B. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NE COMPREND PAS DE MESURES STRUCTURELLES SIGNIFICATIVES

1. Une progression importante des dépenses d'assurance maladie en réponse à la crise
a) La réforme de l'ONDAM doit être poursuivie pour mieux prendre en compte les nouveaux enjeux de santé révélés par la crise sanitaire

L'article 56 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 fixe l'ONDAM à 236,3 milliards d'euros, ce qui représente une diminution de 0,7 milliard par rapport à 2021, où l'ONDAM avait atteint 237 milliards d'euros. Cette baisse de l'ONDAM s'explique entièrement par la diminution des dépenses liées à la crise sanitaire.

Il est prévu 4,9 milliards d'euros pour répondre à la crise sanitaire, ce qui représente une forte baisse par rapport aux dépenses de 2021 (14,8 milliards d'euros). Il s'agit pour leur majorité de dépenses qui prolongent des mesures qui ont été engagées en 2020 et en 2021. Les sommes se répartissent ainsi :

- 2,6 milliards d'euros pour les achats de vaccins ;

- 0,7 milliard d'euros pour la poursuite de la campagne de vaccination ;

- 1,6 milliard d'euros relatifs aux tests de dépistages.

Même si elle est moins importante que l'année 2020, une part d'incertitude notable existe toujours en raison de l'évolution de la crise sanitaire.

Il faut ainsi noter que si l'on exclut les dépenses liées à la crise sanitaire, alors les dépenses progressent de 3,8 % . Au sein de cette progression l'administration distingue :

- les dépenses qui sont consécutives au Ségur de la santé ;

- une trajectoire « hors Ségur » de 2,6 % (contre 2,4 % en 2021).

Cette distinction est utile pour comprendre l'impact des mesures qui relèvent du Ségur de la santé sur la progression des dépenses de la branche maladie. En revanche, il ne faut pas assimiler la trajectoire « hors Ségur » à l'évolution structurelle des dépenses d'assurance maladie, car le Ségur prévoit majoritairement des mesures ayant un impact pérenne sur les dépenses d'assurance maladie.

Après 2022, il est prévu que les dépenses de l'ONDAM retrouvent le rythme d'évolution qu'elles connaissaient avant la crise, c'est-à-dire de 2,3 % à 2,4 % par an.

La Cour des comptes estime qu'hors dépenses liées à la crise sanitaire et à périmètre constant, c'est-à-dire en excluant les dépenses issues de la création de la branche autonomie, les dépenses d'assurance maladie dépasseront en 2022 celles de 2019 de 30 milliards d'euros.

ONDAM 2022 par sous-objectif

Montant en milliards d'euros

Soins de ville

102,1

Établissements de santé

95,3

Établissements et services médico-sociaux

27,6

Établissements et services pour personnes âgées

14,3

Établissements et services pour personnes handicapées

13,3

Fonds d'intervention régional

5,9

Autres prises en charge

5,4

ONDAM total

236,3

Source : commission des finances d'après l'article 56 du PLFSS 2022

L'ONDAM 2022 a connu des changements de périmètre : des dépenses qui relevaient de l'ONDAM hospitalier ont été déplacées dans le sous-objectif « Fonds d'intervention régional et soutien national à l'investissement ». L'intérêt est de rendre plus visible et de favoriser les dépenses d'investissement, en les excluant de certaines mesures de restriction des dépenses. Pour cette raison, le sous-objectif « dépenses relatives au Fonds d'intervention régional » a été renommé « dépenses relatives au Fonds d'intervention régional et au soutien national à l'investissement ». Cette modification provient d'un avis du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (HCAAM) rendu en juin 2020.

Les réflexions sur l'avenir de l'ONDAM

Le ministère des solidarités et de la santé a engagé une réflexion sur l'avenir même de l'Ondam, en vue de renouveler cet outil de régulation . Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (HCAAM) a adopté un avis le 25 juin 2020 sur l'évolution des dispositifs de régulation du système de santé. Le HCAAM propose la mise en place d'un nouveau dispositif distinguant ce qui relève de mesures de gestion courante de celles liées à la mise en oeuvre de politiques structurelles poursuivant des objectifs de santé (morbidité, qualité et pertinence, organisation de l'offre de soins et prix) évaluées sur un mode pluriannuel 3 ( * ) . Avec ce système, certaines dépenses devraient ainsi bénéficier d'une quasi-garantie de financement : les secteurs de la prévention et de la recherche comme le circuit des urgences vitales (urgences hospitalières et lits de soins critiques) seraient concernés.

