EXAMENS EN COMMISSION

Examen en commission
(Mercredi 17 novembre 2021)

Réunie le mercredi 17 novembre 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Transition énergétique et climat » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » et de la mission « Plan de relance » du projet de loi de finances pour 2022.

M. Jean-François Longeot , président . - Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2022 (PLF 2022) par l'examen de l'avis portant sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - J'ai ce matin le plaisir de vous présenter, pour la deuxième année consécutive, l'avis « Transition énergétique et climat » portant principalement sur les crédits des programmes 174 et 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ainsi que sur les crédits associés relevant du plan de relance : il aborde des sujets aussi divers que le développement des énergies renouvelables, la rénovation énergétique des bâtiments, ou encore la qualité de l'air. Je vous présenterai d'abord les principaux points qui ont retenu mon attention lors des auditions et des travaux préparatoires que j'ai menés. Si vous avez des questions, je serai heureux de vous apporter, dans un second temps, quelques éléments de réponse.

Je commencerai par aborder les énergies renouvelables.

Les crédits qui leur sont dédiés connaissent une évolution très hétérogène : si les crédits dédiés à la chaleur renouvelable sont stables, ceux consacrés au développement du biogaz sont en très forte hausse - en raison de la croissance soutenue de la filière méthanisation. Les crédits affectés à l'électricité renouvelable sont quant à eux en très forte baisse, du fait de l'augmentation du prix de marché conduisant mécaniquement à une baisse du soutien public. Cette baisse s'élève à 640 millions d'euros dans le PLF 2022 par rapport à 2021. Une baisse des engagements de long terme en cas de maintien durable des prix à un niveau élevé pourrait être observée, bien qu'il soit pour l'heure difficile de prédire l'évolution du marché de l'électricité.

Concernant le rythme de développement, les années passent et les constats se ressemblent, malheureusement : la France continue d'accuser un retard important sur ses objectifs. Fin 2020, seulement 19 % de notre énergie était produite à partir de sources renouvelables, loin de la cible de 23 % fixée par le droit européen. Au regard des objectifs à fin 2023 fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), le rythme d'avancement est toutefois très hétérogène selon le vecteur énergétique et les types d'énergies renouvelables considérés.

En matière d'électricité renouvelable, si le rythme de développement de l'éolien terrestre est proche de celui nécessaire à l'atteinte des objectifs, celui du photovoltaïque est pour sa part éloigné de la trajectoire prévue. Les enjeux sont donc très différents pour l'éolien terrestre et pour le solaire : pour le premier, l'heure est à la poursuite du déploiement, dans le respect toutefois de l'acceptabilité de nos concitoyens. Un plan d'acceptabilité de l'éolien vient d'ailleurs d'être annoncé par la ministre. Pour le solaire, il nous faut à tout prix accélérer : c'est le sens du plan présenté par la ministre il y a quelques jours, qui reprend d'ailleurs certaines dispositions adoptées et améliorées par notre commission lors de l'examen de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021. Je pense notamment au renforcement de l'obligation d'installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures d'entrepôts, de hangars ou de parkings, avancée par le Sénat à 2023.

En matière de gaz renouvelable, l'objectif fixé par la PPE à échéance 2023 devrait être atteint, voire dépassé.

En matière de chaleur renouvelable, le développement de l'ensemble des filières - biomasse, pompes à chaleur, géothermie profonde, solaire thermique, réseaux de chaleur et de froid - est à ce stade largement insuffisant pour atteindre les objectifs de la PPE. Si la France veut se donner une chance de combler son retard en matière d'énergie renouvelable, de nouveaux leviers devront tout particulièrement être mobilisés sur la chaleur. Diverses mesures ont été engagées en 2021 pour renforcer le Fonds Chaleur. Le plan de relance a également permis d'accroître les moyens en faveur de la chaleur renouvelable dans les secteurs industriel, agricole et tertiaire. Mais cela n'est pas suffisant, ce dont convient d'ailleurs le ministère de la transition écologique que j'ai auditionné. C'est pourquoi, en collaboration avec Pascal Martin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques, je vous proposerai ce matin d'adopter un amendement tendant à augmenter les moyens du Fonds Chaleur de 350 à de 450 millions d'euros pour 2022, afin de permettre de financer l'ensemble des projets actuellement en file d'attente. D'après certaines informations que nous avons obtenues, l'État pourrait pour partie satisfaire cette demande en augmentant les moyens du Fonds Chaleur.

