EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 6 NOVEMBRE 2019

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous examinons les rapports pour avis sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2020.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits budgétaires de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Je me livre, pour la deuxième année, à l'exercice de l'avis budgétaire et interviens à nouveau au lendemain de l'audition de la ministre, ce qui permet d'avoir à l'esprit les principaux enjeux financiers et stratégiques qui se posent à l'enseignement supérieur.

Mon appréciation sur le budget pour 2020 repose sur deux points saillants. D'abord, dans la continuité de la loi de finances pour 2019, un réel effort budgétaire est affiché en direction de l'enseignement supérieur : la dotation en crédits de paiement des programmes 150 « Financement des établissements » et 251 « Financement de la vie étudiante » augmente de 1,48 % pour atteindre 16,5 milliards d'euros. Aucune des personnes auditionnées - représentants des établissements, des syndicats d'étudiants ou de personnel -, ne conteste cet effort. Ensuite, ces moyens supplémentaires doivent être mis en regard d'un contexte plus complexe que ne le laisse penser la présentation budgétaire quelque peu édulcorée du Gouvernement. L'enseignement supérieur doit, en effet, relever de nombreux défis, nécessitant un changement d'échelle dans l'investissement financier qui y est consacré.

Dans le projet du Gouvernement, le programme 150 se voit attribuer 175 millions d'euros supplémentaires en 2020, soit une augmentation de 1,29 %, pour atteindre une dotation globale de 13,7 milliards d'euros en crédits de paiements. Ces moyens nouveaux sont ainsi ventilés : 50 millions pour la généralisation du dialogue stratégique et de gestion entre l'État et les établissements - au départ expérimentale, il s'agit d'une procédure d'échanges entre les établissements et leur tutelle concernant leur budget et leurs projets stratégiques - ; 50 millions pour le déploiement du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) et la reconnaissance de l'investissement pédagogique des enseignants ; 43 millions pour la poursuite de la mise en oeuvre du Plan Étudiants, en particulier l'ouverture de places supplémentaires en licence, dont le nombre et la répartition seront décidés dans le cadre du dialogue de gestion, et la montée en charge du dispositif « Oui, si » pour les admissions conditionnelles ; 23 millions pour les crédits de masse salariale ; 6 millions pour la réforme des études de santé, auxquels s'ajouteront, d'après une annonce récente de la ministre, 11 millions sur la base de projets présentés par les établissements ; enfin, 3 millions pour l'enseignement supérieur privé.

Les députés ont toutefois adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement minorant de 20 millions d'euros les crédits du programme au profit des aides à l'innovation de BpiFrance. Bien sûr, elles sont utiles au développement des start-up et des petites et moyennes entreprises, mais rien ne justifie que soit amputé un budget des établissements supérieurs déjà sous-calibré. En effet, si l'augmentation de la dotation du programme 150 mérite d'être saluée, elle n'est cependant pas à la hauteur des enjeux.

Le premier est l'enjeu démographique. Le constat est bien connu : l'arrivée dans l'enseignement supérieur des générations issues du baby-boom des années 2000 augmente mécaniquement les effectifs d'étudiants qui, à l'université, s'établissent désormais à plus de 1,6 million. En 2019, plus de 30 000 étudiants supplémentaires y ont été accueillis. Certes, l'effort public consenti pour le financement de l'enseignement supérieur a augmenté, mais pas en proportion de la croissance des effectifs. Par conséquent, la dépense moyenne par étudiant diminue depuis 2010 : elle est ainsi passée de 11 990 euros en 2008 à 11 470 euros en 2018, soit 520 euros de moins par étudiant. L'augmentation des effectifs se trouve donc largement supportée par le budget de fonctionnement des établissements.

Le deuxième enjeu concerne la masse salariale. Alors que le glissement-vieillesse technicité (GVT) avait été intégralement compensé en 2018, cette politique n'a pas été poursuivie en 2019 et ne le sera pas davantage en 2020 : la ministre a, en effet, annoncé aux établissements que le financement systématique du GVT ne sera plus assuré. Il n'apparaît pas normal que de telles charges, qui découlent de décisions prises par l'État, ne soient pas prises en compte dans la dotation de base des établissements ! Ce manque les contraint à ajuster leurs effectifs, notamment par le non-remplacement de départs à la retraite. Pour les établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig), l'application d'un taux élevé de mise en réserve des crédits, compris entre 7 % et 8 % contre 3 % au maximum pour les établissements publics, vient aggraver la situation, d'autant que les crédits sont rarement dégelés. Cette pratique pénalise des établissements qui accomplissent une mission d'intérêt général et accueillent une part toujours plus importante de nouveaux étudiants.

Le troisième enjeu est lié au caractère successif et cumulatif des réformes que les établissements doivent mettre en oeuvre - Plan Étudiants, loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), Parcoursup, plan « Bienvenue en France », label « campus connecté », refonte des études de santé - sans que les moyens nécessaires leur soient alloués. Ainsi, pour la réforme des études de santé, la dotation initiale de 6 millions d'euros prévue dans le projet de loi de finances n'est assurément pas suffisante au regard de l'ampleur de la réorganisation des cursus concernés. Une enveloppe supplémentaire de 11 millions d'euros a bien été annoncée dans le cadre du nouveau dialogue stratégique et de gestion, mais elle n'est pas de nature à donner aux établissements une visibilité suffisante sur les moyens exacts dont ils disposeront pour mettre en oeuvre la réforme à la rentrée 2020.

Le quatrième enjeu est patrimonial. D'aucuns se sont à juste titre émus devant Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU), de la vétusté de certains campus. Mais, pour financer des projets de rénovation, par nature coûteux, encore faudrait-il qu'un fonds d'amorçage ou qu'une capacité d'emprunt soit accordé aux établissements, ce qui vient à nouveau d'être refusé par la ministre !