Dans un autre avis, présenté le 22 avril 2021, le HCAAM propose d'élaborer, dans un cadre interministériel, une trajectoire à cinq ans des objectifs, activités et ressources du système de santé. Il s'agirait de donner une véritable dimension pluriannuelle de l'ONDAM, afin de mieux distinguer les dépenses qui relèvent de situations exceptionnelles de celles qui se placent sur le plan structurel.

Il convient de rappeler à ce stade qu' une réflexion sur la structuration de l'ONDAM ne saurait se substituer à un travail sur la qualité et l'efficience de la dépense publique en matière de santé et ne pourra éluder un débat sur l'évolution désormais sans frein de celle-ci et ses conséquences en matière de dette sociale .

Cette réforme s'impose car la cible de 2,3 % retenue pour la progression annuelle de l'Ondam et qui semble être celle qu'envisage le Gouvernement à partir de 2024 n'apparaît plus du tout pertinente.

Source : commission des finances

b) Les dispositifs de limitation des dépenses d'assurance maladie

Afin de contenir la progression tendancielle des dépenses, le présent projet de loi a retenu plusieurs dispositifs :

- le renforcement de la pertinence et de la qualité de soin des prescriptions grâce aux actions de maîtrise médicalisée (775 millions d'euros d'économie, contre 975 millions en 2021) ;

- l'objectif d'économie relatif aux produits de santé, qui s'élève pour 2022 à 1,25 milliard d'euros. Il se décompose en 1,03 milliard d'euros de baisses de prix concernant les médicaments, 200 millions d'euros de baisse de prix des dispositifs médicaux, et 100 millions d'euros de remises obligatoires ;

- la structuration de l'offre de soin (0,9 milliard d'euros) ;

- les dispositifs de lutte contre la fraude (93 millions d'euros, contre 80 millions d'euros en LFSS 2021).

Ces mesures d'atténuation de dépenses peuvent apparaître insuffisantes s'agissant notamment de l'indemnisation des arrêts de travail ou de la lutte contre la fraude.

(1) L'indemnisation des arrêts de travail

La question de l'indemnisation des arrêts de travail est importante. Les indemnités journalières ont représenté un coût de 7,4 milliards d'euros pour la branche-maladie (hors congés de maternité) et 2,9 milliards d'euros pour la branche AT/MP en 2017.

D'après la Cour des comptes, la progression annuelle de ces dépenses - 4,2 % en moyenne entre 2013 et 2017 - dépasse le rythme de progression de l'Ondam (+ 2,1 % par an sur la même période) et l'évolution de la masse salariale plafonnée à 1,8 SMIC (+ 2,2 % sur la même période), qui constitue l'assiette de calcul des indemnités journalières.

En dépit de ces chiffres, aucune suite n'a été donnée au rapport de la mission Bérard-Oustric-Seiller remis le 20 février 2019 au Premier ministre 4 ( * ) ou à celui de la Cour des comptes en 2019. Le rapport Bérard-Oustric-Seiller prévoyait notamment :

- la mise en place d'un jour de carence dit d'ordre public, ne pouvant être compensé financièrement, pour tous les salariés de l'assurance-maladie ;

- la forfaitisation de l'indemnité journalière versée par les caisses de sécurité sociale, qui serait plafonnée à 0,7 SMIC pour tous les salariés, le complément versé par l'employeur devant alors être modulé pour atteindre 90 % du salaire ;

- une révision des règles de contrôle avec possibilité de convocation de l'assuré au cabinet du médecin conseil.

La Cour des comptes a également mis en avant, dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2019, un certain nombre de dispositions destinées à réduire le coût, pour les comptes sociaux, de cette progression non maîtrisée. Le renforcement de l'information à l'égard des médecins prescripteurs afin que la délivrance d'arrêts soit plus rigoureuse, un suivi personnalisé de la pratique de prescription et la menace de déconventionnement en cas d'excès pourraient générer une baisse du nombre de prescriptions.

La Cour privilégiait également le report sur les employeurs de 20 % du coût de l'indemnisation des arrêts de moins de six mois, ce qui génèrerait une économie potentielle de 0,8 milliard d'euros pour l'assurance-maladie.

