B. SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET NOUVEAU PROGRAMME NUCLÉAIRE FRANÇAIS : DES MOYENS À METTRE AU SERVICE DES AMBITIONS

Face à une hausse de la consommation d'électricité à venir en France, qui pourrait passer de 475 TWh à 650 TWh en 2050 du fait de l'électrification des usages, notre pays est face à des choix cruciaux et assez urgents , compte tenu du temps nécessaire au déploiement des infrastructures de production, quelle que soit la technologie utilisée.

Au début du mois de novembre, le Président de la République a fait part de sa volonté d' engager la construction de réacteurs nucléaires de nouvelle génération , qui viendraient s'ajouter puis se substituer aux 56 réacteurs nucléaires actuellement en service dans notre pays. À ce jour, la construction de trois paires d'EPR II serait envisagée, soit 6 réacteurs au total, qui entreraient en service de façon échelonnée entre 2035 et 2040 .

La Cour des comptes 6 ( * ) souligne l'ampleur du défi économique, social, technologique, industriel et technique que suppose la création d'un nouveau parc de production électrique à partir de l'énergie nucléaire et les « lourdes conséquences sur l'adaptation des réseaux, la structuration des filières industrielles, l'emploi et les territoires » qu'elle emporte. Actuellement, la filière nucléaire représente 200 000 emplois et 2 000 entreprises, soit la 3 e filière industrielle en France après l'aéronautique et l'automobile. Le développement d'un nouveau programme nucléaire constitue donc une opportunité de développement territorial à saisir .

Si le rapporteur partage cette orientation et salue cette décision , il souhaite que des précisions soient apportées prochainement tant sur le calendrier de sa mise en oeuvre que sur son ampleur . Il conviendrait, en effet, de concevoir une politique industrielle et énergétique globale et durable , permettant d'une part, de sécuriser les approvisionnements de notre pays sur une longue période et donc de contribuer à garantir notre souveraineté économique, et, d'autre part, de capitaliser sur les compétences et procédés industriels acquis pour construire ces 6 nouveaux réacteurs.

L'annonce du Président de la République aura surtout pour conséquence d' alourdir un programme de travail déjà bien rempli pour l'ASN , notamment par le réexamen périodique des réacteurs de 900 et 1 300 MW et par la montée en puissance prochaine des exigences de contrôle sur les réacteurs de petite à moyenne puissance (30 à 400 MW), les SMR, dont le développement industriel sera accompagné via le plan « France 2030 ».

En termes de sûreté nucléaire, cette annonce soulève deux séries d'enjeux à titre principal :

- en premier lieu, pour gérer l'effet « falaise » lié à l'arrêt du parc nucléaire actuel, qui sera concentré sur une courte période compte tenu des dates rapprochées de sa mise en service initiale, la prolongation jusqu'à 60 ans , voire au-delà, d'une partie de ce parc impose une vigilance et une mobilisation renforcées de la part de l'ASN et des opérateurs qui lui apportent son expertise ;

- en second lieu, pour gérer la mise en service du nouveau parc , la définition d'une organisation et d'une méthodologie adaptées et particulièrement robustes pour le contrôle de la sûreté est nécessaire, tant pour garantir l'acceptabilité sociale du nouveau programme que pour assurer sa viabilité à long terme.

Ces deux chantiers doivent être menés de front, sans abaisser le niveau d'exigence de sûreté ni la prévisibilité temporelle des décisions et avis rendus par l'ASN, qui sont essentiels pour la filière industrielle et l'exploitant.

Les ressources du régulateur et de ses opérateurs partenaires devront être ajustées en conséquence à la fois sur le fonctionnement et sur les moyens humains . Le développement des SMR constitue également un défi parallèle pour lequel l'ASN sera appelé à mobiliser ses ressources de façon croissante dans les années à venir.

Si les effectifs de l'ASN ont été renforcés ces dernières années, il conviendra de poursuivre ce mouvement pour que les agents chargés du contrôle de la sûreté puissent accompagner les constructeurs et l'exploitant tout au long des processus de conception jusqu'à la mise en service des réacteurs . Il s'agit à la fois d'un impératif d'efficacité pour la filière industrielle et de sûreté pour le public.

Face à ces défis considérables pour la filière nucléaire française, le rapporteur souligne que les ressources humaines, techniques et financières de l'ASN devront être adaptées aux nouveaux enjeux de la sûreté nucléaire dans les années à venir.

Dans ce contexte, le rapporteur considère que la démarche visant à mieux retracer les crédits alloués à la politique de prévention des risques nucléaires en les regroupant dans un programme budgétaire dédié paraît encore plus légitime, même si ce choix de maquette relève du Gouvernement.

Pour le budget 2023, le rapporteur envisage de proposer des ajustements à la hausse des effectifs et du budget de l'ASN.


* 6 Note de la Cour des comptes, novembre 2021, Les choix de production électrique : anticiper et maîtriser les risques technologiques, techniques et financiers.

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