts de fonctionnement et de la masse salariale des administrations publiques.

L'Assemblée nationale a par ailleurs adopté deux articles additionnels. Le premier, issu d'un amendement du Gouvernement, permet de corriger une scorie de la réforme du financement de la formation professionnelle, qui conduisait certains chefs d'entreprises à cotiser deux fois. Il s'agit là d'une correction bienvenue.

Le second constitue une demande de rapport évaluant les conséquences pour le CNFPT de la réforme du financement de l'apprentissage. J'ai pu m'étonner de l'avis favorable donné par la commission des finances, d'une part en raison de l'aversion que nous avons tous pour les demandes de rapport qui restent souvent vaines et d'autre part car je ne suis pas certain que cet article, qui concerne les finances locales, ait sa place dans le projet de loi de finances. Je propose néanmoins de laisser le Conseil constitutionnel se prononcer le cas échéant sur cette question.

Enfin, comme certains d'entre vous j'en suis sûr, j'ai été saisi par les représentants de plusieurs secteurs professionnels inquiets de la taxation forfaitaire des CDD d'usage souhaitée par le Gouvernement et prévue à l'article 51 du PLF. J'ai noté que, suite à l'examen du texte par nos collègues députés, les entreprises couvertes par un accord de branche visant à raisonner le recours aux contrats courts seraient exonérées de cette taxation. Il conviendrait peut-être de prévoir un délai afin que les branches puissent négocier et déposer de tels accords. J'ai pris l'attache des services concernés pour évoquer cette possibilité.

Toutefois, l'article 51 n'est pas rattaché à la mission « Travail et emploi » et, à ce titre, notre commission n'en est pas saisie. Je ne vous proposerai donc pas, en tant que rapporteur, d'amendement à cet article. Je laisse l'initiative à ceux qui souhaiteraient le faire.

Au terme de ma présentation, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » ainsi que des articles 80, 81 et 82 qui lui sont rattachés.

Mme Frédérique Puissat . - Comme vous l'avez relevé, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel comporte des enjeux de « tuyauterie » dont la mise en application s'avère complexe et aurait nécessité des délais plus longs. S'agissant en particulier du transfert du recouvrement des contributions des OPCA vers les Urssaf, le Gouvernement nous avait assuré qu'il serait réalisé le 1 er janvier 2021 au plus tard, mais il faudra finalement un an de plus. Le Gouvernement a annoncé un décret mais comment celui-ci pourrait-il déroger à une loi ?

Le financement de l'apprentissage dans la fonction publique soulève une vraie difficulté. J'ai eu des retours de centres de formation professionnelle (CFA) qui ne parviennent plus à trouver de place dans la fonction publique pour leurs élèves les plus en difficulté.

Concernant le « bonus-malus » sur les contributions d'assurance chômage, j'ai visité une entreprise de mon département qui sera touchée à partir de mars 2021 et où l'on m'a dit : « Arrêtez de nous embêter ! ». Vue la complexité de la formule de calcul du bonus-malus, comment les DRH feront-ils pour s'y retrouver ? Certaines entreprises qui se considèrent comme vertueuses risquent d'éprouver un sentiment d'injustice.

Mme Nadine Grelet-Certenais . - Nous sommes plusieurs au sein de la commission à être promoteurs de l'expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée », qui me semble intéressante. Je précise qu'elle peut concerner des activités marchandes, telles que des activités de revente. En outre, tous les chômeurs ne sont pas éligibles au dispositif : les bénéficiaires doivent répondre à des critères précis. Des évaluations très attendues ont été rendues. Je continuerai à soutenir ce dispositif vertueux qui, en faisant appel aux acteurs et aux énergies locaux, crée du lien et de l'insertion.

Mme Catherine Fournier . - J'ai interrogé la ministre sur la compensation aux régions qui gardent une compétence facultative en matière d'apprentissage. C'est maintenant l'organisme France Compétences qui est chargé d'attribuer les enveloppes dédiées. Or, ce mécanisme suscite de l'anxiété car, outre que les enveloppes prévues paraissent insuffisantes, les régions ne disposent toujours pas des montants. La ministre m'a répondu que cela tient à l'absence de consensus entre les régions. Que pensez-vous de cette réponse et comment pousser le Gouvernement à prendre position de manière plus tranchée ?

