TRAVAUX EN COMMISSION

JEUDI 26 NOVEMBRE 2020

___________

M. Laurent Lafon , président . - Nous examinons ce matin deux avis budgétaires respectivement consacrés aux crédits alloués à l'enseignement supérieur et à la recherche. Notre collègue Laure Darcos ayant eu un empêchement de dernière minute, Stéphane Piednoir présentera ces deux avis, et je l'en remercie.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - L'examen des crédits consacrés à l'enseignement supérieur s'inscrit cette année dans un contexte inédit, marqué par la gestion d'une crise sanitaire aux répercussions économiques et sociales majeures et l'adoption récente du projet de loi de programmation de la recherche dont les connexions avec l'enseignement supérieur sont très fortes.

Situation inédite aussi parce qu'en moins d'un an, quatre lois de finances rectificatives, une loi de programmation et une loi de finances initiale intégrant un plan de relance sont porteuses de financements pour l'enseignement supérieur. La multiplication de ces véhicules budgétaires crée une véritable complexité qui rend difficilement lisible l'effort global de l'État envers cette politique publique.

Compte tenu de cette architecture budgétaire inhabituelle, j'ai souhaité compléter l'analyse traditionnelle des programmes 150 et 231 par celle des crédits de la nouvelle mission « Plan de relance » dédiés à l'enseignement supérieur et à la vie étudiante.

J'ai également jugé utile que cet exercice budgétaire soit l'occasion de faire le point sur les différents constats formulés par le groupe de travail consacré aux conséquences du confinement sur l'enseignement supérieur, que j'avais eu le plaisir d'animer au printemps dernier. Plusieurs de ses recommandations ont été suivies d'effet, tandis que d'autres restent d'actualité.

Mon propos sera axé sur les deux thématiques centrales du secteur : les formations supérieures et la vie étudiante.

En 2021, le budget de l'enseignement supérieur - au sens des formations - sera de 14 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse de 1,76 % par rapport à l'année dernière.

Les moyens nouveaux, qui s'élèvent à 265,3 millions d'euros, sont destinés, d'une part, au financement de mesures inscrites au projet de loi de programmation de la recherche, d'autre part, à la poursuite de la mise en oeuvre de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE).

Dans le détail, 164,2 millions d'euros correspondent à la première marche budgétaire du projet de loi de programmation de la recherche, plus précisément aux mesures de revalorisation des rémunérations et des carrières des personnels. Je vous rappelle les plus significatives : la réforme des régimes indemnitaires, la revalorisation de 30 % de la rémunération des doctorants et l'augmentation de 20 % du nombre de contrats doctoraux, la diversification des voies de recrutement avec la création de chaires de professeur junior et de contrats de mission scientifique. Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de nos récents débats, je suis favorable à ces mesures, qui devraient permettre d'enrayer le décrochage des rémunérations de nos personnels scientifiques et apporter davantage de souplesse dans des procédures de recrutement aujourd'hui trop rigides.

Par ailleurs, 73 millions d'euros de crédits nouveaux sont consacrés à la poursuite des actions menées les années précédentes, parmi lesquelles l'augmentation des capacités d'accueil dans les filières en tension, dans un contexte marqué par un afflux d'étudiants dû aux résultats exceptionnels du baccalauréat 2020 et aux difficultés d'insertion sur le marché du travail en période de crise ; le développement des dispositifs d'accompagnement pédagogique de type « oui si » ; la valorisation de l'investissement pédagogique des personnels, et le déploiement de la réforme des études de santé : 19 millions d'euros sont prévus pour achever la transformation de la première année commune aux études de santé (PACES) et lancer la réforme du deuxième cycle. En raison de la crise sanitaire, cette réforme avait été reportée d'un an au printemps dernier, décision que notre groupe de travail avait estimée raisonnable.

15,2 millions d'euros sont octroyés aux revalorisations salariales dans le cadre du protocole « Parcours, carrières et rémunérations » (PPCR) ; 4 millions d'euros sont fléchés sur l'extension du dialogue stratégique et de gestion (DSG) entre l'État et les établissements publics d'enseignement supérieur. C'est désormais dans le seul cadre de ce DSG, que la question du glissement vieillesse-technicité (GVT) est abordée. Celle-ci ne fait plus l'objet d'une approche globale et n'est plus mentionnée dans les documents budgétaires, évolution que je juge regrettable compte tenu de l'importance de ce problème structurel pour les établissements. N'oublions pas que le GVT représente pour eux un coût de 50 millions d'euros par an !

Enfin, 9 millions d'euros viennent abonder la dotation versée aux établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (EESPIG). Je salue cette revalorisation, que j'appelle de mes voeux depuis plusieurs années, mais j'émets deux réserves. La première tient à son manque de lisibilité. On ne sait en effet pas, à la lecture du bleu budgétaire, comment cette enveloppe va être répartie entre les établissements et les organismes de formation des enseignants. La seconde réserve porte sur l'effectivité de cette hausse : l'année dernière, nous avions aussi voté une augmentation de 3 millions d'euros en faveur des EESPIG, mais celle-ci ne s'est pas retrouvée en exécution ! D'où mes doutes pour l'année prochaine...

Voici donc les principales lignes du programme 150 qui bénéficient de crédits nouveaux. Il faut y ajouter ceux prévus dans le cadre de la mission « Plan de relance ».