J'évoquerai dans un deuxième temps le financement de la rénovation énergétique des bâtiments, qui a connu un tournant important à l'occasion de la loi de finances pour 2021 avec l'extension de MaPrimeRenov' à l'ensemble des propriétaires occupants ou bailleurs, quels que soient leurs revenus, ainsi qu'aux copropriétés pour les travaux réalisés dans les parties communes. Le dispositif est majoritairement sollicité par des ménages modestes et très modestes (64 %), là où le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) - qui préexistait à MaPrimeRenov' - était majoritairement capté par les revenus plus élevés. De ce point de vue, la réforme engagée a porté ses fruits. La loi de finances de l'an passé avait surtout consacré une véritable montée en puissance du dispositif, avec plus de deux milliards d'engagements mobilisés pour 2021. Ces crédits seront pérennisés en 2022 ; c'est une excellente nouvelle dont nous pouvons nous satisfaire. Les chiffres qui nous ont été fournis attestent d'ailleurs d'un plébiscite du dispositif par les Français. Depuis le début de l'année, ce sont ainsi 600 000 dossiers qui ont été déposés, niveau bien supérieur à l'objectif initial de 400 000 à 500 000 dossiers. L'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui gère cette prime, semble avoir mis en place les moyens adéquats pour traiter cet afflux : selon les informations que l'ANAH nous a transmises, le temps moyen de traitement des dossiers complets transmis par les demandeurs est de 5 jours. Le temps moyen de traitement pour les dossiers complets incluant les retours de l'ANAH et les contrôles sur place au paiement est de 11 jours.

Ces constats positifs ne doivent pas éclipser certaines interrogations quant à l'efficacité de la prime. Comme l'a souligné un récent audit de la Cour des comptes, aucun gain de consommation énergétique minimal n'est requis pour l'obtention des aides et la vérification de la qualité et de l'efficacité des travaux n'est pas assurée. Je souscris donc à la préconisation de la Cour d'évaluer plus finement les gains énergétiques de MaPrimeRénov', d'autant plus que 86 % des travaux soutenus constituent des mono-travaux, peu susceptibles d'améliorer significativement l'efficacité énergétique du bâtiment. Le Haut Conseil pour le climat avait préconisé dans son rapport de novembre 2020 de supprimer d'ici trois ans les aides aux gestes individuels pour MaPrimeRénov' et de n'offrir que des aides conditionnées à l'atteinte d'un niveau de performance et au recours à une assistance à la maîtrise d'ouvrage. Cette piste devra nécessairement être envisagée pour s'assurer de l'efficience de l'aide publique à la rénovation. Je rappelle que les travaux de rénovation énergétique permettent aux Français d'alléger leur facture énergétique, dans des proportions parfois importantes, dans un contexte où les prix de l'énergie augmentent considérablement.

J'en viens maintenant au troisième sujet : celui de la pollution de l'air, à l'origine d'environ 50 000 décès par an dans notre pays. Plusieurs procédures contentieuses ont été engagées contre la France pour dépassements chroniques des normes de qualité de l'air dans plusieurs agglomérations. Notre pays a été condamné au niveau européen par la CJUE et par le Conseil d'État, avec le versement par l'État d'une astreinte de 10 millions d'euros.

Cette surveillance est assurée par 19 associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), disposant d'un réseau d'environ 650 stations de mesure réparties sur le territoire. Elles sont financées de manière tripartite par l'État, les collectivités territoriales - certaines s'étant toutefois retirées du financement des AASQA - et les entreprises, qui peuvent déduire des montants de taxe générale sur les activités polluantes appliquée aux émissions polluantes (TGAP-Air) dont elles sont redevables les contributions qu'elles leur versent, dans la limite de 171 000 euros ou à concurrence de 25 % des cotisations de taxe dues. Afin de compenser la baisse des contributions des entreprises consécutive à la crise sanitaire, la loi de finances pour 2021 avait augmenté la subvention versée par l'État aux AASQA de 18 à 32 millions d'euros. Le PLF 2022 consacre une enveloppe de 23 millions d'euros, actant une augmentation de 5 millions d'euros du budget par rapport au niveau pré-crise sanitaire, ce dont nous pouvons nous réjouir. Cette subvention de l'État ne résout pas toutefois à plus longue échéance la problématique du financement des AASQA, affectées par la diminution structurelle des contributions des entreprises, résultant notamment de la baisse de leurs émissions polluantes. Cette diminution des contributions des entreprises met en péril l'autonomie des AASQA. Pour faire face à cette érosion des recettes, notre commission avait adopté, lors du PLF 2021, un amendement, approuvé par le Sénat, visant à relever le plafond de déductibilité des contributions des entreprises de 171 000 à 250 000 euros, et le taux maximum de déduction de 25 à 50 %, afin d'inciter les entreprises à augmenter leurs versements. Je vous proposerai d'adopter à nouveau cet amendement, en espérant qu'il reçoive cette année un écho favorable du Gouvernement.

