ANNEXE

Audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur,
de la recherche et de l'innovation

MERCREDI 21 OCTOBRE 2020

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M. Max Brisson, président . - Mes chers collègues, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication accueille, pour la seconde fois en moins de deux semaines, Madame Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Hier, nous avons auditionné Madame Bachelot. Demain, nous auditionnerons dans l'hémicycle, en présence de nos collègues de la commission des lois, le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin et le ministre de l'éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. J'espère que le président Lafon pourra présider cette audition.

Le calendrier de Madame Vidal est contraint par l'hommage que le Président de la République va rendre au professeur assassiné à Conflans-Sainte-Honorine. Je vous remercie donc de veiller à la concision de vos interventions.

Nous vous entendons, madame la ministre, sur le projet de loi de finances pour 2021, et plus particulièrement sur le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires) qui bénéficie d'une augmentation de 606 millions d'euros.

Il me semble également important que vous puissiez faire un point sur la situation sanitaire dans les établissements d'enseignement supérieur et sur les conséquences des récentes restrictions de leurs capacités d'accueil.

Après votre intervention, je donnerai la parole à nos rapporteurs budgétaires pour la recherche - Laure Darcos - et l'enseignement supérieur - Stéphane Piednoir -, aux orateurs des groupes, et aux autres membres de la commission qui souhaitent vous interroger.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - L'examen du projet de loi de finances nous réunit pour débattre des grandes orientations de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (Mires). C'est le quatrième budget que je vous présente. Il se distingue des précédents car il intervient dans un contexte inédit, à la fois en raison de la crise sanitaire mais aussi des crises économiques et sociales qui en découlent et qui appellent à une mobilisation sans précédent du Gouvernement. La Mires, troisième budget de l'État hors remboursement de la dette, y participe pleinement.

La présentation de ce budget est également inédite car elle intervient au moment de l'examen parlementaire de la loi de programmation pour la recherche (LPR) dont nous débattrons en séance publique la semaine prochaine et qui prévoit un investissement de 25 milliards d'euros sur les dix prochaines années.

Inédite, enfin, car il est difficile de parler de savoirs, de connaissances, d'ambition pour nos enseignants-chercheurs et nos étudiants, sans songer au drame terrible qui a endeuillé la France tout entière. Je tiens à adresser un message de soutien et d'espoir à l'ensemble des enseignants et leur dire que mon ministère sera toujours à leur côté.

Ce contexte inédit appelle des réponses inédites. Je suis fière de vous présenter un budget renforcé, ambitieux et tourné vers l'avenir.

Pour faire face à la crise, des mesures exceptionnelles ont été prises. Trois lois de finances rectificatives ont été votées entre le mois de mars et le mois de juillet. Votre commission a souligné, dans un rapport publié en juin dernier, la mobilisation de nos chercheurs. Certains projets s'inscrivent désormais dans le moyen et le long terme.

Pour l'exercice 2021, nous apportons un soutien massif à notre recherche, à nos établissements d'enseignement supérieur et à ceux qui y travaillent ou y étudient. Il se traduit par une hausse des crédits de 600 millions d'euros et par 700 recrutements nets. Les financements issus du plan de relance et du programme d'investissements d'avenir (PIA) s'ajouteront à cette hausse.

Le budget 2021 repose sur trois priorités :

- un réinvestissement historique dans la recherche, fixé par la future loi de programmation ;

- le renforcement des moyens dédiés aux établissements d'enseignement supérieur, avec une attention toute particulière aux personnels auxquels je rends hommage, puisqu'ils s'occupent merveilleusement de nos étudiants en cette rentrée difficile ;

- la lutte contre la précarité sous toutes ses formes. Nous veillerons à ne laisser de côté aucun étudiant. Le Premier ministre s'est notamment engagé à mettre en place une prime de 150 euros pour l'ensemble des étudiants boursiers et pour les jeunes percevant l'Aide personnalisée au logement (APL).

Le budget 2021 traduit donc l'engagement de mon ministère de réarmer la recherche française et lui permettre de retrouver son ambition et son attractivité. C'est la première marche du réinvestissement prévu par la loi de programmation. 400 millions d'euros supplémentaires abonderont le budget de la recherche, 225 millions pour le programme 172 « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire » et 165 millions sur le programme 150 « Formation supérieure et recherche universitaire ». 10 millions de crédits nouveaux sont alloués au programme 193 « Recherche spatiale ». 315 emplois concernent le programme 172 et 385 le programme 150 .