Une enveloppe de 180 millions d'euros a vocation à financer 30 000 places supplémentaires, principalement dans les filières médicales et para-médicales, ainsi que dans les formations courtes et professionnalisantes, où les besoins sont importants dans le contexte actuel. Cet effort est évidemment le bienvenu, mais j'aurais préféré que ces crédits soient intégrés au programme 150. La création de places supplémentaires est en effet un besoin structurel et non uniquement conjoncturel.

Une autre enveloppe, de 3,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 1,6 milliard d'euros en crédits de paiement, est prévue pour la rénovation thermique des bâtiments publics. Compte tenu de l'état du patrimoine immobilier universitaire, il y a lieu d'accueillir favorablement cette initiative ! Ce sujet avait d'ailleurs fait l'objet d'une recommandation de notre groupe de travail. Un appel à projets spécifique au secteur de l'enseignement supérieur a été lancé et a donné lieu à 5 200 dossiers de candidature, représentant un volume financier de 8,4 milliards d'euros, ce qui montre bien l'état des besoins. Le processus de sélection est en cours. Cet appel à projets devrait permettre le démarrage rapide de chantiers de rénovation, mais je pense qu'il ne permettra pas à lui seul de rattraper le retard pris. En effet, la remise en état des 15 millions de mètres carrés du bâti universitaire relevant de l'État nécessiterait un investissement de 10 milliards d'euros, soit dix ans de mise en oeuvre au rythme actuel de financement. Ce constat plaide, à mon sens, pour une dynamique plus ambitieuse que pourrait impulser, par exemple, le lancement d'un deuxième plan Campus.

Pour finir sur cette partie, je souhaite faire un focus sur l'accueil des étudiants internationaux, problématique qui avait retenu l'attention de notre groupe de travail et auquel je consacre tout un développement dans mon rapport écrit. La crise a bien sûr fait craindre une année blanche. Mais la mobilisation conjointe - et que je salue - du ministère des affaires étrangères, du ministère de l'enseignement supérieur et de leur opérateur Campus France a permis d'éviter le pire. Grâce à plusieurs actions de communication et à l'autorisation d'accès au territoire national des étudiants internationaux, 68 000 visas ont pu leur être délivrés. Bien sûr, ce chiffre est en baisse de 25 % par rapport à l'année dernière, mais, au regard du contexte international, ce résultat est positif. La France est en effet l'un des seuls pays à avoir accueilli des étudiants étrangers en présentiel. L'on constate même une légère hausse du nombre d'inscriptions. Des difficultés et des interrogations demeurent toutefois : situations très diverses selon les zones géographiques, risque de comportements opportunistes pour profiter d'une offre de formation uniquement en distanciel, difficultés d'organisation des examens pour les étudiants restés dans leur pays, conséquence du décalage de certaines inscriptions sur l'organisation de la prochaine rentrée, risque de rupture dans les futurs flux...

J'en viens au budget de la vie étudiante, qui revêt une importance majeure en ces temps de crise. Nous le savons, les étudiants sont un public particulièrement vulnérable. Notre responsabilité collective est de faire en sorte que tous puissent poursuivre leur formation dans de bonnes conditions, afin de ne pas voir se concrétiser le spectre d'une génération sacrifiée.

Notre groupe de travail avait salué les mesures d'urgence prises au printemps dernier : déblocage d'aides spécifiques par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), prorogation du droit à bourse en juillet, versement d'une aide exceptionnelle de 200 euros aux jeunes les plus précaires. Il avait cependant appelé à une clarification rapide des financements, dont les premiers montants annoncés avaient semblé sous-calibrés face à l'ampleur des besoins. Ceux-ci ont été budgétés dans la troisième loi de finances rectificative, qui a ouvert une enveloppe de 115 millions d'euros.

Le budget 2021 s'inscrit dans la continuité de ce soutien aux étudiants les plus fragiles, choix que je ne peux qu'approuver. Près de 81 millions d'euros supplémentaires sont destinés aux bourses sur critères sociaux pour faire face à l'augmentation du nombre de boursiers, consécutive au très bon taux de réussite au bac 2020 ; financer la revalorisation du montant des bourses de 1,2 %, entrée en vigueur en septembre dernier ; prendre en compte, à titre exceptionnel, les revenus 2020 pour le calcul des bourses 2020-2021.

Autre mesure d'accompagnement prévue : la dotation annuelle du fonds de garantie des prêts étudiants, d'un montant de 4 millions d'euros dans le programme 231, sera multipliée par cinq en 2021, dans le cadre de la mission « Plan de relance ». Cette montée en charge, qui était demandée depuis plusieurs années, devrait permettre de passer d'une cible de 12 000 bénéficiaires potentiels à 60 000 dès l'année prochaine.

Une enveloppe complémentaire est destinée au réseau des oeuvres universitaires et scolaires, au titre de laquelle 49 millions d'euros compenseront le manque à gagner que génère l'instauration, depuis septembre dernier, du ticket de restaurant universitaire à un euro, et 11 millions d'euros, la perte de revenus résultant du gel de l'augmentation des loyers 2020 en résidences universitaires. J'en profite pour vous faire un rapide point sur la situation des Crous qui avait alerté notre groupe de travail au printemps.

