Avis n° 169 (2021-2022) de M. Thani MOHAMED SOILIHI , fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 novembre 2021

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N° 169

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

TOME III

OUTRE-MER

Par M. Thani MOHAMED SOILIHI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

La commission des lois accueille favorablement les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2022 , et salue la stabilisation de l'effort financier global de l'État pour les outre-mer dans un contexte sanitaire et économique encore incertain pour certains territoires ultramarins.

Face à une crise sanitaire persistante qui a fortement affecté les économies ultramarines, le maintien des mesures d'urgence sur les territoires ultramarins concernés ainsi que la consécration d'1,5 milliard d'euros des crédits du plan de relance aux outre-mer ne peuvent qu'être salués par la commission . De façon analogue, elle approuve, dans son principe, la territorialisation du plan de relance qui finance des mesures spécifiques pour les outre-mer , en ce qu'elle met concrètement en oeuvre le principe de différenciation territoriale.

La mission « Outre-mer » est dotée pour 2022 de 2,62 milliards d'euros en autorisations d'engagement - soit un recul de 1,96 % par rapport à 2021 - et de 2,47 en crédits de paiement - soit une légère augmentation de 1,3 %.

Malgré plusieurs motifs de préoccupation, la commission a constaté avec satisfaction que , l'exigence de sincérité budgétaire de cette mission s'est traduite par des efforts de fiabilisation des prévisions et hypothèses budgétaires instruisant des baisses ciblées de crédits en programmation initiale, qu'elle appelle à poursuivre et approfondir.

Elle se félicite de l'introduction de mesures nouvelles qui traduisent un soutien renforcé de l'État aux collectivités ultramarines et font de l'insertion socio-professionnelle des jeunes une priorité, en particulier, le renforcement du SMA (expérimentation SMA 2025+ et création de nouvelles compagnies - 9,7 millions d'euros), le financement des actions de ramassage des Sargasses (2,5 millions d'euros), le soutien exceptionnel à la collectivité territoire de Guyane (20 millions d'euros) et l'enveloppe consacrée au dispositif COROM (10 millions d'euros).

I. L'EFFORT FINANCER DE L'ÉTAT S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE SANITAIRE ET ECONOMIQUE DÉGRADÉ EN OUTRE-MER

A. L'EFFORT FINANCIER GLOBAL DE L'ETAT EN FAVEUR DES OUTRE-MER

La mission « Outre-mer » s'inscrit dans le cadre d'un effort financier global de l'État en faveur des outre-mer qui s'est révélé, sur l'ensemble de la législature, stable , comme le fait apparaître le graphique ci-après.

Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

Au total, cet effort représente 19,5 millions d'euros en autorisations d'engagemen t - soit une diminution de 4,3 % par rapport à 2021 - et 21,2 milliards d'euros en crédits de paiement - soit un recul de 0,8 % par rapport à 2021 - dans le cadre du PLF 2022 .

Plus précisément, la politique transversale de l'État en direction des territoires ultramarins est portée par 102 programmes relevant de 31 missions auxquels s'ajoutent des prélèvements sur recettes. Parmi ces programmes, 8 sont nouveaux, ce qui a conduit le Gouvernement à remanier le document de politique transversale en y intégrant deux nouveaux axes relatifs aux moyens dédiés au fonctionnement des administrations publiques et aux dotations aux collectivités, les autres axes demeurant inchangés.

Les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent, comme les années antérieures, qu'une part minime de cet effort : elle ne compte que pour 13,81 % des autorisations d'engagement et 11,89 % des crédits de paiements engagés par l'État pour les outre-mer en 2022.

B. FACE À LA CRISE SANITAIRE, DES MESURES URGENCE RECONDUITES DANS LES TERRITOIRES ULTRAMARINS SOUMIS À L'ÉTAT D'URGENCE

Le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi de finances pour 2022 est marqué par la persistance de la crise sanitaire et de vagues épidémiques frappant certains territoires ultramarins selon une chronologie désynchronisée de celle observée dans l'hexagone . Par conséquent, des contraintes particulières sur l'activité économique mais également sur les activités touristiques et le transport maritime trouvent encore à s'appliquer sur certains territoires ultramarins .