Il me reste enfin à aborder deux sujets de gouvernance que notre commission connaît bien.

D'une part, je vous proposerai de soutenir à nouveau l'amendement que le Sénat avait adopté en première lecture de la loi « Climat et résilience », à l'initiative de notre commission, visant à affecter une part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux intercommunalités et aux régions ayant respectivement élaboré des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ou un schéma régional climat air énergie (SRCAE). Les collectivités jouent un rôle de plus en plus important en matière de transition écologique et climatique. Il serait logique qu'une part croissante des recettes de l'État finance ces compétences.

D'autre part, je vous proposerai d'adopter un amendement visant à accroître les effectifs du Haut Conseil pour le climat (HCC) afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle d'expertise auprès du Gouvernement et du Parlement. Cette position, déjà exprimée l'an passé, a été confortée par les travaux préparatoires de la loi « Climat et résilience » et son contenu. Je vous rappelle notamment le choix fait par le Gouvernement de confier à un cabinet de conseil privé, le Boston Consulting Group , et non au HCC, la charge d'analyser la compatibilité des réformes engagées depuis le début du quinquennat, et en particulier du projet de loi, avec l'Accord de Paris et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Il est regrettable que des crédits aient été dépensés pour financer un organisme de conseil privé.
- dont le climat n'est pas le coeur d'expertise - plutôt qu'une instance publique spécialisée en la matière ! Je rappelle également que la loi « Climat et résilience » confie à la Cour des comptes la mission d'évaluer l'application de la loi, le HCC n'intervenant malheureusement qu'en appui.

Notre demande formulée l'an passé a été pour partie entendue par le Gouvernement, qui a décidé d'augmenter les moyens du HCC de 4 équivalents temps plein (ETP). Je note toutefois que ces moyens ont été compensés pour partie par une baisse des effectifs du ministère de la transition écologique. Surtout, nous restons loin des 24 ETP dont dispose l'équivalent britannique du HCC. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement permettant de doubler l'effort consenti par le Gouvernement, en prévoyant 4 ETP supplémentaires.

Malgré ces réserves, je vous proposerai un avis favorable sur ces crédits.

M. Ronan Dantec . - Je remercie le rapporteur. Nous soutenons les amendements proposés et allons voter avec enthousiasme en faveur de ce rapport.

Concernant le HCC, il faut en effet renforcer ses moyens et mieux l'associer à l'élaboration de la décision publique. Par ailleurs, nous avons appris lors de la COP26 à Glasgow que les différents conseils climatiques européens allaient se fédérer ; cela permettra d'avoir une vision plus systémique des politiques publiques climatiques mises en place en Europe.

Concernant le fléchage d'une part de la TICPE vers les collectivités territoriales, je regrette que notre commission ne se soit pas battue davantage pour conserver la disposition lors de la commission mixte paritaire sur la loi « Climat et résilience ». Je pense que le Gouvernement n'était pas très loin de lâcher. Nous allons à nouveau voter en faveur cette disposition dans le cadre de ce PLF, comme nous l'avons fait de manière unanime lors des discussions budgétaires précédentes. Il faut maintenant trouver un compromis avec l'État à ce sujet, par exemple en fléchant d'abord uniquement sur les petites intercommunalités.

M. Pascal Martin . - Je souhaite appuyer les propos du rapporteur concernant les AASQA, dont on connaît l'importance pour notre politique de qualité de l'air. J'ai également eu l'occasion de les auditionner dans le cadre de mon avis budgétaire. Je confirme qu'ils manquent cruellement de moyens.

