ANNEXE 1 - COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE
M. JEAN-YVES LE DRIAN, MINISTRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, LE MARDI 3 NOVEMBRE 2020

M. Christian Cambon, président. - Je souhaitais d'abord vous informer que, le groupe Écologiste-Solidarité et Territoires (GEST) ayant demandé le retour à la procédure normale, la convention avec l'Inde sur le trafic de stupéfiants sera examinée en séance le 4 novembre, avec des interventions du rapporteur et des groupes. Je remercie chacun de sa mobilisation.

Monsieur le ministre, je suis heureux de vous accueillir pour une audition budgétaire sur les moyens de votre ministère pour 2021.

Élément de satisfaction, les crédits du ministère de l'Europe et des affaires étrangères augmentent de 8 %, hausse qui recouvre deux mouvements opposés : l'augmentation importante, de 16 %, des moyens de l'aide publique au développement (APD) et celle, peut-être trop modérée au regard des enjeux, de l'action extérieure de l'État, de 2 %.

S'agissant de l'aide publique au développement, nos questionnements sur la réalité du pilotage politique de l'opérateur Agence française de développement (AFD) ne sont pas apaisés - je vous ai d'ailleurs interrogé la semaine dernière lors des questions d'actualité au Gouvernement sur les prêts accordés à la Turquie - compte tenu de sa croissance, de l'éclatement de ses tutelles et de la disproportion croissante de leurs moyens respectifs.

La trajectoire susceptible de conduire au 0,55 % du revenu national brut (RNB) consacré à l'aide publique au développement demanderait une augmentation encore très importante des crédits l'année prochaine : est-ce réaliste dans le contexte budgétaire que nous connaissons, caractérisé par l'accroissement du niveau d'endettement en réponse à la pandémie ? Quand pourrons-nous enfin débattre de cette trajectoire financière, des grandes orientations, de la répartition entre aide bi- et multilatérale, de l'évaluation et de l'avenir d'Expertise France ? Quand sera déposé le projet de loi de programmation relatif à la politique d'aide publique au développement et à la lutte contre les inégalités mondiales ?

Concernant les moyens du réseau diplomatique, les économies prévues par le programme Action publique 2022 marquent le pas, sous l'effet de la pandémie. N'avons-nous pas été imprudents, comme le souligne notre commission depuis des années, de fragiliser notre réseau qui n'a pu faire face aux défis liés au coronavirus qu'au prix de l'engagement sans faille des personnels que je salue ?

La crise politique s'ajoute à la crise sanitaire ; les appels au boycott se multiplient. L'affaire des caricatures a mis en danger nos concitoyens sur toutes nos emprises dans le monde musulman. Nous avons bien sûr une pensée pour le vigile du consulat français à Jeddah blessé le 29 octobre dernier et, au-delà, pour tous nos diplomates : je rappelle que 50 000 personnes manifestaient hier devant notre ambassade à Dacca, au Bangladesh, sans parler de l'Indonésie, du Pakistan... Nous sommes très inquiets. Quels moyens seront consacrés à la protection de notre personnel diplomatique ?

Par ailleurs, comment rendre crédible le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger et ses objectifs très ambitieux, puisqu'il s'agit de doubler le nombre d'élèves d'ici à 2030, si la sécurité des élèves et des enseignants n'est pas assurée ?

Sur ces sujets graves, nous vous écouterons avec attention.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . -Je ne reviendrai pas sur le tour d'horizon de la brutalité du monde que nous avons fait il y a quinze jours, bien que, depuis, les épreuves se soient malheureusement ajoutées aux épreuves. La plus grande vigilance s'impose s'agissant de la sécurité des Français vivant à l'étranger ; ma préoccupation pour que nos compatriotes fassent preuve de prudence et que nos implantations soient sécurisées est permanente. Nous portons une attention particulière aux incidents pouvant affecter des Français et aux manifestations. En lien avec les autorités locales, nous veillons à la sécurité de nos concitoyens et de nos sites. Malgré des manifestations, la situation semble contrôlée. Souvenons-nous toutefois de l'incident impliquant un vigile du consulat de Jeddah et de celui qui est survenu à Alexandrie. Nos ambassadeurs font le nécessaire pour que soient suivies les consignes de sécurité et, dans les établissements scolaires, la rentrée s'est déroulée dans des conditions satisfaisantes. Il convient, cependant, de ne pas baisser la garde.

Effectivement, le budget de mon ministère enregistre une augmentation de 8 % par rapport à 2020, où il avait déjà crû de 3 %. La progression des crédits, indispensable à une diplomatie forte, se poursuit. Nos moyens s'élèvent à 5,411 milliards d'euros, soit une augmentation de 411 millions d'euros. Ils se partagent en deux missions : « Action extérieure de l'État », dotée de 2,93 milliards d'euros en progression de 2 %, et « Aide publique au développement » dont le programme 209, avec 2,48 milliards d'euros, affiche une progression de 16 %. Il s'agit donc d'une amélioration quantitative et qualitative, qui devrait apaiser une partie de vos inquiétudes.

