EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2019

___________

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je donne la parole à notre collègue, Monsieur Claude Kern, rapporteur pour avis des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Claude Kern, rapporteur pour avis du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » sur le projet de loi de finances pour 2020 . - La politique d'influence de la France a été réaffirmée par Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, lors de la conférence des ambassadrices et ambassadeurs du 27 août dernier comme « l'un des trois piliers fondamentaux de notre politique étrangère globale ». La hausse de 2,7 % en 2020 des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », dont la dotation s'élève à 718,1 millions d'euros en crédits de paiement (contre 699,6 millions en loi de finances initiale pour 2019), témoigne de cette priorité politique.

Derrière cette progression globale du budget, évolution que nous ne pouvons que saluer, se cachent toutefois des disparités importantes dans le traitement réservé aux opérateurs du programme. Ainsi, la politique d'influence culturelle du Gouvernement met l'accent, en 2020, sur l'enseignement français à l'étranger et son agence dédiée. L'attractivité universitaire de la France et son réseau de coopération culturelle semblent, en comparaison, moins prioritaires.

L'augmentation de la dotation du programme 185 résulte essentiellement de la hausse de 24,6 millions d'euros de la subvention pour charge de service public allouée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Techniquement, cette enveloppe supplémentaire prend la forme d'un « rebasage » et devrait donc être stabilisée à ce niveau en 2021 et 2022. Ce relèvement était très attendu, surtout qu'en 2017 il avait été procédé à une réduction de 33 millions d'euros de la subvention, ce qui avait contraint notre communauté scolaire à l'étranger à d'importants efforts. Le taux de la participation financière complémentaire versée par les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés était ainsi passé de 6 % à 9 % en 2018, puis à 7,5 % en 2019. Il redescendra à 6 % en 2020.

L'abaissement du taux de cette participation complémentaire, rendu possible par l'augmentation de la subvention, devrait se traduire par une économie de 12 millions d'euros pour les établissements. Cette somme pourra alors être investie ou utilisée pour modérer leurs droits d'écolage.

Les 12,6 millions d'euros restants d'augmentation du budget de l'AEFE doivent principalement permettre de financer des formations pour les enseignants, à hauteur de 5 millions d'euros. Le développement de l'enseignement français à l'étranger ne peut pas, et je dirais, ne doit pas reposer sur les seuls titulaires de l'Éducation nationale, même si l'objectif est d'augmenter leur nombre de 1 000 en dix ans. Ce sont essentiellement les personnels locaux qui porteront le développement du réseau ; ils doivent donc être formés. L'enveloppe de 5 millions d'euros sera consacrée à la transformation, à compter du 1 er janvier 2020, de 16 lycées mutualisateurs en instituts régionaux de formation, ainsi qu'à celle des postes de résidents en postes d'enseignants formateurs.

2,5 millions d'euros serviront ensuite à renforcer les outils numériques du réseau.

Un montant d'1 million d'euros sera également affecté aux nouvelles demandes d'homologation. L'accroissement du nombre d'établissements homologués est, comme nous l'a expliqué Olivier Brochet - directeur de l'AEFE - lors de son audition, l'un des principaux leviers de développement du réseau. Ce choix du Gouvernement n'est toutefois pas sans soulever des inquiétudes. La fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (Fapée), dont j'ai reçu plusieurs représentants, a ainsi attiré mon attention sur deux points. D'une part, la nécessité de maintenir une exigence de qualité de l'enseignement dispensé : l'excellence de notre réseau ne doit pas être sacrifiée sur l'autel de son élargissement. D'autre part, le risque que cette politique d'expansion, par l'homologation de nouveaux établissements, entraîne une moindre attention à la situation des anciens. À mon sens, un juste équilibre doit être trouvé entre essor du réseau et soutien aux structures existantes.

Enfin, le solde des moyens supplémentaires accordés à l'AEFE permettra de financer des projets immobiliers.

Globalement, d'après les différentes personnes auditionnées, l'évolution à la hausse de la subvention de l'Agence est cohérente avec l'objectif fixé par le Président de la République de doubler le nombre d'élèves scolarisés dans le réseau d'ici 2030. Cependant, le caractère très ambitieux de cette annonce me laisse quelque peu dubitatif sur le niveau des moyens qui permettraient de la rendre effective. Certes, la progression du nombre d'élèves scolarisés dans le réseau est actuellement de l'ordre de 15 000 par an, mais l'atteinte de l'objectif présidentiel nécessiterait une augmentation annuelle de 30 000 élèves, soit le double !

