B. L'INITIATIVE « FRANCE NUM », OUTIL BIENVENU AU CoeUR DU DISPOSITIF, DOIT GAGNER EN NOTORIÉTÉ ET AMÉLIORER LE SUIVI DE SES ACTIONS

Parallèlement aux crédits mentionnés plus haut à destination de la numérisation des commerçants et artisans, la mission « Relance » prévoit également pour 2021, au sein du programme « Compétitivité », un abondement de l'initiative France Num, créée en 2018, à hauteur de 26 millions d'euros de crédits de paiement. Ces crédits s'ajouteront à la dotation de 2 millions d'euros allouée à France Num dans la mission « Économie » 27 ( * ) .

1. Une initiative utile, bénéficiant d'un soutien renforcé en 2021 reposant notamment sur le réseau consulaire
a) L'initiative France Num vise à sensibiliser les petites entreprises à la nécessité de se numériser et à référencer les solutions existantes

La création le 15 octobre 2018 de l'initiative France Num, pour laquelle dix personnes sont spécifiquement dédiées au sein de la DGE, obéit à un triple objectif :

• sensibiliser les TPE à l'intérêt de la numérisation. Pour ce faire, 470 articles et nombre de vidéos ont été postés sur le site internet de France Num depuis sa création, qui mettent en avant des témoignages d'entrepreneurs et qui proposent des conseils pratiques, un MOOC « Numériser ma TPE » sera lancé en janvier 2021, un guide pratique a été élaboré en 2020, une campagne omnicanale de promotion sera diffusée ;

• référencer un réseau de partenaires disposés à accompagner les entreprises dans leur numérisation. En cela, France Num vise à faciliter la rencontre entre une demande (des commerçants ou artisans, souhaitant par exemple disposer d'un site internet ou de solutions de paiement en ligne) et une offre (1 734 « activateurs » professionnels ayant proposé leurs services, dont une part importante d'experts-comptables) ;

• apporter un soutien financier indirect aux PME souhaitant investir dans le numérique en leur apportant une garantie de prêt, via l'opérateur Bpifrance.

Le rapporteur partage pleinement l'objectif d'une clarification de l'écosystème existant en matière d'aide et d'accompagnement à la numérisation. La coexistence - et la concurrence - de 136 aides financières territoriales différentes, obéissant à des critères d'éligibilité hétérogènes, la multiplication des acteurs compétents et la profusion des types d'aide apportés ne peuvent en effet que freiner les commerçants et artisans dans leur démarche de numérisation.

Il est à noter toutefois que France Num n'effectue pas d'action concrète de numérisation : il ne s'agit que d'un intermédiaire, à la fois plateforme de mise en relation et centre documentaire. S'il permet de recenser, classer et présenter les aides et acteurs existants, il ne peut agir directement sur leur nombre, leurs critères d'éligibilité (pour les aides territoriales), les services proposés, ou encore verser directement les aides aux entreprises. Ce sont pourtant de telles mesures qui permettraient un réel essor de la numérisation des commerçants et artisans.

b) La crise actuelle a entraîné un renforcement des moyens de France Num afin d'accélérer la numérisation des PME

Alors que la loi de finances pour 2020 n'a doté l'initiative que de 700 000 euros 28 ( * ) , la loi de finances rectificative pour 2020 n° 3 a considérablement augmenté le budget de France Num. 11 millions d'euros (en AE) ont en effet été ouverts 29 ( * ) afin de déployer, notamment, un dispositif d'accompagnement des TPE-PME sous forme de « formations-actions » dispensées à partir d'octobre 2020 30 ( * ) , essentiellement via le réseau consulaire. Cette nouvelle mission s'ajoute donc aux trois listées ci-dessus.

D'ici la fin de l'année 2020, 4 millions d'euros de CP devraient être consommés par France Num, dont 3,5 millions d'euros au titre de ces actions-formations 31 ( * ) (10 000 devraient être lancées avant 2021).

La mission « Relance » du PLF 2021 prévoit en outre d'approfondir ces dispositifs de sensibilisation et d'accompagnement par une enveloppe supplémentaire de 22 millions d'euros en CP 32 ( * ) . Comme vu supra , si toute initiative en la matière ne peut qu'être utile, le rapporteur regrette que les attentes des petits commerçants et artisans ne soient pas davantage entendues, au premier rang desquelles la demande d'une aide financière importante pour prendre en charge les frais de formation et d'équipement numérique.

2. L'initiative France Num doit encore gagner en notoriété et se doter d'une capacité de mesure de l'efficacité de ses actions
a) Une nécessaire fiabilisation du réseau des activateurs

La valeur ajoutée principale de France Num est de permettre à un entrepreneur souhaitant prendre le virage du numérique de trouver des acteurs proches de chez lui pouvant l'accompagner (acteurs privés comme parapublics, à l'image du réseau consulaire). Pour autant, le processus de référencement de ces 1 734 « activateurs » 33 ( * ) ne permet pas de s'assurer de leur fiabilité (respect des engagements, des délais, tarification, clauses abusives, qualité technique des solutions, maintenance, etc.).