Le budget de 2021 traduit cinq orientations majeures de notre politique. D'abord, les nouveaux moyens accordés à l'action extérieure de l'État devront permettre d'en renforcer l'efficacité. Pour la première fois depuis vingt ans, les effectifs du ministère seront stabilisés à un plafond de 13 563 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Nécessité fait loi : cette mesure signe la fin de l'hémorragie et le début du redressement.

Nous avons tous en mémoire la mobilisation sans faille de nos agents, à Paris comme dans les postes, lors de la première vague de l'épidémie. Ils ont permis le retour sur le territoire national de 370 000 Français et apporté un soutien sanitaire, éducatif et social aux communautés françaises à l'étranger. Dans le cadre de ce budget, la valeur de leur engagement a été reconnue. En 2021, la masse salariale représentera 1,159 milliard d'euros, soit une augmentation de 15 millions d'euros, dont 11 millions consacrés au mécanisme créé l'année dernière pour corriger les effets de l'inflation et du change et garantir ainsi le pouvoir d'achat des agents du ministère à l'étranger - cela permet davantage de lisibilité et de transparence - et 4,3 millions d'euros notamment pour la revalorisation, réclamée depuis longtemps, des agents de droit local.

La stabilisation des effectifs s'accompagne d'un renforcement des moyens de fonctionnement des services centraux et des postes à hauteur de 46 millions d'euros sur trois volets essentiels. D'abord, la politique immobilière du ministère voit ses ressources augmenter. Avec le compte d'affectation spéciale (CAS) 723 « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », qui permettait le financement des opérations immobilières par le produit des ventes, nous nous trouvions, sauf à nous séparer de biens symboliques de notre patrimoine et chers à l'image de la France, dans une impasse. Nous revenons donc à une budgétisation de nos engagements immobiliers pour lesquels les moyens augmentent de 33 %. Au surplus, 28 millions d'euros demeurant sur le compte d'affectation spéciale s'ajoutent aux 107 millions affectés aux opérations immobilières du ministère. Rappelons, par ailleurs, qu'en 2020 nous avons déjà obtenu le retour à 100% des droits sur les produits de cessions sur le compte d'affectation spéciale 723.

Ensuite, les moyens destinés à la sécurité des postes à l'étranger augmentent de 7,4 millions d'euros, afin d'achever la mise en oeuvre du plan quadriennal de sécurisation en 2021 s'agissant des ambassades et en 2022 pour les établissements scolaires. À cet effet, un rebasage de 9 millions d'euros de la subvention de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est aussi prévu en 2021. Nous arriverons ainsi au terme de ce plan de renforcement de notre dispositif de sécurité. Déjà, la totalité de nos emprises dans les pays en crise a été renforcée en fonction des recommandations établies par les spécialistes du ministère.

Enfin, les crédits destinés à la numérisation de nos activités enregistrent une hausse de 9 millions d'euros, pour atteindre 49,5 millions d'euros, soit une augmentation de 22 %, afin de répondre aux besoins sécuritaires - contrer les attaques - ainsi que techniques - renforcer les outils de communication des agents - et d'accélérer la modernisation des services aux usagers, notamment pour simplifier les démarches administratives. Un plan pluriannuel doté de 13 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) y contribue.

La deuxième orientation de notre politique concerne la poursuite de notre engagement en faveur de la préservation de la paix, du règlement des crises et de la défense du multilatéralisme. Les deux tiers du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » y sont consacrés avec 718 millions d'euros de contribution aux organismes européens et internationaux. Les trois quarts de nos contributions internationales bénéficient à l'Organisation des Nations unies (ONU), dont 294 millions d'euros sont affectés aux opérations de maintien de la paix. Le renforcement de l'euro face au dollar a dégagé une marge nous permettant d'accroître nos participations à certaines organisations, à l'instar de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) ou du Fonds de consolidation de la paix rattaché à l'ONU dont le département des opérations de paix est dirigé par notre compatriote Jean-Pierre Lacroix.

Notre troisième priorité porte sur le renforcement de l'action consulaire pour quatre millions de Français vivant à l'étranger. Hors dépenses de personnel, le budget qui y est destiné reste stable, après l'effort engagé en juillet 2020 à hauteur de 200 millions d'euros pour apporter un appui social et éducatif à nos compatriotes : 50 millions d'euros pour les secours de solidarité, 50 millions d'euros supplémentaires pour les bourses scolaires, 50 millions d'euros pour les familles ayant choisi l'enseignement français et 50 millions d'euros d'avances de l'Agence France Trésor pour soutenir les établissements scolaires. Une partie de ces sommes, en cours de consommation, va être reportée sur l'année 2021. L'aide sociale augmente de 17 %, pour atteindre 20 millions d'euros, afin de soutenir les communautés françaises et de répondre aux incertitudes économiques liées à la crise.

Dans le cadre de l'action consulaire, nous prévoyons de mettre en oeuvre le vote par Internet pour les élections consulaires de mai 2021, d'installer, après un report d'un an dû à la crise, le service France consulaire, de mettre en place le registre de l'état civil électronique et de poursuivre le projet France-Visas.