J'en viens maintenant à la nouvelle stratégie d'attractivité universitaire intitulée « Bienvenue en France » présentée en novembre 2018. Elle fixe l'objectif d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en France d'ici 2027 en diversifiant les origines géographiques. Dans ce cadre, des frais de scolarité différenciés ont été institués pour les étudiants extra-communautaires, réforme sur laquelle notre éminent collègue Stéphane Piednoir et moi-même avions formulé, en mars dernier, les plus grandes réserves. Parallèlement, ont été annoncés le triplement des bourses d'études et des stages, ainsi que des exonérations de droits d'inscription.

Étonnamment, cette stratégie ne donne pas lieu, au sein du PLF pour 2020, à une augmentation de la subvention pour charge de service public allouée par le ministère à Campus France, qui la met en oeuvre et gère les bourses attribuées aux étudiants étrangers. La subvention est en effet maintenue à son niveau de 2019, soit 3,8 millions d'euros. Selon la directrice générale de Campus France, qui m'a tenu un discours de vérité, cette dotation n'est clairement pas à la hauteur des missions qui lui sont confiées. Le contexte international est, pourtant, de plus en plus concurrentiel : ainsi, la France est passée de la 4 ème à la 5 ème place, derrière l'Allemagne, en termes d'accueil des étudiants étrangers. Cette évolution imposerait donc d'avoir les moyens de nos ambitions !

En revanche, une bonne nouvelle pour Campus France en 2020 : son plafond d'emploi est relevé à 10 emplois temps plein. Ces effectifs supplémentaires doivent permettre de faire face à la hausse d'activité, liée notamment à un projet de formation de jeunes en Arabie Saoudite, à la campagne de labellisation des établissements participant à « Bienvenue en France », et au suivi de programmes européens.

Un dernier point d'alerte au sujet des bourses versées aux étudiants étrangers, qui représentent un enjeu majeur d'attractivité. Bien que l'enveloppe dédiée soit maintenue à 64,6 millions d'euros en 2020, ce montant ne leur est, en pratique, pas entièrement alloué. Ainsi, en 2019, sur les 73 millions disponibles au titre des bourses prévues aux programmes 185 et 209, seuls 56 millions d'euros ont effectivement été distribués à ce titre ! Il y a donc un décalage entre les crédits que nous votons et l'utilisation qui en est faite. Cette pratique, qui dure depuis 2016, est vigoureusement dénoncée par la directrice générale de Campus France auprès de sa tutelle. Les services du ministère, que j'ai interrogés, reconnaissent qu'une partie de l'enveloppe des bourses sert effectivement au financement d'autres actions, sans pouvoir préciser lesquelles. Un audit de l'inspection générale a été lancé pour éclaircir ce dossier... Je compte bien le suivre de près.

Le troisième opérateur du programme 185, l'Institut français, ne bénéficie pas d'un traitement favorable en 2020 : sa subvention de 28,8 millions d'euros retrouve son niveau de 2018, après une augmentation temporaire de 2 millions d'euros en 2019.

Ce coup de pouce de l'année dernière correspondait au lancement du « Plan pour la langue française et le Plurilinguisme », présenté en mars 2018 par le Président de la République, et dont 16 des 33 mesures sont pilotées par l'Institut français.

La non-reconduction de ces 2 millions d'euros constitue clairement un repli par rapport aux ambitions de ce plan. Le Président de l'Institut m'a d'ailleurs confié qu'il sera nécessairement procédé à des arbitrages : ainsi, certaines actions verront leur financement réduit. On peut dès lors avoir quelques doutes sur le devenir de ce Plan...

Ce contexte budgétaire contraint oblige l'Institut français à rechercher d'autres formes de ressources. Ses recettes de mécénat ont ainsi augmenté de 3 à 5 millions d'euros entre 2018 et 2019, à l'occasion notamment du financement de la saison Africa 2020, qui sera le grand événement du « Plan pour la langue française et le Plurilinguisme ». L'Institut a également reçu des crédits de l'Union européenne après avoir remporté plusieurs appels d'offres. La coopération avec les collectivités territoriales constitue une troisième source de financement particulièrement précieuse.

