Avis n° 143 (2020-2021) de M. Jacques-Bernard MAGNER , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 19 novembre 2020

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N° 143

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation
et de la communication (1)
sur le projet de loi de finances ,
adopté par l'Assemblée nationale, pour
2021 ,

TOME VI

Fascicule 2

SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE :

Jeunesse et vie associative

Par M. Jacques-Bernard MAGNER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; M. Max Brisson, Mmes Laure Darcos, Catherine Dumas, M. Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco, vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Michel Savin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mme Sabine Drexler, MM. Jacques Grosperrin, Abdallah Hassani, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Claude Kern, Michel Laugier, Mme Claudine Lepage, MM. Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, François Patriat, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

AVANT-PROPOS

Les crédits du programme 163 « jeunesse et vie associative » connaissent une augmentation de 39,52 millions d'euros, soit de près de 6 % par rapport à l'année dernière, pour atteindre 699,72 millions d'euros. Cette hausse est principalement portée par l'augmentation des crédits du service national universel (SNU) qui, de l'aveu de la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, répond à une nécessité de sincérisation des coûts.

Surtout, les principales hausses portant sur des mesures en faveur de la jeunesse et de la vie associatives, traditionnellement financés au titre du programme 163 se situent dans la mission « plan de relance », qui a vocation à être conjoncturelle. Or, la promotion d'une société de l'engagement nécessite un investissement continu et à moyen terme.

Le secteur associatif a été particulièrement touché par la crise de la covid-19. 30 000 associations sont menacées de disparition en 2020, dont 4 000 associations employeuses . Les créations d'associations sont en chute de 40 %. Dans ce contexte, et plus que jamais, le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) a un rôle important à jouer. Malgré tout, les crédits du FDVA restent insuffisants pour répondre aux besoins des associations : en 2020, le nombre de dossiers de demande de subventions était deux fois supérieur au nombre de dossiers retenus et les montants alloués deux à trois fois inférieurs aux demandes.

Les interrogations demeurent nombreuses pour le SNU, y compris dans le déploiement de la phase 2 qui doit permettre au volontaire de vivre une première mission d'intérêt général. Or, la commission constate une trop faible consultation des associations et leur interrogation sur la compatibilité des valeurs qu'elles portent avec la forte dimension militaire actuelle du SNU. Au moment où les crédits en faveur de cette action doublent pour atteindre 62 millions d'euros, la commission réaffirme la nécessité d'un débat au Parlement sur les objectifs du SNU.

I. ENTRE « SINCÉRISATION DES COÛTS » ET MESURES PORTÉES PAR LE PLAN DE RELANCE : LA DIFFICILE LECTURE BUDGÉTAIRE DU PROGRAMME 163

A. UN BUDGET EN AUGMENTATION MASQUANT UN JEU D'ÉCRITURE COMPTABLE

Le programme 163 « jeunesse et vie associative », augmente de 39,52 millions d'euros, soit de près de 6 % par rapport à l'année dernière, pour atteindre 699,72 millions d'euros. Pour la première fois, ce programme d'intervention contient des crédits de titre 2 (personnels) consacrés à la rémunération des encadrants des jeunes en SNU (chefs de centres et adjoints, cadre de compagnie, tuteurs notamment).

Évolution des crédits du programme 163 entre 2020 et 2021

LFI 2020
(millions €)

PLF 2021
(millions €)

Évolution (millions €)

Évolution (%)

Développement de la vie associative

53,78

55,08

+ 1,3

+ 2,4 %

Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire

71,29

77,09

+ 5,8

+ 8,1 %

Développement du service civique

505,29

505,29

0

0 %

Service national universel

29,83

62,25

+ 32,42

+ 108,6 %

Total

660,20

699,72

+ 39,52

+ 5,98 %

Projet annuel de performance - PLF 2021

Cette hausse est principalement portée par les crédits consacrés au service national universel (SNU) qui représente à eux-seuls 82 % des sommes supplémentaires affectées au programme.

Pour le rapporteur, ce constat n'est pas anodin. En effet, selon la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, l'augmentation du budget du SNU s'explique uniquement par une démarche de sincérisation des coûts et d'intégration dans le programme 163 de dépenses non budgétées ou dispersées dans d'autres programmes. Si votre rapporteur pour avis se félicite de cette démarche qui participe à la bonne information du Parlement, il constate qu'elle absorbe la quasi-totalité de la hausse des crédits du programme 163.

B. UNE HAUSSE DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE PRINCIPALEMENT PORTÉE PAR LA MISSION « PLAN DE RELANCE »

La mission « plan de relance » contient plusieurs mesures qui relèvent traditionnellement du programme 163.

Ainsi, 7,2 millions d'euros sont prévus pour financés 2 000 « postes » 1 ( * ) Fonjep dans le cadre du volet « compétences » du plan de relance dédié aux jeunes. Ces crédits sont deux fois plus importants que les moyens supplémentaires dévolus au Fonjep dans le programme 163 (+ 4,5 millions d'euros).

Par ailleurs, dans le cadre du plan #1jeune1solution, 60 000 parcours emplois compétences (PEC) - la nouvelle formule des contrats aidés ciblés sur le secteur non marchand et notamment les associations employeuses - seront créés. 239,6 millions d'euros sont inscrits en crédit de paiement dans la mission « plan de relance ».

Enfin et surtout, 100 000 missions de service civique supplémentaires « pour permettre à des jeunes de s'engager dans des associations » 2 ( * ) sont financées. 363 millions d'euros sont ainsi ouverts pour cette mesure dans la mission « plan de relance ».

Comparaison des hausses de crédits du programme 163 et des actions financées dans le cadre de la mission « plan de relance »

Programme 163 :
jeunesse et vie associative

Mission
« plan de relance »

Fonjep

600 postes Fonjep supplémentaires (soit 3 275)

+ 4,5 millions d'euros, pour atteindre 39 millions d'euros

2 000 postes financés

7,2 millions d'euros

Parcours emplois compétences

Aucun PEC n'est financé dans le cadre du programme 163

60 000 PEC

239,6 millions d'euros

Service civique

Pas d'augmentation en 2021 - maintien d'un objectif de 145 000 missions

100 000 missions

363 millions d'euros

Au total, ce sont 609,8 millions d'euros au profit de mesures qui relèvent ou auraient pu relever du programme 163 que l'on retrouve dans la mission « plan de relance ». Ce montant est important, car il représente plus de 80 % des crédits du programme 163. Votre rapporteur se réjouit de ces sommes importantes, qui témoignent de l'utilité et de l'efficacité du Fonjep et du service civique.

Mais, cette inscription des crédits hors programme 163 inquiète votre rapporteur . En effet, la raison d'être de la mission « plan de relance » est de permettre un « cloisonnement de ces crédits par rapport aux moyens classiques et récurrents dédiés aux autres politiques publiques » . Il regrette que la grande majorité de l'effort financier supplémentaire du Gouvernement en faveur de la jeunesse et de la vie associative en 2021 se fasse dans un cadre conjoncturel qui a vocation à disparaître très rapidement. Or, la promotion d'une société de l'engagement nécessite un investissement continu et à moyen terme.

II. LES ASSOCIATIONS, DES ACTEURS ESSENTIELS DE LA SOLIDARITÉ, DE LA SOCIÉTÉ DE L'ENGAGEMENT ET DU VIVRE-ENSEMBLE À SOUTENIR

A. UN SECTEUR PARTICULIÈREMENT TOUCHÉ PAR LA CRISE DE LA COVID-19

Le secteur associatif a été très fortement touché par la crise de la covid-19. Comme le soulignait en juin dernier le groupe de travail piloté par votre rapporteur pour avis, les conséquences sur l'activité des associations 3 ( * ) sont estimées à 1,4 milliard d'euros entre le 15 mars et le 15 avril. Ce constat permet de donner un ordre de grandeur des pertes qu'a connu le secteur associatif en avril-mai, mais également à l'occasion du deuxième confinement. Les conséquences économiques sont particulièrement importantes : 86 % des associations ont été contraintes d'annuler un ou plusieurs évènements et 66 % ont complètement suspendu leurs activités .

Selon le mouvement associatif, qui regroupe plus de 700 000 associations, 30 000 associations sont menacées de disparition en 2020, dont 4 000 associations employeuses . 55 000 associations - principalement des associations de moins de 5 salariés - ont déclaré ne pas pouvoir maintenir les salaires. Les effectifs salariés ont reculé de 3,5 %, soit 60 000 emplois 4 ( * ) en moins. En outre, les déclarations d'embauche sont en diminution de 45 % . Enfin, seulement 8 % des associations envisagent de recruter dans les mois à venir.

La crise de la covid-19 a également eu des conséquences importantes sur le bénévolat et l'engagement. Les créations d'associations sont en chute de 40 %. Les adhésions ont diminué de 25 à 50 % dans les associations sportives, culturelles et de loisirs.

Si l'État a mis en place des mesures pour soutenir l'emploi et l'économie auxquelles peuvent prétendre les associations (fonds de solidarité, prêt garanti par l'État, chômage partiel ), ces dernières ont connu des difficultés importantes pour y accéder, en en décourageant certaines . La quatrième loi de finances rectificative qui vient d'être adoptée par le Parlement prévoit 5 millions d'euros en faveur des associations. Au regard des quelque 1,5 million d'associations qui existent en France et de la reconnaissance de leur rôle en matière de création du lien social et de résilience des territoires, votre rapporteur pour avis regrette que ce montant soit aussi faible. En outre, aucun abondement spécifique n'est prévu au bénéfice du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) pour répondre à la crise de la covid-19.

B. LE FDVA, UN OUTIL INDISPENSABLE DE SOUTIEN AUX ASSOCIATIONS

Le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) est un outil financier majeur pour la promotion et le développement de la vie associative, tant pour la formation des bénévoles et personnes travaillant dans le secteur associatif (« FDVA 1 ») que pour le soutien des projets des associations (« FDVA 2 »).

En 2020, malgré la crise de la covid-19, les appels à projet ont pu se tenir - parfois en décalant les échéances de remise des dossiers - et l'intégralité des crédits ouverts ont été dépensés selon le directeur général de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Dans le cadre du « FDVA 1 » 2 000 associations ont été financées, pour 19 000 journées de formation au bénéfice de 170 000 bénévoles. Ces chiffres sont comparables à ceux de l'année dernière. Toutefois, comme l'ont déclaré tant les acteurs associatifs qu'institutionnels à votre rapporteur pour avis, les possibilités offertes par le « FDVA 1 » restent insuffisantes par rapport au nombre de bénévoles souhaitant bénéficier d'une formation.

Les 25 millions d'euros du « FDVA 2 » qui a partiellement succédé à la réserve parlementaire, ont également été intégralement attribués. Une attention particulière a été portée envers les petites associations : 80 % des associations bénéficiaires ont 2 salariés ou moins et 62 % n'adhèrent à aucun réseau national ou sectoriel. 30 % des associations aidées relèvent du domaine du sport, 20 % de celui de la culture et 20 % de thématiques sociales. La subvention moyenne est de 2 900 euros.

Votre rapporteur pour avis se félicite qu'à partir de 2021, le FDVA bénéficiera d'un abondement annuel venant des comptes inactifs des associations tombées en déshérence . Pour l'année prochaine, le montant - non inscrit dans le PLF 2021 5 ( * ) - est évalué à 15 à 20 millions d'euros .

Toutefois, ces montants restent insuffisants : pour la campagne 2020, selon les informations transmises par le Mouvement associatif, le nombre de dossiers de demande de subventions au titre du FDVA 2 était deux fois plus nombreux que le nombre de dossiers retenus ; et les montants alloués deux à trois fois inférieurs aux demandes. En outre, la campagne 2020 a eu lieu en février, soit avant la crise de la covid-19 qui a très fortement touché les associations (baisse du nombre de cotisations, annulation d'évènements notamment).

Aussi, votre rapporteur pour avis souhaiterait qu'en réponse à la crise, un abondement spécifique soit prévu pour 2021 . Votre rapporteur pour avis rappelle que les associations jouent un rôle essentiel en matière de vivre-ensemble, de construction de la citoyenneté, ou de solidarité.

C. LES CRÉDITS FONJEP SONT EN AUGMENTATION, MAIS SE POSE LA QUESTION D'UNE HAUSSE PÉRENNE

Votre rapporteur pour avis se réjouit de la « double hausse » des crédits Fonjep dans le PLF 2021 :

- 600 « postes » supplémentaires, soit une augmentation de 4,5 millions d'euros, sont inscrits dans le programme 163. Leur nombre est ainsi porté à 3 275 ;

- dans le cadre de la mission « plan de relance », 2 000 nouveaux « postes » Fonjep sont financés, pour 7,2 millions d'euros.

Votre rapporteur pour avis souhaite apporter une clarification. L'appellation « postes » Fonjep recouvre une subvention versée par l'État d'un montant de 7 200 euros. Il ne s'agit donc pas du financement d'un emploi - le montant alloué est d'ailleurs inférieur au coût annuel d'un salarié. Ces postes « Fonjep » sont particulièrement précieux pour les associations. Leur attribution est très souvent un déclencheur de cofinancement. En outre, il s'agit d'un dispositif pluriannuel permettant à l'association de se projeter sur 3 ans, voire 6 ans, dans le cadre du renouvellement de la subvention. Enfin, et surtout, alors que la plupart des subventions sont aujourd'hui attribuées à travers des appels à projets, tel n'est pas le cas des postes Fonjep, qui est une aide à l'association en tant que telle et pas pour un projet particulier . Pour votre rapporteur pour avis, cette augmentation du nombre des postes Fonjep est un marqueur d'une politique de soutien à la vie associative. Comme le soulignait une des personnes auditionnées : « il faut aider les associations pour ce qu'elles sont et pas uniquement pour ce qu'elles font ».

Dans cette perspective, le rapporteur pour avis s'interroge sur l'inscription de la majeure partie des augmentations du nombre des postes Fonjep au sein de la mission « plan de relance » et sur leur pérennisation.

D. L'AUGMENTATION DES PARCOURS EMPLOIS COMPÉTENCES (PEC) DANS LE PLAN DE RELANCE : UNE MESURE MAL CALIBRÉE POUR RÉPONDRE AUX BESOINS DES ASSOCIATIONS

Le groupe de travail sur les conséquences de la crise de la covid-19 sur le secteur associatif, animé par votre rapporteur pour avis, proposait de recréer pour une période transitoire des emplois aidés limités au secteur associatif .

Certes, le plan de relance prévoit la création de 60 000 parcours emplois compétences (PEC), « nouvelle formule des contrats aidés ciblés sur le secteur non marchand, en particulier les associations employeuses » selon le Gouvernement. Toutefois, le rapporteur pour avis souligne que cet outil est mal calibré pour répondre aux besoins des associations, et au final beaucoup moins efficace que les précédents contrats aidés .

En effet, le montant des crédits alloués à cette action est calculé sur la base d'une prise en charge par l'État à hauteur de 65 % du SMIC brut. A titre de comparaison, les précédents emplois aidés bénéficiaient d'une prise en charge par l'État pouvant aller jusqu'à 75 %. Le reste à charge pour les associations risque d'être trop important pour leur permettre de concrétiser un recrutement, d'autant plus qu'elles sont nombreuses à connaître des difficultés de trésorerie en raison de la crise sanitaire et économique .

En outre, selon plusieurs personnes auditionnées, les PEC ont pour but premier d'insérer leurs bénéficiaires, plutôt que de soutenir les associations. Or, toutes les associations ne sont pas capables de faire de l'insertion. A titre d'exemple, les PEC prévoient obligatoirement pour l'employeur des actions de formation pour le salarié bénéficiaire. Aucun soutien financier supplémentaire n'est prévu pour accompagner les associations dans ces actions de formation.

Votre rapporteur pour avis constate en 2019 une sous-consommation de 25 % des crédits de paiements alloués aux parcours emplois compétences. Ainsi, sur les 100 000 PEC prévus par la loi de finances pour 2019, au final, seuls 80 512 ont été financés 6 ( * ) . Il souhaiterait, pour les associations, un retour au précédent modèle des emplois aidés avec un financement par l'État à hauteur de 80 %. Ce type de contrat a démontré son efficacité pour soutenir le monde associatif.

E. 2021 : ANNÉE DU DÉPLOIEMENT EFFECTIF DU COMPTE D'ENGAGEMENT CITOYEN ?

Prévu par la loi du 8 aout 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels , le compte d'engagement citoyen (CEC) vise à reconnaître et valoriser l'engagement . Il permet l'octroi d'heures de formation citoyenne ou professionnelle, adossées au compte personnel de formation.

Sont éligibles : les bénévoles associatifs répondant à certaines conditions, les volontaires en service civique, les maîtres d'apprentissage, les sapeurs-pompiers volontaires, certains réservistes opérationnels ou ceux de la réserve civique et de ses réserves thématiques, les proches aidant une personne en situation de handicap ou une personne âgée en perte d'autonomie.

Dans la limite d'un plafond de 720 euros cumulables au titre du compte d'engagement citoyen, 240 euros de formation peuvent être alloués aux individus accomplissant l'une de ces formes d'engagement ; à raison notamment d'une durée d'exercice propre à chaque forme, précisée par décret 7 ( * ) .

Les droits acquis au titre du CEC sont financés par les autorités publiques responsables des activités : les communes pour la réserve communale, le service d'incendie et de secours pour les sapeurs-pompiers volontaires, l'agence nationale de santé publique pour la réserve sanitaire et l'État pour toutes les autres formes d'engagement éligibles.

Après la mise en place logistique et administrative, 2021 représente un tournant . Les droits font désormais l'objet d'une déclaration automatique, y compris au titre des activités 2017, 2018 et 2019. Pour ces trois années, l'inclusion automatique devrait se faire au cours du premier trimestre 2021. 12,4 millions d'euros, soit un million d'euros de plus que cette année, sont consacrés au compte d'engagement citoyen, afin de couvrir des droits à la formation acquis par les bénéficiaires.