Territoire

Date de sortie de l'état d'urgence sanitaire

Guyane

31 décembre 2021

Martinique

Guadeloupe

14 novembre 2021

Saint Barthélemy et Saint-Martin

La Réunion

Polynésie Française

Nouvelle-Calédonie

Source : commission des lois du Sénat

Ainsi que l'a rappelé le ministre Sébastien Lecornu lors de sa récente audition à l'Assemblée nationale 1 ( * ) , des dispositifs de soutien aux collectivités ultramarines comme aux acteurs économiques ont été déployés dès mars 2020. Ces mesures représentent un effort financier de l'État à hauteur de 6 milliards d'euros, dont 3,5 milliards de prêts garantis par l'État, 1,1 milliard du fonds de solidarité pour les entreprises, 830 millions de reports de charge et 650 millions au titre de l'activité partielle, à destination des outre-mer .

En réponse aux inquiétudes exprimées par certaines collectivités ultramarines, le Gouvernement a annoncé le maintien ces mesures pour les territoires ultramarins toujours affectés par la crise sanitaire 2 ( * ) , représentant un effort financier renouvelé de l'État qui, de l'avis du rapporteur, était indispensable eu égard à la situation sanitaire et économique particulièrement dégradée de certains territoires ultramarins .

C. DES MESURES DE RELANCE TERRITORIALISÉES QUI EXIGENT UN ACCOMPAGNEMENT ET SUIVI ATTENTIF DE L'ETAT

Ainsi qu'annoncé par le Gouvernement et confirmé lors des auditions conduites par le rapporteur, 1,5 milliard d'euros de crédits du plan « France relance » doivent être consacrés aux outre-mer, en 2021 et 2022, et ce, selon deux modalités :

• en premier lieu, par des mesures nationales qui trouvent à s'appliquer en outre-mer ;

• en second lieu, par des mesures spécifiques et territorialisées 3 ( * ) .

Ces dernières, destinées à tenir compte des besoins propres des territoires et acteurs ultramarins, se concentrent en particulier sur le plan séisme Antilles (50 millions d'euros), le plan eau DOM (50 millions d'euros), et le fonds outre-mer 5.0. (17,5 millions d'euros).

Répartition territoriale des crédits du plan de relance
consacrés aux outre-mer (en AE)

Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

La commission des lois approuve, dans son principe, cette territorialisation du plan de relance, en ce qu'elle met concrètement en oeuvre le principe de différenciation territoriale. Elle souhaite néanmoins rappeler qu'en raison des facteurs d'incertitude pesant sur ces crédits, qui ne constituent qu'une prévision d'atterrissage , elle restera vigilante au suivi, par l'État, de ces dispositifs spécifiques.

Par ailleurs, le rapporteur pour avis souligne que ces dispositifs , reposant majoritairement sur des mesures guichets ou nécessitant d'importants moyens en ingénierie pour leur déploiement, rendaient encore plus indispensable tant le renforcement de la coopération entre les services déconcentrés de l'État et les acteurs locaux que l'accompagnement en ingénierie des collectivités ultramarines par l'État .

II. LA MISSION « OUTRE MER »: DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES

A. LA STABILISATION DES CRÉDITS DE LA MISSION COMBINÉE D'UN NOUVEL EFFORT DE SINCÉRISATION BUDGÉTAIRE

La mission « Outre-mer » est dotée pour 2022 de 2,62 milliards d'euros en autorisation d'engagement - soit un recul de 1,96 % par rapport à 2021 - et de 2,47 en crédits de paiement - soit une légère augmentation de 1,3 % .

Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

Elle se compose de deux programmes regroupant douze actions :

- le programme 138 « Emploi outre-mer » doté de 1,78 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1,77 milliard d'euros en crédits de paiement , qui regroupe quatre actions qui visent, pour l'essentiel, à renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines et à améliorer la qualification professionnelle des actifs ultramarins ;

- le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » comptant 846,57 millions d'euros en autorisations d'engagement et 694,63 millions en crédits de paiement , qui regroupe huit actions finançant, principalement, les dispositifs de logement social, l'accompagnement des collectivités, l'aide à la mobilité des populations ultramarines et la coopération régionale.

