III. POUR UNE ÉCOLE INCLUSIVE DANS L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE AGRICOLE

Priorité du Gouvernement, votre rapporteur pour avis a souhaité centrer ces travaux dans le cadre de cet avis budgétaire sur l'école inclusive dans l'enseignement agricole.

A. L'ACCUEIL D'UN NOMBRE IMPORTANT D'ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP DANS L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

Depuis de nombreuses années, l'enseignement agricole accueille un nombre important d'élèves en situation de handicap. Il s'agit majoritairement « de troubles du langage et de la parole puis, dans une moindre mesure, des troubles intellectuels et cognitifs, des troubles du psychisme et des troubles moteurs » 21 ( * ) .

Le nombre d'élèves souffrant d'un handicap est en constante augmentation depuis 2005, avec une hausse moyenne de 15 % par an . Au 1 er janvier 2019, selon les chiffres transmis par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, 2 395 élèves en situation de handicap ont bénéficié d'une aide dans les lycées agricoles à la suite d'une notification des maisons départementales des personnes handicapées. Ce chiffre était de 1 933 au 1 er janvier 2018, soit une hausse de 20,3 %.

Depuis la rentrée 2017, deux agents à temps plein animent un réseau national consacré à l'inclusion des jeunes en situation de handicap dans l'enseignement agricole.

Une enveloppe de 14,42 millions d'euros, dont 14,32 millions d'euros pour les auxiliaires de vie scolaire, est inscrite dans le budget pour 2020. Votre rapporteur pour avis salue cette hausse de 26 % par rapport au budget pour 2019, soit de près de 3 millions d'euros.

B. UN BUDGET EN HAUSSE QUI NE DOIT PAS MASQUER L'EXISTENCE DE PROBLÈMES PERSISTANTS

1. Prendre en compte la proportion importante d'enfants présentant des besoins spécifiques par classe dans l'enseignement agricole

L'enseignement agricole se caractérise par l'accueil d'un nombre important d'élèves en situation de handicap ou connaissant des difficultés sévères d'apprentissage . Ainsi, les représentants du Snetap-FSU ont donné l'exemple d'une classe de 4 ème /3 ème agricole de 24 élèves dans laquelle 22 élèves connaissent des difficultés d'apprentissage pouvant aller jusqu'au handicap, tandis que les représentants du SGEN-CFDT ont évoqué 12 élèves en situation de handicap sur une classe de 22 élèves. Quant aux représentants du SEA-Unsa, ils ont évoqué une classe de 4 ème et 3 ème professionnelle dans laquelle 15 des 20 élèves sont en situation de handicap. Certes, ces exemples ont été choisis à dessein par les syndicats, mais ils témoignent de l'effort important fait par l'enseignement agricole en matière d'inclusion depuis de nombreuses années. Pour votre rapporteur pour avis, cette spécificité doit être gardée à l'esprit dans la démarche actuelle de relèvement des seuils des effectifs maximum d'élèves par classe.

Les seuils du nombre maximal d'élèves par classe ont en effet été relevés à la rentrée 2019, de seize à dix-neuf élèves pour les classes à effectif limité et de vingt-quatre à vingt-sept élèves pour les autres classes. Votre rapporteur pour avis note que ce relèvement de seuil a permis d'accueillir un nombre supérieur d'élèves dans l'enseignement agricole . En effet, comme le souligne la direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, ces seuils bas conduisaient les établissements à refuser des élèves . Le relèvement de seuil a permis d'absorber la hausse de 750 élèves - soit une hausse de 3 à 4 élèves par établissement -, à budget quasi constant.

Mais, dans une classe accueillant un nombre important d'élèves nécessitant une attention particulière, le relèvement des seuils conduit selon les représentants du Snetap-FSU à mettre les équipes sur le terrain en grande difficulté. Selon eux, à la veille des vacances de la Toussaint, deux tiers des enseignants déclarent être en difficulté. Il semble indispensable à votre rapporteur pour avis d'évaluer avant la rentrée prochaine les conséquences de cette augmentation des seuils sur les enseignements, les conditions d'apprentissage et les élèves, d'autant plus si la tendance haussière des effectifs se poursuit sans modification du schéma d'emploi pluriannuel.

En outre, si on constate des améliorations dans l'articulation entre les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et les maisons départementales des personnes handicapées, sur le terrain, des retards perdurent dans l'affectation aux jeunes d'un accompagnement, alors même que l'année scolaire est désormais bien entamée. Ainsi, en Pays de Loire, la mise à disposition des AESH ne couvre pas 100 % des notifications de la maison départementale des personnes handicapées, conduisant pour le jeune à ne pas être accompagné sur une partie de son emploi du temps.

Sur certains territoires, l' incertitude sur la présence d'un AESH le jour des examens - notamment d'un lecteur scripteur qui reformule les consignes - est telle que certains parents d'élèves viennent afin de pallier le cas échéant au pied levé l'absence de cette aide indispensable à leur enfant. Votre rapporteur pour avis souhaite a minima une anticipation afin de fiabiliser l'accompagnement des élèves à ces moments clés de leur formation . De manière plus générale, ce problème souligne les difficultés de fidélisation des AESH. Les salaires peu élevés malgré une revalorisation conduisent à des difficultés de pérennisation des personnels sur ce type d'emploi. Pour votre rapporteur pour avis, cela pose nécessairement la question de la formation des nouveaux arrivants.

2. Les assistants d'éducation : acteurs essentiels de l'accompagnement des élèves

Une autre caractéristique importante de l'enseignement agricole réside dans le nombre important d'élèves internes. En effet, plus de 59 % des élèves font le choix de l'internat . Votre rapporteur pour avis souhaite souligner l'importance de ne pas passer sous silence ce temps périscolaire . La surveillance des élèves est alors déléguée aux établissements et aux assistants d'éducation. Or, ces derniers ne sont pas assez nombreux pour encadrer dans de bonnes conditions les élèves pendant ces temps périscolaires, d'autant plus qu'il est nécessaire de prendre en compte au-delà du ratio « nombre d'élèves par assistants d'éducation » les contraintes matérielles, telles que la séparation des filles et des garçons entre des étages voire des bâtiments distincts.

Votre rapporteur pour avis a été alerté sur la crainte d'un décrochage entre l'enseignement scolaire et l'enseignement agricole pour les assistants d'éducation . En effet, l'arrêté du 24 septembre 2019 fixant la rémunération des assistants d'éducation a prévu une augmentation de celle-ci : le traitement est désormais déterminé par référence à l'indice brut 357 au lieu de 299. Le programme 230 « vie de l'élève » a ainsi prévu pour le budget 2020 une enveloppe de 1 399 566 625 euros afin de rémunérer 49 625 assistants d'éducation, soit 28 202,85 euros par assistant d'éducation. Par comparaison, la dotation prévue en 2019 permet de rémunérer 49 625 assistants d'éducation en moyenne annuelle. Le coût annuel par assistant d'éducation est en augmentation de 1 161 euros.