Notre quatrième priorité concerne la diplomatie d'influence dans un contexte d'intensification de la compétition internationale ; elle est portée par le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». À mon arrivée, j'ai veillé à la stabilisation de ce qui constituait auparavant une variable d'ajustement. En 2021, 645 millions d'euros y seront consacrés, soit 3 millions d'euros de plus qu'en 2020, pour soutenir trois priorités : la promotion de la langue française et de l'enseignement du français, le rayonnement culturel et artistique de la France grâce à l'exportation de nos industries culturelles et créatives, et les partenariats universitaires et scientifiques. Il s'agit d'attirer des talents étrangers en France, mais également d'installer des projets universitaires, en particulier en Afrique. Je pense notamment à l'université franco-tunisienne pour l'Afrique et la Méditerranée et aux universités de Dakar et de Yamoussoukro. Par ailleurs, l'effort de renforcement des capacités numériques se poursuivra à hauteur de 3 millions d'euros, avec le soutien de l'Institut français de Paris et la fondation Alliance française.

S'agissant des opérateurs, l'AEFE est dotée de 417,6 millions d'euros, dont 9 millions d'euros supplémentaires destinés à la sécurisation des établissements et 24,6 millions d'euros engagés au titre de 2020 et, bien évidemment, maintenus pour accompagner le développement maîtrisé du réseau. Malgré la crise, quinze nouveaux établissements ont été homologués cette année. Quelque 105 millions d'euros bénéficieront aux bourses scolaires, auxquels s'ajoute un droit de tirage sur les 50 millions d'euros d'aide exceptionnelle votée cet été.

Les crédits versés à Campus France et à l'Institut français sont maintenus, malgré la réduction de 6 millions d'euros, à 58 millions d'euros, pour les bourses destinées aux étudiants étrangers, moins nombreux en raison de la crise sanitaire. Cette somme sera augmentée en fonction des besoins les années suivantes.

Atout France bénéficie pour sa part d'une subvention de 28,7 millions d'euros, après avoir reçu un soutien de 5 millions d'euros cet été pour développer une campagne de promotion. De fait, face aux difficultés du secteur du tourisme, l'opérateur sera à la manoeuvre, le moment venu, pour promouvoir nos destinations.

Enfin, l'effort apparaît soutenu en faveur de l'aide publique au développement, notre cinquième priorité, qui émarge aux programmes 209 « Aide économique et financière au développement et solidarité à l'égard des pays en développement », en augmentation de 344 millions d'euros soit 17 %, et 110 « Aide économique et financière au développement » géré par le ministère de l'économie et des finances. En outre, le programme 365 a été créé, afin de doter l'AFD de 953 millions d'euros en capital pour, notamment, lui permettre d'assurer son activité de prêt dans le respect de la réglementation bancaire. S'agissant du programme 209, la trajectoire de financement poursuit son ascension afin d'atteindre l'objectif de 0,55 % du RNB en 2022.

Je vous informe, par ailleurs, que le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales sera présenté en conseil des ministres dans le courant du mois de novembre.

M. Christian Cambon, président . - De cette année ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Absolument ! Vous le savez, ce texte a été handicapé par la crise sanitaire... Il devait passer en mars dernier devant le conseil des ministres.

Nous souhaitons renforcer la composante bilatérale de notre aide publique au développement en augmentant de 154 millions d'euros les crédits de l'AFD destinés à l'aide projet. Ils atteindront ainsi un montant supérieur à la somme versée au Fonds européen de développement (FED). Les subventions versées par l'AFD à des organisations internationales augmenteront également et le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), à la main des ambassadeurs, sera doté de 10 millions d'euros supplémentaires. L'aide humanitaire devrait, pour sa part, atteindre 500 millions d'euros en 2022. Nous revenons de loin... Déjà, en 2021, elle s'établit à 329 millions d'euros grâce à une augmentation de 82,4 millions d'euros de son enveloppe. Enfin, les crédits de la coopération décentralisée demeurent stables à 11,5 millions d'euros, en raison de la crise sanitaire et des élections municipales. Ils poursuivront ensuite leur ascension.

Concernant la composante multilatérale de l'aide au développement, la France accroît ses contributions volontaires, dont une augmentation de 50 millions d'euros à l'ONU, en faveur de trois priorités : les questions humanitaires, notamment l'action du bureau de coordination humanitaire en Syrie, les biens publics mondiaux - la santé avec le Fonds mondial de lutte contre le sida et une contribution exceptionnelle à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'éducation et le climat en abondant le Fonds vert pour le climat auquel notre contribution s'établira à 1,55 milliard d'euros - et les droits de l'Homme, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes avec l'accueil du Forum Génération Égalité organisé avec le Mexique en 2021 et l'engagement pris au G7 de Biarritz de soutenir des projets comme celui en faveur de l'entrepreneuriat féminin en Afrique ou le soutien aux victimes de violences sexuelles dans les conflits.

En 2021, la Francophonie sera à l'honneur : nous célèbrerons, avec un an de retard en raison de la pandémie, le cinquantième anniversaire de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en Tunisie.