Pour votre rapporteur pour avis, le compte d'engagement citoyen répond à une demande forte des associations et de leurs bénévoles : pouvoir bénéficier d'une formation et d'un accompagnement. Il craint toutefois que ce nouveau dispositif reste trop confidentiel . Il appelle ainsi le Gouvernement à mieux communiquer et informer sur l'existence de ces nouveaux droits auprès des bénévoles qui souvent l'ignorent. Votre rapporteur pour avis rappelle en effet, qu'à partir du moment où les conditions de durée sont respectées, toute personne, quel que soit son « statut », acquiert des droits au titre du compte d'engagement citoyen : jeune dès 16 ans, étudiant, actif (salarié, agent public, indépendant, chômeur) ou retraité.

III. UNE EXPÉRIMENTATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL À L'IDENTIQUE, MAIS UN BUDGET QUI DOUBLE

A. LE SNU TOUCHÉ DE PLEIN FOUET PAR LA CRISE

Le service national universel (SNU) a été durement touché par la crise de la covid-19. Après l'expérimentation dans 13 départements du SNU avec 2 000 volontaires, 2020 devait être l'année de la généralisation de cette expérimentation à l'ensemble des départements pour « 20 000 à 30 000 jeunes » 8 ( * ) , selon les propos de Gabriel Attal, alors secrétaire d'État à la jeunesse.

Toutefois, en raison de la crise de la covid-19, la phase 1 du SNU - le séjour de cohésion d'une durée de 15 jours - initialement prévue à la fin du mois de juin, a dû être décalée aux vacances de la Toussaint, avant d' être annulée .

Ainsi, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie, où l'expérimentation a pu se dérouler normalement pour 88 jeunes âgés de 15 à 17 ans, la phase 1 a été annulée sur l'ensemble du territoire français. Au total, sur les 30 millions d'euros inscrits au budget 2020, seuls 8 millions ont été dépensés pour l'achat d'uniformes, la formation des directeurs de centres d'accueil, ainsi qu'un certain nombre de dépenses qui n'ont pas pu faire l'objet d'un remboursement.

Il a été indiqué à votre rapporteur pour avis que 15 millions des 22 millions non exécutés au titre du SNU allaient être redéployés pour soutenir le tourisme social.

2020 : année noire pour le tourisme social

Le tourisme social (colonies de vacances, classes de découverte, ...) a été très fortement concerné par la crise de la covid-19. La totalité des classes vertes ont été annulées au premier trimestre 2020 et l'activité est quasi-nulle depuis la rentrée. En outre, cet été, les colonies de vacances ont connu des taux de remplissage très faibles. Or, le modèle économique du tourisme social repose sur un prix d'un séjour calculé au plus juste. Ainsi, pour ne pas être déficitaire, un séjour doit avoir un taux de remplissage de 80 à 85 %. Faute d'inscriptions suffisantes, de nombreux séjours ont été annulés. Le chiffre d'affaires sur la période estivale frôle une baisse de 50 % selon les informations transmises au rapporteur pour avis.

Le 17 novembre, le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a annoncé la création d'un fonds de soutien de 15 millions d'euros. Pour être éligibles, les associations gestionnaires doivent employer au moins 2 salariés permanents sur l'année et avoir enregistré une perte d'activité d'au moins 50 % par rapport à 2019. Elles pourront se voir allouer une aide allant de 5 000 à 20 000 euros.

Votre rapporteur pour avis salue la mise en place de ce fonds de soutien. Toutefois, celui-ci doit être le premier jalon d'une aide sur le moyen terme pour soutenir des acteurs menacés de disparition, alors même que le Gouvernement souhaite redynamiser les colonies de vacances : à la mi-novembre, les réservations pour l'année 2020-2021 sont inférieures de 80 % en comparaison date à date par rapport à l'année dernière.

B. « LA SINCÉRISATION » DU BUDGET : RAISON INVOQUÉE DU DOUBLEMENT DU BUDGET

Votre rapporteur pour avis constate avec étonnement que le budget dédié au SNU fait plus que doubler entre le PLF 2020 et le PLF 2021, passant de 29,83 millions d'euros à 62,25 millions d'euros, alors que le nombre de jeunes potentiellement accueillis reste stable. En effet, l'action « service national universel » du programme 163 est construite autour d'une prévision de 25 000 jeunes accueillis. Lors de son audition pour le projet de loi de finances pour 2019, Gabriel Attal, alors secrétaire d'État à la jeunesse, indiquait à la commission que les quelque 30 millions d'euros en faveur du SNU devaient permettre d'accueillir en 2020 « entre 20 000 et 30 000 jeunes ». Le coût par jeune passe ainsi de 1 000-1 500 euros à 2 490 euros - 2 300 euros hors coût de développement de système d'information, de communication et d'évaluation.

Interrogée par le rapporteur pour avis, surpris par cette très forte hausse du coût par jeune pour une prestation identique à celle qui aurait dû être proposée en 2020, Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, a indiqué qu'il s'agissait d'une sincérisation du coût du SNU, visant à inscrire au sein du compte 163 toutes les dépenses jusqu'alors invisibles, non comptabilisées ou prises en charge par d'autres ministères : l'appui des armées, les dépenses prises en charge par les collectivités locales, ou encore le coût du transport des jeunes 9 ( * ) .

L'aspect budgétaire sera un point incontournable du futur débat budgétaire sur le SNU que votre rapporteur pour avis appelle depuis plusieurs années de ses voeux. Si le rapporteur pour avis prend note de cette démarche de « sincérisation du coût du SNU », il s'étonne que ces coûts n'aient pas été intégrés dès le PLF 2020 .

C. DE NOMBREUSES INTERROGATIONS SUR LA PHASE 2

La phase 2 des jeunes ayant expérimenté le SNU en 2019 a également été concernée, mais dans une moindre mesure, par la crise de la covid-19. Cette phase, d'une durée de deux semaines, ou de 84 heures réparties sur l'année, se déroule sous la forme d'une mission d'intérêt général et peut se faire notamment dans des associations, les services de l'État, des collectivités territoriales, ou encore dans les armées, les services de police, de gendarmerie et de sécurité civile.

Il ressort des auditions menées par votre rapporteur pour avis de nombreuses interrogations de la part des associations sur le déroulé de cette phase 2. Elles estiment ne pas avoir été associées au déploiement de cette dernière. Dans certaines régions, les préfets ont indiqué ne pas avoir besoin du secteur associatif.

Le doute est tel que de nombreuses associations hésitent à poursuivre le conventionnement avec l'État sur le déploiement du SNU .

Par ailleurs, plusieurs mouvements associatifs ont indiqué avoir relancé des débats en interne sur la compatibilité des valeurs qu'elles portent et souhaitent promouvoir, avec la forte dimension militaire qu'a aujourd'hui le SNU . D'ailleurs, l'enquête de l'INJEP sur les premières missions d'intérêt général réalisées par la cohorte 2019, montre que des deux tiers des volontaires souhaitaient faire leur mission dans le domaine de la défense et de la sécurité. « Le SNU, et la mission d'intérêt général en particulier, sont envisagés par certains jeunes comme un engagement dans une profession, une première étape dans une insertion professionnelle dans un corps en uniforme . » 10 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis estime qu'il est urgent d'avoir une réflexion de fond sur les objectifs de cette phase 2 et de manière générale sur le SNU. Face aux nombreuses interrogations, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'opportunité de reporter le déploiement du SNU d'un an et d'utiliser ces crédits pour soutenir l'emploi associatif et plus particulièrement les petites associations culturelles et d'éducation populaire.

IV. 2021 : LE DÉFI DE L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE MISSIONS DU SERVICE CIVIQUE

A. LA FORTE VOLONTÉ D'ENGAGEMENT DES JEUNES EN SERVICE CIVIQUE RÉVÉLÉE PAR LE PREMIER CONFINEMENT

Le service civique, comme de très nombreux domaines, a subi le premier confinement. Selon les chiffres transmis par l'agence du service civique, en mars 2020, 58 500 jeunes effectuaient une mission de service civique. Trois adaptations ont été proposées : la suspension de la mission, la poursuite de la mission à distance, la poursuite de la mission sur le terrain dans un cadre sécurisé.

Un tiers des volontaires ont continué leur mission, dont 5 à 10 % sur le terrain. Quant aux jeunes qui ont vu leurs missions suspendues, la quasi-intégralité s'est tournée vers la réserve civique : 50 000 jeunes en service civique se sont inscrits sur la plateforme « jeveuxaider.gouv.fr ». Le rapporteur pour avis appelle à l'inscription d'un article dans tous les contrats de service civique permettant en cas de crise, au préfet de pouvoir détourner momentanément le volontaire de sa mission - avec son accord - pour l'affecter sur une mission d'urgence . A titre d'exemple, une telle clause aurait pu avoir son utilité à la suite des très fortes intempéries qui ont frappé les Alpes-Maritimes début octobre.

Le premier confinement a également eu un effet négatif important sur les débuts de mission. Les recrutements au mois de mars, avril et mai ont connu une chute importante. Par rapport à la prévision initiale pour 2020, une dizaine de milliers de recrutements ne sont pas intervenus au premier quadrimestre 2020.

B. LE SERVICE CIVIQUE, ACTEUR IMPORTANT DU PLAN « 1JEUNE, 1SOLUTION »

1. 100 000 missions supplémentaires : le projet ambitieux du plan de relance

Lors de son discours du 14 juillet, le Président de la République a annoncé la création de 100 000 missions de service civique supplémentaires, dans le cadre du plan « 1jeune1solution », dont 20 000 dès 2020 et 80 000 en 2021. Rapporté au nombre habituel de missions - 145 000 -, le défi à relever est important : l'augmentation du nombre de missions à trouver est de 69 %. Des priorités thématiques ont été fixées pour ces missions « plan de relance » : la solidarité intergénérationnelle, la continuité pédagogique, l'inclusion, l'égalité femme-homme, ou encore la transition énergétique.

Le rapporteur pour avis se félicite de cette annonce qui est une reconnaissance à la capacité d'insertion du service civique . Une étude récente de l'INJEP constate d'ailleurs le rôle joué par le service civique pour « des jeunes en réorientation n'ayant pas terminé leurs études ou ayant obtenu des diplômes qui ne permettent pas une insertion professionnelle aisée » 11 ( * ) . Les résultats en matière d'insertion professionnelle sont également bons pour les volontaires en situation « précaire » ayant une expérience professionnelle avant de commencer leur mission, et pour ceux au chômage de longue durée et sans expérience professionnelle. D'ailleurs, le groupe animé par votre rapporteur pour avis en mai 2020 sur les conséquences de la crise de la covid-19 sur le secteur associatif avait appelé au renforcement du recours au service civique afin de limiter le coût social de la crise dans les mois à venir.

Il note toutefois que la marche à franchir est particulièrement haute pour les quatre derniers mois de 2020 . A l'origine, il était prévu l'entrée dans le dispositif de 60 000 jeunes sur cette période. Pour atteindre l'objectif initial de 145 000 missions inscrit au PLF 2020, il est nécessaire d'y ajouter les 10 000 recrutements de rattrapage du premier semestre. A cela s'ajoutent les 20 000 missions supplémentaires à trouver dans le cadre du plan de relance. Au total, ce sont 90 000 missions qui doivent être proposées sur le dernier quadrimestre 2020 . Et selon les propos de l'agence du service civique « l'année prochaine, la marche sera encore plus haute ». La mobilisation de tous est donc primordiale pour réussir cette étape.

2. La nécessaire mobilisation de tous les acteurs publics

Dès lors, le rapporteur pour avis regrette une certaine lenteur de la mobilisation des ministères pour trouver ces nouvelles missions . La première réunion interministérielle à la suite de cette annonce du 14 juillet du président de la République a eu lieu fin septembre, soit deux mois et demi après le discours. De même, les instructions aux préfets fixant les objectifs et les thématiques prioritaires n'ont été envoyées que mi-septembre.

Le rapporteur pour avis appelle à une mobilisation de l'ensemble des acteurs publics , susceptibles de pouvoir proposer des missions, à se mobiliser. En effet, les capacités de mobilisation des ministères sont inégales. Ainsi, si le ministère de l'éducation nationale ou le ministère de l'intérieur peuvent proposer un nombre important de missions en leur sein, tel n'est pas le cas du ministère de la transition énergétique. En effet, il gère directement très peu d'établissements accueillant du public. De même, le ministère de la culture gère peu d'établissements en propre. La mise en place de mission de service civique doit être faite directement par les établissements partenaires, ou être incluse dans les conventions liant ces ministères à leurs opérateurs et principaux partenaires.

Le rapporteur pour avis souhaite également que les collectivités locales se mobilisent fortement pour augmenter de façon significative le nombre de missions proposées. Actuellement, seuls 12 % des missions de service civique ont lieu au sein des collectivités locales. Les communautés de communes ont un rôle important à jouer en la matière, surtout en milieu rural. Elles ont démontré leurs capacités de services à destination des citoyens dans des compétences allant de la petite enfance au troisième âge.

Enfin, le rapporteur pour avis juge intéressantes les expériences de pépinières de service civique, et encourage le développement de pôles d'appui dans les territoires pour accompagner les associations et collectivités territoriales, leur présenter l'intérêt du service civique dans un contexte de renouvellement des équipes municipales.

3. Qualité des missions, formation des tuteurs, développement en milieu rural : trois points de vigilance pour 2021

Si la question du contrôle de la qualité des missions proposées a toujours été une préoccupation importante, elle prend une acuité toute particulière dans cette phase de développement très rapide du service civique. Lors de son audition, Sarah El Haïry, secrétaire d'État à la jeunesse et à l'engagement, a indiqué que le recrutement de 13 personnes supplémentaires au sein de l'agence pour le service civique était prévu. Pour le rapporteur pour avis, ce personnel supplémentaire est indispensable afin de s'assurer de la qualité des missions proposées , mais aussi pour vérifier qu'il n'y a pas de substitution à l'emploi par la création d'une mission de service civique.

En outre, la question de la formation des tuteurs, et notamment des nouvelles structures est primordiale, et ceci avant l'accueil d'un jeune . Consciente de cette problématique, l'agence du service civique a lancé un marché annuel national de formation des tuteurs, remporté par le groupement solidaire « Unis-Cité/Ligue de l'enseignement ». Celui-ci propose notamment des modules spécifiques au service civique - par exemple « accompagnement du volontaire pendant sa mission », ou « atelier de découverte du rôle du tuteur ». Or, le rapporteur pour avis a été surpris d'apprendre qu'un certain nombre de ministères n'avaient pas recours à cette formation , mais recouraient à d'autres acteurs. Or, les formations proposées par ceux-ci portent sur l'engagement, la jeunesse et les associations. Elles ne sont pas opérationnelles pour un futur tuteur : le service civique n'est qu'un des nombreux sujets évoqués et en des termes trop généralistes . Aussi, le rapporteur pour avis appelle les ministères et de manière plus générale l'ensemble des structures accueillant des volontaires à privilégier les formations issues du marché lancé par l'agence du service civique .

De plus, le service civique doit être une solution offerte à tous les jeunes, quel que soit leur lieu de résidence. La mise en place de ces 100 000 missions supplémentaires ne peut se limiter aux seuls territoires urbains et périurbains . Les territoires ruraux ne doivent pas être oubliés, avec des solutions à apporter en termes de déplacement, de logement et d'accompagnement des volontaires . Or, traditionnellement, les structures d'intermédiation comme Unis-Cité ou la ligue de l'enseignement y sont moins présentes. A titre d'exemple, un encadrant d'Unis-Cité suit 20 volontaires qu'il rencontre régulièrement. Un tel modèle est difficilement transposable en zone rurale. Dans cette perspective, le rapporteur pour avis appelle à dresser rapidement un bilan du recours à la visioconférence et au suivi à distance mis en place pendant le premier confinement . Ces innovations pourraient utilement être utilisées pour faciliter l'accompagnement en milieu rural en permettant un accompagnement régulier du jeune et de la structure, tout en réduisant les contraintes liées à un déplacement fréquent .

Enfin et surtout, le rapporteur pour avis s'interroge sur la pérennisation de ces 100 000 missions supplémentaires . Il rappelle que l'investissement pour accompagner un jeune en service civique est lourd pour des structures qui n'en ont pour l'instant jamais accueilli. Or certaines d'entre elles risquent de ne pas vouloir se lancer dans cette aventure, si elles n'ont pas la garantie de pouvoir capitaliser sur l'expérience acquise dans l'accueil de jeunes pour les années suivantes. Une visibilité à moyen terme est indispensable pour réussir le défi ambitieux lancé par le Président de la République le 14 juillet dernier.

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Sur la proposition de votre rapporteur pour avis, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 163 « jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2021.

TRAVAUX EN COMMISSION

MERCREDI 2 DÉCEMBRE 2020

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M. Jacques-Bernard Magner , rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Mes chers collègues, le programme 163 est doté de 699,72 millions d'euros. Les crédits connaissent une augmentation de 39,52 millions d'euros, soit de près de 6 % par rapport à l'année dernière.

Toutefois, ce budget en augmentation masque principalement un jeu d'écriture comptable. Le doublement du budget du service national universel (SNU), qui constitue la quasi-intégralité de cette hausse relève d'une démarche de sincérisation des coûts. Je reviendrai sur ce point.

Ce budget appelle également une deuxième remarque générale : les principales hausses des crédits pour des mesures « jeunesse et vie associative » sont dans la mission « plan de relance ». Au total 609 millions d'euros sont inscrits dans le plan de relance au profit d'actions de soutien aux associations ou d'engagement de la jeunesse. Je pense aux postes du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) ou au service civique.