ATMO Normandie était financé il y a quelques années par les collectivités territoriales, ce n'est plus le cas dans quatre départements, à l'exception de la Seine-Maritime. Il est regrettable que certaines collectivités territoriales se soient retirées, d'autant plus que les financements requis sont modestes au regard du budget des départements. Pour les raisons évoquées par le rapporteur, certaines entreprises qui participaient au financement ne le font plus. Je souscris donc totalement aux propos du rapporteur, concernant le soutien à apporter au financement des AASQA.

Mme Angèle Préville . - Nous partageons les constats du rapporteur. MaPrimeRenov' s'est beaucoup développée, mais cela ne garantit pas l'amélioration de l'efficacité. Nous avons proposé de conditionner le versement de la prime à l'atteinte d'un certain niveau d'efficacité ou à la réalisation d'une rénovation globale. Nous n'avons pas été entendus.

Nous déplorons également l'insuffisance des aides face à la hausse durable des prix de marché de l'énergie. Nous déplorons enfin le maintien des aides fiscales en faveur des énergies polluantes.

Concernant la pollution de l'air, on constate un manque de moyens pour gérer les données. Il va falloir diminuer cette pollution, car elle est responsable de milliers de décès par an. Je pense que nous n'avons pas réellement commencé à mettre en place des mesures significatives pour diminuer cette pollution de l'air.

Pour ces raisons, nous voterons contre l'adoption des crédits relevant de cet avis budgétaire.

M. Guillaume Chevrollier . - J'aimerais également revenir sur MaPrimeRenov', dispositif que la population s'est approprié. La question de l'efficacité se pose toutefois, comme le rapporteur l'a souligné. 86 % des travaux soutenus constituent des mono-travaux. L'aide peut avoir un effet économique positif sur le secteur du bâtiment mais dans le contexte d'urgence climatique, il faudrait que l'aide ait aussi un impact sur le climat. Il faudrait qu'on puisse mesurer précisément l'impact sur des rénovations et orienter les aides sur la rénovation de l'enveloppe globale du bâtiment. Sans cela, l'impact de la prime sur l'efficacité sera limité, ce qui pourrait entraîner une contestation de la part de nos concitoyens.

Le dispositif mérite toutefois d'être stabilisé. Par le passé, il y a eu une multitude de mesures de soutien, ce qui faisait que nos concitoyens, particuliers et professionnels, étaient perdus.

Il me semble donc en résumé que le dispositif doit être stabilité et rendu plus efficient.

Je salue enfin la proposition d'accroître les moyens du Fonds Chaleur.

M. Gilbert Favreau . - Les PCAET sont des documents de planification parfois incomplets. C'est le cas dans mon département qui supporte un nombre important d'éoliennes. J'attire votre attention sur la nécessité de bien compléter les PCAET, notamment concernant le développement des énergies renouvelables, ce qui n'est pas le cas dans chaque intercommunalité.

Le SRADDET de la région Nouvelle-Aquitaine ne prévoit quasiment rien sur la maîtrise de l'implantation des parcs éoliens, ce qui est très inquiétant au regard de la grande disparité de déploiement entre les territoires.

M. Didier Mandelli . - Je rappelle que la commission mixte paritaire de la loi d'orientation des mobilités (LOM) avait échoué sur la question du financement par une part de TICPE des intercommunalités qui prendraient la compétence d'autorité organisatrice de mobilité, que nous avions soutenu au Sénat.

Par ailleurs, le fait d'avoir imposé le recours à une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) pour les rénovations effectuées dans le cadre de MaPrimeRenov' par les copropriétés, et par les particuliers dans le cadre du programme « Habiter Mieux » de l'ANAH, a permis de moraliser les actions de rénovation énergétique des bâtiments.

On constate toutefois que certains dossiers prennent du retard. Certains bénéficiaires sont en attente forte pour pouvoir engager les travaux. Cela est dû à un recul de l'éco-délinquance, qui correspond à une situation où certaines sociétés réalisent des devis frauduleux pour pouvoir bénéficier de la subvention publique. Le fait que les devis soient analysés par une commission a permis de limiter ces pratiques frauduleuses. C'est une évolution vertueuse, qui peut toutefois freiner le traitement des dossiers. Certains dossiers prennent du retard également parce que les AMO ou les bénéficiaires ne sollicitent pas systématiquement les certificats d'économie d'énergie (CEE) qui contribuent pourtant à abaisser le reste à charge. Dans mon territoire, j'ai proposé à Action Logement de réaliser des avances en anticipant l'aide issue des CEE, ce qui permet de déclencher plus rapidement les travaux.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - Je partage l'ensemble des propos qui viennent d'être tenus.