Or, dans le programme 143 relatif à l'enseignement agricole, 33 443 380 euros sont budgétés pour la rémunération de 1 248,3 postes d'assistants d'éducation. Le montant par assistant d'éducation est donc de 26 791,14 euros, soit globalement le même montant moyen que dans le projet de budget pour 2019 (26 790,90 euros par assistant d'éducation). Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ne semble ainsi pas avoir pris en compte dans le budget 2020 la revalorisation de l'indice des assistants d'éducation.

L'écart de subvention par le ministère concerné sur la rémunération d'un assistant d'éducation dans un établissement scolaire de l'éducation nationale et un assistant d'éducation dans un établissement agricole est désormais de 1 411 euros. Il était « seulement » de 251 euros en 2019, après un effort important de rattrapage ces dernières années par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Montant annuel par assistant d'éducation versé par l'État aux établissements publics locaux d'enseignement

Année

Montant par assistant d'éducation dans l'enseignement scolaire

Montant par assistant d'éducation dans l'enseignement agricole

Différentiel

2019

27 041 €

26 790 €

- 251 €

2020

28 201 €

26 791 €

- 1 411 €

Source : documents budgétaires PLF 2019 et PLF 2020

Or, les personnels d'assistance éducative sont recrutés et rémunérés par les établissements publics locaux d'enseignement. Ceux-ci bénéficient d'une subvention de la part du ministère de l'agriculture et de l'alimentation pour couvrir la rémunération des assistants d'éducation. En raison de l'écart entre les crédits alloués au ministère pour cette subvention et le coût des assistants d'éducation pour les établissements, ceux-ci sont face à un choix douloureux :

- prendre en charge ce différentiel, alors même que la rémunération de ces personnels relève de la compétence de l'État sur leurs budgets propres (par exemple des visuels ou des stands dans les salons locaux d'information et d'orientation) ;

- diminuer la quotité du temps de travail pour correspondre aux sommes perçues avec pour incidence la réduction de l'encadrement des élèves.

Votre rapporteur pour avis appelle le ministre à prendre rapidement en compte la revalorisation de la rémunération des assistants d'éducation. Cette disparité est d'autant plus regrettable que votre rapporteur pour avis constate une volonté de rapprochement entre les deux ministères sur d'autres sujets en matière d'enseignement.

* * *

En conclusion, pour votre rapporteur pour avis, le budget consacré à l'enseignement agricole, en hausse de 0,5 %, ainsi que le rapprochement tant attendu entre le ministère de l'éducation nationale et celui de l'agriculture témoignent de l'intérêt que porte le Gouvernement à l'enseignement agricole - « dispositif de formation plein d'atouts pour les jeunes ».

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur pour avis émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Enseignement technique agricole » .

*

* *

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2020 .

EXAMEN EN COMMISSION

JEUDI 14 NOVEMBRE 2019

___________

La commission procède à l'examen du rapport pour avis sur les crédits « Enseignement scolaire » et « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2020.

- Présidence de M. Max Brisson, vice-président -

M. Max Brisson , président . - Mes chers collègues, en l'absence de notre présidente, il me revient de présider cette commission consacrée à l'examen du rapport pour avis sur les crédits « Enseignement scolaire » et « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2020.

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Enseignement scolaire » . - Le projet de budget pour l'année 2020 - hors enseignement agricole - s'établit à 72,7 milliards d'euros, soit une hausse de 1,37 milliard d'euros. Cette hausse est portée principalement par trois programmes.

Le programme 140 relatif à l'enseignement public primaire regroupe 38 % de l'augmentation des crédits. Il s'agit principalement de la poursuite du dédoublement des classes de CP et CE1 dans les établissements classés « réseau d'éducation prioritaire » (REP) et REP +.

L'obligation de l'instruction dès trois ans a un impact budgétaire supplémentaire estimé à 117 millions d'euros. Cette augmentation est relativement faible au regard des 5,5 milliards d'euros consacrés à l'école maternelle. En effet, 97 % des enfants de trois ans sont déjà scolarisés.

Par ailleurs, 33 % de l'augmentation des crédits sont portés par le programme 141 consacré à l'enseignement public secondaire. Les montants de dépenses des personnels sont en hausse de près de 471 millions d'euros pour deux raisons principales : la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnel, carrières et rémunérations » (PPCR) - pour 214 millions d'euros - et le glissement-vieillesse technicité - + 219 millions d'euros).

Enfin, le programme 230 pour la « vie de l'élève » accueille 20 % de l'augmentation des crédits en raison d'un bond de 14 % des crédits en faveur de l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Toutefois, malgré un budget en augmentation, je souhaite souligner deux points de vigilance.

Le premier point de vigilance concerne les moyens dévolus à la formation des enseignants. Les crédits de formation stagnent pour les personnels enseignants du second degré. Surtout, ces crédits sont en baisse de 3,45 %, soit près de 30 millions d'euros, pour les enseignants du premier degré. Il me semble paradoxal d'encourager la formation continue à travers un nouveau schéma directeur publié en septembre 2019 tout en baissant au même moment les crédits alloués à cette politique. Par ailleurs, je souhaite rappeler le décret du 6 septembre 2019 qui prévoit une incitation financière pour les enseignants qui se formeraient pendant les vacances. Son montant est de 120 euros par jour et 20 euros de l'heure dans la limite de cinq jours par an. Cette mesure aura un impact budgétaire.

Le second point de vigilance concerne la poursuite de l'effort de la Nation en faveur de l'éducation et les annonces récentes du Président de la République. Ont été annoncés le plafonnement de la taille des classes à 24 élèves en grande section, CP et CE1 sur l'ensemble du territoire d'ici à la rentrée 2022, ainsi que le dédoublement des classes de grande section de maternelle en REP et REP +. Interrogé à ce sujet le 13 novembre, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a indiqué que le plafonnement des effectifs nécessiterait la création de 3 200 équivalents temps plein (ETP) sur trois ans. Le dédoublement des classes de grande section dans l'éducation prioritaire conduirait à la création de 6 000 classes supplémentaires. Or seuls 440 emplois dans l'enseignement primaire ont été créés dans le budget 2020.

Le ministre a indiqué également que ces efforts s'échelonneraient sur la fin du quinquennat et qu'il fallait en outre prendre en compte la baisse démographique des élèves, avec 40 000 élèves de moins à cette rentrée malgré l'abaissement de l'âge de scolarisation obligatoire. Nous devrons être très attentifs à la mise en oeuvre de ces annonces.

J'en viens maintenant à la rémunération des personnels enseignants de l'éducation nationale. En effet, la mission « Enseignement scolaire » présente la spécificité de consacrer plus de 92 % de ses crédits aux dépenses de personnel et concerne plus d'un million de personnes. Aussi, il me semblait intéressant d'axer l'avis budgétaire de notre commission sur ce thème cette année.

