EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 3 NOVEMBRE 2021

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M. Jean-Jacques Lozach , rapporteur pour avis des crédits relatifs au sport au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » . - Nous avions été nombreux à regretter l'année dernière qu'au-delà des dispositifs généraux d'aide à l'économie, le budget du sport ne prenne pas la pleine mesure de la gravité de la situation créée par la crise sanitaire pour les clubs et les fédérations, les salles de sport et les loisirs sportifs marchands en général.

Pour ne citer que cet exemple, il aura fallu attendre une loi de finances rectificative au printemps dernier pour que soit adopté un Pass'Sport, doté d'une enveloppe de 100 millions d'euros. Cette décision tardive s'est traduite par une mise en oeuvre sans véritable concertation avec les collectivités territoriales, qui avaient pour beaucoup d'entre elles déjà mis en place des dispositifs similaires. Certes, la consommation des crédits progresse, puisque 700 000 jeunes sont aujourd'hui concernés par le dispositif, mais l'objectif fixé d'ici la fin de l'année 2021, à savoir 2 millions de bénéficiaires, pourrait ne pas être atteint. On rappellera que, si les 5,4 millions de bénéficiaires visés à terme entraient dans le dispositif, il en coûterait 270 millions d'euros à l'État, ce qui pose évidemment la question de la pertinence du niveau des moyens mobilisés.

Pour en revenir au budget du sport pour 2022, les crédits du programme 219 augmenteront de 22 % et s'élèveront à 547 millions d'euros, tandis que ceux du programme 350 concernant les équipements olympiques progresseront également pour atteindre 295 millions d'euros. Il n'est toutefois pas facile de comparer les budgets d'une année sur l'autre. Les annonces se succèdent en cours d'année, le plus souvent en dehors de la loi de finances initiale, et les crédits sont débloqués, mais pas toujours consommés. L'essentiel pour ce gouvernement semble être de pouvoir afficher une augmentation des crédits quitte à prendre des libertés avec les chiffres comme dans le cas du laboratoire de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) - j'y reviendrai.

Il manque encore une véritable stratégie pour la politique publique du sport. Le quinquennat qui s'achève aura été celui d'un affaiblissement sans précédent du ministère des sports, qui a perdu l'essentiel de ses prérogatives et qui voit aujourd'hui partir ses cadres les plus expérimentés. De fait, l'Agence nationale du sport (ANS) a repris près de 80 % des missions assumées jusqu'ici par le ministère.

La réforme de la gouvernance du sport, avec la création de l'ANS, était sans doute nécessaire pour combler le retard de notre pays dans le domaine du sport de haut niveau et de « la haute performance », mais sa mise en oeuvre a laissé le ministère des sports sur le bord du chemin sans véritable feuille de route.

L'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) apparaît aujourd'hui comme une autre victime collatérale, tandis que la régionalisation des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps), engagée en 2015, est déjà remise en cause avec la création des « maisons régionales de la performance » qui ont vocation à s'inscrire dans l'orbite de l'ANS.

Si la gouvernance du sport reste compliquée à suivre en 2021, il en sera de même du budget en 2022. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a fait adopter un amendement attribuant 100 millions d'euros pour financer le plan de création de 5 000 équipements sportifs de proximité en trois ans, qui vient d'être annoncé par le chef de l'État. On aurait évidemment préféré qu'un tel plan fût annoncé dès 2017 et mis en oeuvre au cours du quinquennat. Que penser, en effet, de la méthode consistant à promettre 100 millions d'euros pour 2023 et 2024, alors que l'année 2022 sera une année d'élection présidentielle ?

Sur le fond, le Comité national olympique et sportif français (Cnosf), a estimé que ce plan ne faisait pas partie des besoins prioritaires du sport français, qui souffre avant tout d'un manque de rénovation du parc des équipements locaux structurants, dont l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) a évalué le coût à 1 milliard d'euros sur cinq ans. J'ajoute que le Gouvernement n'a pas été en mesure de nous indiquer le coût que représenteront pour les collectivités territoriales l'entretien et l'assurance de ces 5 000 équipements de proximité.