Notre aide publique au développement s'inscrit enfin dans une logique européenne. D'ailleurs, un tiers des crédits du programme 209 alimente le FED, qui oeuvre dans le domaine de la lutte contre la pauvreté, du développement durable ou encore de l'intégration économique des pays signataires de la convention de Lomé. Il s'agit du deuxième poste budgétaire du programme. Le FED, dont la France est deuxième contributeur, sera intégré, pour la période 2021-2027, dans l'instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale, le NDICI.

Selon les normes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France consacrait 0,44 % de son produit intérieur brut (PIB) à l'aide publique au développement en 2019, contre 0,37 % précédemment. Cette proportion atteindra 0,56 % en 2020 et 0,69 % en 2021 grâce à l'annulation de la dette soudanaise et, mécaniquement, à la réduction du PIB en raison de la crise.

L'objectif reste à 0,55 % en 2022. Ces chiffres seront annexés au projet de loi de programmation.

S'agissant du pilotage politique de l'AFD, j'ai, en séance publique, pris des engagements. Ainsi, j'ai réactivé le Conseil d'orientation stratégique, qui rassemble les différents ministères concernés et mis en place, après le débat au Sénat l'an dernier, un comité de pilotage restreint qui se réunit tous les deux mois sous ma présidence, avec la direction de l'AFD et les services du ministère. Cet instrument permet de renforcer la programmation géographique et sectorielle des engagements de l'AFD. La réforme précisera aussi qu'il revient à l'ambassadeur de piloter localement la politique de développement et, en conséquence, d'intervenir en amont des actions menées par l'AFD. À cet effet, un conseil local du développement devra être créé dans chaque poste. Nous sommes donc dans une phase de cohérence de notre action.

M. Jean-Pierre Grand, co-rapporteur pour avis pour le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » . - Sur la politique immobilière du ministère et la sécurisation des emprises françaises à l'étranger, j'ai de vives inquiétudes.

La sécurisation des emprises françaises à l'étranger a fait l'objet d'un plan exceptionnel, ces deux dernières années, de 100 millions d'euros. Sommes-nous en état de faire face aux menaces et à la montée de l'hostilité qu'affronte notre pays ? Comment évaluez-vous les besoins ? Ils semblent très évolutifs. Vous annoncez, en 2021, 52,2 millions d'euros pour la sécurité des postes, soit une hausse de 7,4 millions d'euros : de nouveaux besoins sont-ils apparus ? La sécurisation de toutes les emprises à l'étranger est essentielle : les écoles, collèges, lycées, alliances et instituts, tous nos établissements doivent faire l'objet des protections permettant de garantir la sécurité des personnels, enfants et publics accueillis. L'urgence est absolue !

Cela me conduit à évoquer le projet Quai d'Orsay 21, qui me paraît moins raisonnable que jamais face à l'urgence de sécurisation de nos emprises à l'étranger. Pourquoi dépenser 90 millions d'euros pour déménager 150 agents installés aux Invalides ? Ce projet a dérapé en coûts et en délais. Il était au point mort en 2020 avec un avant-projet sommaire qui ne pouvait être validé en l'état compte tenu des dépassements. Le confinement a sans doute ajouté aux retards. En outre, le projet prévoit des espaces sans lumière et aucun lieu de restauration pour le personnel. Est-ce vraiment un axe stratégique pour le ministère ?

Hier, les bijoux du Quai ont été vendus pour un illusoire désendettement de l'État au regard du contexte financier actuel. Aujourd'hui, on vend encore ce qui reste pour financer, sans y parvenir complètement, les mesures de sécurisation. Certains bâtiments à l'étranger ne font pas honneur à la France, avec, parfois, des espaces de travail en sous-sol qui font penser à un atelier de confection au bout du monde. Que fera-t-on demain avec des personnels qui ne se logent plus ou qui louent, dilapidant en dix ans le produit d'une cession ? Il est temps d'oser innover en la matière ! Pourquoi ne pas envisager pour le ministère une approche immobilière plus innovante, comme ont su le faire nos collectivités territoriales en période budgétaire contrainte ?

M. André Gattolin, co-rapporteur pour avis pour le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » . - Je souhaite vous interroger sur les contributions européennes et internationales du programme 105.

Les efforts déployés en vue de la diminution du coût des opérations de maintien de la paix, la réduction de la quote-part française dans les organisations internationales et une intelligente gestion du risque de change portent leurs fruits : le poids des contributions internationales diminue un peu dans le programme 105. Elles représentent désormais un peu moins de 37 % des crédits, contre encore 40 % au début du quinquennat. La marge de pilotage des dépenses du programme ainsi regagnée est faible, mais représente un progrès.

Cette année, vous nous annoncez une très faible progression de 1,4 million d'euros des contributions européennes et internationales qui s'établissent à 718 millions d'euros. Cette relative stabilité dissimule, toutefois, l'amorce d'une politique volontariste. En effet, elle est le résultat d'une mesure d'économie de 16 millions d'euros grâce au renchérissement de l'euro face au dollar et d'une mesure de dépense nouvelle de 17,2 millions d'euros sur les contributions volontaires du programme 105.