Premier constat : les personnels enseignants ressentent un sentiment de déclassement social. Alors que le salaire net moyen d'un enseignant en France est de 2 555 euros, le salaire net moyen d'un fonctionnaire de catégorie A est de 2 909 euros. Il atteint même 3 632 euros pour le cadre A de la fonction publique d'État hors enseignant. Quant au salaire moyen d'un fonctionnaire de la catégorie B, il est seulement 100 euros inférieur à celui d'un enseignant, soit 2 422 euros. Un enseignant stagiaire du premier degré, qui a réussi un concours de niveau bac +5, est payé à 1,34 SMIC.

En outre, la rémunération des enseignants français est dans la moyenne inférieure de l'Union européenne. Certes, l'étude de l'OCDE « Regards sur l'éducation », publiée en septembre dernier, doit être prise avec une certaine distance en raison de la difficulté intrinsèque de toute comparaison internationale de systèmes différents. On peut toutefois retenir une idée forte : la progression salariale est plus lente en France que dans les autres pays de l'OCDE, que ce soit dans le premier ou le second degré. Le salaire moyen en France après 10 à 15 ans d'ancienneté est inférieur de 20 % à la moyenne de l'OCDE. À titre de comparaison, cet écart est de 7 % en début de carrière.

Enfin, si le salaire moyen en fin de carrière est plus élevé que celui constaté dans les autres pays de l'OCDE, il y est atteint plus tardivement. Dans l'OCDE, il faut en moyenne à un enseignant de collège 25 ans d'exercice pour atteindre l'échelon maximum du barème. En France, ce délai est de 27 ans, soit deux ans de plus. À titre de comparaison, il ne faut enseigner que pendant six ou sept ans en Écosse pour parvenir à l'échelon maximal.

Par ailleurs, l'analyse de la rémunération des enseignants montre qu'il faut se défaire d'une approche globale de cette question. On ne peut pas parler de la rémunération des enseignants en général, sans analyse catégorielle plus fine. La situation est très différente entre un professeur des écoles, un professeur certifié ou un professeur agrégé.

Un enseignant exerçant dans le primaire est plus pénalisé que celui travaillant dans le secondaire. Outre des possibilités de mobilité moins élevées, le pourcentage moyen des primes et indemnités dans le montant de la rémunération d'un enseignant du primaire est de 8 %, contre 16 % pour les enseignants du second degré et 22 % pour l'ensemble de la fonction publique.

On constate, ces dernières années, une volonté de revalorisation du salaire des enseignants. Je pense au protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), dont le coût pour la période 2017-2012 pour l'éducation nationale est évalué à un milliard d'euros. Le PPCR représente un coût de 300 millions d'euros en 2020. Je citerai deux déclinaisons : une convergence progressive de la proportion de promotions à la hors classe pour les professeurs des écoles vers celle des enseignants du second degré et la création d'un troisième grade : la classe exceptionnelle. Ces mesures concernent donc le milieu, voire la fin de carrière.

En outre, les personnels enseignants en REP + bénéficient d'une nouvelle revalorisation de 1 000 euros. Celle-ci fait suite à une première revalorisation d'un même montant lors de la précédente rentrée. Une troisième revalorisation est prévue l'année prochaine.

Enfin, le plafond des heures supplémentaires est augmenté. Ainsi, les enseignants du secondaire peuvent être tenus d'effectuer deux heures supplémentaires exonérées de cotisations salariales et défiscalisées dans la limite de 5 000 euros par an. D'ailleurs, les deux tiers des enseignants du second degré font au moins une heure supplémentaire par semaine. Je note toutefois que les enseignants du premier degré peuvent dans les faits moins profiter de cette mesure. Certes, sur le papier, ils peuvent bénéficier des mêmes exonérations pour les travaux supplémentaires effectués en dehors de leur service normal. Mais, avec un temps de présence devant élèves de 26 heures, contre 18 heures pour les professeurs certifiés et 15 heures pour les professeurs agrégés, la possibilité d'heures supplémentaires pour cette catégorie d'enseignants est réduite. En outre, cela ne répond pas à la pratique du métier. Le professeur des écoles a la même classe sur l'ensemble de ses heures de travail. Le temps scolaire du primaire ne prévoit pas d'autres heures d'enseignement.

Je conclurai cet avis par une première analyse des conséquences financières de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance ainsi que des récentes annonces du Président de la République pour les collectivités locales.

L'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire à trois ans engendre un coût important pour les collectivités locales, notamment en raison du choix de parents de scolariser leurs enfants à l'école privée. Lors des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance, nous avions alerté le Gouvernement sur ce surcoût pour les communes qui avaient fait le choix de participer au financement d'écoles maternelles privées sous contrat. Les conséquences financières de cette mesure peuvent représenter des sommes importantes, en raison du « montant du vrai forfait », c'est-à-dire du coût réel d'un élève pour l'école publique et du principe de parité des dépenses entre l'éducation privée et publique. Ainsi, à Brest, ce coût est estimé à 1 850 euros. Or le forfait que versait jusqu'à présent la ville de Brest à l'enseignement privé était de 850 euros. Certes, ce montant ne respectait pas le principe de parité public/privé, mais, dans la mesure où il ne résultait d'aucune obligation, tous les acteurs en étaient satisfaits et aucune remarque n'avait été faite au moment du contrôle de légalité. Le surcoût pour chaque enfant de maternelle scolarisé dans un établissement privé de Brest est de 1 000 euros, entraînant ainsi un coût total non prévu ni anticipé pour la ville de 1,3 million d'euros. Je ne peux que regretter que la position de notre commission et du Sénat n'ait pas été suivie lors des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance. Nous avions plaidé pour la pleine compensation de l'ensemble des communes concernées.

Nous devrons également suivre avec attention les conséquences financières du dédoublement des classes. On constate pour la rentrée actuelle une certaine tension. En raison de problèmes de bâti, certaines communes ont utilisé des locaux destinés à d'autres usages, comme l'accueil périscolaire. Les perspectives de construction de nouveaux bâtis scolaires, souvent dans des zones urbaines denses, voire très denses, doivent rapidement être prises en considération - ainsi que les compensations financières résultant de telles dépenses. La ville de Grenoble avance actuellement des coûts d'un montant de 600 000 euros. Ce sont autant de sommes actuellement « gelées » au détriment d'autres investissements de la collectivité.