Le réseau a en effet accusé d'importantes pertes d'exploitation du fait de la crise sanitaire. Celles-ci se chiffrent à 97,5 millions d'euros pour la période allant de mars à août et ont été évaluées à 50 millions d'euros entre septembre et décembre. Cette dernière prévision sera très certainement revue à la hausse, compte tenu des modalités particulières de déroulement de la rentrée 2020 et du nouveau confinement.

Des réponses ont été apportées - il faut le reconnaître - pour couvrir les pertes liées à la première vague épidémique : en septembre, le réseau a ainsi reçu un complément de subvention pour charges de service public de 100 millions d'euros. Mais se pose maintenant la question de la compensation au titre de la deuxième vague. Lors de son audition, la ministre nous a annoncé qu'un complément serait versé dans le cadre de la quatrième loi de finances rectificative et que des redéploiements de crédits auraient lieu en fin de gestion. Un deuxième abondement de 39,9 millions d'euros a bien été budgété, en effet, dans le quatrième projet de loi de finances rectificative récemment adopté, mais cette enveloppe pourrait s'avérer insuffisante. Je serai donc particulièrement vigilant au schéma de fin de gestion sur le programme 231 afin que l'intégralité des pertes enregistrées par le réseau en 2020, du fait de la crise sanitaire, soit comblée.

Un mot, pour finir ce panorama, sur la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Celle-ci a été fortement sollicitée, pendant le premier confinement, à hauteur de 20 millions d'euros pour des aides directes aux étudiants, des achats ou des prêts d'ordinateurs, ou encore de l'aide alimentaire. Ses conditions d'utilisation en temps normal demeurent toutefois très opaques, comme notre commission l'a signalé à de nombreuses reprises. Je me félicite donc que la ministre ait pris l'initiative de demander un rapport à l'Inspection ; celui-ci devrait enfin nous permettre de disposer de données objectives sur les modalités de mise en oeuvre de cette CVEC.

En conclusion, mes chers collègues, bien que souffrant d'une présentation confuse, le budget 2021 porte une augmentation notable des crédits consacrés aux formations du supérieur et à la vie étudiante, effort qu'il convient à mon sens de saluer et de soutenir. J'insiste sur la nécessité, en période de crise, de continuer à investir dans l'enseignement supérieur, secteur clef pour le développement de notre pays et l'avenir de notre jeunesse.

Je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Jacques Grosperrin . - Dans ce contexte inédit et complexe, il est plus nécessaire que jamais d'affirmer l'autonomie des universités et de leur donner les moyens de lever des fonds. Ce budget est proportionné à la loi de programmation de la recherche. Huit établissements expérimentaux ont été créés, dont cinq en région parisienne, et les trois autres à Lille, sur la Côte d'Azur et à Grenoble. Il ne faudrait pas que les programmes soient trop centrés sur la région parisienne. L'hybridation entre le présentiel et le distanciel n'est pas simple pour les étudiants. Le rapporteur parle de 30 000 nouvelles places dans le programme 150. J'ai une pensée pour ceux qui passeront le concours de médecine. L'articulation entre l'ancien régime et le nouveau est délicate.

Le rapporteur a évoqué la rénovation thermique. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007 a autorisé l'État à transférer aux établissements qui en font la demande la pleine propriété de leurs bâtiments. J'incite les présidents d'université à en faire la demande pour pouvoir mieux gérer leurs bâtiments, comme des chefs d'entreprise. Les prochains contrats de plan État-Région (CPER) devraient être axés sur l'orientation, la santé, les campus et l'enseignement numérique.

Je salue enfin la prise en compte de la précarité des étudiants et l'effort en direction des Crous. Nous suivrons l'avis du rapporteur sur ce budget.

M. Pierre Ouzoulias . - Nous avons passé notre temps, cette année, à discuter du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche : quatre lois de finances rectificatives, une loi de programmation, le plan de relance et maintenant le projet de loi de finances... Les textes s'enchaînent sans que l'on en perçoive toujours bien la cohérence. On peine à distinguer entre les arbitrages authentiques et les opérations de communication ou d'enfumage ! Et ce ne sont pas les propos de la ministre qui aideront à y voir plus clair... Les universités n'ont ainsi aucune information sur la prolongation des contrats doctoraux, en dépit de ce que nous dit le ministère.

Je partage l'engagement fort du rapporteur en faveur du plan de rénovation des bâtiments : ces derniers, conçus dans les années 1970 ou 1980, sont des gouffres financiers et leur rénovation redonnera des marges aux universités en termes de budget de fonctionnement. L'État doit toutefois s'engager fortement pour les accompagner, car elles n'ont pas le droit d'emprunter.

Notre commission devrait aussi s'intéresser à la question du contrôle par le Parlement des emplois hors plafond. L'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit certaines conditions pour le recours à ces emplois. Or le régime de responsabilités et compétences élargies (RCE) donne une grande latitude aux universités pour embaucher. Dès lors, les plafonds que nous votons au Parlement ne sont plus guère respectés et s'avèrent quelque peu théoriques. L'Inspection générale des finances a montré que la plupart de ces postes étaient financés sur des recettes assimilables à des frais de scolarité. Or, ces derniers sont d'ordre réglementaire... Ainsi, une grande partie du budget de l'enseignement supérieur échappe au contrôle parlementaire.