Je précise que la loi « Climat et résilience » va imposer l'inscription d'objectifs de développement des énergies renouvelables dans les SRADDET.

Il me semble que nous devons continuer à pousser pour qu'une part de la TICPE soit versée aux intercommunalités et aux régions ayant respectivement élaboré un PCAET ou un SRADDET. Cela est essentiel pour faire avancer la transition écologique dans nos territoires.

Concernant MaPrimeRenov', il faut que nous arrivions à mesurer les gains d'efficacité énergétique permis.

Mme Marie-Claude Varaillas . - MaPrimeRenov' est un dispositif important, notamment dans un département comme le mien où il y a un bâti très ancien.

Nous avons toutefois des difficultés découlant de la baisse de personnels dans les directions départementales des territoires (DDT), ce qui conduit à des retards dans le traitement des dossiers. Notre département a donc dû recruter des instructeurs pour rattraper ce retard, qui était considérable. Il nous reste maintenant à résoudre la question du reste à charge, qui peut être cruciale pour les ménages modestes.

J'aimerais également aborder la question des bailleurs sociaux. Nous avons vécu les impacts des variations de TVA, les effets de la réduction du loyer de solidarité - qui a divisé par deux l'autofinancement des bailleurs sociaux - la suppression de la taxe d'habitation, la suppression des aides à la pierre, qui ont cassé la dynamique des HLM.

De plus, nous regrettons la baisse des effectifs dans la mission « Écologie ». Nous sommes passés de 36 212 à 35 865 ETP entre la LFI 2021 et le PLF 2022, soit une diminution de 1,4 % du plafond d'emplois. Des opérateurs comme Météo France, le Cerema, l'IGN perdent chacun plusieurs dizaines d'emplois. Au niveau régional, les DREAL sont vidées de toutes substances et perdent encore 23 ETP. Les directions interdépartementales des routes sont à nouveau affaiblies et seront probablement transférées aux collectivités territoriales, dans le cadre du projet de loi 3DS. Quant à l'OFB, il ne bénéficie d'aucune création de postes. Il n'y a que 1 900 agents au niveau national, chargés de constater et de sanctionner les atteintes à l'environnement. Ces éléments ne nous satisfont pas du tout.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - J'approuve vos remarques sur les personnels.

La question des HLM ne relève pas du périmètre de cet avis budgétaire.

Concernant les délais de traitement des dossiers de rénovation des bâtiments, selon les chiffres que nous a fournis l'ANAH, 98 % des dossiers complets déposés sont traités dans les 15 jours ouvrés pour l'engagement et 83 % pour le paiement.

M. Jean-François Longeot , président . - Nous passons maintenant à l'examen des amendements.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - L'amendement n° I-395 vise à assurer le financement des AASQA, qui sont financées de manière tripartite par l'État, les collectivités territoriales et les entreprises, lesquelles peuvent déduire des montants de taxe générale sur les activités polluantes appliquée aux émissions polluantes (TGAP-Air) dont elles sont redevables les contributions qu'elles leur versent, dans la limite de 171 000 euros ou à concurrence de 25 % des cotisations de taxe dues.

Cet amendement vise à relever le plafond de déductibilité des contributions des entreprises de 171 000 à 250 000 euros, et le taux maximum de déduction de 25 à 50 %, afin d'inciter les entreprises à augmenter leurs versements. Cette augmentation est indispensable pour permettre aux AASQA d'assumer leurs missions dans de bonnes conditions.

La commission adopte l'amendement n° I-395.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - L'amendement n° I-396 vise à affecter une part de TICPE aux intercommunalités et aux régions ayant respectivement élaboré des plans climat-air-énergie-territoriaux (PCAET), des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ou un schéma régional climat, air, énergie (SRCAE) (dans le cas particulier de la région Île-de-France). Le dispositif prévoit de surcroît que les modalités d'attribution de cette part soient fixées dans le contrat de relance et de transition écologique (CRTE) conclu entre l'État et la collectivité ou le groupement concerné, la région pouvant être cocontractante des contrats avec les collectivités locales de son territoire. Cet amendement est d'autant plus important que la loi « Climat et résilience » a imposé l'intégration des objectifs de développement des énergies renouvelables dans les SRADDET.