Bien évidemment, je me réjouis de ces sommes importantes. Elles témoignent d'une reconnaissance par le Gouvernement de l'utilité de ces outils. Mais, je regrette que la grande majorité de l'effort financier du Gouvernement en faveur de la jeunesse et de la vie associative se fasse dans un cadre conjoncturel, qui a vocation à disparaître très rapidement. Or, la promotion d'une société de l'engagement nécessite un investissement continu et de moyen terme.

J'en viens maintenant à une analyse plus thématique. Le secteur associatif a montré toute sa force pendant la crise de la covid-19. Mais il a également été très durement frappé. Voici quelques chiffres pour illustrer mes propos : 66 % des associations ont complètement suspendu leurs activités. 55 000 associations déclarent ne pas pouvoir maintenir les salaires. Les déclarations d'embauche sont en chute de 45 %. Enfin 30 000 associations sont menacées de disparition. De manière générale, les associations ont eu de très fortes difficultés à accéder aux aides de l'État. Certes, le PLFR 4 prévoit 5 millions d'euros en faveur des associations. Mais la France en compte près de 1,5 million ! Je regrette ainsi qu'il n'y ait eu aucun abondement du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

En effet, le FDVA est un outil indispensable de soutien aux associations. Le « FDVA 1 » a permis de former près de 170 000 personnes. Toutefois, de l'avis de tous, les possibilités de formation qu'il offre restent en deçà des demandes des bénévoles.

Les crédits du « FDVA 2 » - le soutien aux projets et à l'innovation - ont été exécutés dans leur intégralité. Une attention particulière a été portée aux petites associations : 80 % des associations bénéficiaires ont 2 salariés ou moins et 62 % n'adhèrent à aucun réseau national ou sectoriel. La subvention moyenne est de 2 900 euros. Pour le FDVA, 2021 sera l'année du premier abondement annuel venant des comptes inactifs des associations en déshérence.

Toutefois, ces montants restent insuffisants : pour la campagne 2020, le nombre de dossiers de demandes de subventions était deux fois plus nombreux que le nombre de dossiers retenus ; et les montants alloués deux à trois fois inférieurs aux demandes. Surtout, toute la campagne 2020 a eu lieu avant la crise de covid-19, c'est-à-dire, avant les difficultés financières des associations.

Les crédits Fonjep sont en augmentation, mais la question d'une hausse pérenne se pose : 2 000 postes Fonjep sont financés dans le cadre de la mission « plan de relance ». Vous le savez, ces « postes Fonjep » ne correspondent pas en tant que tel à des emplois, mais à une subvention annuelle de 7 200 euros. Ces postes Fonjep sont particulièrement importants : ils sont perçus pour trois ans ce qui permet une certaine visibilité pour l'association bénéficiaire. Par ailleurs, à l'heure où les subventions publiques sont attribuées sous la forme d'appel à projets, les postes Fonjep demeurent l'une des rares aides qui soutient l'association en tant que telle. Il est important de continuer à aider les associations pour ce qu'elles sont, et pas uniquement pour ce qu'elles font !

J'en viens maintenant à la création de 60 000 parcours emplois compétences - les PEC - qui sont selon le Gouvernement « la nouvelle formule des emplois aidés ». Mais cet outil est mal calibré pour répondre aux besoins des associations. Il est au final beaucoup moins efficace que les précédents contrats aidés. Tout d'abord, le taux de subvention par l'État est inférieur : 65 % contre 75 % auparavant. Le reste à charge est trop important pour des associations qui sont nombreuses à connaître des difficultés de trésorerie du fait de la covid-19. En outre, il s'agit principalement d'un outil d'insertion. Or, toutes les associations ne sont pas capables de faire de l'insertion. En cette période particulièrement difficile, il me semble qu'un retour aux emplois aidés « ancienne formule » avec une prise en charge par l'État à hauteur de 80 %, voire 85 %, serait de nature à mieux soutenir les associations.

Je terminerai ce volet associatif en évoquant le compte d'engagement citoyen. Il permet aux personnes éligibles d'acquérir des droits de formation. Cet outil répond à une demande forte des bénévoles de pouvoir se former. Je crains toutefois que le CEC reste trop confidentiel. J'appelle donc le Gouvernement à communiquer et informer sur l'existence de ce dispositif.

J'en viens maintenant au service national universel. Mes doutes sont nombreux. Vous le savez, le SNU a été fortement touché par la covid-19. La phase 1 n'a pas pu se tenir. En 2021, l'expérimentation est reconduite à l'identique, mais le budget double : il passe de 30 à 62 millions d'euros. La raison est un rapatriement dans le compte 163 de dépenses oubliées ou prises en charge de manière invisible par d'autres ministres. Si nous ne pouvons qu'apprécier cette démarche de transparence budgétaire vis-à-vis du Parlement, je m'étonne que ces coûts n'aient pas été intégrés dès le PLF 2020. Le coût par jeune est de 2 300 euros, hors coût de développement de système d'information, de communication et d'évaluation.

Quant à la phase 2, c'est-à-dire, la mission d'intérêt général pendant 15 jours ou 84 heures, le milieu associatif a fait part de ses doutes. Certains préfets n'ont ainsi pas jugé utile de les associer aux réflexions sur le déploiement de cette phase. Plusieurs mouvements associatifs s'interrogent sur la compatibilité des valeurs qu'elles portent et souhaitent promouvoir, avec la forte dimension militaire qu'a aujourd'hui le SNU. Au final, de nombreuses associations hésitent à poursuivre le conventionnement avec l'État sur le déploiement du SNU. Je l'avais déjà indiqué l'année dernière : il est urgent d'avoir une réflexion de fond sur les objectifs du SNU dans son ensemble, ainsi que sur les phases 1 et 2.

Je terminerai cette présentation du programme 163 par le service civique ; un dispositif qui a fait ses preuves depuis 10 ans. Il me semble important de tirer un premier enseignement de la crise de la covid-19 : il serait intéressant que tous les contrats de mission de service civique prévoient la possibilité de « détourner » un jeune de sa mission, avec son accord, pour l'affecter à une mission d'urgence. Lors de son allocution du 14 juillet dernier, le Président de la République a annoncé la création de 100 000 nouvelles missions de service civique dans le cadre du plan 1Jeune1solution. Elles s'ajoutent au 145 000 annuelles prévues par les lois de finances depuis deux ans. Cette annonce est une reconnaissance de l'utilité du service civique. Mais le défi à relever est important. Au total, ce sont 90 000 missions qui doivent être proposées sur les quatre derniers mois de 2020 : les 60 000 missions initialement prévus par le calendrier d'exécution de 2020, auxquelles s'ajoutent les 10 000 missions de rattrapage du premier semestre - c'est-à-dire des missions qui auraient dû commencer pendant le 1 er confinement et qui n'ont pas pu avoir lieu. Et enfin les 20 000 missions du plan de relance au titre de l'année 2020. Et pour 2021, ce sont 80 000 missions supplémentaires qui doivent être trouvées.

La mobilisation de tous les acteurs publics est donc essentielle pour relever ce défi de taille. Or, les instructions aux préfets fixant les objectifs et les thématiques prioritaires n'ont été envoyées que mi-septembre et la première réunion interministérielle n'a eu lieu que fin septembre. Deux mois ont été perdus. De même les collectivités locales doivent également se mobiliser. Seuls 12 % des missions se font dans des collectivités locales. La communauté de communes peut être un échelon intéressant. Je trouve particulièrement intéressant les expériences de pépinières de service civique, ou de pôles d'appui dans les territoires. Ils permettent de présenter aux associations et collectivités territoriales l'intérêt du service civique dans un contexte de renouvellement des équipes municipales, et de les accompagner.

Je finirai avec trois points de vigilance pour 2021. Le premier concerne la qualité des missions dans cette phase de développement très rapide du service civique. Mme El Haïry a indiqué un recrutement de 13 personnes supplémentaires. Cela me paraît indispensable pour s'assurer de la qualité des missions mais aussi pour vérifier qu'il n'y a pas de substitution à l'emploi.

Deuxième point de vigilance : la formation des tuteurs, notamment dans les nouvelles structures. Elle doit avoir lieu avant l'accueil du volontaire, et idéalement avant la définition de la mission. L'agence du service civique est consciente de cet enjeu. C'est pourquoi elle a lancé un marché public sur la formation des tuteurs. Il a été remporté par l'alliance « Unis-Cité/ligue de l'enseignement ». Cette alliance propose des formations taillées sur mesure pour le service civique : par exemple « accompagnement du volontaire pendant sa mission », ou « atelier de découverte du rôle du tuteur ». Or, certains ministères et structures n'ont pas recours à cette formation et forment leurs tuteurs par d'autres biais. Il me semblerait logique que les structures d'accueil et a fortiori les ministères privilégient les formations issues du marché lancé par l'agence du service civique.

Enfin, le service civique doit être une solution offerte à tous les jeunes, quel que soit leur lieu de résidence. Les territoires ruraux ne doivent pas être oubliés, avec des solutions à apporter en termes de déplacement, de logement et d'accompagnement des volontaires, mais aussi d'intermédiation pour soulager et épauler la structure d'accueil.

En conclusion, la hausse du programme 163 est majoritairement due à une sincérisation des comptes. Les principales augmentations se trouvent dans la mission « plan de relance » et risquent d'être conjoncturelles : elles ne concernent que 2021 et éventuellement début 2022. Quant au SNU, mes doutes persistent voire s'intensifient. Il représente désormais 10 % des crédits du programme 163. Imaginez le budget de l'éducation nationale avec ses 74 milliards d'euros, dont 10 % - c'est-à-dire 7,4 milliards d'euros - seraient utilisés pour un dispositif expérimental, qui risque ne pas pouvoir se déployer en 2021 pour les mêmes raisons qu'en 2020, et seraient ainsi sacrifiés au détriment d'autres mesures à financer. Vous ne l'accepteriez pas. Je ne l'accepte pas pour le programme 163. C'est la raison pour laquelle je propose de donner un avis défavorable à ce programme.

M. Cédric Vial . - La situation de la jeunesse est inquiétante. Elle se retrouve fragilisée par la crise dans tous les secteurs, sanitaire, sociaux, universitaire ou encore professionnel. Son avenir est donc directement menacé et l'État a du mal à proposer une réponse lisible et adaptée, alors même que le Gouvernement veut en faire une priorité. Je note que l'appellation du programme « Jeunesse et vie associative » est trompeuse, puisque celui-ci regroupe essentiellement trois dispositifs dont le service civique et le SNU qui à eux seuls absorbent plus de 80 % des crédits. Les budgets de l'éducation nationale consacrés à cette thématique sont très supérieurs, tout comme ceux dédiés à la politique de la ville. Pour résumer, le programme 163 est à la politique jeunesse ce que « le mouton est au troupeau ». Notre premier réflexe est pourtant de donner un avis favorable à ces crédits, assorti de réserves et de points d'attention qui pourraient faire évoluer notre position.

Des points positifs doivent en effet être relevés sur ce budget. Les crédits du Fonjep sont en hausse. Certes, celle-ci ne pallie pas à la fin des emplois aidés dans les associations et la question de leur maintien à moyen terme se pose. Mais je constate que 600 postes Fonjep supplémentaires sont créés au titre du programme 163 et 2 000 au titre du plan de relance. De même, les crédits du FDVA seront en hausse en 2021, grâce au versement de sommes provenant des comptes inactifs des associations tombées en déshérence. La ministre a évoqué le chiffre de 17 millions d'euros. Il s'agit de politiques utiles et de crédits décentralisés dans le cadre du FDVA. Je signale d'ailleurs que les crédits attribués aux associations via le FDVA dépassent désormais les montants qu'elles percevaient au titre de l'ancienne réserve parlementaire.

Pour autant, l'essentiel de la hausse tient aux crédits du SNU. La Cour des comptes avait alerté sur l'insincérité budgétaire. Au moment de l'examen du PLF 2020, le Gouvernement avait annoncé que 20 000 jeunes allaient participer au séjour de cohésion. Au final, seuls 88 d'entre eux ont pu vivre cette phase 1 en 2020. Nous pouvons légitimement nous interroger sur la nécessité de renforcer cette année ce dispositif. En ce qui concerne le « compte engagement citoyen » (CEC), il me semble faire peser un risque encore non chiffré sur le budget de l'État. A titre d'exemple, le Gouvernement a fixé comme objectif pour l'année prochaine 250 000 jeunes en service civique. Or chaque jeune en service civique acquiert des droits de formation au titre du CEC. Ces volontaires représentent 60 millions d'euros de droits nouveaux ouverts sur une seule année budgétaire.

Enfin, pour le service civique, les chiffres arithmétiques et ceux des éléments de langage divergent. On parle de 145 000 jeunes en service civique chaque année. Dans les faits, cela représente 160 000 contrats financés en année civile, car certains contrats sont glissants d'une année civile sur l'autre. Les jeunes sont alors comptabilisés une fois : au titre de l'année au cours de laquelle ils ont débuté leur mission et au titre de l'année au cours de laquelle ils la finissent. 300 millions d'euros manquent au budget pour financer les missions commencées cette année, mais qui se finiront l'année prochaine. Dans ce domaine également, la question de la sincérité budgétaire se pose. Enfin, je partage la position du rapporteur sur l'importance à apporter à la qualité des missions, et au fait que le service civique ne doit pas servir de traitement social du chômage.

M. Claude Kern . - Je note comme le rapporteur que l'essentiel de la hausse s'explique par la croissance des crédits du SNU. Nos associations sont aujourd'hui en péril. La progression du FDVA est bien trop modeste pour permettre de relever le défi des pertes financières des associations. Il n'a jamais atteint le montant de la réserve parlementaire qui était proche de 50 millions d'euros. J'exprime les plus grandes réserves sur le SNU, faute de clarifications sur son déroulement concret : que représentent ces quinze jours en internat et ces quinze jours dans une mission d'intérêt général ? Je m'interroge sur le doublement des crédits, alors que ce dispositif ne répond pas aux enjeux de la jeunesse. J'estime que les crédits qui lui sont réservés auraient été plus utiles pour répondre à la précarité de la jeunesse. Le groupe UC s'abstiendra sur ce programme.

Mme Sabine Van Heghe . - Je fais part de ma grande circonspection sur ces crédits qui me paraissent largement insuffisants pour répondre au tsunami créé par la crise sanitaire. La plus grande partie revient au SNU, un dispositif qui ne me semble pas adapté aux aspirations des jeunes, à la différence du service civique. Il faudrait plutôt augmenter le FDVA - on ne peut que regretter la stagnation des crédits dédiés à ce fonds. Mon groupe suivra l'avis du rapporteur sur le programme et je souhaiterais disposer de son opinion sur le niveau des crédits du Fonjep. Ceux-ci sont-ils suffisants pour répondre aux besoins des associations alors que depuis 2017, ce Gouvernement n'a eu de cesse de diminuer drastiquement le nombre d'emplois aidés ?

Mme Céline Brulin . - Au regard de la situation, et même si le périmètre du programme est restreint, je ne peux que qualifier les crédits de la mission de « dérisoires ». Bien évidemment le programme 163 ne concerne qu'une toute petite partie des crédits dédiés à la jeunesse et à la vie associative. Mais, de manière générale, il est regrettable que l'on ne trouve pas non plus ailleurs dans le projet de loi de finances des moyens à la hauteur du choc subi par la jeunesse. Les associations ont un rôle important à jouer mais ont énormément souffert de la crise. La très faible augmentation budgétaire du programme 163 n'est pas au niveau. Surtout, elle est liée au quasi-doublement des crédits du SNU. Je pense qu'il est légitime de s'interroger sur la priorité à accorder en temps de crise à ce dispositif contesté. Des pans entiers de notre économie sont à l'arrêt, des actions sont reportées en raison de la situation. Or, le Gouvernement donne l'impression que, quoi qu'il arrive, le SNU continuera à se déployer, avec une augmentation régulière des crédits alloués. On ne sait pas si les différentes phases du SNU vont pouvoir être mises en oeuvre. Je ne suis pas sûre que toutes les structures aient les moyens et le temps de se mobiliser de manière optimale pour mettre en place les phases 1 et 2 devant l'ampleur des défis qu'elles auront à relever au quotidien en raison de la crise. Je pense aux propos de Mme Élimas ce matin sur la réforme de la carte des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et REP +. Elle nous a assuré que si l'expérimentation montrait l'inefficacité de la réforme envisagée, elle serait abandonnée. J'aimerais que cela s'applique également au SNU. Notre groupe ne votera pas les crédits de ce programme.

M. François Patriat . - La hausse de 13,5 % des crédits de la mission me paraît mériter mieux que des avis mitigés. Je reconnais certes l'immensité des besoins mais, à l'heure où notre cohésion nationale est soumise à rude épreuve, un mécanisme comme le SNU peut démontrer toute sa pertinence. Le SNU comporte également des modules d'insertion dans la vie professionnelle qui peuvent être très utiles. Par ailleurs, dans ma carrière de parlementaire, j'ai rarement vu des budgets connaissant une telle augmentation. Mon groupe votera les crédits du programme.

Mme Elsa Schalck . - Je rejoins la position de mon collègue Cédric Vial. Les associations et les jeunes sont les plus concernés par une crise qui a néanmoins révélé tout l'engagement de la jeunesse et la résilience du secteur associatif. Un chiffre en témoigne : sur les 300 000 personnes inscrites dans la réserve civique, plus de la moitié avait moins de 30 ans. Je partage toutes les interrogations sur le déploiement du SNU dont les contours sont encore flous, en particulier pour la phase de cohésion. L'expérimentation n'a pas pu avoir lieu de manière optimale. Il en est de même pour la phase 2. Dans ce contexte, le doublement des crédits paraît excessif, alors même qu'il existait des actions davantage prioritaires à mener - je pense au secteur associatif, au tourisme associatif, ou encore la lutte contre la détresse de la jeunesse. Nous avons donc des doutes sur l'expérimentation du SNU et plus largement sur son déploiement. De nombreuses questions restent en suspens : comment s'effectue le lien avec les associations, quelles sont les modalités de l'encadrement et de la formation pendant la phase de cohésion ? Je déplore que les régions ne soient pas mieux associées à la définition du SNU. Les régions assurent le chef de filat sur les thématiques de la jeunesse.

