III. LES CONCOURS ADMINISTRATIFS : DES EFFORTS À POURSUIVRE POUR MAINTENIR LEUR ATTRACTIVITÉ

A. UNE VOIE D'ACCÈS TRADITIONNELLE, AUJOURD'HUI CONCURRENCÉE

1. Une voie d'accès traditionnelle à l'emploi public

Conformément au statut général, « les fonctionnaires sont recrutés par concours sauf dérogation prévue par la loi » 18 ( * ) .

Le concours assure le libre accès des citoyens aux emplois publics, principe consacré par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789. Les candidats demeurent égaux face aux épreuves et au jury , ce qui n'empêche pas certaines adaptations pour les candidats en situation de handicap 19 ( * ) .

Les trois catégories de concours

Il existe trois catégories de concours administratifs :

- les concours externes , ouverts à tous les candidats justifiant de certains diplômes ou de certaines études ;

- les concours internes , réservés aux agents ayant accompli une certaine durée de service ;

- les troisièmes concours , destinés aux candidats qui disposent d'une expérience dans le secteur privé, la vie locale ou le tissu associatif.

Pour chaque corps ou cadre d'emplois, les conditions d'organisation des concours sont fixées par le pouvoir règlementaire .

Pour la seule année 2017, 47 596 candidats ont été lauréats d'un concours de la fonction publique de l'État et 15 751 d'un concours de la fonction publique territoriale 20 ( * ) .

Les autorités organisatrices varient d'un versant à l'autre. À titre d'exemple, l'organisation des concours territoriaux est partagée entre le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), les centres de gestion et les employeurs 21 ( * ) .

Les autorités organisatrices de concours

Source : commission des lois du Sénat

2. Une inquiétude : la perte d'attractivité des concours
a) Une réduction du nombre de candidats

L'attractivité des concours administratifs semble s'éroder dans chaque versant de la fonction publique .

Ø Fonction publique territoriale

Le nombre de candidats présents aux concours organisés par les centres de gestion a chuté de près de 33 % entre 2014 et 2017, passant de 124 276 à 83 529 personnes.

Cette tendance ne s'explique que partiellement par la diminution du nombre de postes à pourvoir (- 23,60 %), comme le démontre l'évolution du taux de sélectivité : en 2017, seuls 5,34 candidats se sont présentés pour un lauréat, contre 6,48 en 2014 .

Le taux de sélectivité :
un outil statistique pour apprécier l'attractivité des concours

Le taux de sélectivité d'un concours s'obtient en divisant le nombre de candidats présents à la première épreuve par le nombre de lauréats.

Il mesure le degré d'exigence du concours mais également son attractivité : un taux de sélectivité élevé signifie que beaucoup de candidats se sont présentés pour un même poste . À l'inverse, un faible taux de sélectivité traduit un problème d'attractivité.

Présence et taux de sélectivité
pour les concours des centres de gestion

Source : commission des lois du Sénat,
à partir du panorama de l'emploi territorial (2019)

Parmi les concours organisés par le CNFPT, seul le concours d'administrateur territorial présente une dynamique positive (+ 43 % de candidats présents entre 2017 et 2018), qu'il doit à une modification de son calendrier 22 ( * ) . En 2018, le nombre de candidats (399 présents) reste toutefois plus faible qu'en 2015 (509).

Ø Fonction publique de l'État

Hors concours interne, le nombre de candidats présents aux concours de l'État a baissé de 16,5 % entre 2014 et 2017 .

Le taux de sélectivité s'est réduit pour l'ensemble des catégories : en 2017, 12,6 candidats se sont présentés pour une place ouverte en catégorie C, contre 17,5 candidats en 2014.

Taux de sélectivité aux concours externes
et aux troisièmes concours de la fonction publique de l'État

Source : commission des lois du Sénat, à partir du « Jaune budgétaire »
sur l'état de la fonction publique et les rémunérations

Ø Fonction publique hospitalière

Le concours d'attaché d'administration hospitalière illustre les difficultés rencontrées par les hôpitaux : le nombre de candidats présents a chuté de 18 % entre 2014 et 2017, alors que le nombre de postes à pourvoir augmentait.

Le concours d'attaché d'administration hospitalière

Source : commission des lois du Sénat,
à partir des données du centre national de gestion de la fonction publique hospitalière

b) Un recours croissant à d'autres voies d'accès à l'emploi public

Les concours sont également concurrencés par d'autres voies d'accès à l'emploi public.

D'une part, les fonctionnaires de catégorie C peuvent être recrutés directement, sans concours préalable 23 ( * ) .