L'autre grande actualité de l'Institut français est bien sûr son rapprochement avec la Fondation Alliance Française. Sur le plan fonctionnel, la procédure est arrivée à son terme puisqu'une convention tripartite a été signée le 16 juillet dernier entre les deux institutions et leur ministère de tutelle. Celle-ci clarifie, théoriquement, le rôle de chacune des parties :

- à la Fondation Alliance Française, la promotion de la marque « Alliance française », l'animation du réseau et la labellisation des alliances ;

- à l'Institut français, les missions d'appui culturel, pédagogique et de formation au réseau des instituts et des alliances ;

- et, enfin, au ministère, la définition des axes politiques, la gestion des personnels détachés et le financement du réseau.

Aussi, ma crainte exprimée l'année dernière d'une « dévitalisation » des alliances s'est-elle quelque peu estompée devant les garanties apportées en termes de préservation de leur modèle original et de reconnaissance de leur plus-value.

Je suis en revanche beaucoup plus inquiet quant au rapprochement physique des deux opérateurs dans les locaux du 101 boulevard Raspail détenus par la Fondation Alliance Française. Vous vous souvenez sans doute de la position très déterminée défendue par son président, Alain-Pierre Degenne, lorsque nous l'avons auditionné. La procédure est juridiquement très compliquée et le ministère ne semble pas vouloir jouer les arbitres. De nouveaux rebondissements ne sont donc pas à exclure dans les prochains mois.

En résumé, mes chers collègues, je porte sur ce budget une appréciation en demi-teinte. La hausse des crédits est indéniable et permettra de valoriser notre réseau d'enseignement français à l'étranger auquel nous sommes tous très attachés. Je regrette néanmoins que cette priorité ait comme un effet d'éviction sur les autres piliers de notre politique d'influence que sont l'accueil d'étudiants étrangers et la coopération culturelle.

Sous les réserves que j'ai développées, je vous propose néanmoins d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence.

Je vous remercie de votre attention.

Mme Claudine Lepage . - Je remercie notre collègue pour la présentation de ce rapport, dont je partage globalement les constats même si j'en tire parfois des conclusions différentes.

Je comprends que la hausse du programme 185 ait été affectée en priorité à l'AEFE, mais je rappelle que ces 24,6 millions d'euros ne compensent pas la coupe drastique de 33 millions d'euros, faite en juillet 2017, qui a mené à la suppression de 512 postes sur trois ans. Vous pouvez imaginer pour cette agence la difficulté que cela a représenté.

Vous avez parlé de la participation financière complémentaire des établissements du réseau, qui va retrouver son niveau de 2017, 6 %. Mais il ne faut pas s'illusionner sur le fait que cela permette de faire baisser les frais de scolarité : un certain nombre d'établissements français à l'étranger ont des contraintes immobilières très fortes, surtout en termes de sécurisation. Ils sont souvent des cibles et pas seulement dans des pays en crise ; je pourrais citer le Lycée « Liberté » à Bamako, que j'ai connu comme une oasis au milieu des arbres et qui, aujourd'hui, est une véritable forteresse. Ces travaux ont un coût auquel l'AEFE doit faire face.

Vous avez mentionné les 1 000 détachements promis lors de l'annonce du plan de développement de l'enseignement français à l'étranger. Or, ces 1 000 détachements sont prévus sur dix ans, et ils serviront essentiellement aux nouveaux établissements financés par des investisseurs privés. Nos 500 établissements actuels n'en bénéficieront pas, d'où l'importance de la formation des recrutés locaux.

Je partage aussi l'inquiétude des parents d'élèves sur la qualité des établissements à la suite de l'annonce d'allègement des critères d'homologation. En effet, cela peut signifier que des établissements n'offrant pas un enseignement comparable à ce qui se fait en France pourraient malgré tout être homologués.

En ce qui concerne Campus France, il y a un paradoxe assez étonnant entre l'annonce du plan « Bienvenue en France » et le manque continuel de moyens attribués. Son budget n'est pas du tout à la hauteur des ambitions du Gouvernement et si l'on ajoute à cela les frais de scolarité différenciés que vous avez mentionnés, on peut s'inquiéter de l'évolution du nombre d'étudiants étrangers qui vont continuer de venir en France. Il a d'ailleurs baissé cette année.