Enfin, je souhaite évoquer le plan Pauvreté. Plusieurs mesures concernent le scolaire et le périscolaire. J'en évoquerai une : le petit-déjeuner gratuit dans les écoles en REP et REP + ainsi que pour certains territoires ruraux « défavorisés ». Ce dispositif pose de nombreuses questions. Tout d'abord, la catégorie de « territoires ruraux défavorisés » n'existe pas. Comment est-elle définie ? Ce repas doit-il être donné sur le temps scolaire ou périscolaire ? Qui donne ce repas : les enseignants ou des agents communaux ? Quelles sont les conséquences logistiques pour la livraison de ces petits-déjeuners et qui les supportent ? Face à l'ensemble de ces questions, et autant de conséquences en termes financiers, l'État ne propose une prise en charge que d'un euro par petit-déjeuner.

Malgré ces inquiétudes, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, sous réserve de l'avis de notre collègue Antoine Karam.

M. Antoine Karam , rapporteur pour avis des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole ». - Mes chers collègues, il m'appartient de rapporter les crédits du programme 143 de la mission « Enseignement scolaire » consacré à l'enseignement technique agricole : 1,47 milliard d'euros y seront consacrés en 2020, soit une augmentation de 7,15 millions d'euros. Cette hausse de 0,5 % des crédits du programme s'explique principalement par la poursuite en 2020 des mesures du protocole PPCR, comme pour l'ensemble de l'Éducation nationale (+ 5,46 millions d'euros), et par une dotation d'un million d'euros afin de poursuivre la promotion de l'enseignement agricole.

Cet avis budgétaire est l'occasion d'un rendez-vous annuel sur l'enseignement technique agricole, ce dont je me réjouis. J'ai décidé de profiter de ce point d'étape pour aborder deux sujets thématiques : un premier bilan de la campagne de communication « l'aventure du vivant » et la prise en compte des élèves en situation de handicap par l'enseignement agricole.

Mes chers collègues, comme beaucoup d'entre vous, je crois fortement en l'avenir de l'enseignement agricole. Il répond à des enjeux majeurs, qui sont la préservation de l'environnement et la gestion des ressources naturelles, la transition agro-écologique et les nouvelles formes d'agriculture. Pourtant, nous le savons, l'enseignement agricole connaît depuis 2011 une diminution continue de ses effectifs d'élèves. À la rentrée 2018, il accusait encore une perte de 4 000 apprenants.

Par ailleurs, la population des élèves qui fréquentent ces établissements est en pleine évolution. Alors qu'en 1985 près de quatre élèves sur dix étaient enfants d'agriculteurs ou de salariés agricoles, cette proportion n'est plus que d'un élève sur dix en 2017. L'enseignement agricole doit donc recruter au-delà de son cercle traditionnel.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a lancé en mars dernier une vaste campagne de communication, « l'aventure du vivant - des métiers grandeur nature » visant à promouvoir l'enseignement agricole.

L'année dernière, je vous disais mon sentiment que l'enseignement agricole devait sortir d'une logique de conservation et de repli pour entrer dans une logique d'expansion. À cet égard, je ne peux que saluer l'ambition de cette campagne qui traduit la volonté du ministère de l'agriculture d'améliorer l'attractivité de son enseignement.

Peu connu, souvent mal considéré, l'enseignement technique agricole gagnera à ce que les élèves soient mieux informés de ses taux d'insertion enviables - 82 % pour les bacs pro diplômés de 2012 par exemple.

Face à ce constat, le ministère de l'agriculture et le ministère de l'éducation ont fait preuve de volontarisme afin de revaloriser cet enseignement. Cette grande campagne de communication d'un million d'euros en 2019 a été lancée à l'occasion du salon de l'agriculture. Elle doit se poursuivre sur les territoires d'ici à février 2020. Je ne peux que saluer cette démarche que j'appelais de mes voeux depuis plusieurs années.

Par ailleurs, je note depuis avril 2019 un rapprochement bienvenu entre les ministères de l'agriculture et de l'éducation nationale. Les deux ministres ont ainsi cosigné une lettre insistant sur la nécessité de faire connaitre la formation agricole. En outre, plusieurs mesures concrètes ont été mises en place : des temps d'information des professeurs principaux de collèges et de lycées sur les filières de formation de l'enseignement agricole ; la participation systématique des professeurs principaux des établissements de l'enseignement agricole aux réunions de concertation troisième-seconde ; un partage de l'information entre les autorités académiques de l'éducation nationale et les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) ; l'utilisation des appellations officielles des formations proposées au lieu de dénominations jugées stigmatisantes telles que « 2 de agricole » ou « 4 ème -3 ème agricole » sur la base d'affectation des élèves par le net (Affelnet) pour le lycée qui permet aux élèves d'indiquer leurs souhaits d'orientation.

Si cette liste non exhaustive reflète bien le rapprochement qui a été opéré, elle souligne surtout l'absence de lien et de partenariat qui prévalait auparavant entre les deux ministères.

La campagne « l'aventure du vivant » semble porter ses fruits. On constate une nette inflexion. Alors que le nombre d'élèves a diminué de 4 000 lors de la rentrée 2018-2019, il est en hausse de 750 élèves pour cette rentrée. Comme l'a indiqué le ministre, l'enseignement agricole technique, y compris dans le supérieur, regroupe 183 000 apprenants. L'objectif ambitieux est d'atteindre la barre des 200 000 apprenants d'ici à 2022.

Si cette rentrée marque la fin de dix années de baisse continue, il est nécessaire de poursuivre cette revalorisation et d'accompagner l'effort de communication au niveau local. En effet, l'enseignement agricole présente la spécificité d'être un enseignement national à ancrage territorial. La déclinaison de cette campagne de communication sur les territoires est donc essentielle.

Or les représentants des chefs d'établissement agricole nous ont indiqué que ces dépenses n'avaient pas été budgétisées localement. Les établissements doivent financer sur leurs fonds propres des supports de communication dans les salons régionaux d'orientation. Les Draaf, en partenariat avec les régions, ont un rôle important à jouer pour mieux faire connaître localement ces filières.

Il me semble également important de réfléchir aux conséquences de la réforme des centres d'information et d'orientation (CIO) qui pourrait conduire à confier aux grands lycées de bassin cette mission d'orientation. Actuellement, il n'est pas prévu de confier une mission similaire aux lycées agricoles. En outre, franchir la porte d'un lycée pour s'informer sur son orientation peut représenter un frein pour certains élèves et leurs familles. Les CIO constituent un lieu plus « neutre » pour accueillir des jeunes qui se sont éloignés de l'école. Notons enfin que ces lieux étaient ouverts le samedi et pendant les vacances scolaires. En sera-t-il de même des lycées ? Notre commission devra être particulièrement vigilante sur les conséquences de cette réforme.