J'y vois la décision d'affirmer l'engagement français en faveur du multilatéralisme. Cette mesure de dépense nouvelle est-elle exceptionnelle ou représente-t-elle l'amorce d'une politique volontariste de restauration de notre influence au coeur du multilatéralisme ?

À quelles contributions internationales sont dédiés ces 17,2 millions d'euros supplémentaires ? Quel effet auront-ils sur le rang de contributeur de la France dans les institutions concernées ? J'ai été étonné d'apprendre que la France était, devant l'Allemagne, le premier contributeur de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Quel serait l'effet d'un changement de gouvernance aux États-Unis à l'OMS ou dans une autre instance ?

M. Ronan Le Gleut, co-rapporteur pour avis pour le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » . - À périmètre constant, les établissements français à l'étranger ont perdu 8 000 élèves, non 3 000 comme évoqué en tenant compte des quatorze nouveaux établissements homologués. Près d'un tiers des établissements a enregistré une baisse d'au moins 5 % de leur effectif. Combien subissent un recul de plus de 10 % et seraient, comme à Pékin ou à Pondichéry, au bord de la fermeture ? Effectivement, quatorze nouveaux établissements ont été homologués en 2020, mais, compte tenu du contexte, le doublement du nombre d'élèves en 2030 doit-il toujours constituer une priorité ?

Alors que 71 emplois titulaires seront remplacés par des contrats locaux en 2021, envisagez-vous de faire fonctionner des établissements sans personnel titulaire qui apporte la vision de l'enseignement à la française ?

Je partage votre analyse quant à la brutalisation des relations internationales, notamment à l'encontre de la France. Vous consacrez 9 millions d'euros à la sécurisation des établissements. Avec la multiplication des manifestations, seront-ils suffisants ?

Enfin, la stabilité des moyens de l'Alliance française et de l'Institut français cache-t-elle un budget de crise ? Aucune structure n'a fermé en 2020, mais la crise a considérablement réduit leur activité et a nécessité un recours aux fonds de roulement. La fongibilité entre les crédits d'intervention et de fonctionnement a été autorisée, tandis que la règle prudentielle des soixante jours était dépassée. Devons-nous craindre des fermetures en 2021 ?

Au nom de mon collègue André Vallini, co-rapporteur pour le programme 185, j'aimerais également vous interroger sur le Liban. Quelle y est la situation de notre réseau ? La diminution du nombre d'élèves et la situation financière des 53 établissements apparaissent inquiétantes. L'explosion du 4 août a-t-elle nécessité des travaux ? Quelle sera la mobilisation du fonds de soutien aux écoles chrétiennes francophones d'Orient récemment créé et de l'Institut français ? Enfin, accueillerons-nous, en solidarité, davantage d'étudiants libanais cette année ?

M. Guillaume Gontard, co-rapporteur pour le programme 151 « Français de l'étranger et affaires consulaires » . - Les Français de l'étranger s'inquiètent de la reprise de la crise. Sommes-nous mieux organisés dans le cadre du plan de soutien que lors de la première vague ? Les aides et les bourses seront-elles suffisantes ? Faut-il s'attendre au retour de Français déjà économiquement fragilisés ? Au Royaume-Uni, nos compatriotes rencontrent des difficultés liées au Brexit avec la procédure d'enregistrement dématérialisée nécessaire à l'obtention du statut de résident. Les problèmes constatés en termes d'universalité et d'accès ont-ils été réglés ?

M. Bruno Sido, co-rapporteur pour le programme 151 « Français de l'étranger et affaires consulaires » . - La France possède 206 postes consulaires, dont certains, évidemment, dans des pays musulmans. Les propos du Président de la République sur le droit de caricaturer le prophète suscitent de très vives réactions. Je pense aux déclarations de l'ancien premier ministre de Malaisie ou à l'incident survenu à Jeddah notamment. La sécurité de notre personnel et des communautés françaises est-elle assurée ?

M. Hugues Saury, co-rapporteur pour le programme 209 « Aide économique et financière au développement et solidarité à l'égard des pays en développement » . - La Cour des comptes a dénoncé, dans un rapport de février 2020, les dysfonctionnements de la gouvernance de l'ADF et recommandé la mise en place des mécanismes de pilotage, de contrôle et d'évaluation. A-t-elle été suivie ?

L'AFD poursuit une politique active de prêt, tandis que d'autres pays préfèrent une politique de don. Ceci bénéficie d'abord à des États susceptibles de pouvoir rembourser. Dans ce cadre, la France accorde, pour un montant de 400 millions d'euros par an à partir de 2020, des prêts à la Turquie. Compte tenu du contexte, est-il prévu de réviser cet objectif ?

M. Rachid Temal, co-rapporteur pour le programme 209 « Aide économique et financière au développement et solidarité à l'égard des pays en développement » . - Je m'inquiète du niveau des ressources du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), dont une partie provient de la taxe sur les billets d'avion, dans le contexte actuel d'un recul considérable du transport aérien. Par ailleurs, seule une fraction de la taxe sur les transactions financières est attribuée à l'aide publique au développement. Est-il envisagé de l'augmenter ?