Depuis le projet de loi de finances pour 2021, des mesures visant à remédier à la sous-exécution chronique des crédits de la mission « Outre-mer » ont été déployées par le ministère des outre-mer suivant deux axes : la sincérisation du budget de la mission en PLF et l'amélioration du pilotage budgétaire au cours de l'exécution budgétaire de la mission.

a) La poursuite des efforts de sincérisation budgétaire de la mission « Outre-mer »

Comme les années précédentes, la gestion de la mission « Outre-mer » s'est caractérisée en 2020 pour une sous-exécution des crédits votés en loi de finances .

Le rapporteur note, cependant, qu'en dépit d'une dégradation de la situation sanitaire et économique des outre-mer, cette sous-exécution est significativement inférieure à celle constatée en 2019 .

Ainsi, dans la continuité de l'effort de crédibilisation du budget de la mission initié en 2021, le PLF 2022 témoigne de la volonté du Gouvernement de sincériser le budget affecté aux outre-mer au prix d'une diminution des crédits de la mission « Outre-mer » ouverts en programmation initiale sur certaines actions afin de prendre en compte les éventuelles hypothèses d'évolutions tendancielles de dépenses à la baisse.

Malgré plusieurs motifs de préoccupation (voir ci-après), la commission a constaté, avec satisfaction, que l'exigence de sincérité budgétaire ne se traduit pas, au sein de cette mission, par une politique de diminution globale des crédits de la mission, mais par des efforts de fiabilisation des prévisions et hypothèses budgétaires instruisant des baisses ciblées de crédits en programmation initiale, qu'elle appelle à poursuivre et approfondir.

b) Une amélioration bienvenue du pilotage et de l'exécution de la mission « Outre-mer »

Cette amélioration de l'exécution de la mission « Outre-mer » est également due, d'une analyse partagée par la Cour des comptes, à « un pilotage budgétaire en voie d'amélioration » 3 ( * ) que le rapporteur tient à saluer.

Pour améliorer la consommation des crédits, en complément des mesures déjà mises en oeuvre en 2019 telles que le renforcement des dialogues de gestion avec les territoires, la DGOM s'attache opportunément à mettre en oeuvre les recommandations formulées en 2020 dans les rapports du CBCM et de l'IGA . Elle s'est, en particulier, engagée dans une démarche active d'évolution de ses modalités de pilotage notamment en déployant un contrôle interne financier et en favorisant la fongibilité des crédits au sein des BOP locaux.

Ces nouvelles méthodes de travail devraient permettent de consolider l'amélioration du pilotage budgétaire de la mission « Outre-mer » , que le rapporteur ne peut que soutenir et encourager.

B. PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » : UN RECUL DES CRÉDITS QUI MASQUE DES LA PROGRESSION DE CERTAINES DOTATIONS

Le Gouvernement a exprimé son intention d'améliorer la sincérité budgétaire de la mission « Outre-mer » et de concentrer son action sur l'insertion socio-professionnelle des jeunes et le soutien à l'emploi. Les dispositifs d'intervention regroupés dans le programme 138 connaissent, par conséquent, des évolutions très diverses :

• les crédits alloués au soutien aux entreprises connaissent un fort recul qui semble reposer sur des hypothèses optimistes.

L'action n°1, qui vise à compenser des exonérations et allégements de charges sociales afin d'améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines, connait un recul de près de 6% de ces crédits, pour s'établir à 1 478 millions d'euros en autorisation d'engagement et en crédits de paiement.

Il ressort des auditions menées que le Gouvernement anticipe une diminution du montant des exonérations à compenser du fait du déploiement d'un dispositif concurrent d'activité partielle en réponse à la crise sanitaire qui serait largement utilisé par les entreprises ultramarines. S'il comprend cet argument, le rapporteur pour avis émet toutefois des réserves sur la fiabilité des prévisions utilisées pour établir cette programmation budgétaire à la baisse alors même que les conséquences de la crise sanitaire sur l'emploi sont encore, à ce jour, incertaines ;

• au contraire, les crédits d'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle connaissent une très forte progression, largement portée par le renforcement du SMA et création de compagnies supplémentaires ;

Les crédits de l'action n°2, qui regroupe les dispositifs d'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle ainsi que les enveloppes destinées au financement du SMA et de LADOM, connaissent une forte progression : les autorisations d'engagement s'établissent à 277,4 millions d'euros - soit une hausse de 6,85 % - et les crédits de paiement atteignent 269,2 millions d'euros - soit une augmentation de 7 % .

