II. TRANSPORT FERROVIAIRE : PLUTÔT QU'UN VÉRITABLE PLAN DE RELANCE, UN PLAN DE SAUVETAGE AU SUIVI LABORIEUX

A. UNE HAUSSE DES MOYENS BIENVENUE POUR UN SECTEUR FORTEMENT FRAGILISÉ

Le transport ferroviaire de voyageurs peine à retrouver son niveau de fréquentation d'avant crise, ce qui se traduit par d'importantes pertes de chiffre d'affaires (CA) pour le groupe SNCF.

Baisse de trafic
(1 er semestre 2021)
TGV

Baisse de trafic

(1 er semestre 2021)

Transiliens / TER

Impact de la crise sanitaire estimé
(1 er semestre 2021)
SNCF
(perte de CA)

Impact de la crise sanitaire estimé
(1 er semestre 2021) SNCF Réseau
(perte de CA)

Consciente de ces difficultés et dans le double objectif de soutenir le report modal vers le transport ferroviaire et de faire du train un bien de première nécessité pour les voyageurs, la commission a adopté un amendement 4 ( * ) abaissant à 5,5 % le taux de TVA sur les billets de train. D'après la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) : « La baisse de TVA, plus que sa répercussion dans le prix des transports, est un signal fort pour inciter les usagers à faire évoluer leur comportement en matière de mobilité. »

Face à ces difficultés, le PLF pour 2022, dans la lignée de la LFI pour 2021, prévoit un renforcement du soutien au transport ferroviaire à travers :

- une hausse de crédits consacrés à l'infrastructure ferroviaire, qui devraient passer de 2,47 Md€ à 2,56 Md€ (programme 203) et la poursuite du déploiement du plan de relance (environ 4,7 Md€ déployés sur 2021-2022) ;

- la suppression de deux taxes pesant exclusivement sur SNCF Voyageurs, compte tenu de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs (article 10 bis du PLF) ;

- la poursuite de la reprise de la dette de SNCF Réseau , à hauteur de 10 Md€ (article 40 du PLF).

B. UN ENGAGEMENT DE L'ÉTAT TRÈS EN DEÇÀ DES ENJEUX ET MANQUANT DE TRANSPARENCE

Si le rapporteur juge cette hausse des crédits indispensable à l'entretien du réseau ferroviaire , il estime que l'effort fait par le Gouvernement est bien trop modeste pour permettre une véritable « relance » du secteur :

- les crédits dédiés à la régénération du réseau, qui devraient s'approcher des 3 Md€ en 2022, sont en deçà du besoin estimé à 3,5 Md€ par an ;

- s'agissant des petites lignes , malgré des avancées, les financements restent inférieurs aux besoins identifiés par le rapport Philizot 5 ( * ) de février 2020. Attentive au maintien en état de ces lignes indispensables au maillage du territoire, et dont certaines pourraient être transférées aux régions en application du projet de loi « 3Ds » 6 ( * ) en cours d'examen, la commission a adopté un amendement 7 ( * ) pour abonder de 300 M€ supplémentaires les crédits qui leur sont dédiés ;

- les efforts en matière de modernisation et de digitalisation sont loin d'être à la hauteur des défis de demain. D'après la Fédération des industries ferroviaires (FIF) pourtant, « la dynamique de la relance européenne et les mesures en faveur du ferroviaire auraient dû inciter la France à jouer son rôle de leader et miser sur un plan ambitieux » , d'autant plus que la filière ferroviaire est la troisième au niveau mondial. Cette filière rencontre aujourd'hui des difficultés importantes en raison de la crise des matières premières, des énergies et des approvisionnements.

- si la dynamique en faveur du fret ferroviaire , et le maintien des aides jusqu'en 2024 sont particulièrement bienvenus, l'Association française du rail (Afra) rappelle que le plan d'investissement d'1 Md€ correspond au besoin estimé pour relancer le fret en rattrapant le retard de rénovation et de régénération du réseau mais qu'il « devra être complété pour la période 2025-2030 afin de réaliser les investissements capacitaires qui permettront d'absorber le trafic supplémentaire et de parvenir à l'objectif de doublement de la part modale. Les investissements estimés pour cette phase ultérieure [...] sont estimés à plus de 10 Md€ » .

« Les crédits du plan de relance demeurent nettement insuffisants pour résorber la dégradation du réseau et atteindre l'objectif de doublement de la part modale du transport ferroviaire d'ici 2030. »

Philippe Tabarot, rapporteur

En outre, le rapporteur s'inquiète du manque de lisibilité du plan de relance, de nombreux acteurs entendus ayant indiqué ne pas avoir connaissance de la répartition précise des crédits ni des modalités de mise en oeuvre et des dates de versement prévues.

Le rapporteur fait siennes les inquiétudes du récent rapport de la Cour des comptes 8 ( * ) sur l' avenir du financement du système ferroviaire, et ce d'autant plus que le montant des péages en France, qui financent en grande partie la régénération du réseau, est déjà deux fois supérieur à la moyenne européenne (9,2 € par train-km en France contre 4,5 en Europe en 2019).

Enfin, dans la perspective de l'ouverture à la concurrence du marché ferroviaire, le rapporteur, aux côtés d'Olivier Jacquin, rapporteur sur les crédits relatifs aux transports routiers, a souhaité renforcer les moyens de l'ART .

Particulièrement sensible au maintien de l'indépendance du régulateur des transports qui connaît depuis plusieurs années une extension du champ de ses missions, la commission a adopté un amendement 9 ( * ) des rapporteurs pour augmenter la subvention pour charge de service public versée à l'ART.


* 4 http://www.senat.fr/amendements/2021-2022/162/Amdt_I-418.html.

* 5 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20200220_JBD_DP_Petites_lignes_vf.pdf.

* 6 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl20-588.html.

* 7 http://www.senat.fr/amendements/2021-2022/162/Amdt_II-37.html.

* 8 https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-11/20211118-NS-reseau-ferroviaire.pdf.

* 9 http://www.senat.fr/amendements/2021-2022/162/Amdt_II-78.html.

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