Les universités ont subi des pertes financières en 2020 en raison de la crise sanitaire et démarrent l'année dans le rouge. Or la hausse du nombre d'étudiants, de l'ordre de 5 %, n'a pas été compensée par le budget de l'État. Je crains qu'elles ne se retrouvent dans une situation financière dramatique l'année prochaine. Enfin, ma collègue Céline Brulin souhaiterait savoir si vous avez des informations sur la répartition des 30 000 places nouvelles.

Nous voterons contre ce budget.

Mme Sylvie Robert . - Comme l'a souligné notre rapporteur, il est bien difficile de s'y retrouver entre les différents textes sur l'enseignement supérieur et la recherche que nous avons examinés cette année ! Finalement, cela nous fait douter de la sincérité des engagements budgétaires du Gouvernement. Le plan de relance ne durera que deux ans, et nul ne sait ce qui se passera ensuite.

Nous devons avoir conscience que les étudiants traversent une période chaotique, notamment ceux en première année qui ont aussi eu une terminale perturbée. Certes les moyens des Crous augmentent et des référents ont été désignés, mais les dépenses consacrées à la santé des étudiants s'érodent, alors que la détresse psychologique s'accroît. On ne peut donc que s'interroger sur le décalage entre les propos de la ministre et leur traduction en chiffres.

La démographie étudiante progresse fortement et les crédits par étudiant vont baisser. Les établissements pourront-ils faire face avec leurs ressources propres ? Je partage, enfin, ce qui a été dit sur la rénovation énergétique, chantier essentiel. L'engagement de l'État doit être à la hauteur.

En raison de la confusion sur les engagements budgétaires, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre ce budget.

Mme Monique de Marco . - Nous ne pouvons que saluer l'effort engagé pour la rénovation des bâtiments qui sont souvent des passoires énergétiques. Les CPER comportent aussi souvent des mesures pour accompagner cette rénovation. Heureusement, car les demandes sont nombreuses et le budget ne sera pas suffisant.

Le parc de logements étudiants est aussi insuffisant, comme je le constate en Nouvelle-Aquitaine, alors que les effectifs augmentent. Je regrette l'absence d'un plan exceptionnel pour le logement étudiant : il aurait pu participer à la relance économique tout en répondant à l'urgence sociale. Je salue toutefois la hausse des bourses sur critères sociaux, même si elle reste modeste et ne correspond pas toujours à l'augmentation du coût de la vie, notamment dans les villes où le logement est cher ; je salue aussi le repas à un euro dans les Crous pour les étudiants boursiers - six étudiants sur dix se plaignent toutefois de la qualité des repas.

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires souhaite une revalorisation plus importante des bourses. Nous plaidons pour une allocation d'autonomie, comme au Danemark ou en Suède, qui aurait de nombreux effets bénéfiques pour l'égalité des chances et la réussite des études. Nous voterons contre ce budget.

Mme Annick Billon . - Nous voterons le rapport du rapporteur, mais tenons à exprimer notre vigilance sur plusieurs points. Le premier concerne la santé des étudiants. M. Adrien Taquet notait que l'on commençait à détecter, à cet égard, un certain nombre de signaux faibles chez les enfants, mais aussi les adolescents ou les jeunes adultes. Or, je ne suis pas persuadée que nous disposions de tous les outils pour accompagner les étudiants en la matière. La santé passe par l'alimentation ou la pratique du sport. Or cette dernière, comme l'a montré une étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), a été bien malmenée par le confinement.

Autre point de vigilance, la précarité. Les étudiants sont frappés de plein fouet. Les dispositifs existants ne suffisent pas à endiguer la hausse des inégalités.

On peut aussi déplorer que les étudiants apprennent dix jours à l'avance qu'ils auront des examens en présentiel. Les étudiants de médecine viennent ainsi d'être informés que leurs partiels auront lieu le 10 décembre !

Enfin, je veux attirer l'attention sur la pénurie de logements étudiants ; beaucoup ont du mal à se loger et se trouvent dans une situation de grande précarité.

M. Jean Hingray . - Comme ma collègue Annick Billon, je constate que la précarité est en train de s'installer parmi les étudiants, qui ont de plus en plus souvent des difficultés à se loger ou à se nourrir. Il est important que le Gouvernement prenne la mesure de la situation. Enfin, je ne peux, comme vous, que déplorer le manque de lisibilité du budget en raison de la multiplication des textes. Sans doute le Gouvernement devrait-il faire un effort de communication !

M. Max Brisson . - Il faut, en effet, certainement être agrégé de mathématiques et capable de résoudre des équations complexes pour parvenir à y voir clair dans cet enchevêtrement confus de textes et de mesures ! On ne peut reprocher au Gouvernement ses projets de loi de finances rectificatives ni son plan de relance, il agit face à l'urgence ; en revanche, le télescopage des textes crée un imbroglio et un soupçon d'insincérité. J'y reviendrai sur les crédits de la recherche, où des doutes importants existent. Notre rapporteur a fait un effort de clarté remarquable, mais appartient-il au Sénat de faire la « communication » du Gouvernement ?

On peut noter avec satisfaction que le budget est en hausse. Un plan de rénovation des bâtiments universitaires a été lancé. Une revalorisation des salaires est en cours. Je déplore toutefois que le protocole ait été signé alors que la loi de programmation n'était pas encore votée, et que l'Assemblée nationale ait voté les crédits de la mission alors que le Sénat n'avait pas encore examiné la loi de programmation ! Je salue toutefois cet effort de revalorisation indiciaire et indemnitaire - M. Blanquer pourrait d'ailleurs s'en inspirer ! -, même si la question du GVT demeure. Mais ces efforts importants sont noyés par une confusion dans la méthode.