Cette hausse est pour l'essentiel due à une double mesure relative au Service militaire adapté (SMA) et permet :

- d'accompagner le lancement de l'expérimentation SMA 2025+ à Mayotte, qui mobilise 9,7 millions d'euros et entraine la création de 148 ETP ;

- de créer de nouvelles compagnies à Mayotte 4 ( * ) et en Polynésie Française 5 ( * ) portant création de 202 ETP à Mayotte (incluant les 148 précités) et 49 ETP en Polynésie Française.

Le Service Militaire Adapté (SMA) et l'expérimentation SMA 2025+

Crée en 1961 à l'initiative de Michel Debré, le Service Militaire Adapté (SMA) vise à améliorer l'insertion socioprofessionnelle des jeunes ultramarins âgés de 18 à 25 ans.

Ciblant particulièrement les « décrocheurs scolaires », ce dispositif permet aux jeunes volontaires d'acquérir des compétences professionnelles et sociales afin de renforcer leur employabilité et leur propose un accompagnent socio-éducatif d'une durée médiane de dix mois. Il tend à accueillir 6 000 volontaires par an et est implanté sur les huit territoires suivants : la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française.

Une expérimentation du programme SMA 2025+ vise à améliorer le dispositif suivant deux axes : i) élargir le public cible et ii) enrichir le contenu du programme . Ainsi, le programme SMA 2025+, s'il est expérimenté à Mayotte , a, de l'aveu du Projet annuel de performance pour 2022, « vocation à être étendu aux autres territoires dès 2023 ». Enfin, deux évolutions de ce programme seront déployées dès 2022 en Guadeloupe et à la Réunion : le dispositif « permis pour tous » et l'accueil des mères célibataires.

Le rapporteur pour avis ne peut que saluer un tel élargissement quantitatif comme qualitatif d'un dispositif particulièrement efficace et adapté aux réalités locales comme en témoigne le taux d'insertion des volontaires oscillant entre 74 et 81% depuis 2012.

Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

Quant aux crédits dédiés au pilotage des politiques publiques (2,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) et au soutien à l'économie (24,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 23 millions d'euros en crédits de paiement), leurs montants sont identiques à ceux de 2021 .

C. PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » : UNE AUGMENTATION BIENVENUE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA LBU ET AU SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le projet de loi de finances pour 2022 est marqué par une augmentation sensible des crédits de paiement - soit une augmentation de 15,15 % pour atteindre 694,64 millions d'euros - du programme n° 123 , dopé par cinq mesures nouvelles :

- l'augmentation de l'enveloppe de la ligne budgétaire unique (LBU) (6 millions d'euros en AE et 3 millions d'euros en CP) ;

- le financement du ramassage des sargasses (2,5 millions d'euros en AE et en CP) ;

- l'abondement et la participation du ministère des outre-mer au financement de l'ONF (2,5 millions d'euros en AE et en CP) ;

- la mise en oeuvre expérimentale d'une prise en charge socio-éducative des mineurs isolés à Mayotte (1,4 million d'euros en AE et en CP) ;

- le soutien exceptionnel à la collectivité territoriale de Guyane (20 millions d'euros en AE et en CP).

Toutefois, le programme présente un léger recul des autorisations d'engagement (diminution de 1,4%) qui s'explique principalement par les dépenses exceptionnelles mais ponctuelles inscrites, en 2021, dans ce programme.

1. Une nouvelle augmentation des crédits alloués à la LBU combinée à une expérimentation en faveur de l'amélioration de l'habitat en Guyane et à Mayotte

Afin de déployer le second plan « logement outre-mer » (PLOM II), le Gouvernement propose une nouvelle augmentation de la ligne budgétaire unique (action n°1) de 4,45% en autorisation d'engagement et de 13,6% en crédits de paiement - soit une hausse de 10 millions d'euros des crédits de paiements alloués à la LBU .