La commission adopte l'amendement n° I-396.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-36 vise à accroître les moyens du Fonds Chaleur de 350 à 450 millions d'euros, afin de permettre de financer l'ensemble des projets actuellement en file d'attente.

La mobilisation de fonds supplémentaires semble en effet indispensable au rattrapage du retard conséquent pris par la France par rapport aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

D'après certaines informations recueillies, l'État pourrait pour partie satisfaire cette demande en augmentant les moyens du Fonds Chaleur de 50 millions d'euros.

M. Jean-François Longeot , président . - C'est une excellente initiative conjointe portée par le rapporteur et M. Martin, qui permettra de débloquer un certain nombre de dossiers.

La commission adopte l'amendement n° II-36.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-34 vise à augmenter les moyens mis à disposition du Haut Conseil pour climat (HCC) de 300 000 millions d'euros, enveloppe qui permettrait d'accroître ses effectifs de 4 ETP. Je rappelle que l'homologue britannique du HCC compte 24 ETP, contre 6 seulement pour le HCC français. Cela doit permettre d'éviter le recours à des cabinets privés pour analyser nos politiques climatiques, comme cela a été le cas en amont de l'examen de la loi « Climat et résilience ».

M. Joël Bigot . - Le ministère de la transition écologique a été le principal contributeur à la réduction d'ETP dans les services de l'État.

Concernant l'Ademe, je signale que des missions sont actuellement assurées jusqu'en juin prochain par des intérimaires qui ont été recrutés dans le cadre du plan de relance. On ne sait pas quel sera le devenir de ces missions après juin.

En matière de moyens humains mobilisés pour la transition écologique, on est bien en dessous de ce que mobilisent d'autres États européens. Il y a une stratégie du Gouvernement de confier à des acteurs privés des missions qui n'auront plus d'intérêt public que le nom. Je suis très inquiet à cet égard. Si le ministère de la transition écologique veut assurer une mission de service public, il doit s'en donner les moyens en mobilisant des personnes dédiées à cette mission.

M. François Calvet , rapporteur pour avis . - Concernant l'Ademe, je partage votre préoccupation. Les intérimaires ont été recrutés pendant 18 mois grâce au plan de relance, mais on ne se sait pas si ces postes seront pérennisés.

M. Joël Bigot . - Je rappelle que l'Ademe a contribué à hauteur de 600 emplois aux réductions d'effectifs sur l'ensemble du quinquennat.

La commission adopte l'amendement n° II-34.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition écologique et au climat de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et de la mission « Plan de relance », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Examen en commission
(Lundi 22 novembre 2021)

Réunie le lundi 22 novembre 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2022.

M. Jean-François Longeot , président . - Nous examinons maintenant le rapport pour avis sur les crédits relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables.

M. Frédéric Marchand , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables . - Je vous présente l'avis budgétaire relatif au programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui contribue au financement de la recherche dans les domaines du développement durable, de l'énergie, des risques, des transports, de la construction et de l'aménagement.

Dans un contexte marqué par les conclusions des négociations de la COP 26 à Glasgow, je rappelle que les travaux des opérateurs concernés par le programme 190 constituent un levier essentiel pour la transition écologique.

Notre commission a pris ses responsabilités dans ce domaine, qu'il s'agisse de la loi économie circulaire de 2020, dite « AGEC », de la loi « Climat et résilience » promulguée en août dernier ou encore de la loi sur l'empreinte environnementale du numérique du 15 novembre 2021. Tous ces sujets appellent un développement de la recherche et entraînent donc des besoins de financement importants, ciblés et pérennes.

Par définition, la recherche s'inscrit dans le temps long. C'est pourquoi nous devons être vigilants sur la pérennité des moyens alloués au programme 190, dans une perspective stratégique et pluriannuelle. Je précise que, pour cette année encore, la diminution d'environ 15 % des crédits prévus pour 2022 est principalement le fait d'un transfert du programme 190, vers le programme 362, « Écologie », de la mission « Plan de relance ». Cette baisse n'est donc qu'apparente, et son caractère artificiel met en lumière la complexité des mouvements de crédits induits par le plan de relance.