Je partage ce qui a été dit sur le constat de la précarité étudiante. On aurait pu attendre de la ministre des mesures pour remédier au décrochage scolaire et éviter qu'une génération ne soit sacrifiée. Les bacheliers de l'année Covid risquent d'être stigmatisés à l'avenir.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis . - Un consensus se dégage pour soutenir l'effort de rénovation du bâti. C'était une demande forte de notre groupe de travail au printemps. Nous avons eu des précisions rassurantes sur le mécanisme de sélection des dossiers : 5 200 dossiers sont en phase de tri. La Banque des territoires nous a expliqué que les projets prêts à être mis en oeuvre seraient prioritaires, car l'objectif est double : rénover, mais aussi injecter de l'argent dans l'économie le plus vite possible. Nous nous félicitons des montants, mais serons aussi vigilants sur le caractère effectif du déploiement de ces crédits qui figurent dans le plan de relance.

Le nombre d'étudiants progressera de 5 % cette année. C'est beaucoup : cela représente 35 000 étudiants, soit l'équivalent de l'université de Nantes ! Les universités devront faire face. En ce qui concerne les créations de places, les documents budgétaires indiquent que, l'année prochaine, 2 000 concernent les instituts de formation en soins infirmiers, 2 000 les filières professionnalisantes et 4 000 les formations médicales et paramédicales.

Je partage vos remarques sur la vie étudiante, le logement ou la santé. J'ai ainsi interrogé le Gouvernement hier sur la détresse psychologique des étudiants. La demande de logements étudiants s'accroît, car la démographie augmente et le taux de succès au baccalauréat a été aussi plus élevé cette année. L'enjeu est de surmonter le pic en trouvant des solutions pour loger les étudiants, sans avoir à lancer des programmes trop ambitieux de construction de logements, car ceux-ci risquent d'être inoccupés dans cinq ou dix ans. Il faut donc être prudent. Nous devons aussi tenir compte de la situation financière des Crous qui n'est pas très robuste.

Vous avez été nombreux à déplorer, comme je l'ai fait, la confusion autour des textes budgétaires très nombreux cette année. Il ne semble pas toutefois cohérent de voter contre un budget en hausse de 265 millions d'euros, hors plan de relance, soit +1 ,76 %. C'est pourquoi je vous appelle à donner un avis favorable à ces crédits.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

*

* *

M. Laurent Lafon , président . - Nous examinons désormais les crédits consacrés à la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Stéphane Piednoir remplace, pour cette présentation, notre rapporteur pour avis, Laure Darcos, qui a eu un empêchement de dernière minute.

M. Stéphane Piednoir , en remplacement de Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis des crédits de la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Je lirai l'intervention de Laure Darcos sur le budget de la recherche.

Nous examinons le budget de la recherche, sujet dont nous avons - il est vrai - longuement débattu ces dernières semaines. Je comprendrais donc que vous soyez un peu lassés, mais je vais essayer de retenir toute votre attention ! Cet exercice budgétaire est important car il est la première traduction du projet de loi de programmation que nous venons de voter. Mon collègue rapporteur pour avis de l'enseignement supérieur l'a d'ailleurs souligné en évoquant les crédits destinés à la revalorisation des rémunérations et des carrières des personnels de la recherche.

Vous connaissez mon analyse : la loi de programmation, en traçant un horizon budgétaire qui rompt avec des décennies de sous-investissement chronique, offre une garantie, mais ne déclenchera pas le choc budgétaire que le monde de la recherche était en droit d'attendre. Ce que j'estime être une déception doit dès lors nous conduire, à l'occasion des exercices budgétaires annuels, à la plus grande vigilance quant à l'effectivité de la programmation 2021-2030.

Nous sommes justement face au premier de ces exercices. Quels sont mes constats ? Le premier rejoindra logiquement celui exprimé par mon collègue puisque les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche font partie de la même mission. Il s'agit de la dispersion des données budgétaires entre plusieurs supports : mission « Recherche et enseignement supérieur », mission « Plan de relance » et mission « Investissements d'avenir », auxquelles il faut bien sûr ajouter les articles 1 et 2 de la loi de programmation. Cette architecture pour le moins inédite nuit à l'intelligibilité et à la sincérité de l'effort financier global de l'État. Les responsables des grands organismes de recherche, eux-mêmes, nous ont fait part de leur difficulté à avoir une vision claire des crédits qui leur seront attribués en 2021. Certains - je pense notamment à l'Inserm - ne disposaient toujours pas, mi-novembre, de la lisibilité suffisante pour construire leur propre budget, qui doit pourtant être validé par leur conseil d'administration début décembre !

Je souhaite donc qu'à l'avenir, il soit mis à disposition des opérateurs de recherche, comme de la représentation nationale, une présentation transversale et exhaustive des moyens consacrés par l'État à la politique de recherche.