Cette dernière vise, pour l'essentiel, à assurer le financement de deux mesures nouvelles : l'extension du dispositif d'aide à l'amélioration de l'habitat privé aux ménages modestes (6 millions d'euros en autorisation d'engagement et 3 millions d'euros en crédits de paiement) et l'expérimentation du dispositif « logement locatif très social adapté » en Guyane et à Mayotte .

Le dispositif expérimental « logement locatif social adapté »
en Guyane et à Mayotte

Le second plan « logement outre-mer » (PLOM II) propose dans sa mesure n° 2-1-3, pour les territoires de Guyane et de Mayotte, de « revoir les paramètre de financement du Logement locatif très social (LLTS) par la LBU pour le rendre plus attractif, sur le modèle du « prêt locatif aidé d'intégration adapté » (PLAI) en métropole ».

Un dispositif expérimental a été créé par un décret et un arrêté ministériel pris le 17 septembre 6 ( * ) afin de déployer un logement locatif social adapté, sur ces deux territoires, poursuivant deux objectifs principaux : permettre le relogement des ménages habitants dans des logements insalubres ou informels i) en construisant rapidement et massivement des logements , et ii) en proposant des loyers abordables pour ces ménages.

Ainsi, cette expérimentation, d'une durée de cinq ans , repose sur le financement de la construction de logements sociaux pouvant atteindre 100% de subvention de l'État afin de permettre, une fois les logements livrés, de proposer des loyers d'un montant de 150 à 180 euros par mois pour une famille .

Le rapporteur se félicite de cette augmentation et ce, d'autant plus que la situation particulière de l'habitat insalubre et informel dans les territoires ultramarins impose une politique particulièrement volontariste .

2. La progression notable des crédits de soutien aux collectivités ultramarines

L'une des priorités annoncées par le Gouvernement est le renforcement de l'accompagnement des collectivités ultramarines, dont le financement est assuré par les actions n° 2 Aménagement du territoire et n° 6 Collectivités territoriales de ce programme.

• La hausse significative des crédits dédiés à l'aménagement du territoire masque une sous-consommation des crédits contractualisés par les collectivités avec l'État

L'action n° 2 connait une augmentation de 4,45 % des autorisations d'engagement et de 13,6 % des crédits de paiement , qui devraient s'établir, respectivement à 209 millions et 156,26 millions d'euros pour 2022.

Elle finance, en particulier, les contrats de convergence et de transformation (CCT) (188,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 132,2 millions d'euros en crédits de paiement) et deux mesures nouvelles relatives à la lutte contre la prolifération des algues sargasses et à l'accompagnement des mineurs isolés à Mayotte (voir ci-dessus).

Les contrats de convergence et de transformation (CCT)

Prévus par la loi de 2017 dite « EROM », les contrats de convergence et de transformations remplacent les contrats de plan État-région (CPER) sur la période 2019-2022 et visent à réduire les écarts de développement.

Sept collectivités se sont engagées dans cette démarche pour un montant contractualisé de près d'1,75 milliard d'euros : des contrats ont ainsi été signés, les 8 juillet 2019 et 22 juin 2020, entre l'État et les présidents des collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, La Réunion, la Martinique, Mayotte, Saint Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna, et Saint-Martin.

La commission des lois salue ce renforcement du soutien de l'État aux collectivités ultramarines et l'introduction de ces mesures nouvelles appelées de leurs voeux par les élus locaux .

Pour autant, le rapporteur pour avis constate, à regret, que les outils de contractualisation ne permettent pas de palier aux difficultés de sous-consommation des crédits budgétaires . Ainsi qu'illustré par le graphique ci-dessous, la faiblesse des montants engagés et consommés au 31 décembre 2021 par rapport aux montants contractualisés dans les CCT pour la période 2019-2022 est particulièrement alarmante et fait craindre une importante sous-consommation de ces montants pour l'ensemble des collectivités concernées. Les dernières prévisions disponibles font état d'un taux de consommation qui s'établirait à 30 % des montants contractualisés à fin 2022 7 ( * ) .

Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

• L'augmentation notable des crédits de paiement dédiés au soutien des collectivités territoriales

L'action n° 6 agrège les crédits finançant, principalement, des dotations particulières à destination des collectivités ultramarines et celles des fonds de secours. Les crédits de paiement alloués à cette action connaissent une augmentation de plus de 50  millions d'euros, soit une hausse de plus de 36 % par rapport à 2021.

Le rapporteur salue cette hausse des crédits qui traduisent l'engagement de l'État à accompagner la collectivité territoriale de Guyane à rétablir sa capacité d'autofinancement, mais également à financer le récent dispositif COROM .

La commission des lois a jugé cette augmentation des crédits d'autant plus nécessaire qu'elle est préoccupée par la situation financière et budgétaire fortement dégradée de certaines collectivités ultramarines .

Les contrats de redressement outre-mer (COROM)

Créé par un amendement au PLF 2021 porté par le sénateur Georges Patient et le député Jean-René Cazeneuve, le dispositif COROM poursuit deux objectifs : i) assainir la situation financière des communes , ii) réduire leurs délais de paiement de leurs fournisseurs locaux . Des mots du ministre Sébastien Lecornu, « 5 000 factures devraient ainsi être payées ».

Ce dispositif permet aux communes sélectionnées de bénéficier d'un accompagnement de l'État financé selon une programmation triennale composé de 30 millions d'euros d'autorisations d'engagement en LFI 2021 et de 10 millions d'euros de crédits de paiement chaque année.

À ce jour, six communes font partie du dispositif , à savoir : Cayenne, Saint-Benoit, Basse-Terre, Saint-Pierre et Fort de France. Des discussions, que le rapporteur appelle à poursuivre afin de permettre à l'ensemble des territoires de bénéficier de ce dispositif , sont en cours avec d'autres communes ultramarines.

3. La hausse des crédits dédiés à la continuité territoriale et la stabilité des autres actions

Les crédits de paiement dédiés à la continuité territoriale progressent de 8,6 % tandis que les autorisations d'engagement diminuent de 3,2 %. Cette progression résulte, majoritairement, de la revalorisation des dispositifs concernés.

Enfin, l es montants alloués aux actions relatives à diverses politiques à destination de la jeunesse et à l'insertion économique, au fonds exceptionnel d'investissement et à l'appui à l'accès aux financements bancaires, ne connaissent pas d'évolution notable .

*

* *

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois, lors de sa réunion du mercredi 17 novembre 2021, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », inscrits au projet de loi de finances pour 2022.

La mission « Outre-mer » sera examinée en séance publique le 2 décembre 2021.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 17 NOVEMBRE 2021

M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis de la mission « Outre-mer » . - Il me revient aujourd'hui de vous présenter les crédits de la mission « Outre-mer » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, dont notre commission s'est saisie pour avis.

Les effets de la crise de la covid-19 ont été et sont encore très importants sur les économies ultramarines ; des contraintes particulières sur l'activité économique, mais également sur les activités touristiques et le transport maritime trouvent encore à s'appliquer sur certains territoires ultramarins. Cela justifie le maintien des mesures de soutien aux collectivités ultramarines comme aux acteurs économiques, soutien qui me paraît indispensable au regard de la situation sanitaire et économique particulièrement dégradée de certains territoires. Dans ce cadre, la mission « Outre-mer » est cette année encore pertinente, puisqu'elle a pour ambitions premières la relance et le développement des territoires ultramarins.

La principale problématique à laquelle est confrontée cette mission est celle de la sous-exécution chronique des crédits votés. Chaque année, les crédits consommés sont largement inférieurs aux crédits attribués en loi de finances. Cependant, en dépit d'une dégradation de la situation sanitaire et économique des outre-mer, cette sous-exécution a été, l'année dernière, significativement inférieure à celle qui a été constatée les années précédentes.

En effet, depuis le projet de loi de finances pour 2021, des mesures visant à remédier à la sous-exécution chronique des crédits de cette mission ont été déployées par le ministère des outre-mer suivant deux axes : la sincérisation du budget de la mission en PLF et l'amélioration du pilotage budgétaire au cours de l'exécution budgétaire de la mission. Je constate, avec satisfaction, que des efforts de fiabilisation des prévisions et hypothèses budgétaires instruisant des baisses ciblées de crédits en programmation initiale ont été menés avec succès et appellent à leur approfondissement.