La LPR a vocation à engager un vaste mouvement de revalorisation des carrières et des rémunérations pour l'ensemble des personnels de la recherche. C'est pourquoi, dès ce budget 2021, 130 millions d'euros y sont consacrés. Cette revalorisation se traduira par une augmentation des primes de l'ensemble des personnels, fonctionnaires ou contractuels, sous statut de droit public ou de droit privé, qu'ils travaillent au sein des organismes de recherche ou des universités. Elle garantira le recrutement des jeunes chercheurs à un salaire au moins équivalent à deux SMIC. Je suis très heureuse que ces revalorisations aient fait l'objet du premier accord majoritaire de l'enseignement supérieur et de la recherche qui a été signé le 12 octobre à Matignon, à l'issue de plusieurs semaines de discussions avec les organisations syndicales dont je salue l'engagement et le sérieux.

Ce protocole permet de préciser deux grandes séries de mesures. D'une part, le schéma des revalorisations, d'autre part, des mesures propres aux évolutions de carrière, ce que nous appelons un repyramidage. Nous allons également soutenir les doctorants en consacrant une enveloppe de 6 millions d'euros supplémentaires pour les étudiants qui s'engagent dans une thèse. À terme, nous visons une augmentation de 20 % du nombre de thèses financées par l'État et une hausse de 30 % de la rémunération des doctorants. Enfin, nous soutiendrons les établissements. Nous avons prévu 150 millions d'euros pour conforter le budget des universités et des organismes de recherche, garantir la soutenabilité des recrutements, augmenter de 10 % la dotation de base des laboratoires et assurer aux nouveaux chercheurs une dotation de 10 000 € pour amorcer, dans de bonnes conditions, leur projet de recherche.

La stratégie de recherche française s'appuie également sur l'Agence nationale de la recherche (ANR) dont le budget d'autorisation d'engagements sera augmenté de 149 millions d'euros. Par ailleurs, le plan de relance permettra d'augmenter le budget de l'ANR de 400 millions d'euros, de façon à atteindre un taux de sélection de 23 %.

Enfin, il est indispensable de renforcer les liens entre la science et la société. 20 millions d'euros de crédits supplémentaires seront consacrés à l'ouverture de la science vers la société.

L'enseignement supérieur, second pilier de la Mires, fait l'objet d'un engagement massif du ministère et n'est pas sacrifié au profit du développement de la recherche. Depuis trois ans, l'adoption du plan étudiant a permis d'investir 480 millions d'euros supplémentaires dans l'enseignement supérieur et le projet de loi de finances 2021 prévoit une augmentation de 80 millions d'euros. Ils s'ajoutent aux 165 millions de crédits ouverts dans le cadre du projet de loi de programmation de la recherche. Ils correspondent à une augmentation de près de 100 millions des moyens des établissements puisque nous avons ajusté à la baisse les besoins immobiliers à hauteur de 20 millions d'euros. L'enveloppe de 4 milliards d'euros dédiée à la rénovation thermique des bâtiments de l'État permettra d'absorber cette somme.

Nous poursuivrons la mise en oeuvre de la loi « Orientation et réussite des étudiants » et nous augmenterons la création de places dans les filières en tension. Depuis 2017, le plan étudiant a permis de créer 39 000 places et ces moyens supplémentaires permettront aussi la poursuite de la réforme des études de santé. L'engagement du Gouvernement en faveur de la réussite est donc renforcé et nous dépasserons l'objectif de 500 millions d'euros de moyens nouveaux que nous avions fixé.

Ces financements permettront aussi d'étendre le dialogue stratégique à l'ensemble des établissements de plus de 500 étudiants. 15 millions d'euros sont destinés à financer le coût des mesures du protocole « Parcours professionnel, carrière et rémunération » et 9 millions d'euros sont ajoutés en faveur de l'enseignement supérieur privé, pour une meilleure prise en compte de la progression de la démographie étudiante et une revalorisation du montant moyen de la subvention par étudiant.