Un autre amendement adopté par l'Assemblée nationale vise à doter l'ANS de 10 millions d'euros de crédits supplémentaires ciblés sur la haute performance. On souhaiterait se réjouir de cette rallonge budgétaire, mais comment ne pas rappeler qu'elle constitue une réaction, à la fois modeste et tardive, aux faibles résultats des équipes de France engagées aux jeux Olympiques de Tokyo - 33 médailles pour un huitième rang au tableau des médailles. Lors de son audition la semaine dernière par le groupe d'études sur les pratiques sportives et les grands événements sportifs, présidé par notre collègue Michel Savin, le manager de la haute performance, Claude Onesta, a reconnu que les efforts consentis aujourd'hui pourraient porter davantage leurs fruits lors des jeux Olympiques de Los Angeles et de Brisbane que durant ceux de Paris 2024.

J'en viens maintenant au projet de budget qui nous est soumis, et dont il convient de retenir quelques ordres de grandeur.

Les crédits du plan de relance continueront à produire leurs effets en 2022 à hauteur de 55 millions d'euros : 25 millions d'euros de crédits seront dédiés à la rénovation thermique des équipements locaux, 4 millions d'euros à la transition numérique des fédérations, 20 millions d'euros aux aides à l'emploi et 6 millions d'euros à la formation aux métiers du sport ou de l'animation.

Le socle des moyens de l'ANS restera stable avec une dotation publique de 135 millions d'euros, à laquelle s'ajoutera le produit des taxes affectées à hauteur de 180 millions d'euros. Je ne reviens pas sur les 100 millions d'euros consacrés au Pass'Sport et les 10 millions d'euros destinés à la haute performance.

L'Insep profitera d'une augmentation de 1,1 million d'euros de ses crédits, mais devra faire face à une diminution de son plafond d'emplois. La dotation allouée aux Creps progressera de 6 millions d'euros, parallèlement à la transformation de leurs missions : ils devront désormais prendre en charge les athlètes sur tout le territoire régional. Le transfert de 80 agents doit en effet permettre à ces nouvelles « maisons régionales de la performance » de proposer un accompagnement aux athlètes qui en étaient dépourvus.

Contrairement à ce qu'indiquait la ministre chargée des sports lors de son audition, les conseillers techniques sportifs (CTS) ne sont pas « sanctuarisés », puisque leur nombre, qui est déjà passé de 1 560 en 2018 à 1 481 en 2021, sera ramené à 1 442 en 2022, vingt de ces postes étant redéployés dans les territoires au sein des Creps.

Le sport-santé progressera lentement, dans la mesure où les moyens qui lui sont consacrés passeront de 3,7 millions d'euros en 2021 à 4,3 millions d'euros en 2022. On est toutefois encore loin de l'objectif des 500 structures labellisées « maisons sport-santé ».

La lutte contre le dopage bénéficiera de moyens supplémentaires avec, pour l'AFLD, 1,84 million d'euros de crédits supplémentaires et cinq équivalents temps plein (ETP) dédiés à la politique de prévention et au renforcement du service chargé des enquêtes. L'Agence devrait pouvoir atteindre l'objectif des 10 000 contrôles en 2022 et celui des 12 000 contrôles en 2024.

La hausse des moyens la plus significative concernera évidemment la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), qui est chargée de construire les sites olympiques. Les crédits figurant dans le programme 350 augmenteront de 40 millions d'euros pour atteindre 263 millions d'euros. La maquette budgétaire a été actualisée pour tenir compte de l'inflation, le coût des travaux étant maintenant évalué à 1,553 milliard d'euros. Il est à noter que le chantier du village des médias a pris quatre mois de retard à cause des recours, ce qui compliquera la finalisation des travaux. De façon générale, le directeur général de la Solideo considère qu'il aura les moyens d'accélérer le rythme des travaux pour faire face aux aléas.

Par ailleurs, je tiens à saluer la hausse de 800 000 euros des crédits dédiés à la protection des sportifs, la prévention et la lutte contre toutes les formes d'incivilités, de violences et de discriminations.

Au-delà de ces chiffres, l'appréciation qu'il convient de porter sur ce projet de budget est nécessairement partagée.

Concernant les jeux Olympiques et Paralympiques, si nous pouvons nourrir de réelles inquiétudes sur les performances des athlètes français en 2024, rien, à cette heure, ne semble pouvoir remettre en cause l'organisation de la manifestation et la construction des équipements olympiques. Les difficultés rencontrées font toutes l'objet d'un traitement approprié.