Quant à l'Institut français, la somme de 2 millions d'euros attribuée l'année dernière n'était qu'une subvention exceptionnelle, donc non reconductible. Cela a d'ailleurs donné lieu à des tensions lors du dernier conseil d'administration auquel j'ai assisté. L'Institut français se trouve ainsi en difficulté pour mener à bien à la fois les nouveaux projets d'enseignement de la langue française et pour maintenir son niveau d'activité. L'augmentation du mécénat ne pourra pallier cela puisque ses recettes financent certaines manifestations, et non l'activité générale de l'Institut. Je partage enfin vos inquiétudes quant au rapprochement de la Fondation Alliance française et de l'Institut français.

En conclusion, mon groupe ne votera pas les crédits en question.

M. Jean-Pierre Leleux . - Je félicite notre rapporteur pour ce bon rapport qui reflète la baisse de l'intention politique et qui nous met chaque année dans une position délicate, voter contre pour sanctionner ou voter pour afin d'encourager.

Chaque année, la diffusion de la culture française à l'étranger s'affaiblit considérablement. Je partage les points d'inquiétude soulevés par notre collègue Claudine Lepage. En effet, la mise à niveau des crédits de l'AEFE est satisfaisante ainsi que l'objectif de développement du réseau, mais si cet accroissement va de pair avec un amoindrissement des critères d'homologation, cela comporte un risque d'affaiblissement du niveau, à l'instar de celui de notre baccalauréat d'aujourd'hui.

Quant au montant des bourses, j'apprends aujourd'hui que l'affectation des crédits votés est inconnue. Monsieur le rapporteur, je vous encourage vivement à suivre ce sujet particulièrement inquiétant.

Enfin, la situation de l'Institut français représente une crainte. Quand vous parlez aux instituts français à l'étranger, ils font preuve de courage et de bonne volonté et ils travaillent beaucoup à élargir les dotations de mécénat pour compenser la faiblesse des budgets publics. Pendant ce temps, nos concurrents européens - le British council, l'Institut Goethe, l'Institut Cervantès, la Chine -, mettent au contraire la pression pour imposer leur culture dans l'ensemble des pays du monde.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra.

M. Claude Malhuret . - Le budget de la mission s'élèvera à 2,87 milliards d'euros en 2020 contre 2,72 milliards d'euros en 2019 ; il s'agit donc d'un budget en augmentation même si elle n'est pas extrêmement importante.

Nous portons une attention particulière à l'égard du programme 185 consacré à la diplomatie culturelle et d'influence, qui est en augmentation de 18 millions hors dépenses de personnel pour atteindre 643 millions d'euros. La France dispose de richesses culturelles et artistiques exceptionnelles qui sont des atouts incomparables pour notre politique d'influence, même si elle est parfois concurrencée et disputée. On peut donc tout de même saluer la hausse des moyens consacrés à ce programme.

Je voudrais également insister sur l'effort en direction de l'enseignement du français à l'étranger avec la hausse de la dotation de l'AEFE de 24,6 millions d'euros qui porte ses moyens à 408 millions d'euros. Nous disposons aujourd'hui d'un réseau que l'on peut nous envier : 492 établissements avec 350 000 élèves scolarisés dans 137 pays.

Bien entendu, dans les années à venir, il s'agira de mettre en oeuvre l'ambition annoncée par le Président de la République de doubler les effectifs d'ici à 2030, notamment en multipliant les partenariats, ce qui est loin d'être acquis.

Enfin, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a confirmé la préservation du budget consacré aux bourses scolaires qui s'élève à 105 millions d'euros. Compte tenu de l'augmentation tendancielle des frais de scolarité , ces investissements sont indispensables pour les familles détachées à l'étranger.

Dans l'ensemble, en tenant compte de l'avis de la commission, du rapporteur et des éventuelles évolutions proposées, nous voterons les crédits de cette mission.