Le plan de relance permettra d'ajouter à ce budget 95 millions d'euros dès 2021. 60 millions pour financer le plan « Un jeune, une solution », avec la création de places, notamment dans les formations paramédicales, pour amortir les effets de la crise sanitaire et accueillir la diversité des nouveaux bacheliers. 35 millions seront consacrés à la transformation pédagogique et numérique.

La période que nous traversons appelle également un investissement sans précédent en faveur de la vie étudiante. Les étudiants sont particulièrement fragilisés par la crise et notre responsabilité est de veiller à ce qu'aucun ne soit entravé, pénalisé ou exclu par cette crise. Les moyens consacrés à la vie étudiante sont en hausse de 134 millions d'euros. 2,3 milliards d'euros sont consacrés aux aides directes. Les montants des bourses sur critères sociaux ont été réévalués pour la deuxième année consécutive à hauteur de 80 millions d'euros et tiennent compte, pour la première fois, de l'inflation. Pour aider les étudiants à préparer leur rentrée, la première mensualité de bourse a été versée avant le 31 août.

À ces mesures, viennent s'ajouter des dispositifs d'une ampleur historique, comme le ticket de restauration universitaire à un euro pour tous les étudiants boursiers, avec un financement de 50 millions d'euros pour lutter contre la précarité alimentaire.

Enfin, le plan France Relance prévoit de renforcer la garantie des prêts étudiants par l'État pour 60 000 bénéficiaires potentiels.

Les autres programmes de la Mires, qui ne relèvent pas du ministère de l'enseignement supérieur, voient leurs crédits évoluer du fait de mesures de périmètre. Cette diminution purement faciale n'a aucun impact sur le niveau d'ambition des autres ministères. La baisse des crédits de la recherche spatiale reflète la fin du remboursement de la dette à l'Agence spatiale européenne (ESA) et le programme « Recherche culturelle et culture scientifique » est transféré à la mission « Culture ».

Les financements du plan de relance représentent 6,5 milliards d'euros. En plus des mesures déjà mentionnées, ils nous permettront d'enclencher des stratégies d'accélération, de financer des écosystèmes d'enseignement supérieur, de recherche ou d'innovation, de soutenir l'emploi dans la recherche et le développement.

L'investissement massif du plan de relance en faveur de ce ministère traduit la priorité du Gouvernement pour la recherche, l'innovation et l'enseignement supérieur.

Renforcée sur l'ensemble de ses volets, la Mires permet à notre recherche de faire face aux grands défis de demain, de continuer le combat contre la Covid-19, de renforcer notre enseignement supérieur en créant de nouvelles places, partout sur le territoire, et en investissant davantage dans le numérique et l'innovation ou dans la rénovation des bâtiments universitaires.

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis des crédits de la recherche - Le PLF 2021 intègre la première étape du projet de revalorisation des rémunérations et des carrières des personnels de la recherche, grâce au protocole que vous avez signé. Je vous en félicite. Ces mesures auront une incidence sur le glissement vieillesse technicité (GVT) supporté par les établissements de recherche et qui grève leur marge de manoeuvre budgétaire. Ce problème structurel n'est pas abordé par la LPR. Quelles sont vos intentions sur ce sujet ?

Par ailleurs, une augmentation de 10 % de la dotation de base des laboratoires de recherche est prévue en 2021. Quel en est le montant exact ? Comment cette augmentation s'articulera-t-elle avec le « préciput » nouvelle formule qui doit aussi permettre d'abonder ces laboratoires ?

Enfin, le PLF 2021 prévoit de consacrer 20 millions d'euros à l'ouverture de la science vers la société et au développement de la culture scientifique. Comment ce montant est-il fléché ? Partagez-vous ce budget avec le ministère de la culture ?

Mme Frédérique Vidal, ministre . - Le GVT n'est plus compensé automatiquement depuis de nombreuses années, ce qui a posé beaucoup de problèmes aux établissements. Le budget prévoit de consacrer 51 millions d'euros à la soutenabilité du GVT. Nous aurons ainsi, dans le cadre du dialogue de gestion, un véritable accompagnement des établissements. Par ailleurs, 60 millions d'euros sont prévus pour aider le CNRS à franchir « le mur du CNRS ».

Les dotations de base des laboratoires seront augmentées de 30 millions d'euros.