Il y aurait sans doute d'autres enjeux, mais les quatre points précités suffisent à prendre la mesure du décalage entre les besoins de financement de l'enseignement supérieur et le niveau d'engagement de l'État proposé pour 2020. Nous pâtissons du manque d'anticipation et d'investissement, alors que certaines tendances conjoncturelles, au premier rang desquelles l'augmentation des effectifs d'étudiants, étaient prévisibles et quantifiables... L'enseignement supérieur, comme la recherche, ne constitue pourtant pas une dépense comme une autre, mais un investissement stratégique de long terme aux puissants effets de levier pour l'économie et la société. Face à une compétition mondiale sans cesse accrue, il paraît urgent de passer à la vitesse supérieure !

Notre système de financement de l'enseignement supérieur se trouve d'autant plus déstabilisé que la récente décision du Conseil constitutionnel sur les droits d'inscription ouvre une inquiétante période d'insécurité juridique pour les établissements. L'emploi de l'adjectif « modique », sans autre précision, laisse, en effet, la place à toute une gamme d'interprétations. Le juge administratif aura à se prononcer prochainement, mais le législateur aurait aussi toute légitimité à reprendre la main pour préciser le cadre de cette modicité. J'estime, pour ma part, que les droits d'inscription représentent un levier de financement qui mérite d'être activé, dès lors qu'il est tenu compte des capacités financières des étudiants.

Je me suis également intéressé à un autre mode de financement propre, le mécénat. Largement utilisé à l'étranger, notamment dans les pays anglo-saxons, les pays scandinaves ou en Allemagne, il demeure moins fréquent en France. Les grandes écoles de management et d'ingénieur ont initié la pratique, ce qui paraît logique au regard de leur structure de financement et de leurs liens avec le secteur privé. Les universités s'en sont emparées depuis peu, la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) ayant autorisé la création de fondations. Ces structures permettent aux universités de diversifier leurs ressources et de se rapprocher, au niveau local, des acteurs socio-économiques. Les trois quarts des universités se sont saisis de cette opportunité. Une véritable dynamique est à l'oeuvre, avec deux à quatre créations de fondations par an. En moyenne, chaque fondation perçoit chaque année 630 000 euros. Toutefois, les résultats sont extrêmement hétérogènes d'une fondation à l'autre. Globalement, 87 % des fonds récoltés proviennent des entreprises et 13 % émanent des parents, des anciens étudiants, des personnels des universités et des collectivités territoriales.

Il m'a semblé important d'approfondir le sujet, car l'article 50 du projet de loi de finances prévoit la diminution de 60 % à 40 % du taux de défiscalisation pour les dons d'entreprises d'une valeur supérieure à 2 millions d'euros. La mesure va mécaniquement créer un effet désincitatif sur les gros donateurs et enrayer l'élan en cours. D'ores et déjà, des mécènes ont prévenu certaines fondations d'université ou d'école qu'ils devront procéder à des arbitrages. À l'heure où le financement public n'est pas à la hauteur des besoins et où l'avenir des droits d'inscription apparaît incertain, le Gouvernement freine une démarche en plein essor ! Je soutiendrai donc toute initiative visant à exonérer du champ d'application du dispositif les structures de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Le programme 231 finance la vie étudiante. Il se voit attribuer 66 millions d'euros supplémentaires en 2020, soit une augmentation de 2,46 %, pour atteindre une dotation globale de 2,7 milliards d'euros. L'augmentation sera ainsi répartie : 60 millions d'euros pour les bourses sur critères sociaux, dont la majeure partie au titre de la réévaluation de 1,1 % de leur montant pour la première fois depuis 2016 ; 3 millions d'euros pour la certification en langue anglaise des 38 000 étudiants concernés ; 3 millions d'euros pour l'aide à la mobilité internationale des étudiants boursiers correspondant au versement de 7 500 mensualités supplémentaires.

Ces efforts sont évidemment bienvenus, alors que le coût de la rentrée universitaire - bien que ne faisant pas l'objet d'un chiffrage objectif et partagé - affiche une tendance haussière. Les syndicats d'étudiants m'ont toutefois alerté sur la nécessité, au-delà du niveau des bourses, de revoir le système dans sa globalité. D'après les services du ministère, le sujet est actuellement à l'étude dans le cadre d'une possible intégration des bourses au sein du nouveau revenu universel d'activité (RUA).

À ces crédits du programme 231 s'ajoutent, pour le financement de la vie étudiante, les montants résultant du paiement de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC) par les étudiants. Dans le projet de loi de finances pour 2020, son plafond d'affectation est enfin relevé à un niveau plus conforme à ce que les projections de recouvrement avaient escompté, soit 140 millions d'euros. Nous devrons cependant rester vigilants, à l'occasion du projet de loi de finances rectificative, à ce que les recettes soient intégralement réattribuées à des actions de prévention et d'accès aux soins, ainsi qu'à des activités sportives et culturelles.

En conclusion, le présent projet de loi de finances affiche assurément un soutien à l'enseignement supérieur, mais pas, hélas, dans des proportions permettant de faire face aux enjeux. Sous les réserves précédemment développées, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis des crédits budgétaires de la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Pour la troisième année, je rapporte au nom de notre commission les crédits de la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». L'exercice revêt, cette fois-ci, une dimension quelque peu particulière puisqu'il a pour horizon la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), dont l'examen est prévu l'année prochaine et l'entrée en vigueur en 2021. Le flou régnant sur le calendrier d'examen du texte n'a, cependant, pas été levé lors de l'audition de Mme Vidal... L'année 2020 représente une charnière pour la recherche et le projet de budget en constitue l'expression : il ne contient ni mesure structurelle ni virage financier, mais s'inscrit dans la continuité de la trajectoire budgétaire tracée l'an passé. Cet attentisme suscite, au sein de la communauté de la recherche dont j'ai entendu de nombreux acteurs avec l'aide précieuse de nos collègues Pierre Ouzoulias et Laurent Lafon, au mieux une impatience mêlée d'inquiétude, au pire une déception teintée de colère.

