EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 25 novembre 2020, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 151 - Français de l'étranger et affaires consulaires - de la mission « Action extérieure de l'Etat » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021.

M. Christian Cambon, président . - Nous poursuivons nos travaux par l'examen des crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

M. Bruno Sido, co-rapporteur . - M. le Président, chers collègues, je voudrais rappeler que le programme 151 a pour objet de fournir au Français établis ou de passage hors de France des services essentiels et de participer à la définition et à la mise en oeuvre de la politique d'entrée des étrangers en France, avec les visas.

Pour cet exercice budgétaire, nous avons choisi de resserrer la focale sur deux sujets. Le premier focus porte sur le réseau consulaire, qui a été mis sous tension par la crise sanitaire et pour lequel, dans ce contexte, les moyens budgétaires sont un enjeu renforcé. Le deuxième focus, qui sera traité par mon collègue Guillaume Gontard, concerne la situation des très nombreux résidents français eu Royaume-Uni à la veille de la mise en oeuvre du Brexit, le 1 er janvier 2021 : elle est globalement clarifiée, mais des interrogations demeurent, qui supposeront un suivi attentif début 2021.

La crise sanitaire a été un véritable test de résilience, en bon français, un « stress test », pour le réseau consulaire. Je dirai que ce test a réussi : le réseau consulaire est parvenu à organiser au printemps - chacun s'en souvient - le rapatriement de 370 000 voyageurs français, et des mesures ont été prises en faveur des 2 millions et demi de Français qui vivent à l'étranger pour les accompagner pendant cette période difficile.

Des ajustements ont bien sûr été nécessaires. Les élections consulaires de mai 2020 sont reportées en mai 2021. Le soutien au tissu associatif des Français à l'étranger, le STAFE, qui recouvre divers domaines d'action allant de l'éducation au rayonnement de la France en passant par l'insertion socio-économique, est décalé à 2021. Le déploiement du centre d'accueil administratif mondial, tant attendu, est lui aussi reporté à l'année prochaine.

Par ailleurs, 100 M€ additionnels ont été ouverts en juillet dernier sur le programme 151, dont 50 M€ pour le financement d'un secours occasionnel de solidarité - le SOS - et 50 M€ pour les bourses scolaires. Représentant 27 % de l'enveloppe initiale, cette majoration est un signal bienvenu, mais elle doit être bien plus que cela. En effet, ces 100 M€ seront faiblement consommés en 2020 - peut-être à hauteur de 3 ou 4 M€ pour les secours occasionnels et autour de 7 M€ pour les bourses - malgré l'élargissement des critères d'éligibilité.

Pour 2021, nous approuvons la hausse de 17 % de la dotation pour l'aide sociale, qui atteint 16,2 M€. Mais, dans un contexte encore incertain, le principal enjeu reste que les quelque 90 M€ non utilisés de la « rallonge » de 100 M€ puissent être reportés en 2021. Lors des auditions il nous a été dit que les crédits du secours occasionnel de solidarité ne seraient pas intégralement reportés. La négociation doit se poursuivre, sachant que le programme 151 est le seul, parmi ceux de la mission, dont les crédits n'augmentent pas en 2021. En effet, c'est bien dans la perspective de ces reports que le budget n'augmente pas...

Par ailleurs, la crise sanitaire a renforcé l'intérêt de la dématérialisation de l'administration consulaire. La possibilité de recourir au vote électronique pour les élections consulaires de mai 2021, enfin sécurisée avec la reprise de l'entreprise attributaire qui était devenue insolvable, pourrait s'avérer très utile.

Toutes les dématérialisations de formalités et de procédures, outre certaines économies et facilitations pour les usagers, ne pourront que renforcer la résilience des administrations consulaires.

Parmi les chantiers en cours, citons en 2021 la poursuite de la dématérialisation de l'état civil, la montée en puissance de l'application France-Visas et le centre d'accueil administratif mondial joignable à toute heure. La dématérialisation est à la fois retardée, et rendue plus urgente par la crise sanitaire....

Sous un autre angle, bénéficier d'un réseau consulaire parmi les plus denses au monde s'est révélé un trésor inestimable pour nos compatriotes. Et naturellement tous les chantiers concourant au « consulat numérique » doivent être encouragés.

M. Guillaume Gontard, co-rapporteur . - J'en viens donc à la situation des résidents français au Royaume-Uni à la veille de la mise en oeuvre du Brexit. Ils forment la plus importante des communautés françaises à l'étranger, avec 300 000 personnes. À la veille du Brexit, leur situation mérite que l'on s'y attarde, dans le prolongement de la veille constructive qu'exerce depuis 2016 le groupe de suivi de la nouvelle relation euro-britannique du Sénat - initiative de notre commission et de celle des affaires européennes.

En vertu de l'accord de retrait d'octobre 2019, les citoyens de l'Union européenne arrivés au Royaume-Uni avant la fin de la période de transition peuvent demander un nouveau statut de résident.