Nous ne partageons pas de budget avec le ministère de la culture. 1 % du montant des projets ANR sera consacré à la culture.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur . - Vous avez évoqué la lutte contre la précarité des étudiants. Depuis le début de la crise, les Crous sont mobilisés pour venir en aide aux étudiants. Des avances de trésorerie leur ont permis de faire face à ces dépenses, mais ne résolvent pas le problème des pertes d'exploitation qui atteindraient 200 millions d'euros. L'État a-t-il prévu de les compenser ?

La crise sanitaire a des répercussions sur l'accueil des étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur. Pouvez-vous chiffrer la baisse des effectifs et nous fournir des projections des pertes financières pour les établissements, dont le modèle économique repose sur l'accueil des étudiants étrangers ?

Pouvez-vous dresser un rapide état des lieux de l'utilisation de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC) ?

Enfin, quel sera le coût de la rénovation énergétique des bâtiments universitaires ?

Mme Frédérique Vidal, ministre . - Les pertes d'exploitation des Crous sont de 147,5 millions d'euros. Une partie de la prise en charge de ces pertes a été votée dans le PLFR 3, le reste le sera dans le PLFR 4. Il n'est pas question d'abandonner le réseau des Crous, essentiel pendant cette période.

Il n'y a pas de baisse massive des inscriptions d'étudiants internationaux, nous observons même une certaine hausse. En revanche, la présence physique de ces étudiants est en baisse de 30 %. Cette question inquiétait en effet les établissements dont le modèle économique est basé sur les droits d'inscription des étudiants internationaux. Ces derniers ont été prioritaires pour la délivrance des visas.

Une partie de la CVEC est versée aux Crous pour qu'ils accompagnent les étudiants. Le solde est distribué aux universités. Elles ont pu créer 26 maisons de santé qui permettent aux étudiants d'accéder à des médecins généralistes ou à des spécialistes. Pendant le confinement, plus de 20 millions d'euros ont été utilisés pour des aides directes aux étudiants, des achats ou des prêts d'ordinateurs, ou encore de l'aide alimentaire. Nous avons commandé un rapport sur la CVEC à l'Inspection pour analyser ses effets, trois ans après sa création.

Pour la rénovation énergétique des bâtiments, le parc ESR représente 40 % du parc de l'État. Les dossiers sont en cours d'instruction. Pour participer au plan de relance, il faut que les projets soient suffisamment mûrs. Comme nous avons d'ores et déjà reçu plus de 3 milliards d'euros de demandes de financements, je ne doute pas que nous saurons consommer les 40 % des 3,7 milliards d'euros prévus pour cette rénovation. Beaucoup de projets étaient en préparation pour les contrats de plan État région qui apporteront un complément de financement.

M. Max Brisson, président . - Je donne la parole aux représentants des groupes.

M. Pierre Ouzoulias . - À peine renouvelée, notre commission doit s'atteler, dans le même temps, à l'examen de la LPR et du PLF 2021. Par ailleurs, la LPR devrait être adoptée avant le PLF. Le calendrier se complexifie encore avec l'adoption, par l'Assemblée nationale, de la partie recettes du budget. La marge de manoeuvre du Sénat est donc réduite.

Les universités ont dépensé beaucoup d'argent pour aider les étudiants. Elles ont découvert l'importance de fournir un ordinateur à chacun d'entre eux. Les 55 000 étudiants supplémentaires pèsent lourdement sur leurs finances. Or, votre budget s'inscrit dans la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques de 2018. Ni la crise pandémique, ni la forte augmentation du nombre d'étudiants ne sont prises en compte. Comme chaque année depuis dix ans, le ratio budgétaire par étudiant baisse. C'est un très mauvais signal envoyé aux étudiants et à la Nation. Il était important, dans les circonstances actuelles, d'affirmer une priorité politique d'accueil des étudiants.