Sur le service civique qui a fait ses preuves depuis 2010, il semble difficile d'atteindre les objectifs ambitieux que s'est fixé le Gouvernement. Par ailleurs, les missions proposées ne doivent pas être une substitution à l'emploi.

Le ministre de l'éducation nationale a indiqué dans l'hémicycle que la jeunesse était « la priorité des priorités ». Or, en consultant pour la première fois ce budget, je trouve ce programme 163 réducteur. Et même dans le cadre de la politique transversale de la jeunesse, on a des difficultés à comprendre la cohérence d'ensemble des actions menées dans ce secteur. Or, les jeunes ont besoin de visibilité sur les mesures qui existent en leur faveur.

M. Jacques Grosperrin . - Je déplore l'absence de financement pour l'éducation populaire. La crise va paupériser des publics éloignés des structures sociales. Il faut savoir investir en ces temps de crise. Serait-il possible de prélever des crédits du SNU - dont je doute de la consommation en 2021 - à son bénéfice ?

M. Jacques-Bernard Magner , rapporteur pour avis . - Je veux rappeler la distinction entre les crédits du plan de relance, qui constituent un apport très positif pour le secteur et le montant des crédits du programme 163 qui me parait plus contestable. En particulier, le programme 163 est « plombé » par le SNU, et je ne suis pas persuadé que ce dispositif concourt de manière significative à la cohésion nationale et à la citoyenneté. En tout cas, cela démontre l'urgence d'avoir un débat sur le SNU et ses objectifs. Pour ma part, je pense que la citoyenneté se construit avant 16 ans via l'école, le temps périscolaire et les colonies de vacances qu'il est urgent d'accompagner et de renforcer. Je préfèrerais que les crédits investis sur le SNU le soient sur les colonies de vacances, les têtes de réseau de l'éducation populaire qui ont été durement touchées par la crise. En une décennie, le nombre de jeunes qui partent en colonie de vacances est passé de deux millions à 800 000 à peine. En 2020, 88 jeunes ont bénéficié du SNU. Je ne suis pas sûr qu'en 2021, la réalisation du stage de cohésion pour 25 000 jeunes soit possible en raison de la covid-19.

Sur le Fonjep, les crédits me paraissent insuffisants tant les emplois aidés étaient essentiels au secteur associatif. Les parcours emplois compétences ne suffisent pas non plus. Je rejoins donc pleinement ma collègue Céline Brulin qui qualifie le montant du programme de « dérisoire », ce qui justifie ma proposition d'avis défavorable. Enfin, j'indique à M. Grosperrin que les règles budgétaires interdisent au Parlement de modifier la répartition des crédits au sein d'un même programme.

M. Cédric Vial . - Comme je l'ai indiqué, les débats sont susceptibles de faire évoluer notre position. Mon groupe a finalement décidé de s'abstenir sur les crédits du programme.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 163 « jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2021 .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 5 novembre 2020

- Le Mouvement associatif : Mmes Frédérique PFRUNDER , déléguée générale, et Lucie SUCHET , responsable plaidoyer.

- Unis-Cité : Mme Marie TRELLU-KANE , présidente fondatrice.

- Agence du service civique : M. David KNECHT , directeur général.

Vendredi 6 novembre 2020

- Ligue de l'Enseignement : MM. Yannick HERVÉ , secrétaire général de la vie associative de la jeunesse et de l'engagement, Mickael HUET , responsable du développement associatif, de l'engagement et de la vie militante, et Slimane BOURAYA , en charge des questions actions sociales et solidarité.

- Ministère de l'éducation nationale - Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative : M. Jean-Benoît DUJOL , directeur.

- Union fédérale d'intervention des structures culturelles (UFISC) : Mme Patricia COLER , déléguée générale.

Mardi 10 novembre 2020

- Coordination des fédérations et associations de culture et de communication (COFAC) : Mme Marie-Claire MARTEL , présidente.

ANNEXE

Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale,
de la jeunesse et des sports, et de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement

MARDI 17 NOVEMBRE 2020

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M. Laurent Lafon , président . - Bonjour à tous. Compte tenu des conditions sanitaires, l'audition de cet après-midi a lieu en distanciel comme en présentiel.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2021, nous recevons aujourd'hui M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, je vous remercie de vous être rendus disponibles pour cette audition conjointe.

Nous allons analyser le budget de l'enseignement scolaire, qui représente un peu plus de 76 milliards d'euros. Il s'agit de la deuxième mission la plus importante du budget général, après la mission Remboursements et dégrèvements.

Le ministère de l'éducation, de la jeunesse et des sports est par ailleurs celui qui bénéficie du plafond d'équivalents temps plein (ETP) le plus élevé, avec plus d'un million d'ETP. Il représente à lui seul plus de la moitié du plafond d'emplois ouverts pour l'ensemble des ministères dans le projet de loi de finances (PLF) de 2021. Quant au coût global des politiques en faveur des 22 millions de jeunes âgés de 3 à 30 ans, il est estimé à près de 100 milliards d'euros pour l'année à venir.

Les thématiques associées aux politiques publiques consacrées à l'enseignement scolaire, à la jeunesse et à l'engagement sont aussi nombreuses que les budgets - conséquents - que la nation leur consacre. Je citerai notamment à la priorité donnée à l'école primaire, les moyens budgétaires alloués au secondaire qui accueille actuellement le pic des naissances du début des années 2000 et, évidemment, la réforme du lycée. Je pense aussi au dispositif des vacances apprenantes qui a été mis en place en soutien aux associations et aux différentes formes d'engagement, au regard de la crise que nous traversons.

En tant que parlementaires, nous portons une attention particulière au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) sur lequel vous aurez probablement des questions dans quelques instants. Si les thématiques sont nombreuses, les questions que nous pourrions être amenés à vous poser au cours de cette audition le seront tout autant.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, je vous invite à présenter les grands axes de vos budgets respectifs pour 2021.

J'inviterai ensuite nos rapporteurs sur les crédits de l'enseignement scolaire, Jacques Grosperrin, ainsi que sur la jeunesse et la vie associative, Jacques-Bernard Magner, à vous poser une première série de questions. Les collègues qui le souhaitent pourront intervenir après cette séquence.

Cette audition sera diffusée en vidéo à la demande sur le site Internet du Sénat.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports . - Merci monsieur le président. Mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous présenter ce projet de budget, qui est le premier budget de l'État. Il concerne un sujet prioritaire pour toute nation, celui de l'avenir de ses enfants.

Ce budget intervient dans un contexte très particulier. Les défis qu'affronte la France sont multiformes et concernent aussi l'éducation. Chacun voit les conséquences du défi sanitaire. Notre grande priorité est de nous assurer que les élèves puissent continuer à exercer leur droit à l'éducation. Ce budget s'inscrit aussi dans un contexte de crise sécuritaire. Le terrorisme a touché de plein fouet l'école. Je tiens d'ailleurs à redire notre immense émotion devant l'assassinat de Samuel Paty, qui nous renvoie aux grands enjeux de notre pays en termes d'éducation civique, de formation des enfants et de défense de nos valeurs, notamment la liberté d'expression. Tout est lié.

Nous voulons une école de qualité, dans laquelle nous investissons. C'est pourquoi le budget qui vous est présenté est en très nette augmentation. Celle-ci n'est pas une fin en soi, mais est destinée à porter de grands objectifs. Ils prennent un sens particulier avec les transformations que le ministère a connues cette année, au travers à la fois de sa consolidation et de son élargissement. Nous sommes désormais un ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Roxana Maracineanu m'a donc rejoint en tant que ministre déléguée - vous l'avez auditionnée le 27 octobre dernier. Nous avons deux secrétaires d'État : Sarah El Haïry qui s'exprimera sur les politiques de jeunesse et Nathalie Élimas, qui est chargée de l'éducation prioritaire. Il s'agit là d'un signal envoyé sur les enjeux sociaux de ce ministère.

Plus fort, plus grand : ce ministère se déploie, avec une politique éducative avant tout qualitative. Beaucoup a pu être fait depuis trois ans et demi, en lien avec les parlementaires et grâce aux parlementaires. Je voudrais d'ailleurs vous en remercier. Je pense à des mesures telles que l'instruction à 3 ans, l'obligation de formation entre 16 et 18 ans - autant d'outils qui revêtent un sens important dans la période actuelle, et qu'il était nécessaire d'inscrire dans notre réalité. Nous sommes passés d'un système de scolarité obligatoire de 6 à 16 ans à un système dans lequel l'instruction est obligatoire de 3 à 18 ans.

Je voudrais insister sur une nouvelle qui a marqué cette rentrée, et qui est le produit de nos évaluations de début d'année. Ces évaluations sont extrêmement utiles. Elles sont assez uniques au monde, car elles permettent de dessiner le portrait de toute une génération en début de CP, de CE1 et de 6 ème . Elles nous ont permis de mesurer les effets du confinement sur la scolarité. J'invite chacun à regarder les documents approfondis de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP). En quelques mots, je dirais que ces évaluations comportent une demi-mauvaise nouvelle, une bonne nouvelle et une très bonne nouvelle. La demi-mauvaise nouvelle tient au fait que les grandes sections de maternelle et de CP ont pâti du confinement l'an dernier. C'est malheureusement un effet attendu du confinement. Bonne nouvelle dans la mauvaise nouvelle : nous avons pu limiter la portée négative de cet effet. Nous avions constaté un progrès de 2018 à 2019 des élèves de grande section de maternelle et de CP. Ce progrès a été annihilé par la régression de 2019 à 2020 ; nous repartons donc en cette rentrée 2020 comme si nous étions à la rentrée 2018. Toutefois, sachant pourquoi nous avons observé ce reflux, je reste optimiste au regard de notre capacité à retrouver le chemin du progrès.

La bonne nouvelle, c'est que les élèves de CM2 ne semblent pas avoir pâti du confinement, et ce, grâce à toutes les mesures prises : l'enseignement à distance, les vacances apprenantes, l'opération « Je rentre en sixième », le travail des professeurs. Nous avons observé des progrès, notamment en fluidité de lecture à l'entrée en 6 ème . Si je peux m'exprimer ainsi, je dirais que le film est bon, mais que la photo reste à perfectionner. Nous sommes sur une bonne trajectoire. Nous sommes très déterminés à ce que la trajectoire de progrès s'accentue pour que le niveau en lecture et en mathématiques s'améliore ces prochaines années.

Dernière nouvelle pour éclairer les choix budgétaires : nous avons amélioré, dans la continuité des années précédentes, la lutte contre le décrochage. C'est une bonne nouvelle pour la France - probablement assez rare dans le monde : il n'y a pas eu plus de décrochage en 2020 qu'en 2019. Nous avons même constaté une amélioration en la matière. Je vous renvoie à la lecture des documents qui permettent d'étayer ce constat. Il me paraissait important d'établir le portrait des conséquences du confinement. Notre grand objectif est d'éviter à tout prix que les élèves n'aillent pas à l'école au cours de cette année 2020-2021.

Notre budget permet à la fois de mener une action déterminée pour supprimer les angles morts de la scolarisation - notamment à travers le renforcement de nos mesures pour encadrer l'instruction en famille ou l'enseignement privé hors contrat, ainsi que les mesures contre le décrochage scolaire - et de veiller à une meilleure prise en compte des différents temps de l'enfant. C'est aussi le sens de ce ministère élargi, qu'il s'agisse des opérations « devoirs faits » au collège ou du « Plan mercredi » qui relèvent des politiques de jeunesse.

Je centrerai ma présentation de ce jour sur l'enseignement scolaire, même si nous devons garder à l'esprit les trois budgets du ministère. S'agissant de l'enseignement scolaire, il faut rappeler l'importance des mesures au titre du plan de relance. Le bâti scolaire, le « plan jeunes » et les investissements numériques pour assurer la continuité pédagogique viennent enrichir les moyens dont disposent l'éducation nationale et les collectivités locales au titre de leur activité éducative. Le programme « investissements d'avenir », avec les campus des métiers et des qualifications et l'enseignement numérique, s'ajoute à nos moyens de fonctionnement.

Le budget de la mission « enseignement scolaire » pour 2021 s'établit à 53,6 milliards d'euros hors cotisations aux pensions de l'État, soit une augmentation de plus de 3 % (1,6 milliard d'euros supplémentaires). C'est deux fois plus que la trajectoire budgétaire qui avait été initialement définie l'année dernière pour l'exercice 2021. Quand j'additionne les budgets que nous avons assumés au cours de ce quinquennat, c'est-à-dire de septembre 2017 à septembre 2021, nous arrivons à une augmentation de 6,788 milliards d'euros. Cette somme considérable est à mettre en regard de celle des cinq années précédentes : elle était de 2,345 milliards d'euros.

Pour la seconde année consécutive, nous sanctuarisons les emplois du ministère. Ce budget reste le premier budget de la nation. C'est un budget de rassemblement, parce qu'il doit permettre de partager avec l'ensemble de la société française des objectifs ambitieux pour la réussite de tous les élèves.

À travers le Grenelle de l'éducation qui a commencé à la fin du mois d'octobre et s'achèvera à la fin du mois de janvier, nous voulons à la fois revaloriser les professeurs (j'ai fait quelques annonces en ce sens hier) et enclencher un mouvement pluriannuel pour la revalorisation profonde du métier de professeur - financière, mais pas seulement. Il y a également un enjeu d'évolution systémique de l'Éducation nationale.

Premier élément que je souhaite souligner : la priorité donnée à l'école primaire. Nous créons 2 039 postes supplémentaires à l'école primaire, dans un contexte de baisse démographique puisqu'il y aura 65 000 élèves en moins à la rentrée 2021. Ce double effet permettra l'amélioration des taux d'encadrement. Depuis 2017, plus de 7 000 postes ont été créés dans le premier degré, alors que nous comptabilisons 200 000 élèves en moins. L'objectif est de rattraper le sous-investissement des années passées dans l'enseignement primaire : l'enseignement primaire est la clé de tout. La constance de cet engagement se traduit par des politiques spécifiques, notamment le dédoublement non seulement des classes de CP et de CE1 en REP et REP+ (300 000 élèves concernés), mais aussi les grandes sections de maternelle de REP et REP+. 150 000 élèves supplémentaires seront ainsi concernés.

Le plafonnement à 24 élèves par classe est un engagement du Président de la République pour les grandes sections de maternelle, les classes de CP et de CE1 de toute la France. L'école accueille également des élèves supplémentaires, en lien avec les mesures contenues dans la loi pour une école de la confiance et la future loi contre le séparatisme. Nous voulons que tous les enfants aillent à l'école maternelle.

En outre, le ministère investira dans le numérique dans le premier degré. 91 millions d'euros lui seront consacrés en 2021-2022.

Deuxième caractéristique : ce budget accompagne tous les élèves vers la réussite, notamment par le biais de la personnalisation des parcours dans le second degré. Nous redéployons 1 800 emplois du second degré vers le premier degré. Ce redéploiement est compensé par l'augmentation des moyens en heures supplémentaires de façon à maintenir les taux d'encadrement dans le second degré.

L'année 2021 marquera aussi l'aboutissement de la refonte du baccalauréat. Les lycéens se sont pleinement emparés des possibilités offertes, notamment par la combinaison des spécialités de leur choix. Cela a permis de faire émerger des parcours plus divers et des choix plus passionnés.

Nous essayons également de développer une politique d'appui à tous, qu'il s'agisse de l'opération « devoirs faits » ou des politiques d'appui aux élèves les plus en difficulté ou les plus fragiles. Cela s'accompagne d'une politique pour l'école inclusive. Cette politique est, de loin, celle qui a conduit aux plus grandes augmentations budgétaires, puisque 3,3 milliards d'euros seront consacrés à l'école inclusive en 2021, soit 250 millions d'euros de plus qu'en 2020. Lors du vote de la loi pour une école de la confiance, j'ai parlé d'un service public de l'école inclusive. Nous notons une augmentation budgétaire de 60 % depuis 2017 sur ce sujet, conformément aux engagements du Président de la République en faveur d'une augmentation des AESH, d'une amélioration de leur formation et d'un ensemble d'évolutions. Ainsi, l'année prochaine, 4 000 nouveaux ETP d'AESH s'ajouteront aux 8 000 ETP supplémentaires décidés pour cette année. Nous avons plus de 100 000 AESH en CDD et CDI, alors que nous n'avions que des contrats aidés il y a 3 ans. Nous restons évidemment très attentifs à la carrière des AESH et à la qualité de leur vie professionnelle et à leur carrière.

Nous avons aussi développé les pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL) pour la rentrée scolaire 2021. Généralisés, ils nous permettent d'intervenir au plus près des besoins du terrain en matière de scolarisation des élèves en situation de handicap.

Nous avons aussi relancé - avec une dimension sociale forte - la politique des internats d'excellence, comme l'a annoncé le Président de la République. L'objectif est d'avoir un internat d'excellence par département d'ici à 2022. Nous avons lancé les appels à projets pour leur réhabilitation ou leur création. Dans le cadre du plan de relance, nous dotons de 50 millions d'euros le soutien aux investissements envisagés par les collectivités.

S'agissant de l'accompagnement social des élèves stricto sensu , les bourses et fonds sociaux représentent pour 2021 une enveloppe de 860 millions d'euros, en hausse de 51 millions d'euros, pour accompagner les familles les plus défavorisées dans un contexte de crise économique.