Je conclurai ce développement sur la valorisation de l'enseignement agricole par la nécessité de rester vigilant quant à cette inversion de la tendance sur les effectifs dans les prochains arbitrages budgétaires si elle venait à se pérenniser. Le schéma d'emplois pluriannuel sur la période 2019-2022 prévoit une réduction de 300 ETP dans l'enseignement agricole selon le schéma suivant : - 50 ETP en 2019, - 60 ETP en 2020, - 80 ETP en 2021 et - 70 ETP en 2022. Malgré la hausse des effectifs, la diminution de 60 ETP a été maintenue en 2020. Ces diminutions ont des effets immédiats sur la qualité de l'enseignement délivré, puisque l'enseignement agricole est une petite structure.

J'en viens maintenant à l'école inclusive dans l'enseignement agricole.

Depuis de nombreuses années, l'enseignement agricole accueille un nombre important d'élèves en situation de handicap. Une enveloppe de 14,4 millions d'euros en faveur de l'école inclusive est inscrite dans le budget pour 2020. Je constate qu'elle est en hausse de 26 % par rapport au budget pour 2019, soit près de 3 millions d'euros, ce dont je me réjouis.

Toutefois, ce budget en hausse ne doit pas masquer l'existence de problèmes persistants qui prennent une dimension particulière en raison des caractéristiques de l'enseignement agricole.

Comme vous le savez, l'enseignement agricole se caractérise par l'accueil d'un nombre important d'élèves en situation de handicap ou connaissant des difficultés sévères d'apprentissage. Je reprendrai quelques exemples donnés par les syndicats que j'ai auditionnés : une classe de 4 ème -3 ème agricole de 24 élèves, dont 22 élèves connaissent des difficultés d'apprentissage pouvant aller jusqu'au handicap, 12 élèves en situation de handicap sur une classe de 22 élèves, 15 des 20 élèves d'une classe de 4 ème et 3 ème professionnelle en situation de handicap.

Certes, ces exemples sont choisis, mais ils témoignent de l'effort important fait par l'enseignement agricole en matière d'inclusion depuis de nombreuses années. Cette spécificité doit être gardée à l'esprit dans la démarche de relèvement des seuils du nombre d'élèves par classe. Notre collègue Céline Brulin a d'ailleurs évoqué cette question lors de l'audition de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Si le relèvement des seuils permet de faire face à la hausse des élèves à budget quasi constant, puisque 750 élèves en plus représentent en moyenne 3 à 4 élèves en plus par établissement, cela ne doit pas conduire à une dégradation des conditions d'apprentissage des élèves.

Aussi, il me semble indispensable que le ministère procède avant la rentrée prochaine à une étude d'impact ex post des conséquences de cette augmentation des seuils sur les enseignements, les conditions d'apprentissage et les élèves. Je ne proposerai pas un amendement demandant un rapport au Gouvernement. Nous connaissons la position de notre commission sur ce type de demande.

Lors de son audition, Didier Guillaume a indiqué vouloir confier un rapport à son corps d'inspection sur les contractuels dans les établissements d'enseignement agricole. Le sujet des conséquences de l'augmentation des seuils mérite également d'être traité, surtout si la tendance haussière des effectifs se poursuit sans modification du schéma d'emploi pluriannuel. Je plaide pour que l'inspection générale de l'enseignement agricole se saisisse de ce sujet.

Si l'on constate des améliorations dans l'articulation entre les accompagnants d'élèves en situation de handicap et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sur le terrain, des retards perdurent dans l'affectation aux jeunes d'un accompagnement. Sur certains territoires, l'incertitude sur la présence d'un accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) le jour des examens, notamment d'un lecteur scripteur qui reformule les consignes, est telle que certains parents d'élèves viennent afin de pallier, le cas échéant au pied levé, l'absence de cette aide indispensable à leur enfant. Une anticipation minimale pour ces moments clés de la formation des élèves me semble la moindre des choses.

Une autre caractéristique importante de l'enseignement agricole réside dans le nombre important d'élèves internes. En effet, plus de 59 % des élèves font le choix de l'internat. Ce temps périscolaire ne doit pas être oublié. L'analyse de cette question sous l'unique prisme du ratio du nombre d'élèves par assistant d'éducation est insuffisante. On ne peut faire abstraction des contraintes matérielles, telles que la séparation des filles et des garçons entre des étages, voire des bâtiments distincts.

J'ai également été alerté sur la crainte d'un décrochage entre l'enseignement scolaire et l'enseignement agricole pour les personnels d'assistance éducative. Or ceux-ci sont recrutés et rémunérés par les établissements publics locaux d'enseignement. Toutefois, les établissements bénéficient d'une subvention du ministère pour couvrir ces frais. Au vu du nombre d'assistants d'éducation rémunérés et du montant de l'enveloppe allouée, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ne semble ainsi pas avoir pris en compte dans le budget 2020 la revalorisation de l'indice des assistants d'éducation issue de l'arrêté du 24 septembre 2019. Il y a un reste à charge pour l'établissement agricole de 1 411 euros par assistant d'éducation. Il était de 241 euros avant cette revalorisation. Les établissements d'enseignement agricole risquent d'être confrontés à un choix douloureux : prendre en charge ce différentiel sur leurs budgets propres, alors même que la rémunération de ces personnels relève de la compétence de l'État et ne pas financer d'autres projets (par exemple des visuels ou des stands dans les salons locaux d'information et d'orientation), ou diminuer la quotité du temps de travail pour correspondre aux sommes perçues avec pour incidence la réduction de l'encadrement des élèves.

Voilà, mes chers collègues, les points que je souhaitais aborder.

De mon point de vue, l'enseignement agricole est une filière d'avenir en prise avec les défis émergents. Il est pour certains jeunes une école de la deuxième chance incroyable, mais il est aussi et surtout une filière d'excellence, avec un taux d'insertion professionnelle remarquable.

Le budget que nous propose le ministère de l'agriculture en hausse de 0,5 % et le rapprochement tant attendu entre les ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture témoignent de l'intérêt que porte le Gouvernement à l'enseignement agricole.

C'est la raison pour laquelle, je recommande de donner un avis favorable à l'adoption des crédits affectés à l'enseignement agricole au sein de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Jacques-Bernard Magner . - L'augmentation de 1,9 % du budget de la mission est en réalité une augmentation en trompe-l'oeil. Il est en effet prévu de prendre 440 emplois dans le second degré pour en créer 440 dans le premier degré. Or le second degré a aussi besoin de moyens. Au total, 6 200 postes y seront supprimés en 2018, 2019 et 2020, alors que le nombre d'élèves augmentera de 99 000 sur cette même période. Même si le ministre balaie ce sujet d'un revers de main, les enseignants ressentent bien les problèmes que cela pose sur le terrain.

Le budget comporte des objectifs louables, notamment le dédoublement des classes dans les REP. En réalité, il faudrait 10 000 postes supplémentaires sur trois ans pour pouvoir atteindre les objectifs annoncés, comme le réclament les syndicats. Or nous n'y sommes pas.

À cela s'ajoutent la non-prise en compte de la revalorisation salariale des enseignants et le problème non résolu des difficultés que connaissent les directeurs d'école. Or ce n'est pas avec des volontaires du service civique que nous y arriverons !