Ce type de recrutements est particulièrement important dans la fonction publique territoriale, dans laquelle les agents de catégorie C représentent plus de 75 % des effectifs. Dans ce versant, le nombre de recrutements directs est 2,5 fois supérieur aux postes pourvus par concours 24 ( * ) .

D'autre part, les agents contractuels représentent près d'un agent sur cinq . Entre 2007 et 2017, leur nombre a augmenté de 2,2 % chaque année, alors que le nombre de fonctionnaires s'est stabilisé 25 ( * ) .

Cette tendance pourrait être renforcée par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, dont plusieurs dispositions assouplissent le recours aux contrats : ouverture des emplois de direction, création d'un « contrat de projet », élargissement des contrats à durée indéterminée (CDI), etc . 26 ( * )

3. L'organisation des concours, un processus long et coûteux

Pour les employeurs publics, l'organisation d'un concours nécessite plusieurs mois de travail pour fixer le calendrier des épreuves, assurer l'information des candidats, louer des salles d'examen, réunir un jury, définir les sujets, surveiller les épreuves, corriger les copies, organiser les oraux d'admission, etc .

À titre d'exemple, le recrutement par concours d'un rédacteur territorial coûte près de 1 400 euros .

Certains concours sont encore plus onéreux :

- recruter un agent territorial spécialisé des écoles maternelles ( ATSEM ) peut coûter jusqu'à 1 900 euros . En l'absence d'épreuve d'admissibilité, tous les candidats au concours interne sont reçus pour un entretien oral 27 ( * ) , ce qui constitue une véritable charge pour les centres de gestion ;

- recruter un agent de la filière artistique peut représenter jusqu'à 7 000 euros . Alors que le nombre de postes ouverts reste très faible, les épreuves (accompagnement d'un cours de danse, travail avec un ensemble instrumental, etc .) sont particulièrement complexes à organiser.

Les contraintes d'organisation : l'exemple du concours d'administrateur territorial

En 2018, 628 candidats se sont inscrits auprès du CNFPT pour participer au concours d'administrateur territorial. 399 personnes étaient présentes à la première épreuve écrite, pour 50 postes ouverts.

Le CNFPT a consacré une enveloppe de 320 000 euros à l'organisation de ce concours, ce qui représente un coût de 6 400 euros par lauréat 28 ( * ) .

Ce concours a mobilisé :

- pour les épreuves écrites d'admissibilité : 31 concepteurs de sujets, 47 correcteurs et 30 surveillants répartis sur 7 sites (Paris, Martinique, Réunion, Bordeaux, Lyon, Rennes et Strasbourg) ;

- pour les épreuves orales d'admission, 19 membres de jury et 13 surveillants.

Sur le plan opérationnel, les organisateurs de concours rencontrent des difficultés pour la constitution des jurys, qui doit respecter plusieurs règles formelles .

Le bon fonctionnement d'un jury nécessite, en outre, une grande implication de ses membres : dans l'exemple du concours d'ATSEM, ces derniers sont « sollicités sur plusieurs jours et parfois plusieurs semaines en raison du nombre important de candidats inscrits » 29 ( * ) .

Les règles applicables aux jurys de la fonction publique

Le recrutement par concours implique de constituer un jury unique , chargé d'apprécier les mérites de l'ensemble des candidats 30 ( * ) .

Si le jury peut se constituer en groupes d'examinateurs , il doit se réunir dans sa totalité pour opérer la péréquation des notes et procéder à la délibération finale.

Sauf dérogation, le jury doit comprendre au moins 40 % de femmes et 40 % d'hommes. Sa présidence doit être confiée, de manière alternée, à un membre de chaque sexe 31 ( * ) . Dans un souci de simplification, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a autorisé les employeurs à conserver un même président pour quatre sessions consécutives, sa succession devant être assurée par une personne de sexe opposé.

Le jury doit également comprendre des personnalités extérieures , qu'il est parfois difficile de mobiliser 32 ( * ) .

En règle générale, les membres du jury exercent cette fonction sur leur temps de travail . Dans le cas contraire, ils peuvent percevoir une rémunération calculée selon le niveau de recrutement des concours 33 ( * ) .

Comme l'a reconnu la DGAFP, « la participation à l'activité de recrutement [...] n'est pas suffisamment valorisée malgré les apports indéniables qu'elle procure en termes de professionnalisation du management et des ressources humaines ».

Le taux d'absence des candidats reste élevé dans les trois versants de la fonction publique, ce qui soulève d'importantes difficultés de gestion pour les organisateurs .