S'agissant des moyens dédiés au sport et notamment du déplafonnement des taxes affectées, aucune évolution n'est attendue en 2022 au-delà de ce qui a été fait l'année dernière sur la taxe dite « Buffet ». C'est une déception si l'on se souvient qu'en 2017 ces taxes finançaient encore le Centre national pour le développement du sport (CNDS) à hauteur de 250 millions d'euros. En 2022, ce sont plus de 200 millions d'euros de recettes perçues par l'intermédiaire de ces taxes qui seront reversés au budget général. On peut nourrir des craintes sur la volonté réelle du Gouvernement de compenser le moindre rendement de la taxe Buffet à la suite de la défaillance de Mediapro - le manque à gagner est évalué à environ 25 millions d'euros, à en juger par le flou entretenu par le ministère à ce sujet.

Nous pouvons en revanche nous satisfaire d'avoir été entendus sur l'avenir du laboratoire de l'AFLD. Grâce à la mobilisation du Sénat, le transfert du laboratoire à l'université de Saclay, qui sera effectif en janvier prochain, bénéficie aujourd'hui d'un cadre bien établi et d'un budget de 6,7 millions d'euros en 2022, dont une subvention d'équilibre de 3,1 millions d'euros versée par le ministère de l'enseignement supérieur, qui n'a donc plus vocation à figurer dans le budget du sport comme c'est pourtant le cas. En revanche, les moyens pour équiper et faire fonctionner le laboratoire en vue des jeux Olympiques, évalués à 11 millions d'euros, restent à trouver.

En conclusion, malgré les avancées que comporte ce budget, il demeure à mon sens au moins deux dossiers préoccupants.

En premier lieu, l'abaissement du plafond d'emplois de l'Insep est dommageable à moins de trois ans des jeux Olympiques, et ce alors même qu'un nouveau directeur général vient de prendre ses fonctions. Avec cette baisse de cinq ETP, le Gouvernement envoie un mauvais signal, alors que ce pôle d'excellence connaît aujourd'hui un regain d'intérêt de la part des fédérations, qui mesurent l'intérêt de rejoindre ce cluster de la haute performance. L'Insep a par ailleurs besoin de se doter de plusieurs équipements de pointe - je pense notamment à un scanner et à un plateau technique - pour tenir son rang en 2024. Il aurait mérité mieux dans le cadre de ce budget pour 2022. Espérons que les débats au Sénat soient l'occasion de corriger le tir.

En second lieu, la situation des 108 fédérations françaises reste fragile, puisqu'elles accusent encore une baisse de 25 % du nombre de leurs licenciés par rapport à la saison 2019-2020. Le Cnosf évalue à 282 millions d'euros leurs pertes de recettes en 2020. Le bleu budgétaire indique que dix-sept fédérations pourraient se retrouver en difficulté en 2022 sans que ni le Cnosf ni l'ANS aient reçu d'informations sur les fédérations concernées, ce qui est quelque peu troublant.

Je m'interroge dans ces conditions sur la non-reconduction du fonds d'urgence pour la compensation des pertes de licences en 2022. J'observe également que le Cnosf n'a pas été associé à l'élaboration du plan de 5 000 équipements sportifs de proximité. Là encore, il est possible que le changement d'équipe à la tête du Cnosf ait complexifié les échanges avec le ministère, mais il doit être encore possible d'obtenir des clarifications lors des débats en séance publique.

Nous sommes également dans l'attente de précisions de la part de la ministre chargée des sports sur les modalités du maintien ou du report, au bénéfice du sport pour tous, des crédits non consommés du Pass'Sport en 2021.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, et notamment des nouvelles mesures décidées par le Gouvernement lors de l'examen de ce budget à l'Assemblée nationale, je propose à la commission d'émettre un avis de sagesse à l'adoption des crédits des programmes 219 et 350 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2022.

M. Michel Savin . - Je tiens à remercier le rapporteur pour cette présentation, ainsi que pour les travaux qu'il a conduits depuis plusieurs semaines dans un état d'esprit toujours constructif et transpartisan.