La DGE opère en effet un contrôle essentiellement formel, fondé sur la vérification d'informations générales : signature d'une lettre d'engagement, identité de l'entreprise, adresse, existence de compétences dans le domaine du numérique, existence d'un site internet, ou encore fonctionnement des liens vers les réseaux sociaux. Ces contrôles ne concernent donc pas le sérieux des professionnels référencés, ce qui est d'autant plus regrettable que :

• les petites entreprises non numérisées sont loin de maîtriser, dans leur ensemble, les concepts et le vocabulaire d'un secteur d'activité particulièrement technique et disposant d'un « jargon » propre. Ce faisant, une asymétrie peut se créer entre la TPE et l'activateur, renforcée par le fait que l'utilisateur considère que ce dernier est « validé » par l'État du fait de sa présence sur un site de l'administration ;

• la complexité technique de la matière constitue un frein aux efforts de numérisation des petites entreprises, qui n'acceptent de « sauter le pas » que si elles trouvent un partenaire de confiance. À cet égard, le rapporteur propose que les activateurs relevant du réseau consulaire (CCI et CMA) ou de certains ordres professionnels (comme les experts-comptables) soient plus facilement identifiables sur le site internet de France Num, d'autant que certaines de ces offres sont davantage susceptibles d'être gratuites que celles des autres acteurs ;

De façon générale, il importe donc que France Num renforce et approfondisse rapidement ses procédures de contrôle de la fiabilité et du sérieux des activateurs. France Num se voulant un site de référencement des prestations proposées par les activateurs, le rapporteur préconise par ailleurs, dans la lignée du rapport 34 ( * ) de Mme Gruny mentionné plus haut, que le référencement soit actualisé en temps réel par les utilisateurs afin de mettre en avant les accompagnateurs les plus efficaces.

b) Confier réellement un rôle central à France Num en la dotant d'une capacité de suivi des actions de numérisation mises en oeuvre

En matière de référencement des solutions numériques, l'initiative France Num ne va pas au-delà de la mise en contact entre une entreprise et un activateur. La DGE a en effet confirmé au rapporteur ne pas disposer d'un suivi des actions engagées suite à celle-ci, et ne pas avoir connaissance du nombre d'actions de numérisation qui ont effectivement été menées grâce à son entremise.

Le rapporteur rappelle que la politique publique de numérisation des PME, qui s'appuie de plus en plus sur France Num, ne saurait être privée des moyens de suivre et de mesurer l'efficacité de ses dispositifs. Un tel suivi permettrait en effet à la fois de s'assurer du bon fonctionnement et de la bonne fluidité du système mis en place (la simplification de l'écosystème étant un objectif recherché), et permettrait aux pouvoirs publics d'adapter et de modifier rapidement leurs actions selon les résultats qu'elles produisent. En outre, il est particulièrement surprenant que France Num n'ait pas de visibilité particulière sur les résultats obtenus par ses partenaires, alors même qu'elle finance parfois directement leurs actions.

Surtout, un dispositif de suivi et de contrôle permettrait de s'assurer de l'adéquation de l'initiative France Num aux besoins exprimés par les petites entreprises. Or, en l'état, la plateforme satisfait surtout les besoins des activateurs, en élargissant leur marché et en leur donnant une plus grande visibilité auprès de clients potentiels.

Enfin, le rapporteur salue la mise en place, à partir de 2021, d'un baromètre de la transformation numérique des TPE/PME et souligne l'importance que ce dernier mesure précisément les freins à cette transformation et qu'il intègre des éléments d'appréciation sur l'action de France Num par les dirigeants d'entreprise.

c) Un déficit de notoriété qui nuit à l'efficacité de son action

L'ensemble des acteurs entendus par le rapporteur ont souligné la très faible connaissance que les commerçants et artisans ont de l'initiative France Num. De nombreux efforts de communication ont pourtant été déployés depuis 2018 :

• une première campagne multicanale (radio, réseaux sociaux, etc.) d'avril à juin 2019 a généré 3 millions de « contacts » sur la période ;

• des actions hors médias sont développées pour rencontrer directement les dirigeants d'entreprise à sensibiliser (événements nationaux comme les Trophées PME RMC, salon Impact PME, Salon des Entrepreneurs). 100 000 « points de contacts » auraient été touchés lors de ces événements, selon la DGE ;

• depuis avril 2020, une chronique bihebdomadaire « Accélérer avec le numérique » est diffusée en web radio et sur FrenchWeb.fr. Son audience cumulée en mai était de 22 000 auditeurs sur 24 heures ;

• une présence sur tous les réseaux sociaux ;

• en 2021, une émission TV est prévue, ainsi qu'un MOOC « Ma TPE a rendez-vous avec le numérique ».