Le premier programme en termes d'engagements financiers est le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » qui regroupe les opérateurs de recherche, à l'exception du Centre national d'études spatiales (CNES). Sa dotation pour 2020 est identique à celle de 2019 et s'établit à 6,9 milliards d'euros.

En 2020, se poursuit l'accroissement, avec 30 millions d'euros supplémentaires, des capacités d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour les porter à près de 715 millions d'euros. Grâce aux efforts réalisés depuis 2016, le taux de sélection des appels à projets s'est amélioré et se situe entre 15 % et 16 %. Les marges de progression restent toutefois importantes au regard des taux enregistrés par les agences de recherche étrangères, compris entre 20 % et 40 %.

Ensuite, le plan national pour l'intelligence artificielle (IA) continue son déploiement, à hauteur de 38 millions d'euros. Lancé en mars 2018 par le Président de la République et coordonné par l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), il prévoit notamment la création d'instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle, les 3IA, ainsi que le développement d'un programme doctoral en IA et de chaires d'attractivité internationale. Ces projets ont vocation à se développer d'ici à 2022.

La mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), dont les mesures de revalorisation s'élèveront à 28 millions d'euros en 2020, représente également une dépense importante, bien qu'insuffisante pour répondre au problème du niveau de rémunération des chercheurs.

En outre, pour la troisième année consécutive, une enveloppe spécifique de 25 millions d'euros est attribuée aux laboratoires de recherche au titre de leur dotation de base. La mesure, qui n'a été possible qu'au prix de l'application d'une réserve de précaution, n'est toutefois pas de nature à leur redonner les marges de manoeuvre nécessaires. La LPPR devra s'y atteler.

Parmi les autres actions financées par le programme 172, moins conséquentes budgétairement parlant, mais tout aussi importantes pour les activités de recherche, je tiens à mentionner la fusion, au 1 er janvier 2020, de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement (Irstea), qui deviendront l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). L'opération, qui repose sur un véritable projet scientifique, n'est pas sacrifiée sur l'autel de la régulation budgétaire. J'en veux pour preuve l'absence de fermeture de site et la démarche de convergence au plus favorable des statuts du personnel et des dotations de base des unités de recherche. Cette politique, ambitieuse et responsable, est accompagnée par les deux ministères de tutelle, le ministère de l'enseignement supérieur et le ministère de l'agriculture, qui confirment leurs engagements en 2020, respectivement à hauteur de 2,5 millions d'euros et de 1,8 million d'euros.

La dotation du programme 193 « Recherche spatiale » enregistre, en 2020, une augmentation importante de 11,74 % pour atteindre 2 milliards d'euros. Cet effort, qualifié de « remarquable dans un contexte budgétaire qui reste particulièrement contraint » par le président du CNES, traduit la priorité accordée par le Gouvernement au secteur spatial, compte tenu des défis stratégiques aux niveaux national et européen : la mise en oeuvre de la nouvelle politique spatiale de défense, l'étude des effets du changement climatique, la problématique du cyberespace, l'achèvement du programme Ariane 6, la pleine capacité opérationnelle de Galileo, le lancement de la mission ExoMars et le prochain vol de Thomas Pesquet vers la station spatiale internationale.

Les moyens supplémentaires prévus en 2020 sont destinés, pour 15 millions d'euros, aux programmes prioritaires du CNES et, pour 226 millions d'euros, aux engagements de la France envers l'Agence spatiale européenne ou European space agency (ESA). Le Conseil ministériel de l'agence, qui se tiendra dans quelques semaines à Séville, est crucial, car il doit déterminer les programmes et les financements de la politique spatiale européenne des trois prochaines années. J'ai alerté hier la ministre sur le danger, pour la France, de ne pas avoir nommé de commissaire européen à cette échéance...

À l'Assemblée nationale, le programme 193 s'est toutefois vu retirer, contre l'avis du Gouvernement, 2 millions d'euros au profit de BpiFrance afin de financer son fonds de garantie « Prêts Étudiants ». L'amélioration de ce dispositif de caution destiné à faciliter le financement de la vie des étudiants constitue, certes, un objectif louable, mais je doute que procéder à un transfert de crédits au détriment de la recherche spatiale représente la solution la plus pertinente.

Outre les programmes 172 et 193, cinq programmes intéressant la recherche sont rattachés à la mission tout en étant sous la responsabilité d'autres ministères. Pour trois d'entre eux, l'évolution des crédits de paiement en 2020 apparaît favorable : augmentation de 2,55 % pour le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », au bénéfice notamment de l'énergie nucléaire et de l'aéronautique civile, de 7,64 % pour le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », en particulier le plan Nano 2022, et de 1,24 % pour le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » pour la reconstruction d'une halle technologique de l'Irstea. La dotation du programme 186 « Recherche et culture scientifique », qui finance notamment Universcience, demeure stable, mais, compte tenu du désengagement du ministère de la culture, le risque est grand de voir l'opérateur disparaître. Enfin, le programme 191 « Recherche duale » enregistre un recul de 14,2 % de ses crédits de paiement en raison d'un recentrage sur des projets intéressant directement la défense et concernant à la fois le CNES et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

La somme des budgets des sept programmes consacrés à la recherche s'élève, pour 2020, à 12,1 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,46 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2019. L'effort mérite évidemment d'être salué, mais il n'est pas de nature à enclencher une véritable dynamique permettant de rassurer les esprits.