(2) La lutte contre la fraude

En ce qui concerne la lutte contre la fraude, l'objectif affiché apparaît relativement limité. Les 93 millions d'euros d'économie réalisées viendraient s'ajouter aux 300 millions d'euros déjà récupérés en moyenne chaque année.

Reste que l'ensemble est inférieur au montant annuel des préjudices subis et évités par les branches du régime général de sécurité sociale estimé par la Cour des comptes à près de 771 millions d'euros en 2019 5 ( * ) , soit une augmentation de 162 % depuis 2010 . Ce montant demeure cependant imprécis, seule la branche famille procédant à une véritable évaluation. L'année 2020 a par ailleurs été marquée par un recul de l'activité de contrôle pendant la période de confinement.

À ces montants visant les prestations, il convient d'ajouter la fraude aux prélèvements sociaux, estimée pour 2018 à une somme comprise entre 6,8 et 8,4 milliards d'euros par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

L'article 15 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit que les échanges avec un tiers sollicité peuvent être dématérialisés à la demande de l'agent chargé du contrôle et du recouvrement des organismes de sécurité sociale . Si cette disposition apporte une souplesse bienvenue dans les modalités opérationnelles de la lutte contre la fraude sociale, son impact financier devrait rester limité. Il est ainsi estimé dans l'annexe 9 du PLFSS pour 2022 que la mesure devrait apporter un gain de 6 millions d'euros.

c) La prise en compte des accords de Ségur

L'ONDAM pour 2022 inclut 2,7 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2021 pour financer les engagements du Ségur de la santé. Au total, l'ONDAM intègre 12,5 milliards d'euros des mesures du Ségur.

9,9 milliards d'euros sont prévus pour la revalorisation des personnels dans l'ONDAM pour 2022, ce qui correspond à près de 80 % des mesures du Ségur de la santé intégrées.

Sur cette somme, 2 milliards d'euros représentent une enveloppe supplémentaire par rapport à 2021.

Intégration du pilier 1 des accords de Ségur
au sein de l'Ondam pour 2022

(en milliards d'euros)

Mesure

Total annuel 2022

Dont enveloppe supplémentaire 2022

Revalorisation socle

6,6

0,0

Attractivité dont internes et étudiants en santé

1,0

0,6

Personnels médicaux et revalorisations du secteur médico-social

1,1

0,5

Intéressement-qualité et temps de travail

0,7

0,3

Nouvelles mesures de revalorisation

0,6

0,6

Total

9,9

2,0

Source : commission des finances d'après l'annexe 7 au PLFSS pour 2022

Deux mesures du pilier 1 du Ségur de la santé poursuivent leur montée en charge pour 1 milliard d'euros supplémentaires :

- 635 millions d'euros sont destinés à la revalorisation des grilles de plusieurs corps de la fonction publique hospitalière, et à des mesures similaires dans le secteur privé ;

- 330 millions d'euros sont consacrés à l'intéressement collectif.

Pour les mesures nouvelles, le bénéfice du complément de de traitement indiciaire (la « revalorisation socle ») a été étendu à de nombreuses catégories de personnels des établissements sociaux et médico-sociaux. La volonté est en particulier d'inclure davantage dans les mesures du Ségur le personnel médical et paramédical travaillant dans les domaines en lien avec la perte d'autonomie :

- 360 millions d'euros sont destinés à l'extension de ces revalorisations aux personnels paramédicaux qui exercent dans des établissements pour personnes handicapées ou dans des services de soin infirmiers à domicile ;

- 31 millions d'euros sont consacrés à l'ensemble des personnels exerçant dans un établissement médico-social public non rattaché à un EHPAD de la fonction publique hospitalière ;

- 28 millions d'euros sont fléchés pour les personnels non-médicaux des établissements et services sociaux et médico-sociaux qui sont rattachés à un établissement public de santé ou à un EPHAD relevant de la fonction publique hospitalière.

La revalorisation de l'ONDAM intègre également les investissements annoncés dans le cadre du Pilier 2 « Définir une nouvelle politique d'investissement et de financement au service de la qualité de soins » des accords Ségur.