Malgré l'ensemble de ces actions, la notoriété de France Num reste faible : l'audience du site internet représente 10 000 visiteurs uniques par semaine en octobre 35 ( * ) , 19 % seulement des commerçants-artisans sont estimés avoir été couverts par la campagne radio de 2019 et le cumul d'abonnés sur les réseaux sociaux est de 17 000 (dont seulement 667 pour LinkedIn et 895 pour Facebook). En outre, France Num ne dispose pas d'éléments lui permettant de mesurer exactement le degré de connaissances (et d'appréciation) qu'en ont les entrepreneurs qui représentent, pourtant, le public qu'elle cible.

Ce déséquilibre entre les moyens engagés et les résultats obtenus semble provenir du positionnement ambivalent de France Num en la matière. En effet, alors que la politique de numérisation devrait cibler en priorité les commerçants et artisans les plus éloignés ou réticents au numérique, les actions de communication, certes nombreuses, ciblent essentiellement des canaux que n'utilisent que les dirigeants d'entreprise déjà sensibilisés, au moins partiellement, à ces problématiques : le magazine en ligne Frenchweb, les salons d'entrepreneurs, les web radio, les MOOC. Autrement dit, la communication de France Num est essentiellement dirigée vers le public qui en a le moins besoin.

Le rapporteur préconise, sans abandonner ces actions multi-supports, de lancer rapidement une vaste campagne nationale, sur un temps long (plusieurs mois), via les canaux traditionnels permettant de « toucher » un public bien plus vaste (grandes chaînes de télévision, principales radios, affichages). Celle-ci devrait se limiter à un nombre réduit de messages-clefs, diffusés très régulièrement à des heures de grande écoute. Sans cela, l'initiative France Num risque de rester confidentielle, à rebours des ambitions affichées et, surtout, de l'efficacité recherchée.

Sur proposition du rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques a adopté à l'unanimité un amendement abondant les crédits de France Num au sein de la mission « Économie » de 3 millions d'euros supplémentaires, afin de :

• financer la mise en place d'un dispositif de suivi des actions de numérisation effectivement mises en oeuvre grâce à son rôle d'intermédiaire ;

• financer une enquête de notoriété permettant de mesurer la connaissance qu'en ont les entrepreneurs et les canaux d'information qu'ils jugent les plus pertinents ;

• financer une vaste campagne de communication nationale, via des canaux « grand public », sur un temps long.


* 27 1,98 million d'euros en AE et CV retracés au sein de l'action 4 « Développement des postes, des télécommunications et du numérique » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ».

* 28 En 2019, la consommation des crédits au 31 décembre s'est élevée à 801 000 euros en AE et 330 000 en CP.

* 29 Le total des autorisations d'engagement ouvertes en LFR 3 sur la mission « Économie » s'élève à 825 millions d'euros et celui des CP à 240 millions d'euros. Aux côtés de l'enveloppe de 11 millions d'euros destinée à financer l'accompagnement et la numérisation des TPE et PME figurent ainsi, par exemple, une enveloppe de 199 millions d'euros (en AE) pour soutenir l'investissement de la filière automobile ou encore 149 millions d'euros (en AE, 20 millions d'euros en CP) pour soutenir les relocalisations.

* 30 10 millions d'euros en AE sont prévus pour ce dispositif, sur l'enveloppe de 11 millions d'euros.

* 31 Les autres dépenses de 2020 concernent une campagne de communication nationale (1,1 million d'euros en AE et 100 000 euros en CP), la refonte du site internet de France Num (300 000 euros en AE et 15 000 euros en CP) et le lancement d'un baromètre sur le numérique des TPE/PME cibles de France Num (50 000 euros en AE/CP).

* 32 Et 36,1 millions d'euros en AE. Il est à noter que, parallèlement, l'accompagnement des PME/ETI dans la mise en place de solutions d'intelligence artificielle sera doté de 55 millions d'euros en AE et le soutien à l'investissement des PME et ETI dans les technologies de l'industrie du futur de 238 millions d'euros en AE.

* 33 La répartition des activateurs sur le territoire français est hétérogène. Il en existe par exemple 216 en Auvergne-Rhône-Alpes, 101 dans les Hauts-de-France, et 58 en Centre-Val de Loire.

* 34 Rapport d'information n° 635 fait au nom de la Délégation aux entreprises du Sénat : « Accompagnement de la transition numérique des PME : comment la France peut-elle rattraper son retard ? » par Mme Pascale Gruny

* 35 Cette audience ne s'établissait toutefois qu'à 3 000 visiteurs uniques par semaine en mars 2020, soit une hausse de plus de 200 %, notamment expliquée par le confinement et le regain d'intérêt des commerçants pour la vente en ligne.

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