Je souhaite maintenant évoquer plusieurs problématiques relatives au financement des organismes de recherche. La plupart sont anciennes et bien connues, mais l'absence persistante de résolution ne fait qu'accroître les attentes envers la future LPPR.

Le premier sujet concerne le taux de la réserve de précaution appliqué à ces organismes. Alors qu'en loi de finances pour 2018, il avait globalement été abaissé à 3 % sur les dépenses hors personnel, exception faite du taux de 8 % appliqué à l'ANR, il pourrait repasser à 4 % l'année prochaine. Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation se mobilise pour remporter l'arbitrage face au ministère de l'action et des comptes publics, car, à l'aube de la LPRR, la confirmation d'un tel relèvement constituerait un signal négatif envoyé au monde de la recherche. De fait, la réserve de crédits a des conséquences délétères en termes de marge de manoeuvre et de visibilité financières.

La deuxième problématique porte sur le financement du GVT : absent de la subvention pour charge de service public, les opérateurs doivent donc en supporter la charge, ce qui les oblige à réduire régulièrement leurs effectifs afin de contenir leur masse salariale. Le seul CNRS a ainsi perdu, depuis 2010, 3 000 emplois financés par la subvention de charge de service public, soit près de 11 % de ses effectifs. Les mesures de réduction d'effectifs expliquent d'ailleurs le décalage entre les plafonds théoriques inscrits en projet de loi de finances et le nombre réel d'emplois occupés. Il serait utile que le Parlement puisse se prononcer à partir d'une présentation sincère et exhaustive de l'état des emplois dans chaque établissement de recherche !

La troisième problématique, directement liée à la précédente, concerne la réduction de la part de la subvention pour charge de service public pouvant être consacrée aux dépenses de recherche hors masse salariale, avec pour conséquence une forte dépendance des opérateurs de recherche vis-à-vis des financements sur projet, par le biais de l'ANR, de l'Union européenne, des crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA) ou de contrats avec les entreprises ou les collectivités territoriales. Ce type de financement est certes pertinent - il est source d'émulation, permet la sélection des meilleurs projets et limite le saupoudrage -, mais il ne peut se substituer complètement aux dotations de base. Le juste équilibre entre les deux sources de financement apparaît fondamental. La LPRR devra y répondre, sachant que la part du produit intérieur brut (PIB) consacré à la recherche publique s'élève à 0,79 % seulement : l'objectif de 1 % implique un effort supplémentaire compris, selon les projections, entre 5 et 8,5 milliards d'euros. La marche est haute et le projet de budget pour 2020 ne saisit pas vraiment l'occasion de l'abaisser !

Je souhaite enfin évoquer le niveau de rémunération et le déroulement de carrière des chercheurs. J'avais traité de ces sujets l'an passé dans mon avis, mais leur caractère alarmant est apparu avec une acuité accrue à l'aune des auditions menées, notamment lors d'une table ronde avec les représentants syndicaux des chercheurs.

Le constat est connu et partagé : la rémunération des chercheurs et enseignants-chercheurs français est en décrochage par rapport aux standards internationaux, particulièrement en début de carrière ; le même phénomène de déclassement est observable entre les chercheurs et les cadres supérieurs de la fonction publique, principalement sur le volet indemnitaire ; le recrutement est particulièrement tardif - trente-cinq ans en moyenne - ce qui pénalise les femmes ; le métier de chercheur souffre d'une perte d'attractivité, ce qu'illustre la diminution inquiétante du nombre de doctorants ; l'emploi contractuel précaire dans la recherche progresse ; enfin, le recours aux vacataires, qui se définissent comme les invisibles du système, est de plus en plus systématique. La liste n'est pas exhaustive, mais elle suffit à mesurer l'ampleur de la tâche qui nous attend. Elle ne se résume pas à une simple question financière, mais ressort d'un devoir moral : il s'agit de renouer le pacte de la nation avec ses chercheurs. Les attentes sont fortes et ne devront pas être déçues par la LPPR, au risque d'une rupture profonde, peut-être irréparable, avec le monde de la recherche.

Le secteur de la recherche est en évolution permanente. Je pense, par exemple, aux rôles des instituts Carnot et des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) dans la maturation des projets de recherche pour leur trouver un débouché dans le secteur industriel. Leur fonction de passerelle entre le monde de la recherche et celui de l'industrie étant essentielle, j'ai souhaité l'approfondir en visitant la SATT de Saclay et en rencontrant plusieurs responsables d'instituts Carnot.

Sous le bénéfice des observations formulées, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mme Sylvie Robert . - Il apparaît particulièrement intéressant d'entendre nos rapporteurs pour avis après l'audition de la ministre. Je souscris à la plupart des observations formulées. En particulier, le budget consacré à l'enseignement supérieur doit être considéré au regard de l'augmentation du nombre d'étudiants.

S'agissant de la loi dite ORE et, notamment du dispositif « Oui, si », l'accompagnement des étudiants a-t-il véritablement été mis en oeuvre ? Je m'interroge également sur l'augmentation des droits d'inscription des étudiants non communautaires. La ministre a indiqué, à cet égard, que les universités ont utilisé, en 2019, leur capacité d'exonération de droits d'inscription pour 10 % de leurs effectifs. Qu'en sera-t-il l'an prochain ? Je m'inquiète, en outre, de l'insécurité juridique entraînée par la décision du Conseil constitutionnel, au sujet de laquelle la ministre n'a étrangement pas répondu à nos interrogations. Quel sera, dans ce contexte, l'avenir du modèle économique de l'enseignement supérieur ?