Après plusieurs mois de crise sanitaire, la situation des associations sportives françaises reste très fragile et inquiétante. Un très grand nombre de clubs et de fédérations sont confrontés à une baisse de 20 à 30 % du nombre de leurs licenciés, avec pour conséquence une très forte baisse de leurs ressources, évaluée à 280 millions d'euros. Cette situation suscite de fortes inquiétudes en matière tant d'engagement associatif que de santé publique. À cette baisse s'ajoute un reflux du bénévolat. Tous ces indicateurs sont inquiétants et requièrent notre pleine et entière attention.

Récemment, la ministre chargée des sports a présenté le budget des sports pour 2022 comme historique, car il dépasserait le milliard d'euros. Si, dans les faits, ce n'est pas faux, nous devons être attentifs aux détails, ce à quoi nous sommes habitués avec ce gouvernement. Différentes questions méritent d'être posées et des améliorations pourraient être apportées.

Depuis plusieurs années, la très forte croissance du budget dédié au sport s'explique par la hausse des crédits du programme 350 consacrés aux infrastructures des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, mais aussi - il faut le dire - à des jeux d'écriture comptables.

Même si nous sommes de fervents défenseurs et partisans de Paris 2024, n'oublions pas que le programme dédié aux infrastructures pérennes est quasi exclusivement fléché sur les futurs logements des sportifs et non sur les équipements.

Je citerai un second exemple, celui de l'augmentation de plus de 22 % des crédits de l'action 01 du programme 219, liée au déploiement du Pass'Sport. Je rappelle que ce dispositif a été annoncé lors du projet de loi de finances pour 2021 et mis en oeuvre dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de l'été dernier. Cette action existe donc d'ores et déjà et ses crédits figuraient déjà dans le budget 2021. Hors Pass'Sport, les dépenses d'intervention inscrites dans le périmètre de l'action 01 n'augmenteront en réalité que de 1,3 million d'euros pour atteindre péniblement les 46,3 millions d'euros en 2022.

Si le principe du Pass'Sport est à saluer, son application est bien plus complexe que prévu. Dans les faits, on y recourt bien moins que ce qui était envisagé : ainsi, nous savons tous que les 100 millions d'euros alloués à ce dispositif en 2021 ne seront pas consommés. Comment ces crédits non consommés, que l'on évalue actuellement à 60 millions d'euros, seront-ils fléchés en 2022 ?

Le fonctionnement du Pass'Sport suscite également de vives inquiétudes : les associations sportives, notamment les plus petites, rencontrent de réelles difficultés pour y accéder à cause de la complexité de la procédure de création du compte Asso, nécessaire pour bénéficier des fonds.

En ce qui concerne le plan d'équipement annoncé par le Président de la République, je salue l'important engagement financier, et ce dès avant la première lecture du projet de loi de finances pour 2022 à l'Assemblée nationale. Cependant, je m'inquiète de la répartition géographique de ces 5 000 équipements sportifs de proximité : il me semble déterminant que ces aides soient accessibles à toutes les communes dans tous les territoires. Or cette mesure n'est destinée aujourd'hui qu'aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux territoires ruraux carencés. Il existe pourtant des carences partout en France ! Restreindre le bénéfice de ces structures à certains quartiers serait un très mauvais signal envoyé aux élus de bonne volonté qui veulent rendre leur territoire plus sportif.

J'attire votre attention sur un autre point de vigilance, la taxe dite « Buffet ». Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse de réviser dès à présent le plafond des taxes affectées, alors même que nous savons que leur rendement sera plus faible d'au moins 25 millions d'euros du fait de la défaillance de Mediapro.

Comme l'a souligné le rapporteur pour avis, je regrette la suppression des cinq ETP dédiés à l'Insep. À trois ans des jeux Olympiques de Paris, cette décision est regrettable.

Le Sénat est sensible à la question des CTS depuis plusieurs années. La situation actuelle nous donne une fois de plus raison. Le Gouvernement cherche à nous rassurer en évoquant un gel des effectifs pour l'an prochain, mais je ne suis pas confiant à ce sujet.