Je regrette profondément que l'augmentation du nombre de contractuels dans l'enseignement supérieur et la recherche suive le rythme observé entre 2010 et 2017. Je ne comprends pas que la LPR mette à disposition des établissements des outils leur permettant d'accroître cette précarité. Si les universités ont fait face aux difficultés, c'est grâce à tous les contractuels qui se sont mobilisés pour continuer à assurer le service public. Nous devons aujourd'hui leur offrir plus de postes de titulaires. Je pense que ces postes doivent faire partie de la revalorisation que nous souhaitons tous. Nous empêcherons ainsi la fuite des cerveaux et nous ramènerons en France des chercheurs français ou étrangers qui sont partis. Le système français est très précieux parce qu'il peut offrir aux chercheurs statutaires stabilité et liberté. Au CNRS, 41 emplois statutaires disparaissent encore cette année, c'est un très mauvais signal.

Enfin, de nombreux doctorants n'ont pu mener leurs travaux pendant la crise sanitaire. Ils sont aujourd'hui dans l'attente d'un financement. La région Île-de-France apporte un financement important pour prolonger certains contrats doctoraux. Savez-vous si d'autres régions vont apporter le même financement ?

M. Jean Hingray . - Le président de la République avait promis de construire 60 000 logements étudiants supplémentaires pendant son quinquennat. Or, le chiffre devrait être compris entre 30 000 et 35 000. Pouvez-vous confirmer cette estimation ?

M. Bernard Fialaire . - Menez-vous une réflexion sur certains organismes privés qui accompagnent les étudiants en première année de médecine et qui créent une grande inégalité dans l'accès aux études médicales ? Avez-vous des statistiques sur le nombre d'étudiants qui réussissent sans bénéficier de ce soutien ?

La politique des grands sites se fait-elle en concertation avec les collectivités territoriales ? Comment ces grands sites sont-ils conçus pour éviter une ghettoïsation de certaines spécialités alors que le brassage culturel participe à l'excellence de la recherche et de l'enseignement supérieur ?

M. Julien Bargeton . - Vous avez évoqué le repas à un euro. Je partage le choix du Gouvernement de cibler les aides. Avez-vous prévu d'autres mesures sociales pour les étudiants qui rencontrent le plus de difficultés ?

Mme Céline Brulin . - Pouvez-vous apporter des précisions sur la réforme des études de santé ? Combien d'étudiants supplémentaires nos universités pourront-elles accueillir ? Comment prenez-vous en compte les réalités régionales, notamment en Normandie, pour enrayer le phénomène de désertification médicale ?

Quelle est l'articulation entre les contrats de plan État-région et le plan de relance ? Je crains le recyclage des crédits de l'un au profit de l'autre.

Mme Frédérique Vidal, ministre . - Le plan de relance prévoit 180 millions d'euros supplémentaires pour la création de places. 60 millions ont été débloqués sur 2020. L'immense majorité des demandes portaient sur les filières paramédicales. Ce sont les régions qui financent les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) mais l'État a contribué à l'augmentation du nombre de places dans l'ensemble de ces filières. Il a également participé au développement de formations complémentaires d'intérêt local de niveau Bac +1 pour les bacheliers professionnels. L'objectif est de pouvoir faire une proposition à chaque jeune.

Sur les contrats doctoraux, la région Île-de-France a suivi la politique mise en place par l'État, qui permet de prolonger tous les contrats doctoraux, sur demande des écoles doctorales. Le ministère accorde le nombre de mois supplémentaires, jusqu'à douze, nécessaires à l'achèvement des thèses. En effet, certaines activités de recherche ne peuvent être menées qu'au printemps et deux mois de confinement ont pu faire perdre une année aux doctorants. Ce mécanisme est valable pour toutes les années de doctorat et représente 43,8 millions d'euros.

700 emplois sont créés, dont 315 dans les organismes de recherche. 68 millions d'euros abonderont la masse salariale du CNRS, dont 60 millions euros pour passer le « mur ».

Nous n'avons pas renoncé à la construction de 60 000 logements. 30 000 logements ont été livrés ou sont en cours de construction. Notre principale difficulté repose sur le foncier. Je demande systématiquement aux élus des villes universitaires d'étudier la disponibilité de terrains pour construire des logements étudiants. Nous avons également pris l'engagement de rénover l'ensemble des logements existants. Par exemple, un projet de rénovation dans le Grand Est prévoit la suppression d'une centaine de chambres, leur superficie passant de 9 à 13 m 2 . Nous compensons cette perte par la création de 150 chambres supplémentaires.