La question immobilière est régulièrement soulevée par les acteurs de l'enseignement supérieur. L'absence de droit de recours à l'emprunt, sans autre alternative, me semble constituer une réponse des plus légères de la part de la ministre, compte tenu notamment des enjeux énergétiques. Il convient, en revanche, de saluer l'augmentation des bourses et les efforts réalisés dans le domaine de la vie étudiante.

Le manque d'anticipation budgétaire créé des tensions dans les universités, d'autant que les solutions de financement du GVT ne pourront être que temporaires et que des inquiétudes pèsent sur l'avenir du mécénat. À ce titre, notre commission se doit, il me semble, de réagir à la mesure prévue par le projet de loi de finances, car la ministre n'a pas su fournir de réponse convaincante. Déposons un amendement pour ne pas appliquer à l'enseignement supérieur la réforme du mécénat ! L'augmentation des crédits, si elle doit être saluée, n'apparaît pas à la hauteur du contexte, tandis que le manque d'anticipation dont j'ai parlé pourrait prochainement mettre les universités en difficulté.

S'agissant de la recherche, 2020 représente effectivement une année blanche en attendant la LPRR, mais la marche semble tellement haute qu'il n'apparaît guère crédible de réussir à l'atteindre en deux exercices budgétaires. Des craintes s'expriment également concernant le statut des chercheurs. Notre groupe souscrit donc aux réserves de la rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous propose d'attendre l'examen de la totalité des avis budgétaires pour établir une proposition commune sur la réforme du mécénat, car l'ensemble des secteurs de compétence de notre commission risquent de s'en trouver affectés.

Mme Mireille Jouve . - Je remercie nos rapporteurs pour avis pour leurs éclairages et partage l'analyse de notre collègue Sylvie Robert sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Quels moyens est-il prévu d'allouer à la transformation des Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé) en Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), visant à intégrer des professeurs à la formation universitaire ? Le groupe du RDSE réserve son vote sur les crédits de la mission.

Mme Catherine Dumas . - Je félicite à mon tour nos rapporteurs pour avis. L'enseignement supérieur doit faire face à l'augmentation du nombre d'étudiants - 30 000 en 2019 - et à la diminution de la dépense moyenne consacrée à chacun d'entre eux, la croissance démographique n'ayant pas été compensée par une amélioration des budgets de fonctionnement des établissements. Vous avez évoqué l'enjeu patrimonial : pourquoi refuser aux universités de recourir à l'emprunt ? Le manque d'anticipation budgétaire apparaît fort inquiétant. Il convient d'encourager le mécénat - de nombreux établissements disposent déjà d'une fondation - notamment pour l'entretien du patrimoine. À cet effet, je suis favorable à ce que notre commission réagisse à l'article 50 du projet de loi de finances.

M. Laurent Lafon . - Les craintes sur l'avenir du mécénat dans l'enseignement supérieur apparaissent fondées, d'autant que la ministre, reconnaissant l'absence d'étude d'impact sur la mesure proposée par l'article 50 précité, ne s'est guère montrée rassurante. Aux enjeux présentés par notre rapporteur pour avis, j'ajouterai les formations courtes - brevet de technicien supérieur (BTS) et diplôme délivré par un institut universitaire de technologie (IUT) - dont nous avons traité lors de la loi dite ORE. La ministre ne les a pas évoquées, non plus que le projet de loi de finances, alors qu'elles jouent un rôle majeur en matière d'accès à l'emploi.

La ministre a répondu en un sens que d'aucuns critiquent s'agissant du GVT. Je n'y suis pas opposé par principe, mais regrette que nous décidions à l'aveugle. Il faudrait à tout le moins que nous disposions d'un retour sur les dialogues de gestion concernant l'affectation des 50 millions d'euros. Je partage, pour le reste, les inquiétudes et les réserves exprimées par Stéphane Piednoir. L'enseignement supérieur doit interroger son modèle de financement, à bout de souffle malgré les efforts budgétaires réalisés. La situation constitue-t-elle la conséquence d'un manque d'anticipation ou la preuve d'un comportement attentiste face au reflux démographique attendu ?

Laure Darcos a raison : 2020 représente une année intermédiaire plus frustrante que lisible. Le manque d'attractivité du métier de chercheur inquiète particulièrement. La question sera-t-elle traitée par la LPRR ? Je m'oppose enfin à l'augmentation des réserves de crédits, pratique pernicieuse aussi bien pour les établissements concernés que vis-à-vis du Parlement.

Mme Céline Brulin . - Je félicite nos rapporteurs pour avis pour la qualité de leurs travaux, dont je partage nombre de constats. Le budget de l'enseignement supérieur ne compense hélas pas les évolutions démographiques. Le présent projet de loi de finances dessine, en outre, des inquiétudes pour l'avenir, notamment en matière de financement du GVT et d'évolution des frais d'inscription. La légèreté du Gouvernement depuis la décision du Conseil constitutionnel interpelle ! La ministre n'a pas su nous rassurer et, in fine , nous nous trouvons pratiquement dans une situation d'insincérité budgétaire.

L'enjeu de la réforme des études de santé consiste à former davantage de professionnels, notamment dans les territoires en déficit d'offre de soins. À ce titre, j'ai salué la suppression du numerus clausus , mais les ambitions affichées ne pourront être atteintes qu'avec des moyens budgétaires suffisants. Était également prévue « l'universitarisation » des études de masseur-kinésithérapeute. Qu'en est-il effectivement ?

Je crois enfin utile de disposer de l'état réel des emplois dans les organismes de recherche et de réfléchir à l'amélioration du statut des chercheurs.