Je souhaite aborder trois points : les difficultés financières de certains opérateurs, ainsi que le risque de perte d'attractivité et de souveraineté technologique de la recherche française ; l'impérieuse nécessité de maîtriser les coûts et le calendrier de déploiement des projets relatifs à l'énergie nucléaire, tout en accompagnant l'émergence de nouvelles technologies énergétiques ; enfin, j'aimerais insister sur l'articulation des moyens de la recherche en matière de prévention et de gestion des risques.

Concernant l'adéquation des crédits alloués aux enjeux, j'attire votre attention sur certaines fragilités financières qui freinent parfois les opérateurs pour mener à bien leurs activités de recherche.

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), essentiellement financé par des subventions publiques, présente une situation patrimoniale et financière dégradée, ainsi que l'a souligné la Cour des comptes. Le budget de cet institut a, en effet, baissé de 10 % entre 2013 et 2021.

Le projet de loi de finances pour 2022 marque une légère revalorisation des crédits, afin de compenser la baisse prévisionnelle de la taxe affectée aux installations nucléaires de base, faisant suite à la fermeture de Fessenheim. Un effet pervers découle toutefois de la baisse à long terme des crédits de l'opérateur ; sachant que l'IRSN maintient ses activités d'expertise, la baisse du soutien public touche essentiellement ses activités de recherche et se traduit par la chute de ses capacités d'investissement.

On observe également une baisse des dotations versées au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Cette baisse, encore une fois, ne devrait être qu'apparente, car le CEA bénéficiera par ailleurs d'un soutien dans le cadre du plan de relance.

On peut néanmoins s'interroger sur le manque de lisibilité dans le déploiement de ces crédits et sur le risque que ce financement du CEA ne soit pas pérenne, sachant le caractère temporaire du plan de relance. Il serait donc souhaitable que nous prenions la mesure de ces évolutions, en restant vigilants sur l'accompagnement de la recherche française, dont la compétitivité européenne et internationale est pleinement reconnue.

L'an dernier, j'avais insisté sur l'excellence de notre recherche en matière d'énergie, de développement et de mobilité durables. Cette année encore, à l'occasion des auditions, le nombre de brevets déposés entre les années 2000 et 2019, dans le domaine des technologies bas carbone, est la preuve de la maturité de notre recherche. Comme l'illustre le classement de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la France compte trois établissements parmi les dix premiers du classement, dont le CEA à la première place et l'IFP Énergies nouvelles en quatrième position, alors que le célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston ne pointe, lui, qu'à la treizième place.

Ce positionnement international ne doit pas nous faire oublier le risque de perte d'attractivité et de souveraineté technologique lié à des difficultés récurrentes de pérennisation des emplois et des compétences.

Le phénomène de « fuite des cerveaux » est préoccupant. L'IFP Énergies nouvelles a perdu une centaine de postes du fait du non-renouvellement des départs en 2021. Par ailleurs, les plafonds d'emplois de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) baissent de 2 % par an, soit l'équivalent de plus de 20 % en dix ans.

J'en viens aux enjeux budgétaires des secteurs du développement de l'énergie d'origine nucléaire et des nouvelles technologies de l'énergie. Concernant l'IRSN, les surcoûts et les retards de l'installation expérimentale Cabri sont inquiétants. Ce programme international vise à étudier le comportement du combustible nucléaire lors d'un accident d'injection dans les réacteurs à eau sous pression. La Cour des comptes alerte sur la nécessité d'arbitrer entre la reprise ou l'abandon du programme après 2024. Il est crucial que notre commission suive cette question avec attention dans les prochains mois.

L'avancement du projet ITER mérite également qu'on y prête attention. La production d'un premier plasma, à horizon 2025, apparaît ambitieuse, étant donné le retard induit par la crise sanitaire. De même, après les réorientations décidées en 2019-2020, l'opération de montage du réacteur de recherche Jules Horowitz (RJH) se poursuit.

D'ici à 2023, une opération de gouvernance des risques entend redessiner les contours d'un projet réaliste. Cette opération doit s'accompagner d'une exigence de modération budgétaire. En effet, les actions « Charges nucléaires de long terme des installations du CEA » et « Recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire » représentent toujours près de deux tiers des crédits du programme 190.