Nous avons supprimé le concours d'entrée dans les IFSI et le concours de fin de première année en médecine. Les officines que vous avez mentionnées vont sans doute disparaître. Elle demande beaucoup d'argent aux familles pour un résultat aléatoire. Pour la première année commune aux études de santé (Paces), il était plus efficace que les étudiants de 2 ème année fassent du coaching auprès des étudiants de 1 re année.

Sur la réforme des études de santé, nous sommes convaincus que le départ des étudiants de leur région et leur concentration dans les villes qui disposent de CHU pendant leurs années d'études expliquent qu'ils ne reviennent plus où ils ont grandi. Nous avons autorisé les universités qui n'ont pas de CHU à ouvrir des licences « Accès santé ». Ainsi, le début des études de médecine se fait en proximité. Par ailleurs, dans la réforme des 2 ème et 3 ème cycles, nous avons certifié des médecins libéraux, des médecins qui pratiquent dans des maisons de santé et nous avons créé 250 postes de praticiens hospitaliers enseignant hors CHU. Les jeunes pourront ainsi finir leur formation ailleurs que dans les CHU. Une période en CHU reste obligatoire pour la qualité de la formation.

Nous allons également permettre à des étudiants d'accéder aux études de médecine par des voies diversifiées et ne pas les sélectionner uniquement sur des disciplines scientifiques ou techniques. L'exercice de la médecine n'est pas que technique. Or, tous nos médecins sont formés avec des technologies qui les détournent d'une médecine peut-être plus humaine, où on prend plus de temps pour échanger avec les patients. Les licences « Accès santé » peuvent être, par exemple, des licences de philosophie auxquelles sont ajoutés des modules de santé pilotés par les facultés de médecine. Nous pourrons ainsi avoir des profils plus diversifiés parmi les futurs médecins. 60 % accéderont aux études de santé à travers les première année d'accès santé (PAAS) et 40 % à travers des licences « Accès santé ». Cette réforme vient d'être mise en place et nous avons augmenté le nombre de places en 2021, de manière à absorber les étudiants qui redoubleraient l'ancienne formule et ceux qui entreront à travers la nouvelle formule.

Les projets académiques sont définis au niveau des sites universitaires. Je demande à toutes les universités de définir leur signature, c'est-à-dire la qualité de la science qu'elles produisent et la façon dont elles se projettent sur leur territoire. Il y a, de fait, un lien avec le développement économique de ces territoires. Les étudiants ont vocation à alimenter en compétences le bassin d'emplois local. Il est indispensable de se soucier de l'insertion professionnelle des étudiants qui n'accèdent pas au doctorat. Cette insertion se fait en lien avec les collectivités qui ont intérêt à avoir une recherche et un enseignement supérieur forts pour attirer les entreprises. Le lien entre le monde économique et le monde universitaire se fait d'autant mieux que les plateformes d'innovation partagée sont favorisées.

Sur la question de la précarité étudiante, nous avons pris plusieurs mesures. Certaines sont destinées aux plus fragiles, notamment aux boursiers. D'autres concernent l'ensemble des étudiants, comme le ticket de restaurant à un euro qui est reconduit en 2021. Je suis attachée à l'importance d'une alimentation équilibrée pour les étudiants les plus fragiles. Nous avons annoncé une aide supplémentaire de 150 euros et les droits d'inscription ont été gelés, comme les loyers. Nous travaillons également sur les jobs étudiants. En effet, les étudiants sont pénalisés par la disparition des « petits jobs » liée au contexte sanitaire. Nous essayons de multiplier ces « petits jobs » au sein des établissements, des Crous, des bibliothèques universitaires...

Enfin, je précise que le plan de relance vient s'ajouter aux contrats de plan État-région. Ce sont des enveloppes totalement distinctes. Cependant, des projets initialement soumis aux contrats de plan État-région vont être pris en charge par plan de relance, ce qui permettra de financer de nouveaux projets, via ces contrats de plan. J'ajoute que ces derniers ne concernent pas uniquement la rénovation thermique, contrairement au plan de relance. Ils prévoient la rénovation des locaux liés à la santé, l'adaptation des locaux à la transition numérique, la construction de logements sociaux.

M. Max Brisson, président . - Merci madame la ministre pour vos réponses. Nous vous retrouverons la semaine prochaine pour l'examen de la LPR en séance publique.

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