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis . - Madame Puissat, les OPCO ne seront plus compétents pour collecter les contributions après le 31 décembre 2020. Je vous confirme que, dans l'ancien monde, il fallait une loi pour modifier une autre loi !

Concernant le « bonus-malus » et la taxation des CDD d'usage, je rappelle que nous avions souligné les possibles effets pervers de la pénalisation d'entreprises qui ne peuvent faire autrement. Peut-être conviendrait-il de prévoir un délai supplémentaire pour que les branches professionnelles se mettent en conformité.

Dans la fonction publique comme dans le privé, il est aujourd'hui possible de signer une convention d'apprentissage à n'importe quel moment et pas forcément en début d'année scolaire. Nous n'avons pas encore de recul sur cette réforme. Là encore, le délai d'adaptation n'a pas été suffisant.

Madame Grelet-Certenet, je vous accorde que le principe des « Territoires zéro chômeurs de longue durée » est séduisant. D'après les trois évaluations qui viennent d'être publiées, les économies pour les finances publiques ont été inférieures aux prévisions initiales. Ces rapports appellent à la prudence quant à un possible élargissement de l'expérimentation. Le Gouvernement tranchera en janvier 2020.

Madame Fournier, il y a deux manières de voir les choses sur l'apprentissage. Nous défendions l'idée de laisser une certaine place aux régions. Aujourd'hui, l'État et les régions sont plutôt des adversaires que des partenaires. Je comprends les inquiétudes des régions, du fait des nombreuses ouvertures de CFA en France, certains centres, les plus petits, risquent d'en souffrir. Les régions doivent reprendre leur place dans la régulation : lorsqu'on « recentralise » à l'extrême, cela ne fonctionne pas. Il faut un véritable partenariat entre État, régions et départements. Toutefois, nous débordons ici du périmètre de la mission.

Mme Corinne Féret . - Je partage votre position sur l'apprentissage.

Vous évoquiez des crédits stables pour la mission : c'est heureux, car ce budget a été en forte diminution pendant deux années consécutives. Sur certaines lignes, on constate toutefois des diminutions ou de « fausses stabilités ».

Concernant les effectifs de Pôle emploi, il faut conserver suffisamment de conseillers pour être en mesure d'accueillir les futurs chômeurs quand la situation de l'emploi se retournera. Ce sont les demandeurs d'emploi, non les entreprises, qui méritent un accompagnement renforcé.

Je soutiens votre amendement en faveur des maisons de l'emploi : 5 millions d'euros sont insuffisants au regard du rôle qu'elles exercent.

En revanche, je m'inscris en faux contre vos propos sur les contrats aidés, car ils ont permis à bon nombre de personnes d'accéder à des emplois durables, même si ce n'est pas la majorité ; on ne doit donc pas les voir comme un « palliatif » ou comme un moyen de ne pas comptabiliser certains chômeurs.

Je soutiens l'élargissement de l'expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée ». Naturellement, il n'est pas question d'intégrer l'ensemble des chômeurs dans ce dispositif : il s'agit d'une réponse parmi d'autres contre le chômage.

S'agissant du PIC, vous avez eu raison de rappeler que la Garantie jeunes a été créée sous le précédent quinquennat ; on peut se réjouir qu'elle prenne de l'ampleur. Je déplore en revanche les diminutions justifiées par une sous-consommation du plan d'investissement dans les compétences.

Mon groupe émettra un avis défavorable aux crédits de la mission.

M. Dominique Théophile . - L'expérimentation des emplois francs sera généralisée à l'ensemble des quartiers minoritaires de la politique de la ville à compter de janvier 2020. L'enveloppe inscrite à ce titre est portée à 234 millions d'euros en autorisations d'engagement et 80 millions d'euros en crédits de paiement, en forte augmentation. L'objectif est d'atteindre 40 000 emplois signés en fin d'année prochaine. Vous décrivez pourtant un « échec flagrant » ; sur quels éléments tangibles vous fondez-vous ? Le dispositif concerne des territoires touchés par un fort taux de chômage. Considérez-vous que ses résultats sont insuffisants ou que son principe lui-même pose problème ?

Mme Cathy Apourceau-Poly . - Nous avons eu l'occasion de dire à la ministre, lors de son audition devant notre commission, tout le bien que nous que nous pensons de sa politique ! Le Gouvernement poursuit sa politique d'austérité, et ce budget est insuffisant pour répondre aux besoins de la population.