M. Claude Malhuret . - Je remercie les rapporteurs pour avis pour la clarté de leur présentation. Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » augmentent, dans le présent projet de loi de finances, de 500 millions d'euros pour atteindre 25,35 milliards d'euros en crédits de paiement, hors crédits du PIA. L'effort budgétaire consenti profitera notamment à l'attractivité des carrières scientifiques, au développement du plan Intelligence artificielle, au soutien à la politique spatiale et à l'accompagnement de la fusion de l'INRA et de l'Irstea.

Le budget de la mission pour 2020 appelle, à mon sens, trois remarques et questions. D'abord, la France se trouve extrêmement dépendante de Google pour l'agrégation de données. Il convient d'améliorer notre autonomie et de favoriser notre souveraineté numérique au niveau européen, car l'échelle nationale ne peut constituer une solution. Quelle stratégie est-il prévu de mettre en oeuvre pour améliorer la place de la France dans les programmes de recherche en Europe et pour mieux accompagner les chercheurs ? Ensuite, quels sont les objectifs de la politique en faveur de la mobilité géographique des étudiants hors de leur académie d'origine ? Enfin, s'il est heureux que les bourses sur critères sociaux augmentent, qu'en est-il des aides au mérite, dont le montant a été divisé par deux en 2015 ? Nous ne pouvons lutter contre le déterminisme social sans récompenser l'effort et la réussite des élèves boursiers.

La France demeure, en matière de recherche et de développement, en deçà des objectifs de Lisbonne, qui fixent l'effort de chaque État membre à 3 % du PIB, et bien loin des pays scandinaves et de l'Allemagne. Or, sa compétitivité dépend directement de ses formations, de sa recherche de pointe et de sa capacité à conserver ses talents. Elle doit donc poursuivre ses efforts. Notre groupe suivra les avis des rapporteurs.

M. André Gattolin . - Je salue à mon tour les rapports pour avis présentés par nos collègues. Je m'interroge, s'agissant de la question patrimoniale, sur la réalité de l'interdiction, pour les universités, de recourir à l'emprunt. L'Université Sorbonne nouvelle-Paris III, où j'enseigne, y a, me semble-t-il, fait appel pour la construction de nouveaux locaux.

Membre de la commission des finances du Sénat entre 2014 et 2017, j'ai suivi le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » : avec la multiplication des décrets d'avance, les dix dernières années n'ont pas été exemplaires. Nous pouvons, à cet égard, nous féliciter du présent projet de loi de finances.

J'ai aussi travaillé, à la commission des affaires européennes, sur la politique spatiale avec Jean-François Rapin. L'Europe s'engage avec force dans ce domaine. Pour autant, les 226 millions d'euros versés par la France à l'ESA ne correspondent qu'au règlement d'une dette courant depuis six ans au titre de sa contribution obligatoire à l'Agence. Il nous faut, en effet, rester crédibles vis-à-vis de nos partenaires.

Le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » doit être regardé au travers du prisme du cadre financier pluriannuel européen et de la LPRR à venir. Lors de la dernière programmation pluriannuelle, la France n'avait utilisé, à mi-parcours, que les deux tiers des projets de recherche collectifs auxquelles elle avait droit.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je souhaite compléter la question de M. Malhuret sur la souveraineté numérique et sur nos investissements destinés à construire notre indépendance informationnelle.

Je voudrais aussi demander à Laure Darcos, à propos du plan Intelligence artificielle, si elle a pu évaluer les financements complémentaires apportés par des géants du numérique, dont Google.

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis . - Nous ne disposons pas de cette précision, qu'il serait effectivement intéressant de connaître. Lors de l'audition de l'ANR, nous avons appris que des groupes comme Google participaient aux tours de table des appels à projets, notamment sur l'intelligence artificielle. Cela m'a fait bondir : nous n'avons pas accordé des financements à cette fin. Je compte me rendre à des réunions des comités scientifiques de l'ANR pour me pencher davantage sur ce point.

Le seuil de 1 % du PIB dédié à la recherche paraît astronomique, mais c'est le chiffre nécessaire, minimum, pour atteindre nos ambitions. Ce seuil est de 0,7 % pour l'instant.

Monsieur Gattolin, je n'ai pas dit autre chose que vous sur la recherche spatiale. Il ne faudra pas manquer le sommet interministériel de Séville des 27 et 28 novembre prochains.

Le cabinet de la ministre nous a indiqué que la LPRR était très liée à la réforme des retraites. Les chercheurs demandent à rester en poste plus longtemps ; ils entrent très tardivement dans la profession, en moyenne entre 35 et 38 ans. Tout va dépendre du calendrier législatif de la réforme des retraites. En effet, celle-ci aura un impact important sur l'un des volets de la LPRR, qui concerne la rémunération des chercheurs.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis . - Merci aux remarques favorables des intervenants.

Je partage l'avis de Sylvie Robert sur le nombre d'étudiants qui augmente et n'est pas compensé à due proportion.

On m'a interrogé sur la mise en oeuvre des « Oui, si ». Une partie des 43 millions d'euros consacrés à la poursuite du Plan Étudiants doit notamment contribuer à la montée en charge du dispositif et à l'harmonisation des pratiques, les universités s'en étant emparées de façon diverse.

L'exonération de droits d'inscription de 10 % des étudiants peut tenir en se concentrant sur les primo-accédants. En revanche, je ne suis pas convaincu qu'il soit possible de poursuivre sur plusieurs années, au fil de leur scolarité. Il y a également une insécurité juridique, qui n'est pas tenable à terme.

Je partage les propos sur la rénovation énergétique. Les universités sont des passoires thermiques. C'est un héritage qui n'a sans doute pas été suffisamment traité sous le précédent quinquennat.

Il faut travailler sur les mesures relatives au mécénat avec la commission des finances : on ne peut réduire le taux de défiscalisation tout en énumérant un nombre incalculable d'exceptions.

