B. LA RÉDUCTION DES DÉLAIS DE DEMANDE D'ASILE : UN OBJECTIF PEUT-ÊTRE ENFIN À PORTÉE DE RÉALISATION

L'année 2022 sera décisive pour la mise en oeuvre de l'objectif de réduction des délais d'examen des demandes d'asile. Le contexte apparaît, en effet, doublement propice : d'une part la reprise des flux de demande d'asile est encore inférieure au niveau de l'avant-crise sanitaire et, d'autre part, l'OFPRA comme la CNDA ont bénéficié sur les derniers exercices d'un renforcement considérables de leurs moyens. Il est désormais de leur responsabilité de traduire ce surcroît de moyens par des progrès tangibles en matière de délais de traitement .

a) Une reprise des flux de demandes d'asile encore inférieure au niveau de l'avant-crise sanitaire

Au cours de son audition, le directeur général de l'OFPRA a confirmé que le flux de demandes d'asile en 2021 se situerait probablement au-delà des 100 000 demandes mais à un niveau encore inférieur au pic de 2019. Si la tendance haussière sur l'année est claire, le premier trimestre 2021 a, en effet, vu une diminution d'un tiers des demandes d'asile enregistrées par rapport à 2019. Dans ce contexte, le directeur général de l'OFPRA estime « prudente » l'hypothèse d'une augmentation de 10 % des demandes d'asile par rapport à 2019 sur laquelle est construit le PLF pour 2022 .

b) Une augmentation significative des moyens à la disposition de l'OFPRA et de la CNDA qui commence à produire des effets

Le PLF pour 2022 prévoit le versement à l'OFPRA d'une subvention pour charges de service public d'un montant de 93,2 M€, en progression de 0,4 M€ par rapport à l'exercice précédent. Le plafond d'emplois est constant (1 003 ETPT). Cette stabilisation de la dotation accordée à l'OFPRA fait suite à plusieurs années de forte croissance, en particulier en LFI 2020 où 200 ETPT supplémentaires avaient été accordés à l'Office, dont 150 fléchés vers le traitement de l'asile . Si les rapporteurs entendent mettre en avant la bonne réalisation de ces recrutements en 2021, ils renouvellent toutefois leur préoccupation quant au niveau élevé du taux de rotation annuelle des effectifs (20 %) qui réduit l'efficacité des services de l'OFPRA.

Conjuguée à la diminution du flux de demandes d'asile, cette augmentation des moyens a commencé à produire des effets . L'OFPRA rend aujourd'hui 12 500 décisions mensuelles, soit un niveau supérieur à 2019, ce qui a permis de porter le stock de dossiers à la fin octobre à 52 000 et d'effacer l'effet volume de la crise sanitaire sur cet indicateur 10 ( * ) . Le directeur général de l'OFPRA a ainsi indiqué que, les capacités décisionnelles de ses services permettant d'absorber la quasi-intégralité des flux entrants, l'objectif d'une réduction à 60 jours du délai d'examen d'ici 2023 n'était pas hors de portée pourvu que le stock soit ramené à son niveau incompressible de 30 000 dossiers en cours d'année 2022 . Cette condition pourrait être satisfaite si le rythme d'apurement du stock actuel de 2 500 dossiers par mois est maintenu.

S'agissant de la CNDA, les recrutements programmés pour les années 2018, 2019 et 2022 ont été finalisés en 2021 à la faveur d'un report de ces créations de postes au PLF pour 2021. Ils ont permis de porter le nombre de rapporteurs de la CNDA à un niveau inédit de 339 . Si le délai moyen de jugement a, certes, été réduit difficilement de moitié en dix ans (13 mois en 2010) et que la proportion des affaires supérieures à un an a été plus que divisée par deux depuis 2019 (28 % en 2019 contre 12 % fin octobre 2021), les délais cibles semblent toujours difficilement atteignables à moyen terme. Les rapporteurs reconnaissent les contingences externes auxquelles est confrontée la Cour, en particulier le nombre réduit d'avocats spécialisés et la limitation du nombre de dossiers journaliers par cabinet et par audience. Ils estiment néanmoins que ces moyens supplémentaires doivent lui permettre de réduire significativement les délais de jugement. À cet égard, ils seront attentifs aux conclusions du premier comité de suivi de décembre sur l'expérimentation de la vidéo-audience .

L'expérimentation la vidéo-audience

L'article L. 532-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la possibilité de recourir à la visio-conférence pour la tenue des audiences devant la CNDA. Utilisée depuis 2014 dans les outre-mer, cette possibilité se diffuse difficilement dans l'hexagone, où elle suscite une opposition importante des barreaux. L'accord de médiation conclu avec la profession le 12 novembre 2020 qui prévoit l'expérimentation de la vidéo-audience sur deux barreaux (Lyon et Nancy) peine à monter en puissance. À l'heure actuelle, seules une dizaine de vidéo-audiences ont été tenues depuis septembre 2021 pour le barreau de Nancy et aucune pour celui de Lyon. Les rapporteurs regrettent le faible dimensionnement de cette expérimentation de même que la nature de l'accord, qui rétablit en pratique l'obligation de consentement de l'intéressé que n'avait pas prévu le législateur.


* 10 Le vieillissement des dossiers en attente est, en revanche, encore problématique à ce stade.

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