Pour conclure, ce budget est un budget de revalorisation du métier d'enseignant et de renforcement de l'attractivité des métiers de l'éducation. Il s'agit non seulement d'engager une évolution profonde des conditions de travail des professeurs et des personnels, mais aussi d'avoir une vision systémique de l'évolution, avec trois axes : une meilleure reconnaissance des professeurs, notamment financière ; une plus grande coopération pour développer l'esprit d'équipe, le travail collectif, la gouvernance de nos établissements ; et l'ouverture du champ des possibles pour transformer les pratiques et les formes de mobilité professionnelle.

Concrètement, l'ouverture des possibles concerne la santé au travail, le bien-être au travail, les politiques de logement pour les jeunes professeurs, les enjeux d'évolution de notre système de mutation, le suivi personnalisé des carrières. Il s'agit de concevoir une véritable gestion des ressources humaines de proximité pour une structure qui est l'une des plus grandes du monde, tous domaines confondus, avec plus d'un million de salariés. Tout l'enjeu du Grenelle de l'éducation est de développer un management du XXI e siècle au sein de l'éducation nationale, qui soit au service de nos personnels et de nos élèves au travers de la modernité et de l'attention portée à l'humain et à l'éducation.

Nous commençons par une amorce très significative : un effort de 400 millions d'euros est consacré à la rémunération des personnels en 2021. Cela correspond à un coût de 500 millions d'euros en année pleine. J'ai annoncé hier les orientations prises en concertation avec les organisations syndicales : une prime d'équipement informatique annuelle pour l'ensemble des professeurs sera mise en place dès janvier 2021, correspondant à 176 euros bruts par personne, soit 150 euros nets ; une prime d'attractivité ciblera les personnels en début et milieu de carrière. Elle s'élèvera à 100 euros nets par mois pour les plus jeunes et représentera 34 euros par mois pour la quinzième année d'ancienneté.

Il s'agit d'une amorce dans un processus nécessairement pluriannuel qui doit amener la France à avoir une condition professorale mieux assurée.

Nous prenons aussi des mesures plus catégorielles, notamment pour les directeurs d'écoles dont nous avons beaucoup parlé au Sénat, avec des mesures relevant des crédits qui vous sont présentés.

Pour l'ensemble des crédits de masse salariale, l'augmentation nette est de 950 millions d'euros. Elle bénéficie également aux personnels du ministère ainsi qu'à la revalorisation des carrières. Pour moitié, cette augmentation se traduit dans la déclinaison des mesures indemnitaires pérennes. La seconde moitié correspond à la progression naturelle du déroulement des carrières à l'ancienneté, comme le glissement vieillesse technicité - GVT - (333 millions d'euros) qui représente aussi une hausse de pouvoir d'achat pour les professeurs.

Il convient de mentionner une nouveauté : l'accueil en stage ou en alternance dans les écoles et les établissements secondaires d'une partie des élèves inscrits en master des métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (master MEEF), au cours de leur seconde année. Cette réforme représente un effort budgétaire de 19 millions d'euros.

Nous avons un agenda social très riche, avec la perspective d'une loi de programmation au cours de l'année 2021 pour aller de l'avant. Elle sera, je l'espère, le résultat du travail collectif mené dans le cadre du Grenelle de l'éducation. À mes yeux, il n'y a pas d'investissement plus important que l'investissement dans l'éducation. Les moyens supplémentaires sont orientés à des fins claires, précises et correspondent à des priorités affichées.

M. Laurent Lafon , président . - Merci, monsieur le ministre. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement. - Merci, monsieur le président . Mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, le programme « Jeunesse et vie associative » que je porte regroupe évidemment les crédits alloués à la politique en faveur de la jeunesse et du développement de la vie associative. Comme l'a rappelé le Premier ministre à plusieurs reprises, la jeunesse est la priorité de notre gouvernement, mais elle est aussi la priorité de notre nation. C'est donc collectivement que nous portons un regard très particulier et fortement accru sur ces crédits. La jeunesse est un sujet interministériel par excellence. Les crédits qui sont portés aujourd'hui ne sont pas totalement exhaustifs. Il convient de se référer au document de politique transversale en faveur de la jeunesse, qui illustre plus largement l'importance que nous y accordons. Le second document, qui concerne la vie associative, est le pendant de la politique jeunesse.

La politique en faveur de la jeunesse représente en réalité un investissement de 94,8 milliards d'euros. L'investissement pour les associations s'élève à 7 milliards d'euros hors dépenses fiscales.

Le programme 163 « Jeunesse et vie associative » ne retrace qu'une fraction de l'effort de la nation dans ces domaines. Les crédits de ce programme sont de 699,113 millions d'euros. Ils connaissent une hausse significative de 6 % - en dehors du plan de relance. Je vous présenterai ce programme en trois temps, respectivement consacrés à la jeunesse, à l'engagement et à la vie associative. Nous reviendrons évidemment sur le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

La réussite éducative réside dans l'émancipation de la jeunesse. Elle commence à l'école et se construit également en dehors de l'école et au-delà. C'est pourquoi nous présentons un budget global. Notre priorité est de répondre à la diversité de notre jeunesse. Elle est diverse par sa pluralité, en raison de sa vie et de sa situation territoriale.

Pour répondre à ces transitions, nous avons défini trois priorités : l'accès à l'autonomie, l'accompagnement dans les périodes de transition et l'accès au droit. Notre politique repose sur trois réponses principales : l'accès à l'information ; la promotion de la mobilité internationale ; le développement des loisirs éducatifs de qualité et le soutien à l'éducation populaire.

L'accès à l'information est une clé d'orientation, d'engagement et d'émancipation. Dans cette période de crise sanitaire et économique, l'accès à l'information de notre jeunesse est extrêmement important. Les sondages nous montrent qu'un jeune sur deux ne connaît pas l'aide que nous pouvons lui apporter. Nous avons donc élaboré « La Boussole des jeunes », un outil d'information globale qui vient répondre à la difficulté que rencontrent beaucoup de jeunes pour s'y retrouver dans une politique portée par plusieurs ministères. Nous consacrons à cet outil une enveloppe de 6 millions d'euros.

La mobilité internationale a été fortement touchée par la crise sanitaire. Cependant, nous continuons à accompagner les acteurs de la mobilité internationale pour qu'ils puissent reprendre leur activité dès que la situation sanitaire le permettra. Deux opérateurs sont en particulier liés au programme 163 : l'office franco-québécois de la jeunesse et l'office franco-allemand de la jeunesse. Nous leur apportons un soutien de 17 millions d'euros.

Le développement de l'accueil collectif de mineurs et des accueils de loisirs est essentiel dans la continuité éducative. C'est pourquoi nous continuons de porter deux dispositifs que sont les « vacances apprenantes » et le « plan mercredi ». Les lieux d'accueil collectif des mineurs sont de vrais lieux d'éducation et d'émancipation. Plus que jamais, nous avons besoin de solidité et de solidarité pour accompagner notre jeunesse. Nous avons alloué 2 millions d'euros à l'accompagnement des accueils de loisirs et 1,3 million d'euros aux métiers de l'animation, au titre du programme 163. Avec le ministre de l'éducation nationale, nous portons un regard particulier à l'évolution de la formation des éducateurs avec le BAFA, en y intégrant plus fortement les valeurs républicaines.

Le « plan mercredi », pour sa part, concerne la qualité des loisirs éducatifs. Nous souhaitons que ce temps soit le plus pertinent possible pour nos enfants et qu'il s'élabore dans un cadre de confiance avec les élus locaux, les communes et les parents.

Nous portons un regard complet sur le temps de l'enfant, justifiant notre très fort intérêt pour le dispositif « vacances apprenantes ». Née du premier confinement, cette opération a permis à 1 200 enfants de partir en colonies apprenantes et à 570 enfants d'être accueillis dans des centres de loisirs.

Deux grands dispositifs concernent l'engagement : le service civique et le service national universel (SNU). Je tiens à saluer la mobilisation de notre jeunesse au cours du premier confinement puis du deuxième. La moitié des 300 000 inscrits sur la réserve civique avait moins de 30 ans. Ce dispositif a fait ses preuves. Pour continuer à faire vivre cette culture de l'engagement, nous avons fortement accompagné le développement et le déploiement du service civique. La ligne budgétaire a été stabilisée. 145 000 jeunes sont ainsi accueillis quotidiennement en service civique. Pour construire une société de l'engagement, 100 000 missions de service civique supplémentaires ont été inscrites dans le plan de relance, à raison de 20 000 missions en 2020 et 80 000 en 2021. Cet effort budgétaire de 611 millions d'euros illustre la priorité que nous accordons à ces chemins d'engagement. Il s'inscrit en outre dans le plan « 1 jeune, 1 solution ». Au total, plus de 245 000 jeunes pourront vivre une mission d'intérêt général dans une association ou une collectivité. Le service civique est un espace de volontariat, qui permet de créer ce sentiment d'appartenance à la nation que nous chérissons.

Au service civique s'ajoutera le projet de service national universel. Nous atteindrons ainsi un budget de 61 millions d'euros (31 millions d'euros supplémentaires par rapport à la LFI 2020). Ce projet de société doit permettre de réaffirmer les valeurs de la République, de faire nation, de faire vivre un creuset républicain et de faire vivre à toute une classe d'âge les valeurs de la République au quotidien. Nous sommes encore en phase de préfiguration. L'augmentation budgétaire est l'illustration de l'importance que nous accordons à ce projet. Nous voulons donner à notre jeunesse les moyens de trouver son chemin en répondant à un enjeu de mixité territoriale et de mixité sociétale. Malheureusement, la crise sanitaire n'a pas permis de vivre un temps de cohésion. La Nouvelle-Calédonie, non touchée par cette crise, a pu accompagner 88 jeunes de 15 à 17 ans. Chaque territoire sera évidemment accompagné.

Pour conclure, les associations sont au coeur de notre société d'engagement, de confiance et d'entraide. Elles donnent corps à la fraternité et à la citoyenneté que nous portons. Elles sont une école de la démocratie et de la citoyenneté. Le monde associatif représente 21 millions d'adhérents, 12,5 millions de bénévoles, 170 milliards d'euros de budget. Il constitue également un secteur économique à part entière avec 1,8 million de salariés, soit 10 % des emplois de l'économie nationale tous secteurs confondus.

Aujourd'hui, la première des réponses dans cette période de crise sanitaire est d'ouvrir l'ensemble des dispositifs économiques (prêt garanti par l'État, fonds de solidarité, chômage partiel) au monde associatif, sans exception. Cependant, au regard du besoin de soutien plus spécifique, nous avons alloué 100 millions d'euros supplémentaires pour préserver la particularité de la vie associative, dont 45 millions pour répondre à des besoins de trésorerie immédiats, en partenariat avec France Active ; 40 millions d'euros pour renforcer les fonds propres de structures associatives bousculées par la crise, en partenariat avec la Banque des territoires et 15 millions d'euros pour le soutien structurel à l'emploi, soit 2 000 emplois Fonjep (fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire).

Depuis 2017, le Gouvernement a souhaité donner un nouvel élan à la vie associative en travaillant à la pérennisation des emplois et en accompagnant le développement de groupements d'employeurs. Un emploi Fonjep représente un engagement de 7 000 euros par an sur trois ans. Il répond à un vrai besoin des associations de se projeter dans le temps. En tout, 39 millions d'euros sont alloués aux emplois Fonjep.

La reconnaissance et la valorisation du bénévolat constituent également un sujet de vitalité. Un budget de 12,5 millions d'euros a été octroyé au déploiement du compte engagement citoyen (CEC), soit une augmentation d'un million d'euros par rapport à la LFI 2020.

L'accompagnement des associations sur nos territoires a pour objectif de les aider à trouver des partenaires au travers de la fiscalité. La loi de finances 2020 prévoyait une franchise de 20 000 euros pour l'engagement de nos TPE et PME, traduisant l'esprit de la philanthropie à la française. Il s'agit là d'une convergence d'énergies et d'engagements.

Le FDVA représente 25 millions d'euros, auxquels s'ajoutera le versement des 20 % des comptes inactifs de l'année dernière. Ce versement, qui est le fruit du travail parlementaire, sera réalisé par la caisse des dépôts et consignations à hauteur de 15 millions d'euros et effectif dès l'année prochaine. En loi de finances rectificative, nous avons abondé de 5 millions d'euros supplémentaires le FDVA, ce qui porte à 45 millions d'euros le montant consacré au financement des associations.

Enfin, il me paraît important de revenir à la proposition de loi sur la trésorerie des associations, qui est actuellement examinée par le Sénat pour un vote en seconde et dernière lecture, je l'espère. Elle devra notamment permettre de répondre à un vrai besoin des parlementaires, lesquels souhaitent pouvoir siéger dans les commissions FDVA pour bénéficier d'une meilleure connaissance des associations et ainsi apporter un meilleur soutien financier à la trésorerie associative.

Pour conclure, notre volonté est évidemment de développer une société de l'engagement et de l'émancipation, avec un soutien à la vie associative et aux politiques jeunesse, tout en répondant à la diversité de notre jeunesse.

M. Laurent Lafon , président . - Je vous propose de passer aux questions des rapporteurs.

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire. - Je souhaite tout d'abord féliciter Mme El Haïry pour son comportement exemplaire lors de l'incident à Poitiers, le 22 octobre. Sa réaction est à l'image de ce que le ministre de l'éducation nationale porte depuis des années.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je vous remercie de votre exposé précis et concis. Vous avez parlé des défis sanitaire et républicain. Construire un budget de l'enseignement scolaire et de l'éducation nationale dans un tel contexte ne doit pas être chose aisée. À votre citation « Plus fort, plus grand » , j'ajouterai : « plus rapide », car vous êtes fortement mobilisés dans la course contre la pandémie.

À votre budget - important - s'ajoutent les crédits de plus de 2 milliards d'euros au titre du plan de relance. Quant à l'annonce faite hier sur les 150 euros de matériel informatique, elle rend compte de l'intérêt du distanciel. En attendant le Grenelle, il est évident que l'articulation des réformes pour le lycée et l'apprentissage peut être mise légèrement en sourdine.

J'aimerais vous interroger sur la diminution du nombre d'ETP dans le secondaire et l'augmentation des heures supplémentaires annuelles (HSA). Lors des auditions budgétaires, nous avons appris que ces heures n'étaient pas consommées, par manque d'enseignants ou parce qu'ils en effectuaient déjà deux ou trois par semaine. Chacune de ces HSA ouvertes pourra-t-elle être réalisée cette année ?

Les récents événements ont montré que l'école avait un rôle essentiel à jouer dans la transmission des valeurs de la République. À cet effet, il est nécessaire que les enseignants soient formés aux valeurs de la République et que ces formations ne soient pas seulement théoriques. Or, un rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale de 2019 sur l'application du principe de laïcité dans les établissements scolaires de l'enseignement public souligne que « le principe de laïcité, la connaissance de ses racines historiques et juridiques et de sa signification, ainsi que de ses règles d'application et sa portée restent très lacunaires chez beaucoup d'enseignants, certes à des degrés très différents selon leur discipline d'enseignement ». Selon un sondage de 2018 de l'IFOP pour le comité national de l'action laïque, 64 % des enseignants en poste n'ont pas bénéficié d'une formation initiale sur la laïcité. 94 % n'ont pas bénéficié d'une formation continue à ce sujet. Ceux qui ont suivi une formation de ce type expriment une forte insatisfaction, à hauteur de 40 % pour la formation continue et de 53 % pour la formation initiale. Comment bien former les enseignants et futurs enseignants aux valeurs de la République pour qu'ils puissent les transmettre de manière efficace à leurs élèves ? Comment les outiller pour leur permettre de faire face aux situations qu'ils rencontrent, y compris dans le primaire ? Parmi les 400 incidents notifiés lors de l'hommage à Samuel Paty, 80 (soit 21 %) ont eu lieu dans des écoles primaires.

M. Jacques-Bernard Magner , rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative . - Je vous remercie de cette présentation. Ma première question concerne la mise en place du service national universel. Je ne suis pas certain que ce volet nécessite un budget de 62 millions d'euros. En 2020, les 30 millions d'euros investis n'ont pas été consommés, pour les raisons que nous connaissons tous - sauf 8 millions d'euros. Il est regrettable de mobiliser une telle somme dans un dispositif dont nous n'avons jamais débattu démocratiquement dans nos assemblées. Il n'est pas normal que le Parlement ne soit pas saisi de ce sujet. Pourtant, les interrogations sont nombreuses. Ainsi, quel est son objectif ? Quel est son coût ? On parle à terme de 1,5 à 2 milliards d'euros. Si nous ne contestons pas le principe d'un service national universel pour 800 000 jeunes, nous voyons qu'il est déjà compliqué de le mettre en place pour 20 000 à 30 000 jeunes, a fortiori dans l'état sanitaire actuel. J'ai l'impression que 62 millions d'euros sont mobilisés pour une mesure qui ne pourra pas se déployer.

Je me félicite en revanche de l'accueil de 100 000 jeunes supplémentaires au titre du service civique. La création de missions supplémentaires de service civique faisait partie des recommandations du groupe de travail au sein de notre commission, que j'avais piloté au moment du premier confinement. Pour autant, le dispositif n'est pas pérennisé, car les missions supplémentaires sont inscrites au titre du plan de relance. Je pense que le service civique a fait ses preuves. 140 000 jeunes y participent aujourd'hui. Le précédent gouvernement souhaitait que 300 000 jeunes puissent bénéficier chaque année d'une mission de service civique. Je crains qu'à la fin de cette année, seule une faible partie des 62 millions budgétés du SNU n'ait pu être consommée.

Je souhaite également vous alerter sur la situation du tourisme social. De nombreux acteurs ont connu des pertes de chiffre d'affaires très importantes. Les classes de découverte ont été annulées et les colonies de vacances n'ont pas pu fonctionner selon les conditions habituelles. Le système des colonies de vacances apprenantes mérite d'être développé. Les taux de remplissage actuels des colonies de vacances sont actuellement très faibles. Il faut trouver des dispositifs pour soutenir le tourisme social.