Madame Jouve, je n'ai pas l'information demandée sur les Inspé, mais je me renseignerai.

La ministre a évoqué hier une troisième vague de dévolution patrimoniale. Est-ce la clé ? Cela suffira-t-il aux universités pour retrouver des fonds et engager des rénovations ?

Laurent Lafon a évoqué le mécénat. J'ai moi-même souligné hier l'absence d'étude d'impact. Je reste extrêmement dubitatif sur cette absence de quantification de la part du ministère.

Je possède peu d'éléments sur l'effort substantiel qui devait être consacré aux BTS et aux IUT. Ce sont effectivement des filières extrêmement puissantes d'intégration sur le marché du travail.

Le dialogue de gestion sur le GVT ressemble plutôt un monologue de gestion. Il n'y aura plus de compensation du GVT - fermez le ban.

Je retiens de l'audition de la ministre un semblant de confiance sur l'interprétation du terme « modique » utilisé par le Conseil constitutionnel. Si l'on considère « modique » au regard du coût effectif, le ministère semble assez serein. Si l'interprétation s'appuie sur les droits obligatoires d'inscription, l'ensemble du système de financement de l'enseignement supérieur s'en trouvera bouleversé.

Je n'ai pas d'information, Céline Brulin, sur l'évolution de la filière masseur-kinésithérapeute mais, là aussi, je vais tâcher d'obtenir des informations.

La ministre a indiqué qu'il n'y aurait aucun empêchement à solliciter des bourses au mérite : elles seront accordées aux élèves méritants. Elle a même parlé de guichet.

André Gattolin a évoqué l'état des bâtiments. Sans polémiquer, je rappelle le manque d'anticipation du gouvernement précédent. On aurait pu engager des travaux depuis déjà une décennie...

Mme Sonia de la Provôté . - Merci aux deux rapporteurs pour avis. Il serait appréciable de disposer d'un bilan exhaustif et transparent de l'usage de la CVEC, que de nombreux étudiants qualifient de taxe ou d'impôt. Cette contribution est aussi demandée aux étudiants des établissements privés, or le retour n'y est pas le même qu'à l'université.

Concernant les études de santé en mineure : quoi, qui, où ? Quel en est le contenu ? Tout le monde ne recevra pas le même enseignement. C'est très inquiétant. On ne peut laisser se développer une multiplicité de parcours sans s'assurer de leur qualité.

Il faut une étude d'impact sur le mécénat. La recherche médicale, très accompagnée par les laboratoires, serait extrêmement compromise : les contributions financières y sont souvent très importantes.

Je lance aussi une alerte sur l'avenir d'Universcience. La culture scientifique représente un pilier de notre politique d'attractivité de certains éléments vers la science, dont les jeunes filles qui font de grandes chercheuses. Il faut être vigilant pour maintenir Universcience et développer son potentiel d'activité.

M. Jean-Pierre Leleux . - Je me joins au concert d'éloges à l'égard de nos deux rapporteurs pour avis. Ce budget, magnifiquement défendu, n'est pas au rendez-vous de l'histoire. À l'heure des grands bouleversements technologiques, de l'intelligence artificielle, de la transition écologique, nous devons faire davantage.

Je salue la ministre, que l'on sent sincère et pleine de bonne volonté, mais je la plains. Elle est contrainte, dans son petit univers. Un jour, nous devrons avoir le courage de revoir globalement les structures de notre budget national pour distinguer ce qui insulte notre avenir de ce qui le respecte. Nous essayons de régler des problèmes au sein du périmètre restreint d'une mission. Nous devrons formuler des propositions en adoptant beaucoup plus de recul afin d'éviter des conséquences graves dans dix, vingt ou trente ans. La France se retrouvera en queue de peloton des États membres de l'Union européenne et des pays de l'OCDE.

Nous donnerons un avis favorable aux crédits de la mission, mais nous sommes complètement en dehors de l'épure.

J'ai enfin l'intention de déposer un amendement pour affecter quelques crédits à la reconnaissance du tiers secteur de la recherche. Il faudra un jour prendre en considération les initiatives territoriales dans ce domaine.

M. Jacques Grosperrin . - Je souhaite revenir sur le principe de gratuité et sur la dévolution. La Cour des comptes prônait, il y a quelques mois, une augmentation des droits d'inscription pour tous les étudiants. Le Conseil constitutionnel, quant à lui, consacre le principe de gratuité. Or, ce dernier engendre des dangers. Certains professeurs d'économie de Compiègne ou de Paris-Saclay estiment qu'il faut l'appliquer à tout l'enseignement supérieur, ce qui remet en question le modèle économique. On a besoin d'une clarification. Je répète mes propos d'hier : la méthode des petits pas aboutit à un dépérissement.

J'entends l'explication de Laurent Lafon : il existe peut-être une intention d'attendre que la baisse de la démographie règle les problèmes.

Enfin, la dévolution pose un problème que Valérie Pécresse avait soulevé en son temps : les présidents d'université n'ont pas pour vocation première de gérer la réhabilitation du patrimoine universitaire. Ils auraient peut-être dû être choisis chez des enseignants non chercheurs.

M. Max Brisson . - Je remercie les rapporteurs pour avis pour la qualité de leurs travaux. Hier, notre présidente souhaitait une audition commune des ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ; ils doivent travailler ensemble sur l'articulation entre le lycée et l'enseignement supérieur. Le décrochage en première année de licence, sur lequel on jette souvent un regard pudique, est important et très coûteux. Le Gouvernement actuel cloisonne tout par ses réformes, dont le calendrier est absurde : il a fait Parcoursup et la loi ORE avant la réforme du bac !

