CHAPITRE III :
LES CRÉDITS CONSACRÉS
AUX TRANSPORTS ROUTIERS

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a examiné, le 17 novembre 2020, le rapport pour avis de M. Olivier Jacquin sur les crédits du projet de loi de finances pour 2021 relatifs aux transports routiers 52 ( * ) .

Malgré l'augmentation des crédits dédiés à l'entretien des infrastructures routières et à la mise en oeuvre des projets routiers des contrats de plan État-région (CPER), et le renforcement des aides à l'acquisition des véhicules propres, le budget comporte des lacunes importantes : des modalités de compensation des pertes des autorités organisatrices de la mobilité insatisfaisantes, une relance timide du secteur des transports publics ou encore des moyens insuffisants pour le développement du vélo.

Le plan de relance n'apparaît pas adossé à une véritable stratégie de transports de l'État. Au regard des plans de soutien massifs accordés aux filières automobile (8 milliards d'euros) et aéronautique (15 milliards d'euros), l'insuffisance du plan de relance s'agissant des transports publics du quotidien est difficilement acceptable.

La crise actuelle réinterroge par ailleurs le « dogme » de la dette publique et invite, compte tenu des faibles taux d'intérêt, à financer davantage d'investissements dans le domaine de la transition écologique. En ce sens, la trajectoire d'investissements dans les infrastructures de transport fixée par la loi d'orientation des mobilités (LOM), et traduite dans le budget de l'Afitf, mériterait d'être rapidement reconsidérée.

C'est pourquoi la commission, suivant son rapporteur pour avis, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits sous réserve de l'adoption de ses amendements visant à remédier à certaines lacunes du budget 2021 en matière de transports routiers.

La commission a adopté 8 amendements du rapporteur visant à :

- Affecter aux communautés de communes qui se saisiront de la compétence d'organisation des mobilités une part de TICPE de 10 euros par habitant, afin de financer la mise en place de services de mobilité sur l'ensemble du territoire (amendement n° I-444 ) ;

- Réduire à 5,5 % le taux de TVA applicable aux transports publics du quotidien, afin d'inciter les usagers à retourner dans les transports et participer à la relance du secteur (amendement n° I-445 ) ;

- Permettre le cumul intégral du forfait mobilités durables et du remboursement partiel des frais d'abonnement aux transports en commun (amendement n° I-446 ) ;

- Supprimer le plafonnement en 2021 de la compensation de versement mobilité que l'État verse aux autorités organisatrices de la mobilité, à la suite du relèvement du seuil de salariés à partir duquel les employeurs sont assujettis à ce versement opéré en 2016 (amendement n° I-447 ) ;

- Sécuriser les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), en prévoyant que la part de TICPE qui lui est affectée serve de « variable d'ajustement » et soit calculée de manière à compenser les éventuelles pertes de recettes en 2021 en vue d'équilibrer son budget (amendement n° I-448 ) ;

- Augmenter de 20 millions les aides aux collectivités territoriales pour l'entretien et la réparation de leurs ponts en mauvais état (amendement n° II-179 ) ;

- Augmenter de 10 millions d'euros les crédits dédiés à l'entretien des ponts de rétablissement surplombant le réseau routier national, que l'État devra prendre en charge partiellement en application de la loi « Didier » (amendement n° II-92 ) ;

- Porter le « fonds vélo » à 200 millions d'euros en 2021, afin de financer davantage de projets visant à remédier aux discontinuités cyclables, qui constituent un des principaux freins au développement de la pratique cyclable en dehors des agglomérations (amendement n° II-93 ).

I. UN SOUTIEN AUX TRANSPORTS PUBLICS À RENFORCER

A. LES TRANSPORTS PUBLICS SONT LOURDEMENT AFFECTÉS PAR LA CRISE SANITAIRE

Les transports publics sont durement touchés par la crise sanitaire . Après avoir été quasiment à l'arrêt lors du premier confinement au printemps, l'offre de transports a progressivement retrouvé son niveau antérieur afin d'accompagner la reprise de l'activité.

Pour autant, la fréquentation des transports publics n'a pas retrouvé son niveau d'avant-crise : après avoir atteint 50 % au cours de l'été et 80 % à la rentrée de septembre en raison de la réouverture des établissements scolaires et de la reprise du travail, elle a de nouveau décru ces dernières semaines en raison du durcissement des mesures sanitaires pour s'établir entre 40 % et 60 %.

Cette baisse de la fréquentation induit des pertes de recettes substantielles pour les entreprises de transport et les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), qui concernent principalement :

- les recettes tarifaires , pour un montant évalué à 1,6 milliard d'euros pour Ile de France Mobilités (IDFM) et entre 450 et 600 millions d'euros pour les autres AOM ;

- le versement mobilité que perçoivent les AOM et qui constitue le principal outil de financement des services de mobilité, pour un montant évalué à 1 milliard d'euros pour IDFM et 450 millions d'euros pour les autres AOM.

À ces pertes s'ajoutent, pour les opérateurs de transport, des surcoûts liés à l'application des mesures sanitaires (désinfection des matériels roulants, mis à disposition de gel et de masques, etc.).

Les perspectives pour les prochains mois laissent entrevoir une poursuite de la désaffection des transports publics en raison de conditions sanitaires encore difficiles, qui continuera à tarir les ressources des transports publics. Cette situation pourrait poser à terme un problème de modèle économique , comme l'a souligné le ministre délégué chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari, lors de son audition par la commission le 10 novembre.

Par ailleurs, ces pertes financières pourraient conduire les AOM à diminuer, voire interrompre, l'exploitation de certains services de transport et à réduire leurs investissements consacrés au renouvellement des matériels roulants et au développement des infrastructures de transport, comme l'ont indiqué les présidents de l'Assemblée des communautés de France (Adcf), France urbaine et le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) dans un courrier envoyé au Premier ministre le 3 novembre.

Un tel recul serait inacceptable et irait à l'encontre de l'objectif de décarbonation du secteur des transports qui constitue pourtant une priorité dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Il est urgent de renforcer les moyens consacrés aux transports publics , de manière à garantir le maintien de l'offre de services et des investissements.


* 52 Entrent dans le périmètre de cet avis les actions 1, 4 et 50 du programme 203 « Infrastructures et services de transports » et l'action 3 du programme 174 « Énergie, climat, après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », ainsi que les crédits de la mission « Plan de relance » consacrés aux transports routiers.

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