M. Laurent Lafon , président . - Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, je vous invite à répondre aux questions des rapporteurs. Nous passerons ensuite aux questions des groupes.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Merci messieurs les rapporteurs de vos propos liminaires. Il est important d'avoir des points de convergence sur les sujets d'éducation, au-delà des groupes politiques. Les mesures de revalorisation à l'échelle annuelle ou pluriannuelle font aussi partie, à mon avis, des sujets susceptibles de remporter un consensus.

Vous m'avez interrogé sur la diminution des ETP dans le second degré. C'est une politique que nous assumons : la majorité des augmentations budgétaires se concentre sur le premier degré dans le cadre du rattrapage nécessaire. Le sujet pour la France n'est pas de créer des postes supplémentaires, mais de mieux affecter les moyens budgétaires dont nous disposons en termes d'ETP. La faible variation des ETP en valeur absolue au cours de ce quinquennat, parallèlement aux augmentations budgétaires en euros, va dans la bonne direction du point de vue du pouvoir d'achat des professeurs et du bon usage des deniers publics. En comparaison des autres pays de l'OCDE, nous avions un sous-investissement dans le premier degré, mais un investissement supérieur dans le second degré. Il est néanmoins exact que d'un point de vue démographique, la charge est plus lourde pour le second degré que pour le premier degré. La politique des heures supplémentaires permettra de maintenir un bon taux d'encadrement dans le second degré, tout en ayant à l'esprit que la vague démographique négative qui caractérise le premier degré va bientôt atteindre le second degré. Il en va de l'intérêt général de créer de la souplesse pour préparer l'avenir et mettre les nouveaux moyens au bon endroit.

En outre, avoir une politique du premier degré, c'est avoir une politique du second degré. Si vous êtes professeur de lettres en sixième, vous préférez enseigner à 24 élèves qui savent bien lire et écrire plutôt qu'à 22 élèves dont les savoirs fondamentaux sont peu ancrés. Il est important d'adopter une vision qualitative de la stratégie. Grâce aux HSA, nous avons pu préserver les taux d'encadrement au collège.

Par ailleurs, la réforme du lycée permet une meilleure gestion des moyens publics. La répartition dans les enseignements de spécialité est plus homogène. La réforme a permis plus de rationalité et le maintien des demi-groupes dans bon nombre de cas. Il est vrai qu'elle accentue l'autonomie des lycées. C'est un choix totalement assumé. L'équipe éducative doit pouvoir faire des choix pédagogiques à l'échelle de l'établissement. Le lycée reste la section de l'enseignement scolaire dans laquelle nous investissons le plus.

Nous avons débattu au moment de l'examen de la loi pour une école de la confiance de la formation des enseignants aux valeurs de la République. Les enjeux étaient aussi bien quantitatifs que qualitatifs. Nous souhaitions que tout futur professeur bénéficie d'une formation aux valeurs de la République. C'est désormais inscrit dans les textes. Notre conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République joue un rôle modal important pour définir le cadre de formation. Les normes sont décrites dans le vade-mecum « la laïcité à l'école ». Avec la secrétaire d'État, nous sommes très attentifs au développement de cette formation dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé). Nous sommes parfaitement conscients que le modèle républicain français est en jeu. Ce modèle, universaliste, repose sur le postulat de l'égalité des droits et n'opère aucune différence en raison du sexe, de la couleur de peau, de la religion ou de quelque autre critère. Nous assumons pleinement la nécessité de « rerépublicaniser » le système éducatif, de lui redonner son âme. Depuis la III e République, nous devons transmettre aux élèves non seulement des connaissances, mais aussi des valeurs. Contrairement à il y a une décennie, enseigner les valeurs de la République ainsi qu'une conception simple et ordinaire de la laïcité ne va plus de soi, sous l'effet d'une pente naturelle, mais aussi de coups de boutoir de certains secteurs. Nous assumons totalement cette politique de la laïcité, qui est aussi une politique de formation aux valeurs de la République. Nous nous donnons les moyens budgétaires pour ce faire, mais le sujet est moins d'ordre budgétaire que philosophique.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Messieurs les rapporteurs, votre questionnement sur le SNU est tout à fait légitime. Le déploiement de ce dispositif n'a pu avoir lieu en raison de la crise sanitaire. La parlementaire que je suis encore attend ce débat parlementaire, qui est nécessaire, mais nous sommes encore dans une phase de préfiguration. De fait, il faudra une loi pour permettre la généralisation du SNU. Nous aurons alors besoin d'un premier retour d'expérience. Jusqu'à présent, nous avons accueilli 2 000 jeunes. La commissaire aux finances que j'étais est attachée à la sincérité des comptes. Or, le budget de 2019 n'intégrait pas l'ensemble des coûts. L'augmentation de ce budget permet de « sincériser » l'investissement. Au final, le coût par jeune pour un mois de SNU obligatoire avoisine les 2 400 euros. Concrètement, le budget 2019 n'intégrait pas l'appui des armées et des collectivités territoriales, extrêmement important lors de la phase de préfiguration - ou encore celui de la SNCF. Nous voulons accueillir 25 000 jeunes d'ici la fin de l'année 2021. Vous l'avez dit, le service civique a fait ses preuves. Laissons également la chance au SNU de faire les siennes avant de le stabiliser. C'est une opportunité pour notre jeunesse. Nous souhaitons la création d'un service national par département. Nous avons dès lors besoin de l'expertise de l'ensemble de la représentation nationale pour le construire au plus juste et au plus près de la réalité de nos territoires. Il nous faut un état des lieux des forces et des faiblesses de ce projet, qui est avant tout citoyen.

Monsieur le sénateur, j'ai besoin de l'ensemble de la représentation nationale pour assurer la réussite des 100 000 missions supplémentaires au titre du service civique. Cette réussite nous conduira peut-être à la pérennisation du dispositif. En dix ans, le service civique a largement fait ses preuves : il est passé de 40 000 jeunes accueillis annuellement à 145 000 jeunes. Il faudra toutefois être attentif aux risques qu'entraîne cette forte augmentation en 2021 : la substitution à l'emploi, l'accompagnement citoyen. Le déploiement se fait grâce à de l'intermédiation associative.

Enfin, les colonies de vacances sont essentielles. Ces dernières sont sur une trajectoire descendante ces dernières années. Or, plus que jamais, nous avons besoin de ces temps de cohésion et d'apprentissage collectif. L'éducation populaire est l'un des lieux qui les rendent possibles. Le départ en vacances est un moment d'échanges et de construction qui permet à notre jeunesse de vivre des temps collectifs. Nous avons mis en place un fonds de soutien au secteur des colonies de vacances et des classes découvertes de 15 millions d'euros, porté par le Fonjep. Ce fonds permet de soutenir les structures qui gèrent les lieux d'accueil physique et les structures organisatrices. L'aide est comprise entre 1 500 et 20 000 euros pour chacune de ces structures. Ce plan d'aide a été construit en partenariat avec les acteurs du tourisme social. Il intervient en complément de l'aide de 150 millions d'euros portée principalement par France Active. Nous avons plus que jamais besoin de ces acteurs pour faire vivre notre engagement dans les valeurs de la République. D'une certaine manière, ce sont des hussards. Il ne faut pas les laisser s'affaiblir en cette période de crise, pour pouvoir les retrouver demain.

M. Laurent Lafon , président . - Merci. Je vais donner la parole aux représentants de chacun des groupes qui l'ont demandée, en commençant par Annick Billon, pour l'union centriste.

Mme Annick Billon . - Merci monsieur le président. J'aimerais féliciter Sarah El Haïry pour sa nomination à ce poste. Je connais son engagement sincère. C'est un plaisir de la retrouver dans ces fonctions.

Ce budget s'inscrit dans un contexte particulier, marqué par la crise sanitaire et le terrible assassinat de Samuel Paty. En préambule, je souhaite renouveler notre soutien à l'ensemble des personnels enseignants et saluer, monsieur le ministre, votre engagement. Depuis que vous avez pris ce poste, vous savez porter des convictions - qu'on peut ou pas partager - avec détermination. Vous avez réussi à avancer sur l'instruction obligatoire dès 3 ans et l'obligation de formation pour les 16-18 ans, ce qui est un moyen de lutter contre le décrochage.

Ce PLF prévoit un effort budgétaire considérable, avec une revalorisation des professeurs. Pouvez-vous nous préciser pour combien d'enseignants cette revalorisation sera effective ? À quelle hauteur se fera-t-elle ?

Pouvez-vous nous assurer que le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 ne se fera pas au détriment d'autres niveaux ? Ce dédoublement a été important pour donner plus de chances aux enfants de réussir et offrir de meilleures conditions de travail aux enseignants, mais n'y a-t-il pas un risque pour le second degré ?

En ce qui concerne l'école inclusive, l'augmentation des postes d'AESH s'est accompagnée de formations. Aujourd'hui, nous sommes en capacité d'offrir un accompagnement à la moitié des élèves en situation de handicap. Quand serons-nous en capacité d'accueillir tous les enfants en situation de handicap, avec un accompagnement adapté ? Qu'en est-il de la revalorisation de la rémunération des AESH ?

Par ailleurs et depuis de nombreuses années, le niveau des élèves est en constante diminution, malgré l'investissement important dans l'école. Comment l'expliquez-vous ?

Enfin, la rentrée 2020 a connu une chute du nombre d'élèves de moins de 5 ans. La crise sanitaire en est-elle la seule explication ?

M. Max Brisson . - Monsieur le ministre, j'aimerais vous interroger sur le Grenelle de l'éducation. L'hétérogénéité de l'équipement informatique et de la formation des enseignants a été révélée par le confinement. Comment la prime d'équipement pourra-t-elle résoudre cette problématique ? Il est également nécessaire de former les professeurs sur les sujets numériques. Quant à la prime d'attractivité, comment faire en sorte qu'elle soit efficace pour les jeunes professeurs, en particulier ceux qui exercent dans les territoires les plus difficiles ?

Permettez-moi aussi de vous faire part, monsieur le ministre, du mécontentement du Sénat au regard de la baisse du nombre d'enseignants dans les collèges et lycées agricoles, alors que le nombre d'élèves est en hausse pour la première fois depuis de nombreuses années. Tous les élèves méritent votre attention, comme vous l'avez souvent rappelé. Les établissements agricoles sont dans un état de grande fragilité financière.

En outre, les mesures de dédoublement décidées en CP et CE1 de REP et REP+ vont sans doute porter leurs fruits. Il n'en demeure pas moins que les résultats des évaluations en mathématiques et en français sont inquiétants. 12 % des élèves français ne maîtrisent toujours pas les compétences en mathématiques élémentaires à la fin du CM2 alors que la moyenne européenne est de 5 %. Quand les efforts en matière de dédoublement seront-ils récompensés ?

Je voudrais aussi vous interroger sur les choix des spécialités par les élèves de lycée. Certes, le choix des spécialités a « cassé » les filières traditionnelles. L'enquête de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) publiée le 13 novembre sur le choix des spécialités le montre. Toutefois, les spécialités restent socialement marquées. La doublette « mathématiques - physique/chimie » permet la réminiscence de l'ancien bac S. Je pense également à la doublette d'inspiration « Sciences Po » associant histoire-géographie, sciences politiques et mathématiques. Or, ces doublettes sont choisies par les élèves des catégories sociales les plus favorisées. Le choix des spécialités est également « genré ». Les filles représentent 80 % des effectifs de la filière langues et cultures de l'Antiquité, tandis qu'elles sont quasiment absentes des sciences de l'ingénieur. Comment allons-nous réduire ces disparités héritées ? Nous pourrions aussi évoquer les inégalités territoriales. Comment garantir un accès égal à l'enseignement dans les territoires les plus ruraux ? La question de l'offre des spécialités des petits lycées ruraux est posée en termes d'aménagement des territoires.

Enfin, je crois que la loi de 2004 offre un cadre solide pour garantir le respect de la liberté de conscience à l'école. Madame la secrétaire d'État, au nom des sénateurs de mon groupe, je tiens à vous témoigner de notre solidarité au regard des incidents qui se sont produits à Poitiers. Vous avez demandé à l'inspection générale de diligenter une inspection auprès de la fédération nationale des centres sociaux et socioculturels. Nous pouvons en effet nous interroger sur la nature de l'encadrement de ces 130 jeunes pendant quatre jours et à l'absence de toute alerte de la part des organisateurs. Vous auriez pu choisir de mettre cet incident « sous le tapis » pour ne pas faire de vague, mais ne l'avez pas fait. Bien au contraire, vous avez indiqué que ce serait une faute que d'agir ainsi. Madame la secrétaire d'État et monsieur le ministre, avez-vous une idée du nombre d'associations travaillant avec le ministère de l'éducation nationale et de la Jeunesse, que nous pouvons soupçonner de « se fourvoyer » et de mettre à mal notre pacte républicain ? Monsieur le ministre, la fin du « pas de vague » que vous avez initiée concerne-t-elle aussi les partenaires de l'école ?

Mme Marie-Pierre Monier . - Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, je tiens à saluer en premier lieu l'augmentation du budget de l'éducation nationale. J'ai néanmoins quelques questions sur la répartition de ces crédits.

Je voudrais revenir sur l'annonce d'un Grenelle de l'éducation. Il est effectivement nécessaire de réfléchir à l'avenir du métier d'enseignant en France. Cependant, je m'étonne que certains points encore en discussion soient déjà à l'ordre du jour de ce PLF. Je suis bien sûr favorable à la revalorisation salariale en début de carrière, mais quelles vont être les contreparties ? Si ces dernières sont trop élevées, je ne suis pas sûre que l'on puisse encore parler de revalorisation.

Je regrette la baisse des ETP dans l'enseignement secondaire - que vous entendez compenser par des HSA. Je voudrais savoir si, les années précédentes, les HSA ont été consommées ? En outre, les nouvelles HSA seront-elles dédiées à l'enseignement ou à d'autres dispositifs comme « devoirs faits »?

La crise de la covid-19 a eu des conséquences multiples en matière de santé et de psychologie. L'école est un lieu privilégié pour fournir des opportunités de soins aux publics les plus précaires ou diagnostiquer des symptômes que les familles ne détectent pas. Quels moyens supplémentaires sont-ils prévus pour les médecins et les psychologues scolaires afin de garantir une présence régulière dans tous les établissements scolaires du territoire ?

Une hausse importante du programme 214 est envisagée, avec 2 500 ETPT créés. Pouvez-vous indiquer à quoi correspond la hausse de 50 % sur l'international ? L'action 11 correspond-elle en partie au SNU ou aussi à la préprofessionnalisation ? Si oui, à quelle hauteur ?

Le budget formation est en augmentation de 10 millions d'euros. Quelle est la répartition entre les formations institutionnelles et disciplinaires ? Il semblerait que les enseignants ont une appétence plus forte pour les formations disciplinaires. Ces formations auront-elles lieu pendant les horaires de travail ou en dehors ?

En outre, l'on m'a alertée sur le fait que les séances annuelles d'éducation à la sexualité étaient parfois difficiles à mettre en place dans mon département, faute de personnel disponible. Avez-vous connaissance de cette problématique ? Ces séances sont-elles organisées dans tous les établissements ? Comment y veillez-vous ?

Par ailleurs, les directeurs d'école semblent épuisés par la gestion de la crise (mise en place des protocoles, organisation du distanciel, refus des parents de faire porter des masques à leurs enfants). N'auraient-ils pas besoin de plus de temps de décharge et d'un allègement des tâches non essentielles ?

Enfin, je m'associe aux inquiétudes face aux suppressions de postes dans les lycées agricoles. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Mme Céline Brulin . - Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, vous avez indiqué que le sujet n'était pas de créer des postes supplémentaires, mais d'opérer des rééquilibrages. Je pense que ce choix est discutable dans l'absolu, et plus particulièrement dans ce contexte sanitaire. C'est la troisième rentrée, après celles de septembre 2019 et de mai 2020, que nous vivons sous le signe de la covid-19. Nous devons proposer des dispositifs pour garantir la continuité de la scolarisation des jeunes.

À mon tour, je souhaite alerter sur la diminution des ETP dans le secondaire, qui crée beaucoup de problèmes, avec une mention particulière pour les lycées agricoles qui jouent aujourd'hui leur survie. Sur le terrain, la compensation par des heures supplémentaires ne fonctionne pas, car les professeurs ne les réalisent pas. En outre, ce dispositif permet moins de souplesse que des postes.

Vous avez évoqué un cadre pluriannuel en ce qui concerne la revalorisation des enseignants, mais intégrez ce dispositif dans des évolutions systémiques. Cela signifie-t-il que vous allez demander davantage aux enseignants, notamment en termes d'heures supplémentaires ? Si cela est le cas, ayons tous conscience que nous ne pourrons pas répondre à la crise des recrutements. Au-delà de la crise sanitaire, l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine a provoqué une véritable crise de sens dans la profession. Je pense qu'il faudra y être très attentif dans les mois et années à venir.

S'agissant du premier degré, je ne comprends pas bien la diminution du nombre de postes de stagiaires. Les postes censés répondre au dédoublement ne sont pas tous au rendez-vous, si bien que certaines classes restent surchargées. De la même manière, de nombreux dispositifs qui permettent de faire du sur-mesure et de l'accompagnement personnalisé manquent à l'appel. L'école française fait perdurer de lourdes inégalités. Je partage l'avis de ma collègue sur la nécessité d'accompagner les directeurs d'école dans le contexte actuel.

L'an passé, à la demande de nombreux sénateurs, vous aviez ouvert des postes dans le milieu rural, mais je constate que des pressions s'exercent sur les écoles à classe unique. J'espère que vous n'envisagez pas de faire marche arrière et que vous continuerez d'investir dans l'école en milieu rural.