Mme Françoise Laborde . - Madame Darcos, vous évoquiez le sommet de Séville. Nous avons eu d'excellents ministres de l'enseignement supérieur et de la recherche dans le passé, comme Mme Geneviève Fioraso et M. Thierry Mandon. Mme Vidal ne s'intéresse pas du tout au spatial, ce n'est pas son domaine. Cela m'inquiète beaucoup, nous frisons la catastrophe, alors que Mme Fioraso passait parfois ses nuits à défendre Ariane ! Le président du CNES est très compétent, mais particulier, et il n'a pas souhaité s'appuyer sur le groupe parlementaire sur l'espace, qu'il jugeait inutile, de même que d'autres structures...

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je regrette l'absence de discours des ministres sur la culture scientifique et technique, notamment de la ministre de l'enseignement supérieur pour les musées dépendant de son portefeuille. Monsieur Brisson, nous demandons cette audition depuis le mois de juillet, mais les agendas sont compliqués.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis . - Nous sommes satisfaits du plafond de 140 millions d'euros pour la CVEC, alors qu'il n'était que de 95 millions d'euros l'année dernière. Mais les présidents d'université doivent nous informer sur l'effectivité de l'attribution locale de ces crédits à la vie étudiante.

Le décret et l'arrêté relatifs aux études de santé ont été publiés hier. Je ne suis pas un fervent défenseur de la réforme car je crains une moindre qualité de la formation. Certes, il faut diversifier les publics, mais aussi encadrer globalement le contenu de la « mineure santé » dans les cursus universitaires. Je ne nie pas les travers de la première année commune aux études de santé (Paces), mais cette autre voie m'interroge...

Le manque d'études d'impact sur le mécénat est effectivement surprenant.

Monsieur Leleux, je comprends vos réserves, mais nous ne pouvons pas émettre d'avis réservé, d'où notre avis favorable, mais sans mention !

Monsieur Grosperrin, le rapport de la Cour des comptes sur les droits d'inscription des étudiants constitue un levier, utilisons-le. Attendons l'interprétation du Conseil d'État sur le terme « modique ».

Nous n'obtiendrons hélas pas l'enveloppe de 7,5 millions d'euros nécessaires pour les rénovations.

Monsieur Brisson, il est difficile d'obtenir des statistiques sur la réussite des étudiants en première année, car les parcours se sont multipliés et ne sont plus forcément linéaires. Un étudiant peut faire une première année accélérée ou bien étalée sur un an et demi...

Lors de nos auditions, les représentants de l'enseignement supérieur n'ont pas fait état d'inquiétudes particulières sur l'articulation avec le nouveau baccalauréat : comme ils nous l'ont dit, ils sont habitués à s'adapter aux réformes...

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis . - Oui, madame la présidente, de nombreux musées dépendent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Palais de la découverte et le Grand Palais vont bientôt fermer pour rénovation. Or ces travaux représentent des sommes très importantes...

Mme Sonia de la Provôté . - ... avec un rôle important du mécénat...

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis . - Le président d'Universcience nous a présenté un programme éducatif, culturel et scientifique de grand intérêt. Ses équipes interviennent aussi en région pour susciter l'intérêt des jeunes. Cela fend le coeur de voir qu'ils sont si mal servis.

Nous espérons le transfert des réserves du Museum national d'histoire naturelle à Brunoy, mais nous ne voyons aucune volonté de développer le secteur culturel.

Je ne vais pas polémiquer sur le secteur spatial, mais de nombreux présidents d'université s'inquiétaient que Mme Fioraso ne s'intéressait qu'au spatial... En revanche, j'ai beaucoup apprécié M. Mandon et je regrette qu'il ne soit pas resté en poste plus longtemps. Je rappelle que M. Le Gall a contribué à de nombreux travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), notre collègue André Gattolin peut en témoigner. Je vous invite à lire le rapport de l'Opecst sur les nouveaux propulseurs : la France est en pointe, leader européen, même par rapport aux États-Unis. Nous devrions, rien que pour cela, voter les crédits, et être fiers de ce secteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous devrions recevoir le président de l'Opecst, car nous manquons de retour sur les travaux de l'office.

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis . - Je vous conseille d'entendre à la fois le président et le vice-président, Messieurs Villani et Longuet, de vrais duettistes lorsqu'ils débattent ensemble.

M. Stéphane Piednoir . - Prévoyez cependant une plage horaire importante !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je regrette le manque de moyens pour la culture scientifique et technique. Nous préparons mal les jeunes aux enjeux d'avenir !

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis . - Notamment les filles !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - C'est une erreur terrible !

Nous allons donner un avis sur l'adoption des crédits de la mission, sachant que la commission des finances se prononce sur le fond. Nos rapporteurs nous invitent à donner un avis favorable accompagné de multiples réserves. Je regrette qu'ils ne disposent que de trois minutes en tribune, alors que leur travail est très approfondi. Je ferai remonter cette remarque. C'est pour cela que j'ai souhaité un long débat ce matin.

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis . - Merci beaucoup. C'est effectivement très frustrant de parler si peu en séance publique...

Mme Sylvie Robert . - Comme chaque année, nous partageons totalement les constats des rapporteurs pour avis sur ce budget. Certes, ils émettent un avis favorable avec de grandes réserves, mais cela nous met dans une situation compliquée. Le groupe socialiste et républicain s'abstiendra.

Mme Céline Brulin . - Nous partageons tous les éléments du rapport sauf la proposition de voter les crédits. Le groupe CRCE ne suivra pas cette proposition.

Mme Françoise Laborde . - La situation est ubuesque. Malgré l'excellence des rapports présentés, le groupe du RDSE s'abstiendra. Nos avis seront partagés en séance publique.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur ».

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