Aussi, je souhaite saluer les efforts entrepris par la direction générale des outre-mer (DGOM), qui s'est pleinement engagée dans une démarche active d'évolution de ses modalités de pilotage des crédits, qui s'illustre en particulier par l'accélération des décaissements sur la mission.

Cet effort de sincérisation est positif : il permet de disposer d'une vision plus crédible de la conduite des politiques de la mission « Outre-mer ». Je vous invite toutefois à être vigilants, afin que cela ne conduise pas à terme à une diminution de l'ambition pour nos territoires ultramarins. En tout état de cause, ce n'est pas le cas dans le projet de budget qui nous est présenté aujourd'hui : les crédits alloués à la mission « Outre-mer » restent stables par rapport à 2021. Ainsi, la mission est dotée pour 2022 de 2,62 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,47 milliards en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 1,3 %.

La programmation des crédits pour 2022 est en effet marquée par un effort de relance à la suite de la crise de la covid-19, qui se traduit par des mesures nouvelles et un effort significatif en matière de lutte contre l'habitat insalubre, de soutien à l'emploi et à la formation ciblé sur les jeunes ultramarins, et d'accompagnement des collectivités territoriales.

Permettez-moi de vous présenter ces trois priorités.

En matière de construction et de rénovation des infrastructures, l'année 2022 constituera la dernière année de mise en oeuvre du plan « Logement outre-mer 2019-2022 ». Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une hausse de 10 millions d'euros des crédits mobilisables pour de nouveaux projets. Cela permettra de poursuivre la mise en oeuvre du plan et d'accompagner les stratégies territoriales des établissements publics fonciers et d'aménagement de Guyane et de Mayotte.

Un effort conséquent est également fait en faveur de la lutte contre l'habitat insalubre et informel sur ces deux territoires : une expérimentation du dispositif Logement locatif très social adapté a été lancée afin de permettre, d'une part, la construction massive de nouveaux logements par un soutien financier de l'État pouvant atteindre 100 % de subventions et, d'autre part, de proposer des loyers abordables pour ces ménages. J'y suis tout à fait favorable, car la situation particulière de l'habitat dans les territoires ultramarins impose une politique particulièrement volontariste.

En matière de soutien à l'insertion et à la formation des jeunes ultramarins, ces crédits connaissent une hausse de près de 7 % en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, illustrant la volonté gouvernementale de recentrer son action sur cette priorité.

Je souhaite revenir sur la double mesure relative au service militaire adapté (SMA). Celui-ci a de nouveau montré toute sa pertinence lors de la crise sanitaire. Le niveau d'insertion a certes chuté en 2021, mais il demeure à un niveau très élevé et devrait avoisiner les 75 % à la fin de l'année. Ces bons résultats justifient qu'une expérimentation du programme SMA 2025+, élargissant le public cible et enrichissant le contenu du programme, soit financée via le PLF pour 2022 et lancée à Mayotte cette année.

Aussi, deux nouvelles compagnies seront créées à Mayotte et en Polynésie française, respectant ainsi les engagements pris par le Gouvernement au cours de l'année 2021. Ainsi, près de 9,7 millions d'euros et 251 équivalents temps plein (ETP) seront affectés à ces mesures auxquelles je souscris pleinement.

En ce qui concerne l'accompagnement des collectivités ultramarines, troisième priorité du budget pour 2022, des efforts sont en premier lieu prévus en matière d'aide à l'équipement des territoires. Cela passe par les contrats de convergence et de transformation, qui visent à réduire significativement et durablement les écarts de développement en matière économique, sociale et environnementale. En 2022, 209 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement et 156,26 millions d'euros en crédits de paiement au titre de ces contrats. Cela est conforme aux engagements pris par le Gouvernement. Toutefois, je constate à regret que les outils de contractualisation ne permettent pas de pallier les difficultés de sous-consommation des crédits budgétaires. La faiblesse des montants consommés par rapport aux montants contractualisés est particulièrement alarmante : les dernières prévisions disponibles font état d'un taux de consommation des crédits qui s'établirait à 30 % seulement fin 2022... J'appelle par conséquent l'État à renforcer l'accompagnement des collectivités concernées par ce dispositif.

