C. LA RESTAURATION : UN SECTEUR PARTICULIÈREMENT TOUCHÉ

1. Un tiers des restaurants pourraient fermer d'ici la fin 2021

Le secteur de la restauration est le plus impacté par les mesures sanitaires : aux deux confinements 20 ( * ) (qu'ont également subi d'autres commerçants, comme les fleuristes ou les magasins d'habillement) s'est en effet ajouté le couvre-feu applicable durant la deuxième moitié du mois d'octobre 2020. Certaines caractéristiques propres à ce secteur ont en outre aggravé le choc, comme le fait qu'une partie importante du stock soit périssable. Ainsi qu'en ont témoigné publiquement de nombreux restaurateurs, il leur est par ailleurs impossible d'obtenir une indemnisation de leur assureur, le risque épidémique n'étant pas couvert, ou assorti de conditions particulières.

Les aides d'urgence mises en place par l'État permettent certes le paiement des charges de personnel ( via l'activité partielle) et offrent une forme de répit de courte durée pour la trésorerie de ces entreprises (Fonds de solidarité et prêts garantis par l'État). Pour autant, elles ne permettent pas de couvrir l'ensemble des dépenses et creuseront, in fine , leur endettement et détérioreront leur solvabilité déjà fragile.

En outre, du fait du moment social que représentent les repas, le déconfinement s'accompagnera du maintien de la réduction du nombre de couverts, applicable depuis le mois de mai, et la clientèle étrangère continuera de manquer.

La conjugaison de ces différents facteurs ne peut que placer les restaurateurs, à l'issue du deuxième confinement, dans une situation économique encore pire que celle qui prévalait à l'issue du premier : leur chiffre d'affaires avait en effet diminué de 37 % entre janvier et août 2020. Début octobre, donc avant même le couvre-feu, l'Union des métiers et de l'hôtellerie (Umih) estimait que 25 % des emplois de ce secteur étaient menacés et que 15 % des entreprises pourraient être défaillantes d'ici décembre, ce qui représenterait 250 000 personnes au chômage en 2020. Compte tenu de la baisse d'activité de 60 % subie par ce secteur au mois de novembre 21 ( * ) , l'Umih envisage désormais la disparition de deux tiers des établissements suite à une enquête menée auprès de 6 600 entreprises 22 ( * ) .

2. Au-delà des mesures de soutien pour parer à l'urgence, aucun dispositif n'est prévu pour soutenir la demande et relancer ce secteur

Le soutien économique apporté à ce secteur vise essentiellement à éviter les faillites à court terme : le Fonds de solidarité, les PGE, les exonérations de cotisations sociales, doivent permettre d'éviter un assèchement immédiat de la trésorerie des restaurateurs.

Au-delà de l'urgence, toutefois, aucune mesure de relance n'est spécifiquement dédiée à ce secteur, alors même que sa situation dramatique est régulièrement au centre du débat public depuis plus de huit mois. Le plan pour l'économie de proximité, vu supra , se concentre sur la rénovation de locaux vacants et le développement ou le financement de solutions numériques (qui peuvent, il est vrai, amortir la chute du chiffre d'affaires grâce aux dispositifs de vente à emporter, mais sans que cela ne remplace, naturellement, les ventes générées par la consommation sur place).

De façon générale, le plan de relance du Gouvernement privilégie largement la politique de l'offre. Très peu de mesures sont spécifiquement dédiées à la demande, notamment celle des plus modestes dont la propension marginale à consommer est pourtant relativement plus élevée. Une fois la réouverture des restaurants autorisée, c'est pourtant bien à un risque d'insuffisance de la demande que ces derniers feront face.

Durant l'été postérieur au premier confinement, par exemple, le marché de la restauration n'avait atteint que 70 % du chiffre d'affaires généré au cours de l'été 2019. Or rien n'est prévu par le Gouvernement afin d'anticiper cet état de fait et de relancer la restauration.

3. La mise en place de « chèques restaurants » par l'État : une solution pour soutenir facilement et rapidement le secteur de la restauration

Face à ce constat, le rapporteur émet le souhait que soit créé par l'État un dispositif de « chèque restaurant » à destination des ménages les plus modestes (par exemple ceux des trois premiers déciles de revenus). Ces chèques seraient distribués par les communes volontaires, via par exemple les centres communaux d'action sociale, qui ont une forte légitimité en la matière. Les restaurateurs se feraient rembourser auprès de ces organismes le montant des chèques dépensés dans leur établissement, la commune obtenant ensuite le versement par l'État de la dotation correspondante.

Une telle mesure, évaluée à 400 millions d'euros et mise en oeuvre pendant un mois suite à la réouverture des restaurants, apporterait un soutien bienvenu à ce secteur particulièrement fragilisé en même temps qu'elle bénéficierait à des ménages aux moyens limités, privés de ces moments de convivialité.

Le rapporteur note par ailleurs que le Royaume-Uni a opté pour un dispositif à peu près similaire, mais sans ciblage sur les plus modestes, ce qui a pu créer des effets d'aubaine : afin de relancer le secteur après le premier confinement, l'État britannique a en effet remboursé, au mois d'août 2020, la moitié des additions des clients des restaurants, dans la limite de 10 livres par repas.

Le rapporteur a donc déposé, en son nom propre, un amendement à la mission « Relance » visant à créer un fonds de 400 millions d'euros destiné à financer ce dispositif de « chèques restaurant ».


* 20 De janvier à août 2020, le marché de la restauration hors domicile a perdu 35 % des visites et 37 % de son chiffre d'affaires.

* 21 Insee, Point de conjoncture du 17 novembre 2020.

* 22 Umih, Communiqué de presse, 11 novembre 2020, « Hôtels, cafés, restaurants, discothèques : 2 établissements sur 3 pourraient disparaître ». Les cafés, bars et restaurants représentent 80 % des répondants. Les 20 % restants sont des hôteliers.

Page mise à jour le

Partager cette page