N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi
de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

TOME IV

OUTRE-MER

Par M. Alain MILON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche, présidente ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Po ncet Monge, vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Patrick Boré, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Élisabeth Doineau, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Dominique Théophile.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 25 novembre 2020 sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission des affaires sociales a examiné le rapport pour avis de M. Alain Milon sur les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2021.

En préambule de son examen, le rapporteur pour avis a souhaité rappeler que la mission « Outre-mer » est très loin de retracer l'ensemble des crédits consacrés aux territoires ultramarins, qui bénéficient de crédits transversaux portés par 88 programmes relevant de 29 missions. Ainsi que l'a rappelé la direction générale des outre-mer (DGOM) à votre rapporteur pour avis, seuls 13 % des crédits de l'États destinés aux politiques ultramarines figurent dans la mission « Outre-mer » .

L'examen des crédits de la seule mission budgétaire dont le ministère des outre-mer est ordonnateur ne doit donc pas être confondu avec une appréciation globale de la politique ultramarine de l'État.

Trois grands aspects - partiellement - couverts par les crédits de la mission entrent dans le champ de compétence de la commission des affaires sociales : le soutien à l'embauche par l'exonération de cotisations sociales patronales, la politique du logement - et notamment du logement social - et le soutien financier apporté aux collectivités ultramarines.

Le constat préalable qu'il convient de porter est celui d'une augmentation sensible des crédits de la mission en 2021 en autorisation d'engagements (AE) et en crédits de paiement (CP) , que l'on doit considérer en miroir des autres programmes budgétaires à destination des outre-mer et, notamment, des crédits spécifiques du plan de relance, estimés pour l'heure à 1,5 milliard d'euros et qui, selon la DGOM, « ne constituent pas un plafond ».

2020

2021

AE

CP

AE

CP

Programme 138 - Emploi outre-mer

1 744 314 581 €

1 747 595 303 €

1 851 168 363 €

1 841 720 298 €

Programme 123 - Conditions de vie outre-mer

774 568 232 €

624 872 944 €

828 776 928 €

593 274 671 €

Total (en euros)

2 518 882 813 €

2 372 468 247 €

2 679 945 291 €

2 434 994 969 €

+ 6,39 %

+ 2,64 %

Source : PAP 2021

Ces tendances de la mission, globalement favorables, ne doivent pas occulter le fait que seul le programme 138 , et plus spécifiquement l'action n° 1 relative au soutien des entreprises et couvrant la compensation budgétaire par l'État des exonérations de cotisations sociales prévues pour l'activité ultramarine, connaît une augmentation nette de 5,4 % en CP , alors que les CP du programme 123, qui couvrent des dépenses budgétaires sectorielles, subissent une diminution de près de 5 % .

L'action du ministère des outre-mer prend donc la forme de baisses de prélèvements, plutôt que de dépenses d'intervention.

I. LA COMPENSATION PAR L'ÉTAT DES ALLÈGEMENTS SOCIAUX SUR LES BAS SALAIRES : UNE ORIENTATION CONFIRMÉE, UNE ATTENTION PARTICULIÈRE À PORTER AU SECTEUR DU BTP

A. LA SUPPRESSION DU CICE TOUJOURS PAS COMPENSÉE

Aux termes du PAP, « le dispositif d'allègement et d'exonération de cotisations de sécurité sociale dont bénéficient les entreprises et les travailleurs indépendants ultramarins constitue le principal axe financier d'intervention en matière de soutien à l'emploi ».

Ces dispositions, instituées par la loi pour le développement économique des outre-mer 1 ( * ) (Lodeom), figurent aux articles L. 752-3-2 et L. 752-3-3 du code de la sécurité sociale (CSS) et prévoient pour l'employeur l'exonération du paiement des cotisations et contributions sur la masse salariale qu'il emploie, selon divers barèmes à raison des secteurs d'activité. Le programme 138 est, pour sa grande majorité, consacré à la compensation par le budget de l'État des pertes de recettes subies par la sécurité sociale en conséquence de ces régimes d'exonération.

La croissance importante de la masse salariale dans les départements et régions d'outre-mer en 2018 et 2019 témoigne du dynamisme des embauches. D'après l'Acoss, les rythmes d'augmentation des effectifs en 2018 sont en forte accélération en Guyane , Guadeloupe et à la Martinique (respectivement 6,4 %, 2,6 % et 2,1 %), avec des dynamiques particulières observées dans les secteurs Lodeom, notamment l'industrie et le BTP.

Ces régimes d'allègement et d'exonération ont connu une modification importante à partir du 1er janvier 2019, au moment du remplacement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) par un abaissement pérenne des cotisations sociales patronales . Pour les entreprises sises dans les départements et régions d'outre-mer, le bénéfice du CICE se traduisait par un taux de 9 % appliqué à l'assiette des rémunérations n'excédant pas 2,5 SMIC. La suppression du CICE aurait donc dû se traduire dès 2019 par un renforcement des crédits de soutien aux entreprises porté par le programme 138, à due concurrence des bénéfices qui en étaient tirés. Or cette compensation n'a semble-t-il jamais été parfaitement respectée, au point que la perte nette des territoires ultramarins pourrait être de l'ordre de 60 à 100 millions d'euros pour l'année 2019 .

L'augmentation régulière des crédits du programme 138 consacrés à cette compensation budgétaire (+ 6,6 % pour 2021) s'explique essentiellement par l'élargissement du périmètre de ces régimes d'exonération, auquel le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) procède quasiment chaque année, en y rendant éligibles un ou plusieurs secteurs d'activité.

Les trois régimes des exonérations Lodeom

Trois régimes d'exonération des cotisations employeurs sont applicables aux départements et régions d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion) ainsi qu'à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, distinguant le « régime de compétitivité », qui vise le champ le plus vaste, et deux régimes spécifiques plus avantageux à vocation sectorielle, qui vise des secteurs plus fragilisés :

1) Le « régime de compétitivité » pour les entreprises de moins de 11 salariés et, quel que soit leur effectif, pour les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), de l'industrie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, de l'environnement, de l'énergie et de divers autres secteurs de l'activité tertiaire, ainsi qu'aux entreprises de transport aérien pour les seuls personnels affectés dans ces territoires. L'exonération est totale jusqu'à 1,3 SMIC puis dégressive jusqu'à 2,2 SMIC ;

2) Le « régime de compétitivité renforcée » pour les entreprises de moins de 250 salariés ayant réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros et qui relèvent de plusieurs secteurs d'activité englobant l'industrie, l'environnement, l'agriculture, la pêche, le tourisme et les technologies innovantes. Ce régime est par ailleurs applicable aux entreprises situées en Guyane et exerçant leur activité dans les secteurs de la comptabilité ou du conseil. L'exonération est totale jusqu'à 2 SMIC puis dégressive jusqu'à 2,7 SMIC ;

3) Le « régime d'innovation et croissance » pour les entreprises de moins de 250 salariés ayant réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros et dont les salariés concourent à la réalisation de projets innovants dans le domaine des NTIC. L'exonération est totale jusqu'à 1,7 SMIC, maintenue en valeur absolue jusqu'à 2,5 SMIC puis dégressive jusqu'à 3,5 SMIC.

Rappelons que, dans l'hexagone, le régime des allègements généraux prévoit une exonération à hauteur du SMIC puis une dégressivité jusqu'à 1,6 SMIC.


* 1 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

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