M. Pierre Ouzoulias . - J'aimerais revenir sur la méthode gouvernementale. Cela fait deux ans que l'on nous explique que, sur un certain nombre de problématiques au sujet desquelles le Gouvernement a de l'ambition, d'autres moyens de financement permettent de faire plus. Il y a eu la contribution pour la vie étudiante, le loto du patrimoine, et maintenant il y a les droits différenciés, et l'on s'aperçoit qu'à chaque fois que le Gouvernement va chercher des ressources à l'extérieur, c'est pour diminuer le budget public de ces sujets !

Chers collègues, je crois qu'il faut réviser nos mathématiques et comprendre que lorsque la nouvelle arithmétique gouvernementale annonce plus, c'est moins à la fin.

Je suis navré de constater qu'au final, l'ambition portée par le Gouvernement pour un meilleur accueil des étudiants étrangers en France a été abandonnée. Par ailleurs, il faudra envisager toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et de la future décision du Conseil d'État sur l'arrêté instaurant des droits d'inscription différenciés pour l'accès aux établissements publics d'enseignement supérieur. Nous sommes tous persuadés que le juge administratif va aller dans le sens du juge constitutionnel et va obliger le Gouvernement à revoir la totalité des frais relatifs aux étudiants.

Pour nous, le constat est effectivement en demi-teinte et nous voterons donc contre ces crédits.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous rappelle que nous ne votons pas les crédits au sein de notre commission, je traduis donc que vous émettez un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Françoise Laborde . - Je rejoins les propos de notre collègue Claudine Lepage, qui est une spécialiste du sujet. Nous soutenons le développement du français à l'étranger, ce qui passe par des professeurs supplémentaires et une offre de formation au niveau local, mais l'on constate un phénomène de vase-communicants, et l'on a ainsi perdu quelques millions d'euros.

On ne peut que constater qu'une grande action comme Africa 2020 sera quasi intégralement financée par des mécènes.

Je rejoins la conclusion du rapport de sentiment en demi-teinte. Le groupe RDSE se concertera et votera en son âme et conscience les crédits dans l'hémicycle. En attendant, il approuve la publication du rapport présenté par notre collègue Claude Kern.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Le rapport sera publié quoi qu'il arrive. Ce qui vous sera demandé tout à l'heure, c'est de vous positionner quant à l'avis à émettre sur l'adoption des crédits : favorable, défavorable ou s'abstenir.

M. Antoine Karam . - Le budget est stable, voire en légère hausse, mais aussi contradictoire. S'agissant de la déclaration du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui ré-affirme l'influence de la France à l'extérieur, je peux témoigner que la réalité est toute autre.

Des disparités existent, concernant notamment l'enseignement français à l'étranger. Celui-ci ne devrait pas seulement reposer sur les seuls titulaires de l'éducation nationale et les personnels locaux doivent donc être formés. La France a la chance d'avoir des bases sur pratiquement tous les continents (Pacifique, Océan indien, Caraïbes, même en Amérique du Nord avec Saint-Pierre-et-Miquelon, jusqu'en Amérique latine, je pense notamment au Brésil). Il aurait été plus profitable d'utiliser ces compétences qui ne demandent qu'à aller travailler dans les pays voisins.

Par ailleurs, s'agissant de l'audit lancé sur les crédits destinés aux bourses, il ne faut pas se faire d'illusion : quand bien même un certain nombre d'étudiants bénéficie de bourses, sur nos territoires, 95 % des étudiants étrangers relèvent de l'immigration clandestine et sont donc sans papier. Faut-il pour cela les laisser devant l'entrée des universités ? Bien sûr, cette situation pose un certain nombre de problèmes, mais je préfère encore qu'ils soient accueillis.

Notre groupe va suivre la proposition du rapporteur.

Mme Sonia de la Provôté . - Ce constat budgétaire laisse perplexe même si on a envie de l'encourager parce que les crédits proposés ne sont pas en baisse.

Je souscris aux craintes réitérées s'agissant de l'Institut français. Cela va devenir un sujet rapidement préoccupant. Un énorme travail de mécénat, de restructuration et de recherches de nouveaux financements a eu lieu, mais on va arriver à un stade où on ne pourra pas faire tellement plus. Le budget public ne peut pas se fonder sur ce potentiel perçu comme infini pour accompagner nos politiques à l'extérieur.