Sur l'apprentissage, il y a effectivement un bras de fer entre le Gouvernement et les régions. Si la ministre ne se résout pas à renégocier, nous paierons tous les pots cassés.

L'inspection du travail traverse une grave crise depuis plusieurs années. Comment voyez-vous son avenir, alors que 2 000 départs à la retraite vont avoir lieu et que des baisses d'effectifs sont prévues jusqu'en 2022 ?

M. Daniel Chasseing . - Le rapport indique une augmentation de 3 % des crédits, ce qui représente un effort important.

Concernant l'apprentissage, une entente entre État et régions est nécessaire. Les régions ont un rôle d'information et d'incitation à jouer pour promouvoir l'apprentissage.

Je soutiens votre amendement sur l'Acre.

Le problème des contrats aidés est qu'ils ne comportaient souvent aucune formation. L'insertion ne peut se faire que par la formation et l'intégration dans le secteur marchand.

J'avais compris que les 1 000 emplois créés à Pôle emploi seraient dédiés à l'accompagnement des chômeurs vers l'entreprise, qu'en est-il ?

M. Yves Daudigny . - Vous avez rappelé les chiffres relatifs au taux de chômage : les améliorations demeurent faibles et les comparaisons peu favorables. Les résultats de la politique du Gouvernement sont réduits : on voit bien que le « ruissellement » ne fonctionne pas.

Je partage vos interrogations sur le désengagement de l'État de Pôle emploi.

En revanche, j'insiste à la suite de madame Féret pour considérer que parler de « palliatif » pour qualifier les contrats aidés est excessif. Derrière ces emplois, il y a des femmes et des hommes qui retrouvent de la dignité et de l'espoir.

Enfin, nous comprenons mal l'insistance du Gouvernement à promouvoir les emplois francs, qui risquent de générer des effets d'aubaine.

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis . - Madame Féret, comme je l'ai indiqué, la baisse des crédits l'année dernière était fortement due à des changements de périmètre. La comparaison est donc difficile.

S'agissant des contrats aidés, nos positions ne sont pas aussi éloignées que vous le croyez. Je suis favorable aux contrats aidés à condition qu'ils soient associés à une formation et qu'ils débouchent sur une perspective d'emploi durable. Je déplore en revanche l'empilement de dispositifs concurrents.

Mon rapport indique que 7 418 demandes d'aides ont été approuvées sur le périmètre initial de l'expérimentation des emplois francs alors que l'objectif était de 28 000 ; c'est donc manifestement un échec par rapport aux objectifs du Gouvernement. En outre, j'estime que la politique de la ville devrait concerner la ville dans son ensemble, et non dessiner des frontières entre quartiers.

Madame Apourceau-Poly, les effectifs de l'inspection du travail baissent comme dans toutes les administrations. Le nombre d'inspecteurs du travail par salarié reste cependant supérieur aux normes de l'Organisation internationale du travail (OIT) ; il n'y a donc pas de sous-effectif. En revanche, on peut remettre en question les missions qui leur sont confiées.

Monsieur Chasseing, je vous confirme que les 1 000 CDD créés à Pôle emploi ont vocation à aider les entreprises dont les offres d'emploi ne sont pas pourvues. Nous pourrons en mesurer les effets produits sur l'appariement entre l'offre et la demande d'emplois.

La régulation de l'apprentissage par la région devrait faire l'objet d'une négociation entre État et régions. Aujourd'hui, faire vivre des apprentis sur deux ou trois lieux différents est une difficulté qui n'est plus prise en charge par les régions. La réforme de l'apprentissage est globalement positive mais elle demanderait deux années supplémentaires de transition. En outre, le climat est tendu en raison des contentieux financiers et des conflits de compétences entre État et régions.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

État B

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis . - L'amendement II-456 vise à majorer de 5 millions d'euros les crédits dédiés au financement des maisons de l'emploi. Cet amendement suscite une large adhésion. Les maisons de l'emploi doivent toutefois être soumises à une évaluation de leur performance.

L'amendement II-456 est adopté.

Article 80

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis . - L'amendement II-457 vise à conserver la possibilité pour le pouvoir réglementaire d'étendre le bénéfice de l'Acre au-delà de la première année.