Par ailleurs, un moratoire est-il prévu sur les dettes de pays comme le Cameroun, le Mali ou la République démocratique du Congo (RDC) ? Allons-nous continuer à leur accorder des prêts ?

Je souhaiterais enfin des éléments d'information sur la matrice budgétaire et financière du projet du nouveau siège de l'AFD.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Le compte d'affectation spéciale ne correspondait plus, monsieur Grand, à la réalité, sauf à vendre l'essentiel du patrimoine français à l'étranger. Il fallait donc réactiver un financement budgétaire. Ce sera le cas en 2021, avec 107 millions d'euros destinés aux opérations immobilières. Cette politique est amenée à perdurer pour les 1 800 biens immobiliers dépendants du ministère. Le programme Quai d'Orsay 21 est déjà financé par le compte d'affectation spéciale. Nous avons pris un peu de retard, mais les difficultés sont désormais réglées et le permis de construire devrait être accordé mi-2021. Nous sommes désormais dans une phase opérationnelle.

Nous consacrons 52,2 millions d'euros aux mesures de sécurité : contrats de gardiennage et sécurité passive notamment. Le plan applicable aux pays en crise est en cours d'achèvement ; il aboutira en 2022 pour les établissements scolaires. Toutefois, la menace s'étend et, dès lors, nous poursuivrons les travaux pour l'ensemble de nos emprises. Cela représente, pour le ministère, une préoccupation centrale.

Monsieur Gattolin, le différentiel entre l'euro et le dollar nous a effectivement offert des disponibilités pour renforcer notre participation aux organisations multilatérales que nous soutenons particulièrement, à l'instar de l'AIEA et de l'OIAC par exemple.

Monsieur Le Gleut, je maintiens l'objectif fixé pour 2030, même si nous avons perdu 8 000 élèves en 2020 en raison de la pandémie. Le nombre de nouveaux établissements homologués - dont deux en Tunisie - montre que notre démarche est fondée. Je ne dispose d'aucune information sur les établissements rencontrant une crise majeure au point de devoir fermer. Nous avons beaucoup aidé, avec les bourses, au maintien des effectifs. Concernant la sécurité des établissements, dépensons déjà les 9 millions d'euros dédiés, puis nous verrons. Parfois, les services de l'État ont tendance à ne pas utiliser tous les crédits affectés... Notre objectif pour 2030 ne pourra être atteint qu'avec des agents titulaires pour assurer l'encadrement et la formation et des agents de droit local pour contribuer à la pédagogie. De fait, l'enseignement français à l'étranger n'est pas destiné aux seuls Français. Le nouveau processus d'homologation des établissements a priori est utile : avant, aucun projet n'était lancé, car il fallait attendre deux ans pour être homologué.

Pour répondre à M. Vallini sur le Liban, où je me suis rendu trois fois, nous avons mobilisé 7 millions d'euros pour la reconstruction des établissements touchés par l'explosion ; 4,5 millions pour les établissements de la Mission laïque française ; 5 millions d'euros pour les établissements partenaires et 2 millions d'euros pour les écoles chrétiennes francophones. Je suis de près l'affectation et l'utilisation de ces sommes.

Monsieur Saury, sur l'organisation de l'AFD, nous mettons en oeuvre les recommandations de la Cour des comptes et du Sénat. Pour maîtriser les charges d'exploitation, j'ai demandé que soit réduite et maîtrisée la masse salariale. Par ailleurs, notre orientation politique est de faire davantage de dons à destination des dix-neuf pays prioritaires de notre action. Depuis 2017, nos objectifs pour l'aide publique au développement sont clairs : davantage de dons, de bilatéral, d'action des ONG et d'implication des collectivités territoriales. A la Turquie, comme à la Chine, nous n'accordons pas de prêts avantageux, qui sont ceux qui nécessitent des crédits de bonification inscrits sur le programme 110, mais des prêts aux taux du marché qui ne coûtent pas aux contribuables français et qui nous permettent d'orienter les actions financées, en faveur de la lutte contre le changement climatique s'agissant de la Chine par exemple. Il me semble étrange de les considérer comme une aide. Du reste, ils renforcent l'attractivité des entreprises françaises pour remporter des marchés. Nous ne participons, en Turquie, qu'au soutien aux réfugiés syriens dont le financement ne transite pas par les autorités turques et à des aides aux collectivités territoriales qui ne sont pas toutes favorables à M. Erdogan. La France n'octroie ni subvention ni bonification de prêt à la Turquie. La question, pour autant, peut se poser...

Monsieur Temal, il est indispensable, pour l'AFD, de déménager. D'abord, son siège actuel ne permet pas d'accueillir les effectifs d'Expertise France ni de gérer sa propre croissance. Ensuite, l'agence dispose de cinq implantations dans Paris, ce qui n'apparaît guère pratique. Enfin, d'importants travaux de remise aux normes de sécurité sont nécessaires. Le projet, approuvé par le conseil d'administration de l'agence en janvier 2020, est placé sous le contrôle rigoureux de la direction de l'immobilier de l'État. Son financement, en outre, ne mobilise pas les moyens de l'État. Vous serez associés au choix du lieu où 10 000 mètres carrés supplémentaires seront disponibles.