Concernant l'accompagnement des nouvelles technologies de l'énergie, des moyens importants doivent être alloués pour soutenir leur transfert et leur massification.

Je salue les activités du CEA, qui porte des travaux novateurs, voire disruptifs pour certains - je pense, notamment, aux performances de l'hydrogène ou de la technologie du photovoltaïque à hétérojonction, qui sont actuellement en phase de transfert.

L'IFP Énergies nouvelles, quant à lui, soutien des projets en matière de technologie de captage, de stockage, de transport et de valorisation du CO 2 , essentiels à la transition. Le projet BioTfueL développe des biocarburants de deuxième génération utilisant les résidus agricoles et forestiers plutôt que des ressources potentiellement alimentaires. Il s'agit de consacrer plus de moyens budgétaires à ces axes de recherche, d'autant qu'ils permettent de répondre aux objectifs européens en matière d'énergie renouvelable et de biocarburants.

La question du soutien de la recherche française en matière de prévention et de gestion des risques, notamment industriels, se pose avec de plus en plus d'acuité. Je note un avant et un après Lubrizol ; depuis l'incendie de l'usine, l'Ineris a consacré près de 1,5 million d'euros à la recherche post-accidentelle, en menant des campagnes expérimentales qui ont fait émerger de nombreuses interrogations sur le plan de la recherche - je pense à la modélisation rapide des panaches de fumée, à la gestion des données sur certains polluants issus de la combustion ou encore à l'identification des valeurs toxicologiques de référence.

À ce sujet, je rappelle les conclusions du rapport de la commission d'enquête sénatoriale après l'incendie de l'usine Lubrizol, selon lesquelles la recherche en matière de prévention et de gestion des accidents industriels doit bénéficier de moyens budgétaires à la hauteur des enjeux.

Nous devons également investir dans la recherche sur les risques environnementaux et climatiques. Le CEA développe déjà des outils permettant de modéliser les répercussions environnementales d'un tsunami, de la pollution des sols et des rivières, ou encore de la dynamique et de la variabilité naturelle du climat, en fonction de la sensibilité des écosystèmes marins et continentaux aux changements climatiques et anthropiques ; il convient d'accentuer l'excellence de cet acteur de pointe.

Enfin, je souhaite insister sur la nécessité de cibler des projets de recherche ayant une portée systémique et territorialisée. Ces deux piliers s'inspirent notamment des orientations scientifiques de l'université Gustave-Eiffel (UGE), dont j'avais salué la création en 2020.

Sur le volet systémique, il me paraît opportun d'accompagner financièrement le décloisonnement des disciplines de recherche, afin d'encourager les synergies entre laboratoires, du domaine des mobilités à l'urbanisme en passant par les réseaux, l'économie circulaire et la logistique urbaine. À l'image de l'inflexion du programme scientifique de l'UGE en 2021, cette démarche comprend la question des villes et territoires justes et équitables, et s'intègre à des projets démonstrateurs, au plus près du terrain.

Le second pilier consiste à soutenir des activités de recherche territorialisées, afin de réaffirmer la pluralité des modèles de villes et de territoires durables, en favorisant l'étude des conditions de « réplicabilité » des solutions et des bonnes pratiques, notamment en fonction du maillage territorial considéré.

Sur ce point, l'UGE étudie les implications de la crise sanitaire sur les mobilités, l'économie circulaire et les dynamiques de métabolisme du territoire, en particulier les enjeux de quantification des flux entrants et sortants de l'économie circulaire.

Pour mieux s'imprégner de ces problématiques, la commission pourrait utilement se déplacer auprès de ces opérateurs qui font vivre la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables. Cela permettra à la fois de mieux comprendre les enjeux auxquels ils font face, d'orienter nos prises de position en tant que législateur et de répondre aux demandes manifestées dans le cadre des différentes auditions.

Sachant la résilience et la mobilisation des opérateurs concernés, je propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 190.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et de la mission « Plan de relance ».

M. Jean-François Longeot , président . - En conclusion de cette réunion, je tiens à remercier l'ensemble des rapporteurs pour le travail réalisé. Je souhaite également remercier plus particulièrement Hervé Gillé, qui nous a quittés quelques instants pour aller défendre un amendement, ainsi que Jacques Fernique, qui a représenté la commission vendredi dernier. Il est important que la commission puisse être représentée et que les amendements soient défendus, même si certains seront finalement rejetés.

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