En ce qui concerne les mesures de revalorisation, j'ai été frappée par le mécontentement généré par les primes qui ont été décidées à l'issue du Ségur de la santé. Le dispositif a été perçu comme étant à la source de nombreuses inégalités. De plus, il y a eu beaucoup d'oubliés. Je crains que les mesures que vous annoncerez n'aboutissent au même résultat. Par exemple, les AESH financés sur le hors-titre 2 ne vont pas pouvoir bénéficier des mesures visant à limiter la précarité de cette profession.

M. Julien Bargeton . - Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous préciser la trajectoire pluriannuelle d'évolution des rémunérations, au-delà de la question des primes ?

Je me réjouis par ailleurs de la forte progression des dépenses en faveur de l'éducation et de la jeunesse tout au long du quinquennat.

M. Thomas Dossus . - Je me joins à celles et ceux qui ont fait part de leurs inquiétudes relatives à la baisse du nombre d'ETP dans le secondaire. Monsieur le ministre, le réseau d'accompagnement des enseignants Canopé s'est avéré très efficace durant le premier confinement. Il a été fait état de 100 000 professeurs formés. Ma question porte sur l'avenir de ce réseau. Votre budget prévoit en effet une diminution de 45 ETP et de 2,2 millions d'euros. Nous pensons que le réseau Canopé doit être développé et pérennisé.

M. Laurent Lafon , président . - Chacun des groupes s'étant exprimé, monsieur le ministre et madame la secrétaire d'État, je vous propose de répondre à cette première série de questions.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - En matière de revalorisation des enseignants, deux piliers sont à considérer : la prime d'équipement informatique de 150 euros annuels pour tous les enseignants ; la prime d'attractivité qui concerne les professeurs ayant moins de 15 ans d'ancienneté, soit 35 % des enseignants. Cela ne préjuge en rien des années suivantes.

Le sénateur Brisson a eu raison de souligner l'hétérogénéité des équipements informatiques. Les besoins peuvent être différents. Dans le cadre des discussions avec les organisations syndicales, la prime d'équipement informatique s'est imposée comme la solution apportant le plus de souplesse dans l'accompagnement des professeurs. Cette prime constitue un signal sur l'importance du numérique dans le métier d'enseignant. Nous pouvons concevoir qu'elle soit augmentée au fil des années. Nous entrons dans un monde ultra-technologique et certains concluent hâtivement à la disparition du métier de professeur. J'estime que l'être humain professeur doit au contraire prendre une place de plus en plus importante dans ce monde-là. Les moyens que nous consacrons à l'enfance et à l'adolescence doivent aussi être renforcés.

Les évolutions du métier d'enseignant figure parmi les questions évoquées lors du Grenelle de l'éducation. J'ai utilisé à plusieurs reprises l'expression « évolution systémique ». Le terme « contreparties », en revanche, me paraît peu adapté, car nous ne sommes pas dans un système binaire dans lequel une revalorisation s'accompagnerait de devoirs supplémentaires pour les professeurs. Je préfère parler d'une logique « gagnant-gagnant ». La rémunération n'est pas le seul enjeu. Il faut également tenir compte des conditions de travail, du logement des jeunes professeurs et de la santé préventive des professeurs. Nous devrons sortir du Grenelle avec des éléments concrets de progrès. Quant à la carrière des professeurs, nous devons réussir à donner plus de satisfaction aux professeurs dans leurs désirs d'évolution, dans le cadre d'une gestion des ressources humaines de proximité. Cette modernisation générale est en jeu. Toutes les avancées positives en faveur des professeurs sont aussi positives pour les élèves.

Nous savons par ailleurs que la formation continue crée de l'absentéisme dès lors qu'elle est dispensée durant le temps scolaire. Nous devons donc rémunérer la formation continue effectuée hors temps scolaire. Voici un exemple d'une logique « gagnant-gagnant ». L'évolution systémique n'est pas à craindre. Au contraire, nous visons un épanouissement général.

Vous m'avez demandé si le dédoublement des classes ne se faisait pas au détriment du second degré. Nous assumons une politique qui octroie plus de moyens au premier degré. Il n'y a pas de vases communicants, mais des moyens propres sont dédiés au dédoublement des classes dans le premier degré. De même, ce n'est pas parce qu'on dédouble les classes en CP et CE1 qu'il y a des classes de CM2 plus chargées. À Paris, nous comptabilisons en moyenne trois élèves en moins par classe dans l'enseignement primaire. Des exceptions sont certes possibles. Nous avons pu garantir une amélioration du taux d'encadrement pour chaque rentrée, département par département, commune par commune.

Vous m'avez par ailleurs interrogé sur les AESH. 380 000 élèves en situation de handicap sont accueillis cette année et 150 000 sont accompagnés par des AESH. Tout élève en situation de handicap n'a pas forcément besoin d'un AESH. Ce sont les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qui prennent la décision en fonction des besoins. L'objectif des PIAL est d'utiliser nos moyens au plus près du terrain, quantitativement et qualitativement. Il est souhaitable qu'un élève en situation de handicap bénéficie de l'accompagnement du même AESH tout au long de l'année, mais aussi d'une année sur l'autre. La politique des PIAL permet cet accompagnement au long cours. Auparavant, au cours de sa scolarité, un élève voyait se succéder des AESH en contrats aidés. À l'échelle d'un PIAL, nous pouvons mener des formations, une politique de ressources humaines et apporter une vision territoriale. Nous les déployons dans le but de les généraliser à la rentrée 2021. Nous souhaitons également valoriser le métier d'AESH, notamment en permettant davantage de plein-temps - rémunérés environ 1 100 euros. Les AESH travaillent souvent à temps partiel, rémunéré 700 à 800 euros, ce qui est faible. Leur rémunération pourra aussi être revalorisée en tant que telle. En trois ans, nous avons créé un « continent RH » à l'éducation nationale. Les AESH représentent plus de 100 000 personnes en CDD et CDI. Nous considérons que les AESH font partie intégrante de l'éducation nationale. Nous avons ainsi créé des AESH référents à l'échelle de chaque département, offrant une évolution de carrière intéressante pour les personnes concernées et permettant une meilleure attention à leur vie quotidienne. Certes, tous n'est pas parfait. Mais nous faisons en sorte d'améliorer la situation. Ainsi, le travail consacré à la préparation de la rentrée et la montée en puissance des dispositifs ont permis de réduire le nombre d'appels des parents sur le numéro vert unique. Cette semaine, le comité interministériel sur le handicap que nous avons organisé avec le Premier ministre a permis de faire le point sur ces enjeux, en présence des associations. Des progrès ont été faits, même si bien sûr il en reste à faire.

Depuis les années 1980, nous constatons une augmentation de 50 % du budget de l'éducation nationale et une chute du niveau des élèves. Ces données cachent des enjeux de société et de mondialisation (baisse de la lecture et de l'exercice physique au profit des écrans), mais aussi des enjeux proprement français. Je ne dirais pas que le niveau est en train de chuter ; j'affirme le contraire au regard des évaluations annuelles. La chute que nous avons observée au début de l'école élémentaire, début 2020, est conjoncturelle, car liée au confinement. Elle nous ramène un an en arrière. Nous avons été sur un chemin de progrès au travers du dédoublement des classes de CP et de CE1, de la concentration des savoirs fondamentaux ou encore des plans de formation « français » et « mathématiques » au titre de la formation continue des enseignants. Les progrès réalisés en 2018 et 2019 ont été perdus en 2020 du fait du confinement. Au cours de cette année 2020-2021, j'espère que nous ferons mieux que de rattraper l'année perdue. Enfin, les élèves entrés en sixième cette année ont un meilleur niveau que ceux de l'année dernière. L'objectif de sortir de l'école primaire avec des savoirs fondamentaux consolidés est en progression. Je ne veux donc alimenter aucun pessimisme sur ce sujet. Le volontarisme pédagogique sur l'école primaire porte ses fruits.

La baisse du nombre d'ETP dans les lycées agricoles est un sujet relevant du ministre de l'agriculture. Je précise cependant qu'elle est très modérée (80 ETP) et que le taux d'encadrement demeure très favorable. L'enjeu majeur était surtout de permettre une augmentation du nombre d'élèves, ce que nous avons réussi conjointement avec le ministère de l'agriculture. Nous ne considérons pas du tout l'enseignement agricole comme un concurrent, mais comme faisant partie du service public de l'éducation. Cela nous a conduits à déployer des campagnes d'incitation à rejoindre l'enseignement agricole. L'enseignement agricole a augmenté les seuils de dédoublement de 16 à 19. La capacité des lycées agricoles à accueillir plus de jeunes est ainsi maintenue.

Quant au baccalauréat, la dimension genrée des spécialités est un sujet pour lequel nous revenons de loin. L'enseignement de spécialités permettra des politiques de mixité volontaristes. Les résultats ne seront visibles que dans plusieurs années. Nous savons bien que l'enseignement de sciences numériques et informatiques est plutôt choisi par des garçons. C'est précisément parce que ces matières constituent un objet en soi que nous pouvons inciter les filles à s'y inscrire - et inversement, inciter les garçons à rejoindre des spécialités plutôt choisies par les filles. Nous pouvons désormais mener des politiques ciblées pour « dégenrer les choix ».

Vos contributions sénatoriales nourrissent le Grenelle. La représentation nationale a donc toute sa place. Vous avez la possibilité de participer aux ateliers de ces trois prochains mois.

Enfin, c'est ensemble, avec Sarah El Haïry, que nous avons réagi à l'incident de Poitiers. Je vous confirme que la philosophie allant à l'encontre du « pas de vague » va s'appliquer aux partenaires de l'éducation nationale. Nous avons réagi à cet incident de manière structurelle. Compte tenu de notre attention portée aux temps de l'enfant, il serait absurde de voir se produire, dans le temps périscolaire, des événements qui ne vont pas dans le sens des valeurs de la République. Nous devons être très clairs sur ce point vis-à-vis des associations partenaires. Je remercie la secrétaire d'État de sa réaction.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Les mesures que le ministre applique à l'école, nous avons le devoir de les déployer à l'extérieur de l'école. Aujourd'hui, 15 000 structures disposent d'un agrément jeunesse et éducation populaire. Cet agrément est extrêmement exigeant. Avec le soutien du ministre de l'éducation nationale, nous mènerons autant de contrôles d'accompagnement que nécessaire. Nous le devons à nos enfants et à notre pays. Nous travaillons aussi, en lien avec les acteurs de l'éducation populaire, afin de passer d'un respect des valeurs de la République, à un travail de promotion de ces valeurs, c'est-à-dire permettre aux structures et aux enfants de jouer un rôle actif.

Au lendemain de l'attentat dont a été victime Samuel Paty, nous avons d'ailleurs publié une déclaration solennelle de promotion des valeurs de la République. Ce n'est que la première pierre annonciatrice d'un ensemble de travaux. Nous n'avons pas le droit de ne rien faire ou ne pas dire.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Le dispositif « devoirs faits » s'adresse à tous les collèges et toutes les familles, notamment celles des élèves les plus en difficulté. Toute personne qui constate que le dispositif « devoirs faits » n'est pas proposé dans son établissement peut nous le signaler.

J'essaierai de répondre par écrit à la question sur les moyens pour l'international.

Le dispositif de formation inclut plusieurs types de formation continue, au niveau académique et national. Au niveau national, nous disposons des plans français et mathématiques. Le plan mathématiques est une formation très moderne, conçue de façon horizontale, avec une logique de laboratoire de mathématiques et un enseignement par les pairs. L'objectif est de systématiser pour tous les enseignants du premier degré une formation leur permettant l'accès à l'avant-garde de la didactique et ce, afin de consolider les fondamentaux des élèves, à la suite du rapport Villani-Torossian. D'ici cinq années, tout enseignant aura suivi cette formation. On nous reproche d'avoir une offre de formation continue trop normative avec les plans français et mathématiques. Je l'assume en lien avec la volonté de consolider les savoirs fondamentaux. En outre, l'offre de formation doit s'étoffer pour répondre aux désirs des professeurs. Cette évolution fait partie des enjeux du Grenelle.

J'ai pleinement assumé la transformation de Canopé. La diminution de son budget ne remet pas en cause ses missions, celles-ci ayant été recentrées sur la formation continue à distance. Depuis le confinement, 100 000 enseignants ont été formés via Canopé. Il s'agit plutôt d'une nouvelle articulation entre les moyens des rectorats et les moyens déconcentrés de Canopé dans les académies. Canopé est donc réassuré dans son existence et ses missions, et modernisé. Le projet « Poitiers, capitale de l'éducation » permet de donner leur pleine force à Canopé, au CNED, à notre école des cadres (IH2EF) ainsi qu'à d'autres structures de la région poitevine. La diminution de 45 ETP et de 2 millions d'euros est en réalité très faible par rapport aux hypothèses envisagées dans de précédents rapports.

Concernant l'éducation à la sexualité, une circulaire a été établie en lien avec Marlène Schiappa, alors secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il est demandé aux établissements d'organiser trois séances par an, avec des caractéristiques pédagogiques adaptées à l'âge des élèves, et un contenu très différent entre ce qui est présenté à l'école primaire et dans le secondaire. Si ces trois heures ne sont pas effectuées, cela doit être signalé. Il ne serait pas normal que cette directive ne soit pas suivie.

Les HSA ne sont pas moins souples. Au contraire, leur caractéristique principale est leur souplesse. Les consommations d'HSA correspondent à une heure et demie par enseignant du second degré. Les augmentations que nous avons décidées entraînent cinq minutes de cours en plus par enseignant, soit 1 heure 35 d'HSA par enseignant. Cet effort n'est pas inabsorbable. Certains professeurs apprécient les HSA et d'autres non. En proposer davantage à ceux qui les apprécient, et moins à ceux qui les aiment moins, est un élément de souplesse. Cela nous permet de préparer le futur. Les moyens que nous consacrons au premier degré sont destinés à permettre une amélioration du niveau des élèves à leur arrivée dans le second degré. Il s'agit également de tenir compte de l'évolution démographique à venir. Faire un budget, c'est faire des choix. L'objectif n'est pas de faire des économies puisque le budget est en forte hausse, mais de concentrer nos moyens là où ils permettront une amélioration du niveau de nos élèves. Il pourrait être plus commode pour moi de procéder à des saupoudrages, mais il me semble plus pertinent dans la durée de faire les choix qui sont les miens.

Vous avez souligné à juste titre que les évaluations continuaient à montrer des inégalités, impliquant des moyens supplémentaires au premier degré pour les compenser. C'est ce que nous faisons. La division par deux des classes en REP et REP+ est à ce titre emblématique. Elle a permis de diminuer les inégalités entre 2017 et 2019. Elles ont à nouveau augmenté en 2019-2020 : le confinement est plus dommageable pour les élèves de milieux défavorisés que pour les élèves de milieux favorisés, c'est une réalité mondiale. Fondamentalement, nous devons donc agir pour ne pas fermer les écoles dans les semaines et mois à venir. C'est un enjeu social et sociétal primordial.

Vous dites aussi qu'il faut épauler davantage les directeurs d'école. C'est le sens de plusieurs mesures qui ont déjà été prises et d'autres mesures à venir. Une proposition de loi, à l'initiative de la députée Cécile Rilhac, votée en première lecture à l'Assemblée nationale, vise à aider les directeurs d'école. Nous prenons également des mesures infralégislatives, y compris dans le cadre des mesures annoncées hier. 1 500 ETP seront ainsi déployés pour permettre aux directeurs d'école de libérer du temps : 900 ETP déjà existants, mais qui vont réellement être consommés et 600 ETP supplémentaires. Nous engagerons également plus de jeunes au titre du service civique à l'école, et une prime de 450 euros sera versée fin novembre 2020 aux directeurs d'école. Des moyens supplémentaires sont également à l'étude dans le cadre du Grenelle.

Vous constatez sur le terrain des pressions sur les écoles à classe unique et m'interrogez sur un risque de marche arrière dans notre politique de soutien à l'école rurale. Je suis attaché, comme vous, à éviter les fermetures d'écoles en milieu rural. Donc il n'y aura pas de marche arrière. Je rappelle que les écoles à classe unique, lorsqu'elles sont bien faites, sont très profitables pour les élèves. Mais il faut du volontarisme qualitatif pour permettre à l'école rurale de renforcer son attractivité aux yeux des familles. C'est le sens de la politique que nous menons et certains des sénateurs ici présents y ont joué un rôle actif.

Les suppressions des postes de stagiaires dans le premier degré sont un effet de la réforme. Là où il y a moins de stagiaires, il y a plus de titulaires et d'alternants. Les moyens d'enseignement sont stables.

Je vous remercie de votre avertissement au sujet des primes et des frustrations qu'elles pourraient susciter. Nous nous sommes efforcés de concevoir une prime quasiment universelle. Il faut être capable de faire de la différenciation légitime tout en faisant attention à l'équité générale. Ce travail nous attend, y compris pour les AESH.

M. Bargeton a par ailleurs évoqué la trajectoire pluriannuelle pour les rémunérations. C'est l'un des buts du Grenelle. La prochaine étape est la loi de programmation pluriannuelle. J'espère revenir vers vous dans le courant de l'année 2021. Il s'agit d'un sujet d'unité nationale. Je crois que tout le monde perçoit l'enjeu de l'amélioration de la rémunération des professeurs et de la modernisation de notre système.

Mme Laure Darcos . - Monsieur le ministre, nous commençons à observer une diminution du nombre d'élèves à Paris, comme dans toutes les métropoles. La covid-19 a entraîné une accélération de cette évolution, car de nouveaux habitants s'installent dans les zones suburbaines, voire rurales. En Essonne, nous constatons un accroissement important de la population des jeunes et risquons de constater une saturation des classes. Nous souhaitons aborder le sujet avec vous.

Je vous avais alerté sur le fait que plus de 300 lycéens se sont retrouvés sans affectation jusqu'au 15 septembre, notamment en STMG. Il y a un vrai problème dans certaines filières. Vous n'en avez pas parlé.