Mon deuxième constat porte sur le niveau de l'effort budgétaire proposé pour 2021. Il est très conséquent s'agissant des capacités d'engagement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) dont la trajectoire constitue, je crois, l'une des avancées majeures de la loi de programmation. En effet, en contrepartie du maintien de la durée de dix ans, le Sénat a obtenu du Gouvernement : d'une part, l'intégration des 428 millions d'euros supplémentaires prévus pour l'Agence dans le cadre du plan de relance, dont 286 millions en 2021 et 142 millions en 2022 ; d'autre part, la prise en compte des 100 millions d'euros, aussi prévus dans le plan de relance, pour la préservation de l'emploi dans le secteur privé de la recherche et du développement (R&D).

Dès l'année prochaine, ce sont 403 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement dont disposera l'ANR au bénéfice des projets de recherche. Ces moyens nouveaux serviront d'abord à augmenter le taux de succès aux appels à projets génériques. Celui-ci pourrait, en un an, passer de 17 % à 23 %, avec une hypothèse d'augmentation du nombre de projets déposés de 20 %. Ces crédits permettront ensuite de relever les montants de préciput : en 2021, la part destinée à l'hébergeur pourrait passer de 11 % à 13 %, la part dévolue au gestionnaire de 8 % à 10 %, et un taux de 2 % pourrait être introduit en faveur des laboratoires, conduisant à un taux global de 25 % contre 19 % aujourd'hui. Il s'agit là de deux progrès substantiels que je tiens à saluer.

S'agissant des 100 millions d'euros fléchés sur la préservation de l'emploi en R&D, le principal avantage de l'écriture budgétaire à laquelle il a été procédé est de mettre ce montant sous le giron de l'ANR et de sa tutelle - le ministère de la recherche - et non du ministère des finances. Il nous faudra néanmoins veiller à ce que la gestion de ce dispositif ne vienne pas perturber le coeur de mission de l'Agence.

Mon troisième constat, toujours sur le niveau de l'effort financier, concerne les 400 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement affichés sur les trois principaux programmes « recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Sur ce montant, 224 millions d'euros sont attribués au programme 172 qui concentre la plus grande partie des financements alloués aux opérateurs. Cependant, cette enveloppe ne correspond pas seulement à des moyens nouveaux ; elle permet aussi de couvrir des dépenses récurrentes et incompressibles du ministère de la recherche : 68 millions d'euros sont ainsi consacrés au rebasage, prévu de longue date, de la subvention du CNRS pour faire face au « mur budgétaire » que représente l'augmentation de sa masse salariale ; 38 millions d'euros correspondent à des engagements pluriannuels de la France vis-à-vis d'organisations scientifiques internationales. Le « véritable » apport en 2021 n'est donc pas aussi élevé qu'annoncé.

Je ne reviendrai pas sur les 165 millions d'euros supplémentaires dont bénéficie le programme 150 au titre du financement des mesures de revalorisation des rémunérations et des carrières des personnels de recherche. Je réitèrerai simplement mon soutien à l'ensemble de ces mesures.

Le programme 193, consacré au spatial, fait l'objet de jeux d'écriture assez complexes, dont je vous épargne les détails. Ce que j'en retiens, c'est un soutien réaffirmé au secteur, qui rassure évidemment le Centre national d'études spatiales (CNES), dans un contexte de très forte concurrence internationale.

Je souhaite également vous faire part de deux inquiétudes concernant les crédits recherche de la mission « Plan de relance » : la première a été exprimée par les organismes de recherche, en particulier le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui redoutent, à terme, une baisse de leurs moyens en cas de non-intégration en « base budgétaire » des crédits de cette mission à vocation temporaire. Nous devrons en effet être attentifs à ce que les modifications de maquette budgétaire provoquées cette année par la création de cette mission ne portent pas atteinte à la pérennité des financements accordés aux opérateurs ; la seconde inquiétude porte sur le risque de sous-exécution des crédits attribués à l'ANR, compte tenu de la somme en jeu. Afin de s'en prémunir, l'ANR et le ministère envisagent la possibilité de mettre en oeuvre l'augmentation du taux de préciput pour les projets sélectionnés en 2020, mais Bercy n'y serait pas particulièrement favorable...

Après ces constats et analyses, j'aurai trois points de vigilance en vue des débats en séance. Le premier concerne l'engagement pris par la ministre, au cours de l'examen du projet de loi de programmation, d'augmenter les dotations de base des laboratoires de recherche de 10 % en 2021. Cette hausse n'apparaît, cependant, ni dans le projet de loi de finances ni dans les documents budgétaires annexés puisqu'ils ont été élaborés avant cette annonce - on en revient à la critique sur la concomitance de plusieurs supports budgétaires. Il est donc indispensable que cet engagement trouve rapidement une traduction budgétaire, au risque sinon de passer pour un voeu pieux ! J'ai, pour ma part, toujours plaidé pour que le développement des financements sur appels à projets n'ait pas pour corollaire une attrition des moyens récurrents dont disposent les laboratoires. Je veillerai donc particulièrement à ce point.

Le deuxième, c'est celui du glissement vieillesse-technicité (GVT) qui, comme pour les établissements d'enseignement supérieur, est un problème structurel pour les organismes de recherche. Le projet de loi de finances pour 2021 comporte une mesure spécifique au CNRS dont je vous ai déjà parlé, l'augmentation de sa subvention pour charges de service public de 68 millions d'euros pour abattre une partie de son « mur budgétaire ». Cette prise en charge est évidemment la bienvenue, mais elle ne doit pas faire oublier que d'autres grands organismes de recherche sont toujours en attente d'une réponse de l'État. C'est le cas notamment de l'Inserm, lui aussi confronté à un « mur » à cause du GVT.

