B. DE NOUVELLES PRÉOCCUPATIONS MISES EN LUMIÈRE PAR L'ACCÉLÉRATION DU DÉPLOIEMENT DES RÉSEAUX

1. De fortes inquiétudes sur les zones très denses

Selon la logique établie au lancement du plan FTHD, les zones très denses (ZTD) ne peuvent pas faire l'objet d'une intervention financière publique.

Depuis plusieurs années, ainsi que l'a indiqué au rapporteur sa présidente, Laure de la Raudière 8 ( * ) , l'Arcep constate un moindre rythme de déploiement dans certaines ZTD et une forte hétérogénéité des taux de couverture en fibre, entre des communes caractérisées par une couverture très élevée (à l'instar de Paris dans laquelle plus de 95 % des locaux sont raccordables au FttH) et d'autres marquées par un rythme de déploiement beaucoup plus lent, à l'instar des communes situées en Seine-Saint-Denis ou encore de Lille ou Marseille.

Couverture FttH en zone très dense

Source : Arcep.

La couverture en fibre optique des zones très denses de certains départements 9 ( * ) est même nettement inférieure à la couverture moyenne nationale de ces zones, qui s'établit à 86 %.

Le rapporteur émet de fortes inquiétudes s'agissant des rythmes de déploiement dans les zones très denses et appelle l'État à une extrême vigilance, afin que ces disparités ne se traduisent pas par de nouvelles fractures numériques entre les territoires .

2. Des incertitudes liées au financement des raccordements complexes et à l'adressage

En 2020, le rapporteur a fait siennes les inquiétudes des collectivités territoriales sur l'élaboration du nouveau cahier des charges du plan FTHD sur lequel s'appuie le déploiement des crédits. Les départements craignaient une remise en cause des règles inscrites dans les versions antérieures du document, conduisant à une baisse du cofinancement de l'État et à une hausse de leur reste à charge. Cette année, l'Avicca a pour partie rassuré le rapporteur en indiquant que si le nouveau cahier des charges constituait un recul par rapport à l'ambition initiale du plan FTHD, la majorité des départements avaient désormais finalisé leurs plans de financement.

En revanche, les auditions du rapporteur ont mis en lumière deux points d'attention préoccupants :

- Le financement des raccordements complexes à la fibre

150 M€ sont prévus pour ces raccordements , sans que les critères d'éligibilité à ces financements ne soient pour l'heure précisément connus. Selon des informations issues de la Banque des territoires 10 ( * ) , la catégorie des « raccordements complexes » intégrerait notamment les locaux dans lesquels le génie civil n'est pas accessible et les échecs de raccordements. En revanche, selon l'Avicca, les raccordements dits « longs », qui concernent une minorité de cas dans lesquels le point de branchement est situé à plus de 100 mètres de la parcelle, ne seraient pas concernés.

Si l'objectif de raccorder 100 % des locaux à la fibre ne semble pas réaliste, le rapporteur juge impératif de s'assurer que les raccordements techniquement réalisables soient menés à bien, quand bien même ils seraient coûteux et plus difficiles à mettre en oeuvre pour les opérateurs.

Par ailleurs, des financements supérieurs à l'enveloppe de 150 M€ prévue semblent indispensables et leur inscription dans la durée nécessaire.

- La question de l'adressage

Le rapporteur s'inquiète des difficultés de déploiement persistantes liées à un adressage défaillant, en particulier en zone rurale, mises en avant au cours des auditions. Selon l'Arcep, si cela ne constitue pas un véritable frein au déploiement, l'existence d'un adressage fiable et précis constitue un facteur de facilitation de la commercialisation des réseaux déployés.

Des initiatives prises par les pouvoirs publics vont néanmoins dans le bon sens. L'ANCT a lancé un programme « Bases Adresses Locales » (BAL) en 2020 pour accompagner les communes dans la production de bases d'adresses, en s'appuyant notamment sur la startup d'État « Bases Adresses Locales » qui a pour objectif d'outiller les communes sur ce sujet.

Le rapporteur espère que le projet de loi « 3Ds », actuellement en cours d'examen par le Parlement, permettra également d'avancer sur ce problème 11 ( * ) qui est connu depuis le début des années 2010. Il rappelle que le plan FTHD ne peut être un succès total qu'à la condition de réussir l'étape du raccordement, dernier maillon de la chaîne du déploiement.

3. L'enjeu croissant des raccordements finaux : « après le gros oeuvre, l'heure est aux finitions... »

Le dynamisme des rythmes de déploiement permettant, depuis 2020, de rendre un nombre croissant de locaux raccordables à la fibre, l'attention des acteurs tend à se déplacer vers la qualité des raccordements finaux jusqu'à l'abonné .

Selon de nombreuses personnes entendues par le rapporteur, les modalités de déploiement retenues par les opérateurs d'immeubles (OI) ne sont pas satisfaisantes. Les remontées de terrain font état de nombreux désordres , particulièrement préoccupants au regard des importants moyens mobilisés pour déployer les réseaux et, surtout, des attentes légitimes des citoyens.

En 2020, une mission de contrôle des raccordements FttH avait été lancée par le Gouvernement. Le rapporteur estime indispensable d'objectiver ce phénomène qui semble gagner en ampleur. Il est à cet égard regrettable de ne pas avoir pu recueillir d'information complémentaire à ce sujet.

L'Arcep a de son côté lancé plusieurs actions face à cette situation : elle travaille actuellement à l'élaboration d'indicateurs de suivi de la qualité des raccordements et a lancé, en 2019, un groupe de travail avec les opérateurs destiné à améliorer les conditions d'exploitation des réseaux en fibre optique FttH. Dans ce cadre, elle a élaboré au printemps 2020 une feuille de route , à laquelle ont adhéré l'ensemble des opérateurs, prévoyant notamment une évolution des contrats de réalisation des raccordements en sous-traitance et l'amélioration des processus, par exemple à travers la mise en place de compte rendu d'intervention (CRI) comportant des photos avant et après intervention. La Fédération française des télécoms a quant à elle publié en juin 2021 un livre blanc sur l'amélioration du raccordement en fibre optique dont l'un des axes est la mise en oeuvre de nouveaux contrats « Stoc » comportant des mécanismes de mise en demeure pouvant aller jusqu'à l'exclusion d'un sous-traitant d'un OC responsable de malfaçons.

Le rapporteur rappelle que le plan France Très Haut Débit ne pourra être un succès total qu'à la condition de réussir l'étape du raccordement final , dernier maillon de la chaîne du déploiement.


* 8 Qui a succédé à Sébastien Soriano à la tête de l'Arcep en février 2021.

* 9 En particulier le Nord, la Meurthe-et-Moselle, le Puy-de-Dôme ou encore les Bouches-du-Rhône.

* 10 https://www.banquedesterritoires.fr/le-100-fibre-acte-les-moyens-pour-latteindre-en-debat

* 11 L'article 52 de ce projet de loi prévoit que les conseils municipaux procèdent à la dénomination des voies et lieux-dits et que les communes doivent mettre à disposition les données relatives à la dénomination des voies et la numérotation des maisons et autres constructions.

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