Vous n'avez pas non plus parlé du bac professionnel. Comme je l'avais fait pour les stages de troisième, je voulais vous alerter sur les stages nécessaires pour la validation des bacs professionnels. De nombreux jeunes sont en plein désarroi, ne sachant pas auprès de quelle entreprise réaliser leur stage.

Pouvez-vous évoquer les cités éducatives, alors qu'une deuxième édition devrait être lancée ? J'ai déposé un dossier concernant Saint-Michel-sur-Orge et Sainte-Geneviève-des-Bois. La première édition avait été un peu décevante. Les villes concernées étaient le plus souvent déjà situées en REP+. La deuxième édition des cités éducatives accordera-t-elle plus d'attention aux projets alternatifs ?

En outre, mes collègues et moi avons beaucoup été sollicités sur la question des listes complémentaires aux concours. Au regard de la difficulté à recruter des enseignants dans certaines disciplines, nous ne comprenons pas pourquoi les candidats des listes complémentaires ne sont pas intégrés.

Il y a eu un certain émoi parmi les médecins et infirmiers scolaires à la suite des propos du Premier ministre sur leur décentralisation. S'agissant de la covid-19, nous comptons sur eux pour tester les élèves. Quid de leur formation et du temps qui leur sera octroyé pour cette opération ?

Mme Catherine Morin-Desailly . - Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, ma première question porte sur les hausses budgétaires. Nous pouvons nous réjouir des hausses annoncées pour renforcer le cycle primaire, mettre l'accent sur l'école inclusive et sur le numérique. Quelle sera la déclinaison de l'enveloppe de 91 millions d'euros allouée au numérique ? Une partie de ces investissements est-elle dédiée aux formations ? Lors des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance, nous avions insisté sur la nécessité d'une formation au numérique et avions amendé le texte en conséquence. Ces investissements portent-ils également sur le matériel ? Quid de leur articulation avec ceux réalisés par les collectivités territoriales ? Celles-ci ont fortement investi dans le cadre de la crise sanitaire pour favoriser le retour des élèves à l'école. Il est bon de montrer que l'effort conjoint du ministère et des collectivités a permis une reprise dans les meilleures conditions possibles. En ce sens, pour reprendre vos termes, nous avons constaté un « volontarisme qualitatif » dans les territoires.

Ma dernière question concerne la priorité donnée à l'éducation des jeunes, à la citoyenneté et aux valeurs de la République. Nous sortons d'une audition avec la ministre de la culture sur la chaîne France 4, dont la suppression avait été annoncée à l'époque par Françoise Nyssen. La crise a montré que cette chaîne pouvait être utile si elle était complètement « rééditorialisée » et acquise à la jeunesse. Cette chaîne, qui a fait ses preuves, est néanmoins en sursis pour encore une année. Ne croyez-vous pas qu'il est urgent de dédier une chaîne de notre service public à la jeunesse plutôt que d'éparpiller les programmes sur d'autres chaînes ? Cette chaîne présente en outre l'intérêt d'être dépourvue de publicité.

M. Stéphane Piednoir . - Madame la secrétaire d'État, à la suite des incidents survenus à Poitiers, vous avez diligenté une inspection de la fédération des centres sociaux. Avez-vous une indication de temps pour la livraison du rapport ?

Comme les rapporteurs, je me félicite des hausses de crédits substantielles. Vous avez parlé de travail d'équipe. J'aimerais, pour ma part, revenir sur un épisode qui a eu lieu lors du premier confinement au sujet de la carte scolaire. À l'initiative de certains sénateurs, nous avions obtenu de votre part la non-fermeture de classes sans l'accord spécifique de chaque maire. Je vous ai entendu évoquer un encadrement de l'instruction en famille - pour ne pas dire une interdiction stricte de l'instruction en famille. Cet encadrement est-il déjà acquis ou l'expression du Parlement aura-t-elle son poids dans la décision finale ?

S'agissant de la revalorisation du métier de professeur, je prends acte des annonces que vous avez faites. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez fait le choix des primes, plutôt qu'une revalorisation du point d'indice ou de la grille indiciaire ? En effet, une prime peut être effacée d'une année sur l'autre.

M. Cédric Vial . - Le ministère de l'éducation nationale est, même en temps calmes, une des charges les plus importantes et les plus difficiles de notre République. Or, les temps sont loin d'être calmes en ce moment. Je voudrais vous adresser un compliment, monsieur le ministre, et vous poser une question. Dans cette période de crise, vous avez souvent eu des mots forts et justes. J'aimerais témoigner d'une méthode, pour avoir eu à représenter l'association des maires de France, dans le cadre de sa commission « éducation », avant de prendre mes fonctions ici. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas eu l'occasion de faire un tel travail de coopération avec les maires. La gestion de la crise sanitaire n'a pas été de tout repos pour le couple maire-directeur d'école. Avant la crise, les directeurs d'école avaient déjà fait savoir leurs besoins d'appui administratif. Ceux-ci sont encore plus importants actuellement. Or, je n'ai pas réussi à en trouver une traduction budgétaire dans le PLF 2021. Au-delà du recours à des volontaires du service civique, quelles pistes explorez-vous pour aider les directeurs d'école ?

Madame la secrétaire d'État, j'ai rencontré quelques difficultés à percevoir la cohérence des différents dispositifs en faveur de la jeunesse. Nous savons bien que les effets de la crise sanitaire sur la jeunesse sont encore plus forts que pour le reste de la société. Résultats scolaires en baisse, vie sociale atrophiée, insertion professionnelle hypothétique : la jeunesse est blessée. Dans ce projet de loi de finances, le traitement principal repose sur le SNU et le service civique. Vous parliez de 6 % d'augmentation pour le budget consacré à la jeunesse, soit 40 millions d'euros, dont 30 millions consacrés au SNU. Ce n'est pas un doublement, mais un réajustement du budget du SNU pour tenir compte d'une situation préexistante. La maille se rétrécit. Je partage les réserves de Jacques-Bernard Magner.

Pour le service civique, vous annoncez le passage de 145 000 à 245 000 missions en un an. Or, il a fallu 10 ans pour passer de 45 000 à 145 000 missions. Vous affichez une ambition forte : connaître une augmentation dans des proportions proches, mais en une seule année, dans le contexte sanitaire actuel, et avec un monde associatif en difficulté. Je crains que le traitement proposé ne soit qu'un placebo. Pensez-vous réellement pouvoir atteindre l'objectif des 100 000 missions supplémentaires en une seule année, alors que la plupart des missions prévues en 2020 n'ont pu être lancées ou menées à terme ? Si oui, comment comptez-vous y arriver ?

Mme Sonia de La P rovôté . - J'ai trois questions. La première reprend celle de Laure Darcos concernant le recrutement sur les listes complémentaires. Où en sommes-nous ? D'autres ministères le font. S'ils sont inscrits sur les listes complémentaires, c'est que les candidats ont montré un certain nombre de compétences. Les difficultés de recrutement sont réelles dans l'éducation nationale.

Ma deuxième question porte sur l'école en milieu rural et le dédoublement des classes dans des écoles classées quintile 1, c'est-à-dire particulièrement fragiles sur le plan social et éducatif. Avez-vous avancé sur le déploiement de cette mesure à l'échelle du pays ? Est-il envisagé de reconduire le moratoire que nous avions obtenu pour le milieu rural, en raison du contexte particulier de cette année ? Les conditions qui avaient conduit l'année dernière à cette décision sont les mêmes aujourd'hui.

Ma dernière question porte sur les AESH et leur prise en charge financière par l'éducation nationale sur le temps périscolaire, notamment le temps de cantine - essentiel pour l'inclusion des enfants. En la matière, les interprétations sont divergentes. Dans certains départements, l'éducation nationale prend tout en charge. Certaines MDPH font une distinction entre le temps scolaire et le temps périscolaire. D'autres considèrent que c'est un tout. On ne peut pas découper le temps des enfants, afin qu'ils puissent avoir un bénéfice maximal de leur scolarité. Il faut traiter cette question définitivement.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - S'agissant de la question démographique et de la désertion du centre-ville par certaines familles et de saturation dans les communes périphériques, le système français permet un ajustement dans les jours qui suivent la rentrée. Je vous confirme que le taux d'encadrement s'améliore, département par département. L'Essonne n'a donc pas vocation à voir son taux d'encadrement se dégrader dans le premier degré. La trajectoire de 2019 à 2022 vise bien l'amélioration permanente du taux d'encadrement dans le premier degré à l'échelle départementale et nationale.

Les stages des élèves sont évidemment un réel problème, notamment ceux des établissements d'enseignement professionnel. Nous procéderons aux assouplissements nécessaires et mènerons une politique volontariste vis-à-vis des secteurs public et privé pour permettre aux élèves de trouver des stages.

Le sujet des cités éducatives est copiloté par notre ministère et celui de la ville. Les 80 premières cités éducatives ont été accueillies avec un certain enthousiasme et nous observons les premiers résultats. Je rappelle que leur vocation est de nous permettre de disposer d'une vision complète des facteurs sociaux de la réussite scolaire de l'enfant et du temps scolaire. Sommes-nous redondants dans l'allocation des moyens ? J'entends votre demande d'aller sur des territoires qui n'ont pour l'instant pas été aidés et qui en ont besoin. Parfois, la philosophie de la cité éducative peut s'appliquer au travers de la mobilisation de moyens autres que ceux alloués aux cités éducatives. Nous souhaitons être « contagieux » dans le bon sens du terme, grâce à une approche complète des cités éducatives.

Dans le premier degré, nous avons appelé 897 postes des listes complémentaires, soit une proportion importante. Je rappelle que nous pouvons le faire jusqu'à un mois après la rentrée. Nous avons aussi créé des postes en cours d'année pour la rentrée suivante, ce qui est très rare.

S'agissant des médecins et infirmiers scolaires, nous rencontrons un problème structurel qui n'est pas que d'ordre budgétaire. Nous avons vocation à renforcer l'attractivité de ces postes dans le cadre du Grenelle de l'éducation, que ce soit sur le plan organisationnel ou financier.

Je vous remercie d'avoir noté l'ambition numérique qui transparaît dans ce PLF. L'enveloppe de 91 millions d'euros vise à doter les écoles primaires du socle d'équipements indispensables pour les usages du numérique éducatif, notamment les écoles rurales. Ce dispositif vient en complément des actions réalisées par les collectivités territoriales et d'initiatives du même ordre que nous avons prises. Je pense en particulier au plan investissements d'avenir et aux expérimentations du tout numérique qui se déroulent actuellement dans le Val-d'Oise et l'Aisne. C'est en effet un sujet de partenariat avec les collectivités locales.

Vous m'avez aussi posé la question de l'avenir de la chaîne France 4. Il y avait, comme pour Canopé, une crise d'identité de France 4. Le confinement nous a amenés à créer le label « Nation Apprenante », avec une très forte coopération entre l'éducation nationale et les acteurs. France 4 a été un acteur marquant. Ma position est très claire : il y a un avenir pour France 4 et l'éducation nationale est là pour contribuer à son développement. Les synergies entre France 4 et Canopé sont évidentes en matière de créations de contenus. Je souhaite remercier tous ceux qui y ont travaillé. L'opération « Nation Apprenante » a été décidée un mardi matin. Dès le lundi suivant, les contenus de France 4 faisaient un record d'audience. Cela dit quelque chose de l'agilité et du professionnalisme de nos équipes, ainsi que de celles de France 4, de nos professeurs et de l'inspection générale. Mais cela montre également le potentiel d'attractivité de ces programmes qui ont été regardés par les enfants, leurs parents et grands-parents.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Pour répondre à la question de Stéphane Piednoir au sujet de l'inspection lancée auprès de la fédération des centres sociaux, les inspecteurs nous transmettront leur rapport le 15 décembre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Nous évoquerons l'encadrement de l'instruction en famille lors de la présentation du projet de loi contre le séparatisme. Dans la continuité des mesures prises pour instaurer l'instruction obligatoire à 3 ans, nous considérons que l'instruction en famille doit être l'exception - essentiellement pour des questions de santé. L'enjeu est majeur. Il ne s'agit pas seulement de lutter contre l'enrôlement religieux des enfants dès le plus jeune âge, mais aussi plus généralement d'éviter les dérives sectaires ou sociales. Nous savons que dans le rural profond, certains élèves échappent à l'école maternelle et ont ensuite des retards qu'il est très difficile à rattraper à l'âge de l'école élémentaire. L'école maternelle est fondamentale pour tous les enfants. Rappelons que plusieurs pays l'imposent déjà. L'Allemagne, la Suède et l'Espagne le font déjà. Il s'agit autant d'un sujet de défense de la République que de protection des droits de l'enfant. Il s'agit d'ouvrir aux enfants l'épanouissement que permettent la sociabilité et l'éducation.

Quant à la revalorisation, nous n'excluons pas une revalorisation des salaires, mais ne pouvons pas préjuger de l'issue du Grenelle. Les primes permettent une certaine souplesse ; elles permettent notamment d'envisager de nouvelles hausses les années suivantes. Agir sur les salaires a des conséquences sur les grilles de la fonction publique. La prime d'attractivité que nous avons mise en place pour 2021 correspond à une nouvelle catégorie de primes. Elle est concentrée sur les quinze premières années afin de revaloriser le début de carrière. Nous pouvons imaginer que cette prime soit augmentée et étendue aux années suivantes, pour certains professeurs. En matière de revalorisation, il y aura à la fois une dimension universelle et une dimension particulière : il faut à la fois rehausser le niveau général des rémunérations et reconnaître les spécificités - par exemple, celles des directeurs d'école.

En matière d'appui administratif pour les directeurs d'école, de nombreuses mesures ont été prises. Tout d'abord, il convenait d'alléger leurs tâches en diminuant le nombre de sollicitations administratives. Nous avions pris cette mesure il y a un an. Nous continuerons à y oeuvrer, en lien avec les organisations syndicales. Ensuite, nous devions leur donner du temps avec plus de décharge, et leur garantir au minimum deux jours de formation par an. Outre le service unique, ils pourront bénéficier d'aides administratives complémentaires, en lien avec les collectivités territoriales. Chaque école est unique. Il y avait des expériences plus ou moins réussies avec les contrats aidés. À nous d'en tirer les enseignements pour la mise en place d'une aide par les volontaires du service civique et les aides administratives.

Enfin, le déploiement de notre dispositif de préprofessionnalisation - pour lequel nous prévoyons 900 recrutements cette année, en complément des 700 recrutements de l'année dernière - facilitera la prise en charge de petits groupes d'élèves, notamment dans les classes des directeurs d'école.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État . - Le SNU n'est pas un dispositif additionnel, mais doit être conçu comme une matrice des politiques jeunesse. Il doit d'ailleurs permettre de promouvoir les valeurs de la République, d'identifier et accompagner les décrocheurs, ainsi que de déceler certaines pathologies. Le SNU est donc au service des jeunes.

80 % des services civiques entrepris cette année ont été menés à bien ou sont en cours de réalisation. Les structures et l'agence du service civique ont su adapter les missions au contexte sanitaire. Je crois à l'atteinte de notre objectif de 100 000 missions de service civique, car notre jeunesse a montré une vraie appétence à y participer. Le PLF prévoit en outre un accompagnement renforcé de l'agence du service civique à travers 13 recrutements supplémentaires. Les collectivités territoriales et les associations se sont également mobilisées. Je souhaite que ce dispositif soit déployé sur l'ensemble de nos territoires pour donner les mêmes chances à toute notre jeunesse. Il ne doit pas créer d'inégalités territoriales accrues.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Dans le second degré, nous faisons également appel aux listes complémentaires. Il n'était pas possible de porter ces recrutements à 4 000 postes, mais plusieurs titularisations ont eu lieu.

En ce qui concerne l'école en milieu rural, je ne sais pas si nous envisagerons un moratoire. Nous travaillerons avec vous pour bien cerner les phénomènes. En revanche, nous avons consacré des moyens importants au premier degré en milieu rural pour sauvegarder les écoles en cette rentrée.

Enfin, le temps méridien des AESH pose problème. Le Conseil d'État rendra son avis ce vendredi. Je souhaiterais qu'un AESH puisse intervenir de manière continue. Nous en examinerons la possibilité sur le plan juridique.

M. Laurent Lafon , président . - Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, merci de vos réponses précises et du temps que vous avez accordé à la commission. Nous sommes très attentifs à tous les sujets qui concernent l'école, la jeunesse et la vie associative. Nous aurons plaisir à poursuivre ces échanges dans l'hémicycle dans quelques jours.


* 1 La notion de « postes » Fonjep recouvre le versement par l'État d'une subvention d'un montant de 7 164 euros. Il ne s'agit pas du financement à proprement parler d'un emploi.

* 2 Projet annuel de performance de la mission « plan de relance », PLF 2021.

* 3 Annulation d'évènements, baisse des cotisations,...

* 4 On dénombre 1,8 million de salariés dans le secteur associatif.

* 5 Il correspond à 20 % des sommes acquises à l'État provenant des comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance-vie en déshérence

* 6 Rapport annuel de performance, mission « travail et emploi », loi de finances pour 2019.

* 7 Décret n° 2017-1058 du 10 mai 2017 modifiant le compte d'engagement citoyen.

* 8 Compte rendu de la réunion du mercredi 13 novembre 2020.

* 9 Afin d'améliorer la mobilité des jeunes, la phase 1 pose pour principe que celle-ci se fasse dans un département autre que celui de résidence du jeune. D'ailleurs, plusieurs volontaires de Wallis-et-Futuna ont participé au séjour de cohésion qui s'est tenu cette année en Nouvelle-Calédonie.

* 10 Sous l'uniforme ou en association : deux manières de s'engager dans les missions d'intérêt général, INJEP, analyses et synthèses n° 41, novembre 2021.

* 11 Les volontaires en service civique : des parcours de formation et d'insertion variées, INJEP, analyses et synthèses n° 32, mars 2020.

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