Le pilier 2 des accords de Ségur

D'ici à 2025, il est prévu que 6 milliards d'euros soient dégagés d'ici à 2025 en vue de financer des dépenses d'investissement :

• 2,5 milliards d'euros sur cinq ans pour l'investissement en santé dans les territoires. 500 millions d'euros sont ainsi fléchés dans le PLFSS 2021 vers les projets hospitaliers prioritaires et les investissements ville-hôpital ;

• 2 milliards d'euros sur cinq ans pour la transformation, la rénovation et l'équipement des établissements médicaux sociaux. 300 millions d'euros seront dédiés à la transformation des établissements les plus vétustes dès 2021 et 100 millions d'euros sont prévus dans le PLFSS 2021 pour leur équipement numérique ;

• 1,5 milliard d'euros sur trois ans dédiés au développement du numérique.

L'allocation des crédits de ce plan d'investissement est effectuée par la création d'un fonds transversal pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS), issu de l'actuel fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP).

Source : commission des finances

En 2022 spécifiquement, 1,7 milliard d'euros sont consacrés au soutien national à l'investissement en santé au sein de l'ONDAM dans le cadre du Ségur :

- 515 millions d'euros pour le financement du numérique en santé ;

- 500 millions d'euros dédiés à l'accompagnement des projets d'investissements structurants ;

- 440 millions d'euros pour le financement des investissements sur le champ médico-social.

2. La cinquième branche « Autonomie » reste une création incomplète

L'article 2 de la loi organique du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie et l'article 5 de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie prévoient la création d'une cinquième branche du régime général dédiée à l'autonomie .

La montée en charge du risque dépendance
et les préconisations du rapport Libault

Le nombre de personnes de plus de soixante ans en situation de dépendance est estimé entre 1,24 million de personnes - soit le nombre de bénéficiaires de l'Allocation personnalisée d'autonomie - et 3,3 millions de personnes, selon une mesure épidémiologique. En résulte un coût estimé entre 41 et 45 milliards d'euros par an, comprenant les soins, l'hébergement et l'aide informelle.

Le coût pour la collectivité s'est élevé à 23 milliards d'euros en 2018. Cette charge devrait augmenter de 0,3 à 0,7 point de PIB d'ici 2040 au regard des projections démographiques. La Drees estime que le rythme de croissance de la dépense publique devrait ralentir à partir de 2040.

Le rapport de Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, remis en mars 2019 à la ministre des Solidarités et de la Santé détaille, de son côté, les mesures à prendre pour « passer de la gestion de la dépendance au soutien à l'autonomie » 6 ( * ) . Parmi celles-ci, on peut relever :

- un soutien financier de 550 millions d'euros pour les services d'aide et d'accompagnement à domicile, afin d'améliorer le service rendu à la personne âgée et de revaloriser les salaires des professionnels ;

- une hausse de 25 % du taux d'encadrement en EHPAD d'ici 2024 par rapport à 2015, soit 80 000 postes supplémentaires, le coût d'une telle mesure étant estimé à 1,2 milliard d'euros ;

- un plan de rénovation de 3 milliards d'euros sur 10 ans pour les Ehpad et les résidences autonomie ;

- une restructuration de l'offre d'accompagnement, en y consacrant 300 millions d'euros par an ;

- une baisse du reste à charge mensuel de 300 euros en établissement pour les personnes modestes gagnant entre 1 000 et 1 600 euros par mois ;

- l'indemnisation du congé de proche aidant et la négociation obligatoire dans les branches professionnelles pour mieux concilier sa vie professionnelle avec le rôle de proche aidant.

Le coût des préconisations du rapport Libault est estimé à 4,9 milliards d'euros d'ici à 2030, dont 4,1 milliards d'euros d'ici à 2024. En additionnant ces mesures aux effets de la démographie, le besoin de financement public supplémentaire s'élèverait à 6,2 milliards d'euros d'ici à 2024 et à 9,2 milliards d'euros d'ici à 2030. Le rapport cible ainsi une augmentation progressive de la dépense publique de 1,1 % à 1,6 % du PIB en 2030. À cette date, la charge pour l'État serait comprise entre 4 et 5 milliards d'euros par an.

Source : commission des finances

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a précisé le périmètre de la branche.

Les dépenses correspondantes sont depuis cette loi suivies dans des agrégats financiers spécifiques et ne constituent plus un sous-objectif de l'Ondam. Les dépenses dédiées à la dépendance étaient jusqu'alors comprises dans le sous objectif « Établissements médico-sociaux ».

La branche couvre désormais l'ensemble des dépenses de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mais aussi l'allocation éducation de l'enfant handicapé - AEEH (1,2 milliard d'euros par an), qui était auparavant versée par la branche Famille du régime général.