M. Christian Cambon, président. - Il s'agirait de 50 000 mètres carrés, dont 10 000 pourront être vendus.

M. Rachid Temal, co-rapporteur . - Nous nous interrogeons sur les différents étages de l'opération.

M. Christian Cambon, président . - Nous aurions effectivement pu envisager un projet de dimension plus ajustée...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Ce n'est pas le projet qui a été retenu.

S'agissant du moratoire sur les dettes qui a été décidé par le G20 sur proposition du Président de la République, il est en cours de mise en oeuvre.

S'agissant enfin du FSD et de son financement par la taxe de solidarité sur les billets d'avion, nous avons obtenu la compensation rendue nécessaire en 2020 en raison des difficultés rencontrées par les compagnies aériennes et recommencerons en 2021 si la crise se poursuit.

M. Jean-Noël Guérini. - J'aurais aimé vous parler de l'Arménie, mais il me faut respecter l'ordre du jour... Pourquoi ne prévoyez-vous pas de reconduire les mesures de soutien à l'enseignement français à l'étranger affecté par la crise, votées en loi de finances rectificative ? Par ailleurs, l'influence étant indissociable de la puissance, quels nouveaux outils envisagez-vous pour l'action de la France à l'étranger ?

M. Gilbert Roger. - Vous avez évoqué l'organisation des élections consulaires. Il semblerait que des consulats souhaitent réduire le nombre de bureaux de vote, notamment en Belgique où la moitié d'entre eux serait supprimée. Comment s'assurer que ces élections se déroulent dans des conditions satisfaisantes, alors que le développement du vote électronique se heurte à la fracture numérique ? Les conseillers consulaires seront-ils associés aux décisions, notamment pour éviter la suppression de bureaux de vote visant uniquement à faciliter l'organisation administrative des opérations ?

Mme Hélène Conway-Mouret . - La stabilisation du budget et des effectifs doit être saluée. Les 105 millions d'euros pour les bourses ont été intégralement dépensés en septembre, contre 70 % de la somme en 2019. Les crédits supplémentaires votés dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 pourront-ils être mobilisés, de même que les 50 millions d'euros d'aide sociale dont seulement un million d'euros a été utilisé ?

Allez-vous poursuivre votre programme Action publique 2022 de suppression de 416 postes sur trois ans ? En 2019, 130 postes ont été supprimés, puis 81 en 2020 et aucun en 2021. Pour atteindre votre objectif, vous devriez donc supprimer 205 postes en 2022, ce qui apparaît considérable.

Enfin, nous sommes assaillis de messages du collectif Love is not tourism attirant notre attention sur les couples binationaux non mariés séparés par l'épidémie depuis plusieurs mois et sur les familles dans l'impossibilité de se regrouper, notamment en Algérie. Comment régler cette situation ?

M. Jacques Le Nay . - Je vous remercie pour votre présentation budgétaire. Vous avez réduit temporairement, en raison de la crise sanitaire, de 6 millions d'euros le programme de bourses à destination des étudiants étrangers. Crise ou pas, ces crédits sont rarement consommés en intégralité. Comment améliorer le recours à ce dispositif ?

Mme Vivette Lopez . - Vous avez demandé aux ambassadeurs de renforcer la sécurité des ambassades, consulats, instituts, alliances et établissements scolaires. Bénéficient-ils à cet effet de l'aide des autorités locales ?

M. François Bonneau . - Quelles actions seront déployées grâce aux crédits supplémentaires de la direction numérique de votre ministère ? Quid de l'adaptation des contenus culturels des alliances et instituts français ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Monsieur Guérini, les crédits ouverts à hauteur de 200 millions d'euros dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2020 ont été ont été relativement bien consommés s'agissant des bourses et des aides aux familles. Comme nous nous y étions engagés, nous reporterons sur 2021 les crédits non consommés, quelle que soit l'évolution de l'épidémie. L'aide sociale sera, en outre, augmentée de 17 %. Les actions menées en matière de diplomatie d'influence viseront trois priorités : la promotion de la langue française, la diffusion des industries culturelles et créatives et les partenariats scientifiques et universitaires.

Monsieur Roger, je ne saurais vous répondre sur les bureaux de vote à Bruxelles. Je vais me renseigner.

M. Gilbert Roger . - Bruxelles n'était qu'un exemple. Je souhaite savoir si l'organisation du vote est-elle décidée par le ministère ou par les consulats ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Madame Conway-Mouret, les 105 millions de bourses ne suffisant pas l'an passé, nous les avons complétés. Le dispositif prévu en 2021 - 105 millions d'euros, le reliquat des 50 millions supplémentaires accordés en 2020 et le solde existant de l'AEFE - devrait permettre à répondre aux besoins, n'ayez pas d'inquiétude.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Il faudrait anticiper ce report dans le cadre du projet de loi de finances rectificative à venir.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Nous le prévoirons dans le projet de loi de finances pour 2021. Par ailleurs, je vous confirme que le programme de suppression de postes a été abandonné à mon initiative.