Je salue la hausse annoncée des moyens pour le sport de haut niveau, après les résultats contrastés des derniers jeux, bons aux jeux Paralympiques, décevants aux jeux Olympiques. L'ANS a décidé de rehausser de 10 millions d'euros les crédits consacrés à l'accompagnement et au soutien des athlètes susceptibles d'être médaillés lors des prochains jeux Olympiques de 2024. Notre pays doit conduire une politique de soutien du sport de haut niveau à court, moyen et long terme, qui doit faire l'objet d'une concertation avec l'ensemble des acteurs, ANS, fédérations, éducation nationale et collectivités locales.

Le Gouvernement et le Président de la République aiment particulièrement parler de sport et afficher de grandes ambitions, mais celles-ci s'évaporent trop souvent au fil du temps, ce qui n'est pas acceptable. Ainsi, les récents engagements du Président de la République sur le droit à l'image collective (DIC) des sportifs professionnels, le sport à l'école, le « capital sportif-entrepreneur », la rénovation ou la reconstruction des équipements, ou bien les « cordées du sport » restent lettre morte. Rien ne serait pire que de manquer le rendez-vous des jeux Olympiques. Par cela, j'entends l'héritage et l'ambition sportive à insuffler à notre pays. L'ambition est là, les moyens sont discutables et la route est encore très longue. Aussi, le groupe Les Républicains suivra l'avis du rapporteur.

M. Jérémy Bacchi . - Je remercie Jean-Jacques Lozach pour son rapport détaillé et sans concession, et partage dans les grandes lignes les propos de Michel Savin.

Le Gouvernement manque d'une vision stratégique de long terme dans le domaine du sport. Mais pouvait-il en être autrement lorsque l'on voit que le ministère des sports, diminué dès le début de ce quinquennat, n'a cessé depuis de s'affaiblir ? Aujourd'hui, il n'est pas un ministère de plein exercice : on a l'impression diffuse que la ministre est sous la tutelle parfois excessive du ministre de l'éducation nationale.

Dans le contexte actuel, j'estime que le budget consacré au sport n'est pas à la hauteur et reflète un manque d'ambition de la part du Gouvernement. Ainsi, le Pass'Sport ne parviendra probablement pas à pallier la diminution du nombre des licenciés et le déplafonnement des taxes affectées, qui permettrait pourtant d'accroître les ressources du secteur sportif, n'est pas envisagé.

Pour ces raisons, le groupe CRCE votera contre l'adoption des crédits relatifs au sport lors du débat en séance publique.

M. Pierre-Antoine Levi . - Je remercie Jean-Jacques Lozach pour la qualité et l'objectivité de son rapport.

Notre commission a auditionné Roxana Maracineanu la semaine dernière. À cette occasion, nous avons pu formuler toutes les critiques que nous inspire ce budget. On ne peut pas se satisfaire de son manque d'ambition et d'un budget de pur affichage à trois ans des jeux Olympiques.

Pour entrer dans le détail, il nous faudra veiller au maintien des crédits du Pass'Sport qui n'auront pas été consommés en 2021. Je note tout de même deux points positifs : la reconduction du Pass'Sport dans l'hypothèse où les crédits du dispositif seraient effectivement reportés et la hausse des crédits destinés aux maisons sport-santé.

À l'inverse, je m'interroge sur le plan de 5 000 équipements sportifs de proximité, récemment annoncé par le Président de la République, pour un montant global de 200 millions d'euros. Dans le cadre de ce plan, après un calcul simple, 40 000 euros en moyenne seront consacrés à chaque équipement, ce qui est bien suffisant si l'on veut construire des terrains de pétanque, mais pour le reste ? Plus sérieusement, il convient de dénoncer ces effets d'annonce et d'espérer que le sport sera davantage à l'honneur durant le prochain quinquennat. Le groupe Union Centriste suivra l'avis de sagesse du rapporteur.

M. Jacques-Bernard Magner . - Je félicite le rapporteur, qui a manifestement su traduire la position de la plupart des membres de notre commission.

Il faut reconnaître que ce budget comporte des avancées. Je pense en particulier au maintien du Pass'Sport. Même si ce dispositif ne constitue pas une nouveauté, il s'agit d'une mesure importante pour le sport et les clubs. Mais plusieurs points négatifs sont à déplorer, comme la diminution du nombre de CTS, ou la baisse de cinq ETP pour l'Insep.