Le caractère très sensible, voire tabou, dans les discussions entre le ministère de la recherche et le ministère des finances, de cette question ne justifie pas que celle-ci soit mise au point mort. Je souhaite que des solutions puissent enfin émerger, qui ne prendraient pas nécessairement la forme de compensations automatiques et intégrales, mais de réponses plus fines, élaborées au cas par cas.

Le troisième point de vigilance est lié à l'article 8 du projet de loi de finances pour 2021 qui prévoit la suppression du dispositif de doublement de l'assiette du crédit impôt recherche (CIR) pour les entreprises qui confient des travaux de R&D à des laboratoires publics de recherche.

Je comprends bien sûr que cette disposition, instaurée en 2004, pose problème au regard de la réglementation européenne sur les aides d'État, mais sa suppression pure et simple risque de porter atteinte au développement des partenariats publics-privés, qui constitue pourtant un sous-jacent important du projet de loi de programmation de la recherche. Le signal adressé par le Gouvernement est donc contradictoire.

Les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial (EPIC), pour lesquels la recherche partenariale est centrale, sont particulièrement inquiets de la suppression de ce dispositif, qui pourrait compromettre leurs projets. Les start-up le sont également.

Samedi dernier, à l'heureuse initiative du rapporteur général de la commission des finances, le Sénat a adopté un amendement reportant à 2023 l'entrée en vigueur de cette suppression. Cette période de transition de deux ans permettra aux organismes de recherche d'anticiper la réforme et au Gouvernement d'étudier les moyens alternatifs pour continuer à soutenir la recherche partenariale. J'espère que cette modification sera maintenue en commission mixte paritaire.

Voilà, mes chers collègues, les éléments d'analyse que je souhaitais vous livrer, dans la continuité du travail que j'ai mené en tant que rapporteur du projet de loi de programmation. Même si l'enveloppe financière attribuée sur dix ans à la recherche vaut en réalité plus pour la stabilité et la visibilité qu'elle offre, que pour l'ampleur de l'effort qu'elle représente, il me semble important de concrétiser sa première marche.

Je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Pierre Ouzoulias . - Il est incompréhensible que le CNRS perde 14 postes, alors que nous venons juste de voter la loi de programmation de la recherche et que le nombre d'emplois sous plafond des grands opérateurs reste stable ! C'est un mauvais signal pour ceux qui souhaitent se lancer dans un doctorat, car on réduit les perspectives d'embauches.

S'agissant des 100 millions qui ont emporté la décision favorable de la commission mixte paritaire sur la loi de programmation, je n'ai toujours pas compris comment ils pourraient être utilisés. Selon le bleu budgétaire consacré au plan de relance, il s'agit pour l'ANR de financer à hauteur de 80 % les salaires de chercheurs privés qui seraient accueillis dans des laboratoires publics. Mais ce n'est pas le rôle de l'ANR, qui sera transformée en agence de portage de salaires. Autre incertitude : les chercheurs privés iront-ils poursuivre leurs recherches privées dans des laboratoires publics ou viendront-ils en support des recherches publiques ? Nous devons vraiment obtenir une explication de la ministre. Je crains cependant, comme toujours, que Bercy se soit évertué à donner à la recherche des crédits qui soient totalement inutilisables pour dire ensuite qu'elle est incapable de dépenser l'argent qui lui est alloué.

Je partage totalement l'inquiétude du rapporteur quant à l'utilisation des autorisations d'engagement de l'ANR, qui sont considérables pour un temps aussi court. Il serait plus intéressant d'utiliser une partie de ces sommes pour remettre à niveau un certain nombre d'équipements des laboratoires publics. Je ne reviendrai pas sur la polémique du microscope cryogénique, mais certains laboratoires ont besoin d'équipements de grandes qualité, y compris à l'Inserm. Ces équipements ne peuvent être financés sur les crédits de fonctionnement des laboratoires. Les commandes sont prêtes et les honorer permettrait aussi d'envoyer un très bon signal à Bercy sur la capacité des laboratoires à utiliser leurs crédits.

M. Max Brisson . - J'ai l'impression que l'on essaie, depuis quelques jours, de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Le débat portait sur la trajectoire. Nous pensions que la trajectoire à dix ans n'était pas habituelle en termes de programmation et qu'elle reportait sur d'autres la charge de tenir les engagements de ceux qui font les annonces.

Le Sénat avait demandé une trajectoire à sept ans. La ministre a tenté de nous convaincre que des engagements plus forts sur les premières années, les premières marches de l'exécution de la loi de programmation, pouvaient nous faire accepter une trajectoire à dix ans. Et comme nous sommes des gens qui croyons à la parole ministérielle, nous avons fini par céder...

Aujourd'hui, nous cherchons ces engagements. Car ce qui nous est présenté correspond à des engagements qui auraient été, quoi qu'il arrive, pris. Par exemple, les 68 millions d'euros versés au CNRS étaient nécessaires pour le sortir de l'impasse dans laquelle il se trouve avec son schéma d'emplois.