La volonté affichée de vouloir faire former les enseignants sur leurs temps de vacances me paraît également grave. Quel salarié accepterait pareille démarche ? Je vous rappelle par ailleurs, ainsi qu'à tous ceux qui considéreraient que les vacances des enseignants sont trop nombreuses et trop longues, qu'en comptant leurs heures de correction et de recherche les enseignants dépassent largement les 35 heures par semaine.

Nous n'avons pas non plus réglé la question des moyens dévolus aux remplacements. Or les enseignants sont mal remplacés.

De même, les efforts du Gouvernement concernant les AESH sont insuffisants. Afficher ainsi des volontés sans prévoir les moyens associés crée de la frustration et des inégalités. Le ministre veut rendre la profession attractive, mais les actes ne suivent pas, même si nous soutenons certaines actions comme le prérecrutement des enseignants.

Ce budget, quoique volontariste, me paraît donc tout à fait insuffisant.

M. Laurent Lafon . - De nombreuses démarches ont été engagées pour l'école depuis deux ans, en faveur de la rémunération des enseignants, de l'instruction obligatoire à trois ans ou de l'école inclusive.

Même si la précision des réponses apportées le 13 novembre par le ministre de l'éducation nationale et la volonté qu'elles traduisaient ont pu paraître appréciables, un écart important se présente souvent entre les discours ministériels et la façon dont ils sont mis en oeuvre sur le terrain. Une certaine vigilance est de mise sur ce point.

Certains sujets soulèvent en effet des interrogations. Il en est ainsi du délai nécessaire pour la mise en oeuvre du statut des AESH dans certains rectorats. De même, dans les principaux territoires concernés par l'obligation de l'instruction à trois ans, comme la Guyane et Mayotte, un délai sera nécessaire avant la mise en oeuvre concrète de cette obligation.

Au-delà des chiffres et des effectifs se pose en réalité la question de l'efficience de l'organisation de l'éducation nationale. Jean-Michel Blanquer a indiqué que sa régionalisation n'était pas envisagée. C'était pourtant l'une des préconisations qui figurait dans le rapport d'information sur les nouveaux territoires de l'éducation que j'ai rédigé avec notre collègue Jean-Yves Roux, préconisation qui avait reçu un avis favorable de la mission d'information. La question de l'amélioration de l'efficacité d'une administration aussi importante et complexe que l'éducation nationale me paraît aussi importante que celles des effectifs et des moyens budgétaires qui lui sont alloués.

Enfin, je partage entièrement la remarque du rapporteur sur la vaste question de la formation des enseignants. Le constat du décalage entre le décret du 6 septembre et l'absence d'augmentation des crédits a de quoi soulever des interrogations.

Mme Françoise Laborde . - Nous ne pouvons que nous féliciter de l'augmentation de la ligne budgétaire dévolue au PPCR. La campagne de promotion de l'enseignement agricole me semble par ailleurs intéressante.

Il était en outre important d'insister sur la question de l'adéquation de Parcoursup avec l'enseignement agricole. Le ministre a bien répondu à ce sujet lorsque nous l'avons auditionné le 13 novembre.

De manière générale, l'enseignement agricole a l'avantage de constituer un excellent laboratoire, car les élèves y sont moins nombreux et l'encadrement y est différent.

S'agissant de l'enseignement scolaire, l'audition du 13 novembre n'a pas été à la hauteur de nos attentes. Des questions demeurent. Pouvez-vous notamment nous confirmer que la formation initiale dispose de lignes budgétaires spécifiques ?

De même, la réponse apportée par le ministre à Mireille Jouve sur le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) manquait de clarté. Nathalie Mons, sa présidente, avait neuf personnes sous sa responsabilité pour un budget d'environ 300 000 euros. Elle occupe aujourd'hui la chaire « évaluation des politiques publiques » du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et ne dispose que de sept postes et encore non pérennes, pour un budget compris entre 50 000 et 100 000 euros. Il n'est pas certain que ce changement soit positif.

La question de savoir sur quels crédits repose l'allocation de rentrée scolaire se pose également. Ce dispositif sera-t-il par ailleurs pérennisé en 2020 ?

Enfin, notre rapporteur a bien rappelé les conséquences financières pour les collectivités territoriales de l'obligation de scolarisation dès trois ans.

Autant je voterai certains budgets les yeux fermés, autant je suis beaucoup plus hésitante sur celui-ci.

M. Pierre Ouzoulias . - La question de la rémunération des enseignants doit être liée à celle de leur retraite. Celle-ci, qui venait compenser une rémunération active peu élevée et une situation précaire, risque de subir l'effet de la réforme des retraites souhaitée par le Gouvernement. Cela ne contribuera pas à améliorer l'attractivité du métier.

Par ailleurs, les enseignants sont nombreux à témoigner du changement que représente dans leur métier le dédoublement des classes. Néanmoins, une analyse scientifique du Cnesco sur ce sujet aurait été bienvenue, en lieu et place du rapport produit par le ministère dont l'objectivité peut être questionnée.

De plus, il n'est pas certain que cette mesure constitue à elle seule un palliatif suffisant des importantes disparités d'accès à l'enseignement dont souffre le système éducatif français.

Notre commission doit demander au ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse des données permettant de construire une évaluation précise de cette disposition.

Nous manquons également de données sur le devenir des bacheliers des lycées professionnels et technologiques au-delà du baccalauréat. Or l'attractivité de l'enseignement agricole dépend de sa capacité à former des élèves susceptibles de poursuivre des études une fois ce cap franchi.

Les industriels manquent notamment actuellement de jeunes gens de formation bac +2, à tel point qu'Airbus est en train de monter son propre centre de formation pour y remédier. Le bac +2 a tendance en effet à être abandonné par les instituts universitaires de technologie (IUT). Il se présente en la matière un vrai déficit. Malheureusement, nous manquons de chiffres pour comprendre les orientations des individus dans les différentes filières disponibles sur Parcoursup. Un important travail d'évaluation est ici nécessaire.

M. Claude Malhuret . - L'objectif principal de la mission que nous étudions est de permettre la progression et la réussite de tous les élèves.

En matière de justice sociale, nous saluons la poursuite du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP + et son extension aux classes de grande section, ainsi que l'abaissement de l'âge obligatoire de scolarisation à trois ans et l'augmentation de 5 % des bourses accordées aux collégiens et lycéens en difficulté. À ce titre, le groupe Les Indépendants - République et Territoires serait favorable à l'ajout d'une composante liée au mérite au sein de ces bourses, sur critères sociaux.

Par ailleurs, plus de 3,6 millions d'euros de crédits sont consacrés à la lutte contre le décrochage scolaire, qui concerne l'ensemble des établissements.