Ainsi, un citoyen français arrivé au Royaume-Uni avant le 31 décembre 2020, et voulant y rester au-delà, doit demander ce statut au Royaume-Uni. Il a jusqu'au 30 juin 2021 pour le faire ; après, sa résidence serait illégale.

S'il est fait droit à sa demande, ce résident obtient le « statut de résident permanent », le « Settled status », si sa durée de résidence est supérieure à 5 ans ; en deçà lui est attribué le « statut de résident provisoire », le « Pre-Settled status », qui l'autorisera à demander le « Settled status » dès 5 ans de résidence.

La moitié des Français concernés auraient déjà formulé une demande de statut, sachant que la procédure, gratuite, dématérialisée et généralement rapide, est ouverte depuis le 30 mars 2019.

Hélas, cette procédure entièrement numérisée, impliquant le scannage du passeport et du visage, voire le téléchargement de pièces justificatives, n'est pas accessible à tous ! Et si une demande en format papier reste possible, c'est au prix d'un détour procédural plutôt alambiqué, que nous détaillons dans notre rapport écrit. La principale inquiétude concerne donc les personnes vulnérables, âgées, isolées ou précaires, ainsi que les enfants placés en famille d'accueil.

Heureusement, le consulat s'emploie très activement à identifier toutes les personnes concernées. Par ailleurs, les autorités britanniques viennent de garantir que le butoir du 30 juin 2021 sera apprécié avec souplesse et bienveillance.

Seconde difficulté, la preuve de l'obtention du statut est également dématérialisée - ce que la commission avait déjà déploré l'an dernier. Et si, jusqu'au 30 juin 2021, nul n'est supposé vérifier qu'un ressortissant de l'Union européenne dispose de ce statut de résident, il semblerait que des attestations aient déjà été demandées...

Mais le vrai point d'attention concerne l'après 1er janvier 2021, quand les droits seront différents selon la date d'arrivée - avant ou après le 31 décembre 2020 - au Royaume Uni.

De ce point de vue, la mise en place de l'Independent Monitoring Authority, instance de suivi de l'application des dispositions relatives aux droits des citoyens européens à partir de 2021, pourra faciliter certains échanges avec les représentations diplomatiques et consulaires.

Quoi qu'il en soit, nous comptons sur le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, sous couvert de l'Union européenne, pour veiller à ce que soit respectée la date du 30 juin 2021 et, surtout, qu'aucun aléa ne pèse sur l'administration de la preuve de sa qualité de résident européen.

En conclusion, nous proposons un avis favorable à l'adoption de ces crédits du programme 151.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je m'étonne de l'importante sous-consommation des crédits de dépense sociale. Les crédits supplémentaires ont été accordés à la suite d'une forte pression des élus représentant les Français de l'étranger. De fait, les profils professionnels de nombreux Français de l'étranger - autoentrepreneurs, artisans, travaillant notamment dans le domaine du tourisme - font qu'ils sont les premiers à être touchés par la crise, avec de nombreuses fermetures et pertes d'emploi. Il y a donc un décalage important entre l'importance des besoins apparents, en raison d'une précarité grandissante, et le fait que ces crédits ne soient pas consommés. Avez-vous pu, au cours de vos auditions, obtenir des éclaircissements sur les raisons de ce décalage ?

M. Bruno Sido, co-rapporteur. - La consommation des crédits du secours occasionnel de solidarité a heureusement connu une forte accélération dans la dernière période, à la faveur d'une communication adéquate et d'un assouplissement des règles d'éligibilité. 2 M€ étaient consommés au 1er novembre, et déjà 2,5 M€ à la mi-novembre. Certes, nous déboucherons sur une importante sous-consommation des crédits en 2020 et Bercy a fait savoir que l'intégralité de l'enveloppe de 50 M€ ne pourrait être reportée. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères estime, de son côté, qu'il faudrait reporter au moins la moitié de ces crédits. Quoi qu'il en soit, le secours occasionnel de solidarité est une mesure bien ressentie, mais qui a probablement souffert d'un défaut d'information. Ce qui recoupe la nécessité, que j'ai évoquée, de maintenir un réseau consulaire dense.

M. Richard Yung . - J'étais hier au conseil d'administration de l'AEFE, et il est prévu que, sur les 50 M€ de l'enveloppe supplémentaire concernant les bourses, 30 M€ soient reportés, avec un total de crédits disponibles en 2021 s'élevant à 132 M€. Le problème est, ici aussi, le manque de demandes de la part des parents dû à un problème de circulation de l'information. Mais cela n'a pas été le cas des aides exceptionnelles aux élèves étrangers relevant du programme 185, qui représentent pourtant les deux tiers des élèves scolarisés dans le réseau d'enseignement français à l'étranger.

M. Christian Cambon, président . - S'il n'y a pas d'autres demandes d'intervention, je vais mettre aux voix...

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste s'abstenant.

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