J'ai bien écouté le rapport de Laure Darcos, qui émet un avis favorable, précisant que nous avons besoin d'une traduction budgétaire rapide. Les Républicains voteront en séance en fonction des explications de la ministre. Il conviendra qu'elle réponde à la question suivante, car je ne suis pas agrégé de mathématiques : quel est le montant de cette première marche ?

Mme Sylvie Robert . - La confusion entretenue sur les différents budgets que nous sommes amenés à voter est renforcée par l'interrogation que nous avons sur les annonces effectuées par la ministre et leur traduction dans ce projet de loi de finances.

Certes, nous avalons des couleuvres à longueur de temps, mais le problème, là, est important. Laure Darcos dit dans son rapport qu'il n'y a pas de choc budgétaire - nous le savions -, émet un doute sur la sincérité du budget et déplore l'absence de vision claire des crédits. Nous devons vraiment nous interroger sur ce qui nous est proposé.

S'agissant du programme 191 « Recherche duale », je lis : zéro euro. J'ai l'impression que ses crédits ont été basculés vers le plan de relance. Or celui-ci prendra fin en 2022. Il s'agit pourtant de programmes à long terme, qui concernent l'aérospatiale par exemple. Est-ce donc cohérent, quand nous savons que cette recherche a besoin de crédits structurants, pérennes ?

Mme Monique de Marco . - J'ai été élue récemment et je me suis directement plongée dans la loi de programmation et l'examen de ce budget. J'ai un petit peu de mal à avoir une bonne visibilité de ce dernier. Il est dommage de ne pas disposer d'une analyse précise, dans les documents budgétaires, sur la répartition entre les financements pérennes aux établissements et les appels à projets. On peine à comprendre ! Il me semble que la part des appels à projets augmente du fait notamment des financements très importants de l'ANR en 2021, mais les documents manquent de lisibilité. Un grand nombre d'universitaires et de chercheurs nous ont alertés sur le temps qu'ils passaient à répondre à ces appels à projets.

Il est dommage que la présentation stratégique du programme 172 n'intègre pas, dans ses indicateurs de performance, des données sur les conditions de travail des personnels, qui soient à la fois quantitatives, avec le niveau de rémunération par exemple, et qualitatives - sur le ressenti ou la satisfaction au travail.

Mon groupe votera contre ce budget.

M. Stéphane Piednoir . - L'affectation à zéro sur le programme 191 constitue effectivement une réelle inquiétude. Les crédits ont été entièrement transférés sur le plan de relance. Ce point fera sans doute partie des éclairages que la ministre devra nous apporter en séance. Un plan de relance est par définition limité dans le temps, il ne peut donc pas prendre en charge un financement pérenne. Les opérateurs concernés, notamment le CEA, sont légitimement inquiets.

Nous partageons tous un sentiment de confusion et d'imbroglio autour de ce budget. Néanmoins, et je vous invite à consulter le rapport de notre collègue rapporteur spécial Jean-François Rapin , qui déposera d'ailleurs un amendement visant à demander à la ministre une clarification, les crédits de la mission sont globalement en hausse. Certes, comme l'a souligné Laure Darcos, il n'y aura pas de choc budgétaire, mais nous devons prendre en compte cette hausse. Il me paraît donc compliqué de ne pas donner un avis favorable.

Concernant l'ANR, une mission complémentaire va lui être dévolue dans le cadre de la préservation de l'emploi dans le secteur privé de la R&D, avec un financement relativement important. Elle ne fait pas partie de son coeur de métier. Mais l'ANR a aussi montré sa réactivité, concernant notamment les appels à projets « Flash » qu'elle a su mettre en oeuvre très rapidement. Nous pouvons donc avoir confiance en elle pour exercer ses nouvelles missions.

M. Max Brisson . - À ce stade, les élus Républicains voteront en faveur de la mission. Cependant, nous nous réservons, en séance, la possibilité de changer d'avis. Certes, les crédits sont en hausse, mais celle-ci est-elle à la hauteur des engagements de renforcement de la première marche de la LPR, qui ont conditionné notre acceptation d'une trajectoire de dix ans au lieu de sept ? L'équation est pour le coup très simple, car je la comprends.

M. Stéphane Piednoir . - C'est plutôt un système d'équations que nous avons à résoudre. Or, pour résoudre des équations à plusieurs inconnues, il faut autant d'équations. Nous verrons si nous obtiendrons toutes nos réponses en séance.

Mme Annick Billon . - Le groupe de l'Union centriste suivra les conclusions du rapporteur. Nous avons bien entendu toutes les réserves qui ont été émises. Je ne suis pas persuadée que nous obtiendrons toutes les réponses en séance. Cependant, un certain nombre d'amendements seront déposés, nous avancerons donc peu à peu.

M. Laurent Lafon , président. -Toutes vos remarques et critiques ne font que renforcer notre besoin d'un travail de contrôle pour faire la clarté sur les crédits et leur progression. La mobilisation de différents canaux de financement rend tout cela opaque et nous pouvons nous demander légitimement s'il ne s'agit pas d'un système de bonneteau. Nous pouvons également nous interroger sur la capacité des organismes à absorber les crédits sur des délais aussi courts. Nous en rediscuterons, car il me semble qu'en 2021, la question du contrôle budgétaire d'un certain nombre de politiques qui entrent dans le champ de notre commission se posera de manière plus importante que les autres années.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Page mise à jour le

Partager cette page