Je souscris au fait que les structures, telles que Cervantes, Goethe, etc., très pro-actives voire invasives sur le terrain, mettent en grande difficulté la présence de la langue française et notre diplomatie culturelle.

Quant à l'ambition de doubler les effectifs en 2030 avec de nouveaux partenariats, on peut faire le voeu qu'elle se réalise, mais l'atteinte de cet objectif doit reposer sur une ambition nationale laquelle ne peut se traduire, jusqu'à preuve du contraire, que par l'intermédiaire des budgets de la Nation.

Le dernier sujet porte sur une question posée régulièrement : un certain nombre de structures dépendant de nombreux ministères travaillent indépendamment les unes des autres sur le sujet de la culture française à l'étranger. Le ministre avait été interrogé à ce sujet et nous lui avions demandé, si ce n'est une contribution des uns et des autres de façon concertée, au moins un plan stratégique commun - je pense notamment au centre national du cinéma (CNC). Il nous avait promis qu'il ferait cet effort de concertation, mais rien n'a encore été fait.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis . - Pour répondre à vos différentes remarques, je confirme qu'il y a eu une baisse drastique de 33 millions d'euros en 2017 et une hausse l'année prochaine de 24,6 millions d'euros pour l'AEFE. Cette hausse se répercutera en 2021 et en 2022, pour permettre le rééquilibrage, ce qui semble satisfaire le directeur de l'Agence. C'est notamment en raison de cette évolution positive, qui permettra le développement du français à l'étranger et l'indispensable formation des personnels locaux, que j'ai fait le choix de proposer de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

En ce qui concerne l'introduction de frais de scolarité différenciés, nous sommes dans l'attente de la décision du Conseil d'État.

S'agissant de l'utilisation des crédits alloués aux bourses étudiantes, là aussi, il faut attendre les résultats de l'audit de l'inspection générale ; vous pouvez compter sur moi pour suivre ce dossier. Je souligne le fait que le ministère est incapable aujourd'hui de nous dire comment ces crédits sont précisément fléchés, ce qui est inquiétant.

Quant à vos inquiétudes sur la perte de l'influence française à l'étranger, je les partage naturellement.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je souhaite donner quelques éléments de contexte quant à la trajectoire du budget de l'Institut français. Je rappelle que les crédits qui lui sont accordés, et plus globalement ceux qui sont dédiés à l'action extérieure de l'État, avaient très largement baissé lors du précédent quinquennat.

À l'époque, les collègues membres de cette commission avaient travaillé avec l'Institut à l'élaboration du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM). Nous souhaitions émettre un avis défavorable, en lien d'ailleurs avec la commission des affaires étrangères, mais le président de l'Institut de l'époque, Bruno Foucher, nous en avait dissuadés, car cela aurait été un mauvais signal vis-à-vis des personnels qui accomplissement leurs missions à travers le monde. Depuis lors, les crédits se sont stabilisés et les montants antérieurs n'ont plus jamais été atteints. Mais de nombreuses inquiétudes demeurent, comme nous le constatons lors de nos déplacements à l'étranger.

Je précise que ce COM est en cours d'exécution puisqu'il couvre la période 2017-2019. Je vous proposerai donc qu'on auditionne l'actuel président, Pierre Buhler, au sujet de l'exécution de ce contrat et de l'avenir. Nous aurons en effet un avis à émettre très prochainement sur le futur COM.

Mme Catherine Dumas . - Je souhaite donner les raisons pour lesquelles je suis en phase avec l'abstention préconisée par mon collègue Jean-Pierre Leleux.

Ce budget manque en effet d'une grande ambition même si, comme vous l'avez rappelé, il était bien plus négatif encore les années précédentes. Vous avez également parlé de trajectoire et celle-ci me laisse très perplexe. Quelle est-elle ?

L'audition du président de la Fondation Alliance française, Alain-Pierre Degenne, au cours de laquelle nous avions évoqué le rapprochement entre son établissement et l'Institut français, m'avait également déçue, car il n'avait apporté aucun élément. Et nous n'en avons toujours aucun à ce jour. Je souscris donc aux propos de mes collègues quant au fait que le Gouvernement doive sortir avec courage de cette ambiguïté.