En matière d'inclusion scolaire, nous sommes sensibles à la hausse des moyens accordés par le Gouvernement à l'accompagnement des élèves en situation de handicap : 3 milliards d'euros leur seront consacrés en 2020, pour accompagner la hausse importante du taux de scolarisation.

Ce budget accompagnera également la réforme du lycée et du baccalauréat, la valorisation de la formation professionnelle et l'accompagnement renforcé des professeurs dont le métier pâtit d'un manque d'attractivité. La limitation du nombre d'élèves à 24 dans l'ensemble des classes de grande section est une excellente mesure. Elle gagnerait, à terme, à être généralisée à l'ensemble du premier cycle.

Nous saluons également la poursuite du plan « Bibliothèques d'école », qui bénéficiera d'une dotation de 2 millions d'euros l'année prochaine pour développer la lecture dans les écoles rurales.

En revanche, nous sommes moins convaincus par le choix du Gouvernement de limiter les effectifs dans le second degré pour renforcer ceux du premier. Le collège et le lycée sont souvent les périodes les plus sensibles pour les élèves exposés au décrochage scolaire. L'allongement des durées d'enseignement à travers la généralisation des heures supplémentaires pour les enseignants ne pourra remplacer pleinement les 440 postes supprimés.

Enfin, la revalorisation du métier d'enseignant, sur le plan de l'image comme de la rémunération, reste une priorité.

Notre groupe votera ce budget suivant la recommandation des rapporteurs.

Mme Laure Darcos . - Le dédoublement des classes constitue un réel progrès, qu'il serait bon de généraliser notamment au bénéfice des milieux ruraux.

En revanche, l'absence d'annonce par le ministre de mesures relatives au grave problème des violences commises contre les enseignants a de quoi surprendre, d'autant que les établissements souffrent d'un manque criant de surveillants.

Par ailleurs, malgré la baisse démographique prochaine annoncée par le ministre, une charge d'enseignement assez lourde est à prévoir dans les années à venir pour certains niveaux. Or, sur ce point comme sur d'autres, un écart s'observe entre le discours du ministre et sa concrétisation dans les territoires. Le département de l'Essonne subit ainsi une véritable explosion démographique dans ses établissements, au point que la rentrée 2020 risque de s'en trouver compromise faute d'enseignants. Il faudra lancer l'alerte sur ce sujet.

Il est prévu en outre d'encourager le déploiement de Cités éducatives, mais sans moyens associés, ce qui risque de poser problème.

Concernant l'enseignement agricole, certains de nos collègues agriculteurs m'ont signalé que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'avait pas dit la vérité lorsqu'il avait affirmé que les filières traditionnelles d'élevage ne souffraient pas d'un désintérêt de la part des jeunes. Une baisse drastique du nombre de jeunes s'y observe en effet en réalité, qui posera, à terme, d'importantes difficultés. Il serait peut-être pertinent de mentionner ce point dans le rapport.

Le groupe Les Républicains votera néanmoins les crédits ainsi proposés.

Mme Annick Billon . - Les réponses du ministre concernant la diminution des fonds sociaux ne m'ont pas paru suffisantes, d'autant que de nombreuses études soulignent l'augmentation de la pauvreté en France.

Par ailleurs, selon les chiffres du directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) dans mon département, sur 267 recrutements d'AESH, 48 démissions ont été comptabilisées. Par ailleurs, 35 % des personnes sollicitées pour des entretiens ne s'y sont pas présentées. Cela démontre le manque d'attractivité et la précarité du métier d'AESH.

Il est urgent, en outre, d'établir un état des lieux précis de l'impact financier de l'obligation de la scolarisation à trois ans sur les budgets des collectivités.

La question de savoir si des recrutements suffisants de professeurs ont été anticipés pour faire face à cette obligation n'a pas reçu non plus de réponse satisfaisante de la part du ministre.

Les problèmes des agressions des professeurs et du harcèlement demeurent également en suspens. Qu'en est-il d'ailleurs de la médecine scolaire ?

Par ailleurs, plutôt que de se donner pour objectif d'atteindre le nombre de 200 000 élèves, l'objectif de l'enseignement agricole ne devrait-il pas plutôt être de travailler sur l'orientation ?

Mme Sonia de la Provôté . - Le manque d'éléments qualitatifs relatifs au contenu des enseignements et aux orientations pédagogiques générales de l'enseignement artistique et culturel (EAC) dans le budget 2020 est regrettable.

Le ministre a beaucoup insisté lors de son audition sur l'équité territoriale et le nécessaire équilibre entre le milieu rural et le milieu urbain. Il me semble important d'insister à ce titre sur la nécessaire déclinaison du central en local, notamment sur le plan de la gestion des postes par les Dasen. En la matière, la parole du ministre ne semble pas appliquée sur le terrain.

J'insiste enfin sur l'importance de la médecine scolaire, renforcée par l'augmentation de l'accueil d'enfants handicapés dans les établissements.

M. Jean-Marie Mizzon . - La profession agricole connaît de grands problèmes, notamment un taux de suicide très élevé. Les jeunes le savent. Dans ces conditions, parier sur la promotion de cette profession semble audacieux. De plus, vouloir y attirer des jeunes sans en changer la réalité semble assez hypocrite.

Il faudrait améliorer l'attractivité du métier. Cela passe par une meilleure rémunération.

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis . - La priorité accordée au premier degré suscite légitimement des interrogations, de même que le fait de ne prévoir que 440 postes en 2020 pour 6 000 classes à créer d'ici 2022. Nous devrons être vigilants sur ce point.

Nous comptabilisons 520 521 heures supplémentaires dans le second degré, qui pourraient aider à faire face aux défis à venir. Certains voudraient les transformer en postes, mais cela risque d'être difficile. De plus, les heures supplémentaires assurent une hausse du pouvoir d'achat pour les jeunes du fait de leur défiscalisation.

Vous m'avez alerté sur la formation continue. Je rappelle à cet égard que l'excellent rapport d'information de Max Brisson et Françoise Laborde formulait la proposition d'inciter financièrement les professeurs à se former pendant les vacances. La formation continue ne doit pas être assimilée à de l'absentéisme, mais il est vrai qu'il est compliqué de trouver des remplaçants, d'autant que le nombre de ces derniers a diminué.

Monsieur Lafon, vous avez raison : le discours ministériel doit appeler notre vigilance. L'analyse que vous avez tirée des propos qu'a tenus le ministre hier est juste. C'est pourquoi nous devons veiller à la mise en oeuvre des mesures annoncées. C'est souvent sur le terrain que cela pèche : si les intentions sont bonnes, la mise en oeuvre n'est pas celle que l'on attend. N'oublions pas toutefois que l'année 2020 se caractérise par une baisse du nombre d'élèves - moins 40 000 , malgré l'instruction obligatoire à trois ans.