En 2017, 61 % des candidats inscrits ne se sont pas présentés à la première épreuve du concours de professeur des écoles de classe normale. Dans le versant territorial, le taux d'absence aux concours des centres de gestion atteint presque 40 %, en augmentation de 9 points par rapport à 2014.

Taux d'absence pour les concours organisés par les centres de gestion

Source : commission des lois du Sénat,
à partir du panorama de l'emploi territorial (2019)

Un tel absentéisme s'explique, au moins pour partie, par un phénomène de « multi-inscriptions » : les candidats s'inscrivent à un maximum de concours pour optimiser leurs chances de réussite, même s'ils ne peuvent pas se présenter à toutes les épreuves.

Enfin, la gestion des lauréats peut s'avérer délicate, en particulier dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière .

Dans le versant territorial, les lauréats sont inscrits sur une liste d'aptitude , qui les autorise à répondre aux offres d'emploi des collectivités territoriales. S'ils ne trouvent pas de poste dans un délai de quatre ans, ils sont considérés comme des « reçus-collés » et perdent le bénéfice de leur concours 34 ( * ) .

Au 1 er juillet 2018, les listes d'aptitude des centres de gestion comptaient 27 701 personnes, dont 76 % qui étaient inscrites depuis moins de deux ans. D'après la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), le taux de « reçus-collés » s'élève aujourd'hui à environ 9 % des lauréats 35 ( * ) , avec une difficulté particulière pour les agents de catégorie C (14 %).

Lauréats inscrits sur les listes d'aptitude des centres de gestion

Ancienneté de l'inscription

Moins d'un an

Entre un et deux ans

Entre deux et trois ans

Entre trois et quatre ans

Prolongation
pour motifs personnels 36 ( * )

Total

Nombre de lauréats concernés

13 379

7 691

3 329

2 436

866

27 701

En % de la liste d'aptitude

48,30 %

27,76 %

12,02 %

8,79 %

3,13 %

100 %

Source : commission des lois du Sénat, à partir des données de la FNCDG

La fonction publique hospitalière rencontre le même type de difficultés, comme l'a confirmé la Fédération hospitalière de France (FHF) . Lorsque les concours sont organisés par plusieurs établissements, les candidats sont affectés selon leur rang de classement, ce qui ne correspond pas toujours à leur souhait. Or, tout candidat qui refuse son affectation dans un établissement perd le bénéfice de son concours.


* 18 Article 16 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi « Le Pors ».

* 19 Conseil constitutionnel, 14 janvier 1983, Loi relative au statut général des fonctionnaires , décision n° 82-153 DC.

* 20 Le nombre total de lauréats dans le versant hospitalier n'est pas connu, chaque établissement pouvant organiser ses propres concours (voir infra ).

* 21 Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.

* 22 Les épreuves d'admissibilité du concours d'administrateur territorial se déroulent désormais en juin, avant celles de l'École nationale d'administration.

* 23 Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.

* 24 Source : Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG).

* 25 Source : « Jaune budgétaire » sur l'état de la fonction publique et les rémunérations, p. 85.

* 26 Pour plus de précisions, voir le rapport n° 570 (2018-2019) fait au nom de votre commission sur le projet de loi de transformation de la fonction publique.

* 27 Décret n° 2010-1068 du 8 septembre 2010 fixant les modalités d'organisation des concours pour le recrutement des agents territoriaux spécialisés de 1 re classe des écoles maternelles.

* 28 Soit le coût d'organisation du concours (320 000 euros), divisé par le nombre de lauréats (50).

* 29 Source : Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG).

* 30 Conseil d'État, 28 octobre 1959, Ministère de l'éducation nationale c/ Parisot , affaire n° 48853.

* 31 Articles 16 ter et 16 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi « Le Pors ».

* 32 À titre d'exemple, un représentant du ministère de la culture siège obligatoirement dans les jurys de la filière artistique de la fonction publique territoriale, sous peine de vice de forme.

* 33 Décret n° 2010-235 du 5 mars 2010 relatif à la rémunération des agents publics participant, à titre d'activité accessoire, à des activités de formation et de recrutement.

* 34 Article 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 35 Ce qui signifie, en d'autres mots, qu'environ 9 % des lauréats des concours organisés par les centres de gestion ne trouvent aucun poste dans un délai de quatre ans et perdent, de ce fait, le bénéfice de leur concours.

* 36 Certains motifs personnels, comme le congé parental ou l'accomplissement d'un mandat électoral, permettent de suspendre l'inscription sur les listes d'aptitude et donc d'y figurer, à titre dérogatoire, plus de quatre ans.

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