L'amendement II-457 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de la mission « Travail et emploi » ainsi qu'aux articles rattachés.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

___________

• Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CPME)

Sandrine Bourgogne , secrétaire générale adjointe

Eric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales et de la formation

• Pôle emploi

Jean Bassères , directeur général

• Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

Bruno Lucas , délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle

Bastien Espinassous , adjoint à la sous-directrice en charge du financement et de la modernisation

Théophane Babaud de Monvallier , adjoint au chef de la mission affaires financières

• Union des entreprises de proximité (U2P)

Pierre Burban, secrétaire général

Thérèse Note, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement

• Mouvement des entreprises de France (Medef)

Pierre-Matthieu Jourdan, directeur adjoint à la Direction des relations sociales

Guillaume Leblanc, directeur des affaires publiques

• Direction générale du travail (DGT)

Régis Bac , chef du service des relations et des conditions de travail

Frédéric Tézé , sous-directeur des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail

Pierre Daniel , adjoint au chef du bureau du pilotage budgétaire et du contrôle de gestion

Philippe Sold , sous-directeur du pilotage et de l'animation du système d'inspection du travail

• CMA France

Jacques Garau , directeur général

Samuel Deguara, directeur des relations institutionnelles

• Association des régions de France (ARF)

Jules Nyssen , délégué général

David Duval, conseiller formation professionnelle, éducation et emploi

• Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Chantal Richard , secrétaire confédérale

• Confédération Force ouvrière (FO)

Michel Beaugas , secrétaire confédéral en charge de l'emploi et des retraites

Garance Desjours, assistante en charge de l'emploi


* 1 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 2 Au deuxième trimestre 2019.

* 3 Idem.

* 4 Idem.

* 5 Les crédits dédiés à l'ASS représentent 97 % des crédits transférés à Pole emploi au titre du financement du régime de solidarité.

* 6 Décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage.

* 7 Circulaire n° DGEFP/SDPAE/MIP/MPP/2018/11 du 11 janvier 2018 relative aux parcours emploi compétences et au Fonds d'inclusion dans l'emploi en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi.

* 8 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel - art. 28.

* 9 Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance - art. 15.

* 10 Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

* 11 Arrêté du 24 novembre 2016 fixant la liste des territoires retenus pour mener l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

* 12 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 - Art. 175.

* 13 Le montant de cette aide s'élève à 5 000 euros par an sur trois ans pour un CDI et à 2 500 euros par an sur deux ans pour un CDD.

* 14 Arrêté du 22 mars 2019 modifiant l'arrêté du 30 mars 2018 fixant la liste des territoires éligibles au dispositif expérimental « emplois francs ».

* 15 Le dispositif des emplois francs concerne ainsi tous les QPV concerne ainsi les régions Hauts-de-France et Ile-de-France, les départements des Ardennes, des Bouches-du-Rhône, de la Haute-Garonne, du Maine-et-Loire, du Vaucluse, ainsi que l'ensemble des départements d'Outre-mer (Guyane, Réunion, Mayotte, Martinique, Guadeloupe) et la collectivité de Saint-Martin.

* 16 Décret n° 2019-365 du 24 avril 2019 modifiant le décret n° 2018-230 du 30 mars 2018 relatif à l'expérimentation d'emplois francs.

* 17 Au 10 novembre 2019, le nombre total de demandes d'aides acceptées s'élevait selon Pôle emploi à 15 073.

* 18 Créé en 1979, ce dispositif est compensé à la sécurité sociale par des crédits issus de la mission Travail et emploi depuis 2016.

* 19 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 (1).

* 20 Cette exonération porte sur les cotisations patronales et salariales de sécurité sociale à l'exception des cotisations AT-MP - art. 13.

* 21 L'article L. 131-6-4 du code du travail permet l'allongement de l'exonération dans des conditions fixées par décret. Cet allongement est prévu par l'article D. 131-6-2.

* 22 En 2018, l'Acre bénéficiait à 250 000 entrepreneurs pour un coût de 218 millions d'euros.

* 23 Il s'agit notamment des demandeurs d'emploi, des bénéficiaires de l'ASS ou du RSA, des jeunes de 18 à 26 ans et des personnes créant ou reprenant une activité située dans un quartier prioritaire de la politique de la ville.

* 24 Article 1 er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH).

* 25 Conseil d'État, décision du 25 octobre 2017, Société Vivendi, N° 403320.

* 26 Les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-D'azur n'ont pas signé de PPIC. Le PIC y est mis en oeuvre par Pôle emploi.

* 27 Le FPSPP a été supprimé par la loi du 5 septembre 2018.

Page mise à jour le

Partager cette page