Enfin, sur l'accueil des étudiants en France, sujet qui revient très souvent dès que l'on discute avec des groupes d'amitiés d'autres pays, les moyens sont en deçà de la grande ambition affichée par le Président de la République, celle de faire du français la troisième langue dans le monde. On en est encore loin !

M. Damien Regnard . - J'ai eu l'occasion de me rendre dans six ou sept pays depuis début octobre et je tiens à apporter une note positive. Je dirais qu'il existe un besoin et une envie de France et de langue française.

J'étais en début de semaine à Dubaï où j'ai appris que les Émirats avaient signé un accord en faveur de l'insertion, dans leur système éducatif, de l'apprentissage du français. En revanche, une seule personne gère aujourd'hui cet enseignement, alors que les Chinois y consacrent 300 enseignants.

En Corée du Nord également, nous avons un seul enseignant détaché en permanence à Pyongyang qui donne des cours dans deux universités. Il avait un peu plus de 80 élèves jusqu'à cinq ans. Aujoud'hui il n'y en a plus que 30. L'Allemagne, elle, a implanté un Goethe Institut.

Il existe aussi un problème de lisibilité à l'étranger car il y a une concurrence directe entre les deux organisations que sont la Fondation Alliance française et l'Institut français. La Fondation accomplit un travail au-delà de sa mission d'enseignement depuis plusieurs dizaines d'années, avec des locaux magnifiques. Dans le même temps, l'Institut fait la même recherche de sponsors, sur les mêmes cibles.

Je suis assez sévère avec le budget proposé car il n'est absolument pas proportionnel aux attentes de nos partenaires. Je suivrai mon groupe en m'abstenant, mais je déplore cette situation parce que ce besoin de France est réel. On a pu le constater au Mexique récemment lors du déplacement de la commission. L'Institut français présent y est en décrépitude et saturé. Malgré cela, les enseignants, souvent sous-payés et exerçant dans de mauvaises conditions, restent dévoués.

Quant à l'argent qui disparaît de l'usage des bourses, ce fait n'est pas nouveau ; il serait temps de savoir où il passe !

Mme Claudine Lepage . - Je rappelle à Damien Regnard que la plupart des instituts français à l'étranger se trouvent en autonomie financière alors que nous débattons ici du budget de l'Institut français, c'est-à-dire de l'Epic parisien. Même remarque concernant la Fondation Alliance française et les alliances. Il n'y a pas de lien organique entre les institutions parisiennes et leurs antennes à l'étranger.

Quant à la « disparition » des bourses, je ne suis pas sûre que le terme soit tout à fait approprié. Il ne s'agit pas de toutes les bourses, mais de celles gérées par Campus France. Et elles ne disparaissent pas pour tous les services...

M. Claude Kern, rapporteur pour avis . - Par rapport aux propos de notre collègue Damien Regnard, je rappelle qu'il n'y a pas de diminution globale des crédits. Il y a une augmentation pour l'AEFE, une stabilisation pour Campus France et un retour au niveau de 2018 pour l'Institut français.

Pour faire face à la concurrence entre l'Institut français et la Fondation Alliance française, la nouvelle convention tripartite est là pour bien répartir les rôles. Sur le terrain, comme vient de l'expliquer notre collègue Claudine Lepage, les instituts et les alliances à l'étranger sont autonomes par rapport aux institutions parisiennes.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je soumets donc à votre avis l'adoption des crédits, qui sont par ailleurs examinés par la commission des finances, puis votés par chaque groupe dans l'hémicycle. Claude Kern nous invite à leur donner un avis favorable.

Y-a-t-il encore quelqu'un qui souhaiterait s'exprimer ?

Mme Sonia de la Provôté . - On vote sur des crédits en légère augmentation par rapport à l'année dernière ; il est donc difficile de s'y opposer. En revanche, il y a un décalage entre les objectifs affichés par le Président de la République et les crédits proposés.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous aurons bien sûr un débat intense dans l'hémicycle car ce budget pose question depuis des années. Ce n'est pas faute d'avoir alerté le Gouvernement. Je vous rappelle que l'on avait provoqué il y a deux ans, à la veille du budget, un débat sur les crédits de l'Institut français et de la Fondation Alliance française. On a de même alerté maintes fois sur la diminution constante des crédits à l'audiovisuel extérieur.

Page mise à jour le

Partager cette page