Vous avez évoqué à juste titre les mesures progressives en faveur de la régionalisation. Max Brisson parle souvent de déconcentration. Nous avons rencontré la direction des ressources humaines et avons pu mesurer à quel point il était nécessaire d'ouvrir un véritable dialogue social sur ce problème important.

Sur le sujet de l'école inclusive, on note une volonté forte du ministre. Comme il l'a rappelé hier, il entend mettre en place un comité de suivi avec l'ensemble des acteurs : associations, élus locaux, maisons départementales des personnes handicapées, services ministériels.

Concernant le Cnesco, je partage les craintes qui ont été exprimées. Les services ministériels se sont appuyés sur le budget du fonctionnement de 2018.

Le fait que la remise du rapport Mathiot-Azema ait été décalée doit nous appeler à la prudence et à la vigilance. Cela pose en effet question : il ne faudrait pas que le ministère utilise de façon excessive son stylo rouge. C'est pourtant le sentiment que j'ai et il semble partagé. Les rapports ne doivent pas servir à cautionner la politique des ministres.

La formation initiale fait l'objet d'une ligne spécifique. Ainsi, l'action 4 du programme 140 pour le premier degré permet un abondement à hauteur de 822 millions d'euros.

Pierre Ouzoulias, en évoquant les retraites, vous avez mis le doigt sur un vrai problème. Pour le directeur des ressources humaines que nous avons interrogé, il s'agit en effet d'un point de vigilance. Une réflexion est en cours. Ajouter des primes les unes derrière les autres ne suffira pas à raviver l'attractivité du métier.

Bac - 3, bac + 3 : nous avons soulevé le problème du niveau de formation depuis longtemps. Il faut une articulation plus forte avec la réforme du bac et Parcoursup.

Claude Malhuret a souligné à juste titre que le budget de l'éducation nationale était le premier budget de l'État, avec une priorité sur l'enseignement scolaire. Toutefois, il faut faire attention à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul et à ne pas privilégier le premier degré au détriment du second degré. Sans défendre ce budget - je suis là pour en faire l'analyse et pour donner un avis -, il faut reconnaître que, dans un budget tendu, il y a des choix à faire. À l'époque où j'étais parlementaire dans une autre maison, je pense que le ministre de l'éducation nationale d'alors aurait aimé disposer d'un tel budget, à une période où d'autres choix étaient faits.

Les agressions dont font l'objet les professeurs et les personnels constituent un sujet important. D'ailleurs, un plan de violences scolaires vient d'être mis en place, qui prévoit une remontée systématique de tous les incidents.

Vous m'avez interrogé sur les surveillants d'éducation. Cela correspond à 50 000 ETP.

Les cités éducatives qui seront labellisées bénéficieront de moyens importants. Quid des autres ? Je partage les remarques de notre collègue Laure Darcos.

J'en viens à la problématique des fonds sociaux. Il est vrai que c'est « la » question à laquelle le ministre n'a pas répondu.

La question du recrutement des AESH est une difficulté importante. Il s'agit en effet d'un métier qui manque d'attractivité. Le ministre a évoqué l'idée d'une possible fonctionnarisation par la suite, mais nous n'en sommes pas là pour l'instant. Un véritable état des lieux s'impose à l'échelon des collectivités.

Annick Billon et Sonia de la Provôté ont mis l'accent sur la médecine scolaire. On comptait 1 090 médecins et infirmiers en 2017, 1 019 en 2018 et 974 en 2019 : cette baisse des effectifs ne va pas dans le bon sens. De la même façon, le nombre d'assistants sociaux est passé de 3 329 en 2017, à 3 411 en 2018 et à 3 407 en 2019. On voit bien que la priorité n'est pas là.

Le ministre n'a pas vraiment abordé les questions pédagogiques. Pour ma part, j'attends avec beaucoup d'impatience la réforme des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPE). Nous aurons alors peut-être plus d'informations.

M. Antoine Karam , rapporteur pour avis . - La question de l'enseignement agricole nous occupe depuis 15 jours : nous avons reçu les deux ministres et nous avons ce débat aujourd'hui. Pour ma part, je considère qu'il y a une prise de conscience. Cette initiative, qui est une première nous aura permis de mettre en lumière cet enseignement, avec ses aspects positifs et négatifs.

Jean-Marie Mizzon, les paroles des ministres et les campagnes de communication ne suffisent jamais : la réalité nous rattrape toujours ! Si l'on met en place des formations de grande qualité, c'est pour revaloriser une profession et prendre les mesures nécessaires pour se faire. Sinon, j'en conviens, cela n'a aucun sens de promouvoir les voies d'accès à ces métiers.

Il ne faut pas s'arrêter à ces considérations. Nous devons continuer à améliorer l'attractivité et à aller sur le terrain à la rencontre des agriculteurs. Depuis toujours, on nous dit que l'agriculture est une priorité. Force est pourtant de constater que nous sommes loin du compte.

Pour moi, l'enseignement agricole doit jouer ce rôle et l'attractivité est une nécessité, voire une priorité. C'est un pari que nous faisons. La réflexion doit se poursuivre. Nous devons continuer à inciter les jeunes à aller vers cette formation et les convaincre qu'il ne s'agit pas d'une voie de garage. La pire des choses serait de leur faire croire qu'on les oriente dans cette filière parce qu'ils ont échoué en formation initiale ou en formation professionnelle.

Nous avons demandé au ministère les chiffres relatifs à la filière d'élevage. Là encore, il faut de l'espace et des moyens très lourds en infrastructures pour redonner à cette filière la dimension qualitative et l'éclat qu'elle mérite. Il est sans doute plus facile de s'occuper d'horticulture que d'élevage.

Pour en finir avec cette hypocrisie, nous devons continuer à améliorer l'attractivité de l'enseignement agricole. Nous, élus, avons aussi notre rôle à jouer dans ce combat.

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Je remercie les rapporteurs pour avis. Nous passons maintenant au vote des crédits de la mission.

M. Jacques-Bernard Magner . - Le rapport pour avis est tout à fait satisfaisant, objectif et intéressant. Pour quoi votons-nous en réalité ? Voter le rapport, oui ; en revanche, voter pour les conclusions du rapport nous pose problème. Être d'accord sur les finalités qu'exposent les rapporteurs pour avis ne signifie pas que nous sommes favorables à l'adoption des crédits de cette mission tels qu'ils sont prévus par le Gouvernement. C'est pourquoi le groupe socialiste et républicain s'abstiendra sur le vote des crédits.

Mme Françoise Laborde . - Il en est de même pour nous. Nous sommes d'accord avec le travail réalisé, mais pas avec les crédits. Or les rapporteurs pour avis concluent en se déclarant favorables à leur adoption. Par conséquent, le groupe du RDSE s'abstiendra.

M. Pierre Ouzoulias . - Nous voterons contre l'adoption des crédits de la mission.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».


* 21 Questionnaire budgétaire.

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