L'aide aux territoires passe également par l'introduction de deux mesures nouvelles relatives à la lutte contre la prolifération des algues sargasses et à l'accompagnement des mineurs isolés à Mayotte, qui répondent à des attentes formulées de longue date par les élus locaux.

Des actions fortes devraient enfin être menées afin d'accompagner les collectivités ultramarines dans le redressement de leur situation financière et budgétaire : 50 millions d'euros supplémentaires devraient y être dédiés. Cela traduit l'engagement de l'État à accompagner la collectivité territoriale de Guyane pour rétablir sa capacité d'autofinancement, mais également à financer le dispositif Contrat de Redressement en Outre-mer (COROM). Ce soutien renforcé de l'État est d'autant plus nécessaire que la situation financière et budgétaire fortement dégradée de certaines collectivités ultramarines est particulièrement préoccupante.

Pour terminer, je souhaite vous rappeler que les crédits portés par la mission « Outre-mer » ne constituent qu'un dixième environ de l'effort total de l'État en faveur des territoires ultramarins. Il s'agit des actions spécifiques de l'État dans les outre-mer, chaque ministère étant par ailleurs en charge de la mise en oeuvre de ses politiques sur l'ensemble du territoire français, outre-mer compris. Ainsi, l'effort global de l'État en faveur des territoires ultramarins en 2022 représenterait 19,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 21,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Parmi ces crédits, 1,5 milliard d'euros devrait provenir de plan de relance qui contient des mesures spécifiques aux outre-mer. Je suis particulièrement favorable à cette territorialisation, mais je souhaite rappeler que ces dispositifs appellent un accompagnement et un suivi attentif de l'État afin que les acteurs locaux puissent pleinement s'en saisir.

L'ensemble de ces éléments me conduisent donc à vous proposer un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance

Direction du Budget

M. Jean-Marc OLÉRON , sous-directeur de la 8ème sous-direction

M. Alexandre MERLENG , rédacteur au bureau 8BEFOM en charge de la mission « outre-mer »

Ministère des outre-mer

Cabinet du ministre

M. Mathieu LEFEBVRE , directeur adjoint de cabinet

Mme Jennifer LORMIER , conseillère parlementaire

M. Hugo LE FLOC'H , conseiller budgétaire

M. Jérôme SAULIERE , conseiller affaires économiques, emploi et fonds européens

Direction générale des outre-mer (DGOM)

M. Marc DEMULSANT , sous-directeur de l'évaluation de la prospective et de la dépense de l'État


* 1 Audition le 2 novembre 2021 de Sébastien Lecornu par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

* 2 Plus précisément, le fonds de solidarité, le financement de l'activité partielle et les exonérations de charges sociales sont maintenus dans les territoires sur lesquels « certaines entreprises sont soumises à une interdiction d'accueil du public ». Communiqué de presse n° 1634 en date du 5 novembre des ministres Bruno Lemaire, Élisabeth Borne, Jean-Baptiste Lemoine et Alain Griset, « point sur l'accompagnement de l'État des secteurs économiques affectés par la crise sanitaire ».

* 1 Ces mesures sont appliquées conformément à la circulaire NOR:PRMX20288620 du Premier ministre en date du 23 octobre 2020 relative à la mise en oeuvre territorialisée du plan de relance.

* 3 Cour des comptes, note d'exécution du budget 2020 pour la mission « Outre-mer », p. 27.

* 4 Mesure présente dans le projet de loi de finances initial.

* 5 Mesure ajoutée par un amendement du Gouvernement n° II-2863 en séance à l'Assemblée nationale.

* 6 Décret n° 2021-1204 du 17 septembre 2021 relatif à l'expérimentation du logement locatif très social adapté dans les départements de Guyane et de Mayotte et arrêté du 17 septembre 2021 relatif à l'expérimentation du dispositif « logement locatif social adapté » dans les départements de Guyane et de Mayotte.

* 7 Réponses de la DGOM au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis, p. 32.

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