Personnellement, je regrette la faiblesse des crédits destinés au sport scolaire, qui est par ailleurs l'une des victimes collatérales de la semaine de quatre jours. L'éducation physique et sportive, notamment la natation, paie un lourd tribut à cette réforme des temps scolaires. Il y a encore quelques années, tous les élèves savaient nager à la fin du CE2, contre moins de la moitié aujourd'hui. C'est un pur scandale !

Quoi qu'il en soit, le groupe socialiste suivra l'avis du rapporteur.

M. Thomas Dossus . - Je remercie le rapporteur qui a su mettre en exergue les flous et les zones d'ombre d'un budget, qui est vraiment celui d'un début de campagne présidentielle... Je pense notamment à l'annonce il y a deux semaines d'un plan de création de 5 000 équipements sportifs de proximité, dont personne n'avait jamais entendu parler. Le Parlement devra-t-il voter durant cet exercice budgétaire et, sans en connaître le détail, toutes les promesses du candidat Macron ?

M. Jacques Grosperrin . - Merci à Jean-Jacques Lozach pour l'exactitude et l'honnêteté de sa présentation.

Je m'interroge également sur l'annonce de ces 5 000 nouveaux équipements. Nous avons récemment auditionné la vice-présidente de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) qui expliquait ne pas avoir été consultée au sujet de ce plan. On voit bien que les choses sont décidées d'en haut.

À trois ans des jeux Olympiques, nous avons des raisons légitimes de nous inquiéter. Il n'est qu'à se reporter aux réponses de Claude Onesta.

Je m'interroge aussi sur l'indépendance des fédérations. Il semblerait que les directeurs techniques nationaux des fédérations de judo et d'athlétisme n'aient pas encore été désignés, parce que le ministère n'en voudrait pas. Est-ce le signe d'une nouvelle ingérence de l'État dans le sport ?

Enfin, je me demande si la fusion des ministères des sports et de l'éducation nationale a réellement contribué à rehausser le budget consacré au sport. On a plutôt le sentiment que c'est l'ANS aujourd'hui qui est mobilisé pour financer les grandes opérations et les grands événements sportifs.

M. Bernard Fialaire . - Je comprends les interrogations de notre rapporteur, même si je trouve que sa présentation comporte quelques ambiguïtés. On ne peut pas à la fois reconnaître qu'il faut un certain nombre d'années pour mettre en place une politique sportive permettant d'obtenir des résultats satisfaisants lors des jeux Olympiques, et reprocher au gouvernement actuel de ne pas tout faire pour récolter des médailles dès les jeux Olympiques de 2024.

Autre remarque, je faisais partie de ceux qui considéraient qu'il était cohérent de rapprocher le ministère des sports et celui de l'éducation nationale, et je déplore aujourd'hui un certain nombre de dérives.

Le groupe du RDSE suivra l'avis du rapporteur.

M. Pierre Ouzoulias . - J'insisterai sur un point de vigilance concernant l'organisation des jeux Olympiques à Paris. À chaque fois que j'ai évoqué le problème des transports en vue de cet événement, on m'a répondu qu'il n'y avait pas d'inquiétude à avoir et que les installations seraient prêtes. Or on voit bien aujourd'hui que ces dernières sont abandonnées. C'est donc la faisabilité des jeux Olympiques en tant que telle qui est menacée aujourd'hui. Si l'acceptabilité sociale de Paris 2024 n'est pas au rendez-vous, ces jeux ne pourront pas se tenir. Dans ce dossier, je regrette l'absence d'un véritable travail interministériel. Le rôle du Sénat, représentant des élus, est aujourd'hui d'attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés à venir.

M. Jean-Jacques Lozach , rapporteur pour avis . - La baisse du nombre des licenciés est très hétérogène selon les fédérations et les sports concernés. Dans certaines disciplines, les chiffres montrent un retour aux effectifs de l'année 2019 quand, dans d'autres, on observe une baisse de 20 à 30 % du nombre des pratiquants.

D'après la ministre, l'État aurait mis sur la table 7 milliards d'euros pour le sport depuis le début de la crise sanitaire. En réalité, on mélange tout : plan d'urgence, plan de relance, dispositifs de droit commun, etc. Aujourd'hui, les principaux bénéficiaires des aides, notamment au travers du dispositif de chômage partiel et des prêts garantis par l'État, sont les structures employeuses comme les clubs professionnels. On mélange aussi sport professionnel et sport amateur, activités de plein air et salles de sport.