Monsieur Le Nay, les crédits non consommés pour les bourses d'étudiants étrangers seront affectés aux instituts français.

Madame Lopez, en matière de sécurité, nous collaborons étroitement avec les autorités locales.

Enfin, madame Conway-Mouret, nous avons délivré près de 800 visas depuis le mois de septembre pour les couples séparés par la pandémie, mais nous ne pouvons agir sans disposer de la preuve d'une relation dans le dossier présenté. Il y aurait, sinon, beaucoup d'amoureux... Le regroupement familial dépend, pour sa part, du ministère de l'intérieur.

M. Olivier Cadic . - Pour la première fois depuis vingt ans, les effectifs du ministère ne diminueront pas, tandis que l'immobilier bénéficiera d'une augmentation de crédits de 33 %. Cela doit être salué. Le site de contact France consulaire, doté de 560 000 euros en 2020 et de 500 000 euros en 2021, doit être mis à la disposition des Français de l'étranger vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Quand va-t-il enfin ouvrir ?

Il y a vingt ans, le différentiel entre l'enseignement français et l'enseignement anglo-saxon dans le monde était d'un tiers ; la proportion est désormais d'un sur vingt. Je soutiens donc l'objectif affiché pour 2030. Les effectifs, cependant, n'augmentent toujours que de 2 % par an depuis 2017, soit 24 000 élèves supplémentaires en trois ans. L'avion roule, mais il n'a toujours pas quitté le tarmac... Or, vous prévoyez un nouveau dispositif, moins avantageux, de garantie de l'État, remplaçant le dispositif actuel passant par l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger (Anefe), pour l'acquisition d'immobilier scolaire, qui rendrait plus difficile le développement souhaité du réseau puisque la quotité garantie passerait de 100% aujourd'hui à 80 ou 90% demain. Par ailleurs, la situation semble critique pour certains remboursements de prêts. Il conviendrait de mobiliser la direction générale du Trésor.

M. Mickaël Vallet . - Les retraités de l'étranger ayant effectué leur carrière en France doivent fournir annuellement un certificat de vie, désormais unique. Mais, depuis la crise sanitaire, certains peinent à obtenir une réponse d'Info Retraite lorsqu'ils effectuent une démarche par courrier. La voie postale fonctionne-t-elle encore officiellement ?

Mme Gisèle Jourda . - J'ai été très intéressée par votre développement sur la priorité donnée au maintien de la paix et à la contribution européenne, dans une Europe qui traverse de nombreuses interrogations. Pourriez-vous détailler les opérations concernées, en dehors du soutien aux organisations internationales ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - L'audiovisuel extérieur joue un rôle important en matière de diplomatie d'influence. En 2018, nous avions suggéré une augmentation des moyens de France Médias Monde, que vous avez soutenue. Où en sommes-nous ? Qu'en est-il, par ailleurs, de la situation des alliances françaises ? Enfin, que pensez-vous de l'idée de nommer un médiateur dans l'affaire des couples binationaux et des familles séparés par la crise sanitaire ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Je pense, madame Jourda, aux opérations de maintien de la paix décidées par l'ONU, auxquelles nous participons à hauteur de 300 millions d'euros environ, et au Fonds de consolidation de la paix qui intervient à l'issue d'un conflit pour des actions immédiates de prédéveloppement, par exemple pour reconstituer l'appareil éducatif.

Votre question est intéressante, monsieur Vallet ; je vais demander à Jean-Baptiste Lemoyne de vous répondre.

Monsieur Cadic, le site de contact consulaire ouvrira l'an prochain. Il est effectivement impératif d'augmenter les effectifs d'élèves de l'enseignement français à l'étranger ; il s'agit d'un levier d'influence considérable. Quant au nouveau dispositif de garantie des prêts immobiliers qui vient remplacer celui confié à l'Anefe, je vais le vérifier, mais il restera attractif.

S'agissant du développement multimédia, madame Garriaud-Maylam, je suis favorable au projet, mais, concernant les dépenses de fonctionnement, elles relèvent de la contribution à l'audiovisuel public. Le ministère, toutefois, contribue à des projets spécifiques comme Média Sahel. Enfin, concernant le médiateur, il serait utile de vous rapprocher de Jean-Baptiste Lemoyne, car certains cas sont complexes.

M. Christian Cambon, président . - Nous vous remercions pour ces précisions et resterons attentifs à la sécurisation de nos postes à l'étranger.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - J'ai demandé aux ambassadeurs de s'en charger prioritairement et de faire preuve de la plus grande vigilance dans les pays à risque. Nous ne rencontrons, sur le sujet, aucune difficulté avec les autorités locales.

M. Christian Cambon, président . - Nous attendons désormais avec impatience le projet de loi d'orientation sur le développement. Les commissions des affaires étrangères du Sénat et de l'Assemblée nationale ont déjà travaillé sur un cahier des charges à l'attention des parlementaires en vue de son examen.

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