En 2022, le périmètre de la branche autonomie est pratiquement inchangé. Elle prendra en charge désormais la compensation de l'accueil des adultes français en situation de handicap dans les établissements belges, pour un montant évalué à 200 millions d'euros.

Ce périmètre est plus limité que les préconisations du rapport « La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement » transmis au Parlement, conformément à l'article 5 de la loi du 7 août 2020 7 ( * ) .

Outre l'AEEH, le rapport préconise l'intégration au sein de la branche :

- de l'allocation supplémentaire d'invalidité (260 millions d'euros) et unités de soins de longue durée (USLD), soit un milliard d'euros ;

- de l'action sociale de la CNAV dédiée à l'adaptation du logement au vieillissement (100 millions d'euros) ;

- de l'allocation adulte handicapé - AAH (10,6 milliards d'euros) ;

- de l'aide au poste des travailleurs en établissement et service d'aide par le travail - ESAT (1,3 milliard d'euros).

L'article 6 du PLFSS pour 2022 prévoit qu'une part de la taxe sur les salaires 8 ( * ) , qui est actuellement répartie entre les autres branches du régime général (sauf AT-MP), soit affectée au CNSA. Cette part a été fixée à 3,81 % et elle sera applicable dès l'exercice en cours. La mesure aura pour conséquence un transfert de 587 millions d'euros de la CNAM à la CNSA. Ces charges correspondent :

- pour 432 millions d'euros, aux charges liées au non-recouvrement de la contribution sociale généralisée affectée ;

- pour 109 millions d'euros, à la contribution aux frais de gestion administrative de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ;

- pour 46 millions, à des frais de dégrèvement.

L'article 17 du projet de LFSS prévoit que dès le 1 er janvier 2022, cette part soit rehaussée de 3,81 % à 4,25 %, afin de compenser la prise en charge de l'accueil des adultes français dans les établissements belges pour des raisons de handicap.

Répartition de la taxe sur les salaires
entre les caisses nationales de la sécurité sociale

Affectataire

2020

2021

2022

CNAM

28,14 %

24,33 %

31,64 %

CNAF

18,49 %

18,49 %

10,74 %

CNAV

53,37 %

53,37 %

53,37 %

CNSA

0 %

3,81 %

4,5 %

Source : commission des finances d'après l'annexe 9 au PLFSS 2022

L'article 3 de la loi du 7 août 2020 prévoit de réaffecter en 2024 à la CNSA une partie de la fraction de CSG actuellement versée à la Cades. À compter du 1 er janvier 2024, date à laquelle seront amorties les dettes reprises par la Cades entre 1996 et 2018, cette fraction serait réduite à 0,45 point de CSG. Le solde, qui est de 0,15 point, serait rétrocédé à la CNSA. Le Gouvernement estime que la CNSA bénéficierait ainsi d'une recette annuelle supplémentaire de 2,3 milliards d'euros, soit une progression des impôts qui lui sont affectés de l'ordre de 45 % 9 ( * ) .

Ce montant reste toutefois hypothétique compte-tenu de la date relativement lointaine de ce versement.

Il peut, en outre, apparaître insuffisant face à la montée en charge du risque. Il convient, enfin, de rappeler à ce stade que l'affectation d'une ressource initialement dédiée à l'apurement d'une dette - qui n'est plus une dépense - à une nouvelle dépense dégraderait, au sens de la comptabilité nationale et des critères de Maastricht, le solde public.

Les principales préconisations du rapport Vachey
en matière de financement de la cinquième branche

Transferts :

• mobilisation du Fonds de réserves des retraites à hauteur de 420 millions d'euros par an entre 2021 et 2025 ;

• prélèvement sur Action logement d'une part de la taxe sur les contrats d'assurance qui lui est allouée (300 millions d'euros par an) et création d'un prélèvement pour l'autonomie de 0,10 % pour les employeurs de plus de 50 salariés (400 millions d'euros par an) 10 ( * ) ;

• prélèvement sur la branche famille du régime général de 150 millions d'euros à partir de 2024.

Économies :

• objectif de 400 millions d'euros d'économies sur l'AAH d'ici à 2024 ;

• révision des règles de calculs de l'allocation personnalisée d'autonomie (440 millions d'euros d'économies).