L'essentiel est de regarder si les crédits sont fléchés vers les associations car, dans le domaine sportif, près de 85 % des associations n'ont pas de salariés. Or on s'aperçoit qu'elles n'ont perçu que 30 millions d'euros pendant la crise : il existe donc un hiatus énorme entre les annonces et la réalité.

S'agissant de la trajectoire budgétaire durant ce quinquennat, on peut sans se tromper conclure que les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ont baissé lors des trois premières années, stagné l'an dernier, et qu'ils augmenteront de manière significative, de 22 %, l'an prochain. En revanche, la part du sport dans le budget de l'État sera passée de 0,24 % en 2017 à 0,32 % l'an prochain, et ce alors même qu'entre-temps la France s'est vue attribuer l'organisation des jeux Olympiques de 2024. On en déduit que les jeux Olympiques n'ont qu'un effet marginal sur le budget consacré au sport.

J'étais un partisan acharné du Pass'Sport à l'origine, mais sous une forme un peu différente. Je pense qu'il serait judicieux aujourd'hui de l'étendre aux jeunes de 17 à 20 ans. Au 31 décembre prochain, de 35 à 45 millions d'euros de crédits n'auront pas été consommés au titre du Pass'Sport. On peut estimer à 1,3 million le nombre de bénéficiaires du dispositif d'ici à la fin de l'année.

On l'a dit, le Président de la République a annoncé un plan prévoyant la création de 5 000 équipements sportifs de proximité dans les trois ans à venir. Ce programme est intéressant, mais il aurait aussi fallu tenir compte de l'état de vétusté des équipements sportifs actuels - piscines, gymnases, terrains de football : 22 % d'entre eux ont plus de cinquante ans, et sept sur dix n'ont jamais été rénovés !

Plusieurs d'entre vous ont évoqué le sempiternel débat autour du déplafonnement des taxes affectées : si une telle décision était prise, le secteur sportif percevrait immédiatement 200 millions d'euros de plus. On est donc très loin de la célèbre formule : « le sport finance le sport ».

La situation de l'Insep est préoccupante. À l'approche de la prochaine olympiade, la suppression de ces cinq ETP est incompréhensible. Quant aux CTS, l'enjeu est important, car ils constituent la colonne vertébrale de l'encadrement sportif de notre pays, depuis l'association de proximité jusqu'aux plus grands clubs.

Je partage les réflexions des uns et des autres sur l'affaiblissement du ministère des sports : il lui reste l'éthique, avec la lutte contre le dopage, les violences et les discriminations, la dimension internationale, les dossiers relevant de l'interministériel, et c'est tout ! Le reste, comme le sport de haut niveau, le développement des pratiques sportives, l'aide aux clubs et aux fédérations, relève désormais de l'ANS. Pour ma part, je suis très attaché à la notion de service public du sport, à celle de sport de la République, ce qui implique d'après moi un ministère des sports autonome et de plein exercice.

Pour ce qui est du sport scolaire, les avancées sont très peu nombreuses. On masque les difficultés actuelles par une ouverture de l'école sur l'extérieur, les clubs en particulier, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes quant à la future localisation des équipements, d'autant que les écoles seront parties prenantes de leur gestion. Autre point à souligner, le nombre de places ouvert au certificat d'aptitude au professorat d'éducation physique et sportive (Capeps) continue de baisser.

En réponse à notre collègue Bernard Fialaire, je précise que je ne reproche pas au Gouvernement de tenter de gagner des médailles. Je dis simplement que l'essentiel n'est pas de gagner des médailles mais les répercussions, notamment sur la jeunesse, des succès de la France lors des compétitions internationales.

M. Michel Savin . - Compte tenu du nombre de questions restées sans réponse, nous suivrons l'avis du rapporteur. Nous espérons que la ministre sera en mesure d'apporter des précisions en séance publique, notamment sur le déplafonnement de la taxe Buffet et la ventilation des crédits non consommés au titre du Pass'Sport. À ce stade, nous réservons notre vote en séance publique.

La commission émet un avis de sagesse à l'adoption des crédits relatifs au sport au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

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