Réduction des niches sociales et fiscales :

• suppression du bénéfice automatique pour les personnes de plus de 70 ans de l'exonération totale de cotisations patronales pour le recours aux services d'aide à domicile ;

• abaissement à 6 000 euros du plafond annuel retenu pour le crédit d'impôt au titre de l'emploi d'une personne à domicile (contre 12 000 euros actuellement). 400 millions d'euros d'économies seraient ainsi attendus.

Recours aux financements privés :

• amélioration de la lisibilité et de la taxation sur les assurances volontaires ;

• mise en place d'un prêt immobilier dépendance.

Prélèvements obligatoires :

• abaissement à 2,5 SMIC, contre 3,5 actuellement, de la réduction de 1,8 point de la cotisation famille, 1,1 milliard d'euros pourrait ainsi être réorienté vers le financement de la dépendance ;

• plafonnement à un PASS au lieu de 4 de l'abattement de 1,75 % sur l'assiette de CSG-CRDS au titre des frais professionnels, une recette complémentaire de 150 millions d'euros serait ainsi dégagée ;

• alignement sur trois ans du taux normal de CSG des retraités ( 8,3 %) sur celui des actifs (9,2 %) en contrepartie de la suppression de la cotisation maladie de 1 % applicable sur la retraite complémentaire. Une telle mesure permettrait de générer 780 millions d'euros de recettes supplémentaires.

Source : commission des finances du Sénat

3. Des réformes structurelles seront nécessaires pour ne pas faire peser la dette sociale sur les générations futures

Le Gouvernement a, en effet, fait le choix de ne pas inscrire dans le texte de mesures fortes de redressement des comptes sociaux pour l'exercice à venir, afin, comme l'année dernière, de ne pas contrarier la relance de l'économie . En effet, les réformes plus délicates à mettre en oeuvre, comme la réforme des retraites ou la loi « grand âge et autonomie » sont reportées .

Solde du régime général et du FSV 2009-2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022

L'évolution du solde est particulièrement inquiétante pour la branche vieillesse . D'après les prévisions inscrites en annexe B du PLFSS pour 2022, le solde de la branche vieillesse se dégrade continuellement à partir de 2022. Il est prévu que ce solde soit déficitaire de 2,5 milliards d'euros en 2022, que ce déficit s'aggrave à 4,2 milliards d'euros en 2023, et qu'il atteigne 7,6 milliards d'euros en 2025, soit plus qu'un triplement du déficit par rapport à 2022. Il s'agit, en taux, de la dégradation la plus importante du déficit parmi les branches de la sécurité sociale sur la période 2022-2025.

Solde de la branche vieillesse du régime général, 2016-2025

(en milliards d'euros)

L'absence de réforme du système de retraites conduit non seulement à éloigner la perspective du retour à l'équilibre de la branche vieillesse, mais elle contribue aussi à aggraver son déficit. Or, plus les réformes seront repoussées dans le temps, plus il sera difficile d'inverser la tendance .


* 3 Avis du HCAAM sur l'évolution des dispositifs de régulation du système de santé; 25 juin 2020.

* 4 Plus de prévention, d'efficacité et de maîtrise des arrêts de travail. Neuf constats, vingt propositions. Rapport fait à la demande du Premier ministre établi par MM. Jean-Luc Bérard, Stéphane Oustric et Stéphane Seiller, avec l'appui de l'inspection générale des affaires sociales, janvier 2019.

* 5 Cour des comptes, La lutte contre les fraudes aux prestations sociales, 8 septembre 2019.

* 6 Concertation Grand âge et autonomie, mars 2019.

* 7 La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement, rapport de M. Laurent Vachey, inspecteur général des finances avec la collaboration de Mme Florence Allot, inspectrice des affaires sociales et M. Nicolas Scotté, inspecteur des finances, septembre 2020.

* 8 La taxe sur les salaires est due par les employeurs domiciliés en France qui ne sont pas soumis à la TVA sur l'ensemble de leurs chiffres d'affaires. En 2021, son produit était de 14,2 milliards d'euros.

* 9 Après déduction des atténuations de recettes et frais de collecte ACOSS, les produits « nets » dont bénéficie la Caisse étaient évalués à 5,076 milliards d'euros en 2018 (Annexe 8 du PLFSS 2020).

* 10 Le taux de participation desdits employeurs à l'effort de construction serait abaissé dans les mêmes proportions.

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