II. « ÉCONOMIE DE GUERRE » : AU-DELÀ DU SLOGAN, UNE AMBITION À CONCRÉTISER

A. DES INQUIÉTUDES SUR LA LPM DE RENOUVEAU ATTENDUE

Notre modèle d'armée a été structuré autour de la dissuasion nucléaire et de forces expéditionnaires. Ce modèle doit être adapté pour tenir compte de la dégradation du contexte stratégique.

Un nouvel équilibre est à trouver entre la technologie, qui demeure indispensable (par exemple pour continuer à disposer d'une capacité d'entrée en premier), et la masse, qui doit être accrue.

Nos dons à l'Ukraine ont mis en évidence le caractère échantillonnaire de certaines de nos capacités , par exemple s'agissant du système CAESAR (dont nous avons donné un quart de nos stocks), ou encore pour d'autres capacités très recherchées par les Ukrainiens, qui devront être renforcées dans le cadre de la prochaine programmation :

Ø Le système sol-air moyenne portée terrestre (SAMP/T Mamba) : l'armée de l'air et de l'espace dispose de 8 systèmes et d'un nombre de missiles associés relativement limité (Aster 30). L'un de ces systèmes est déployé en Roumanie.

Ø Le système de défense sol-air à courte portée Crotale : nous disposons de 12 systèmes, dont quelques exemplaires livrés à l'Ukraine.

Ø ou encore le lance-roquettes unitaires (LRU) : nous en avons 12, dont 8 opérationnels.

Ce conflit, comme précédemment celui du Haut-Karabagh, a montré le rôle central des forces terrestres et de certaines capacités sur lesquelles un effort particulier doit être entrepris.

Ø La prochaine LPM doit permettre de poursuivre le programme Scorpion , qui est bien engagé, mais dont seulement 17 % des véhicules sont livrés fin 2022.

Ø Des capacités doivent également être constituées dans le domaine des camions de transport , du déminage , du franchissement ou encore dans la défense sol-air de proximité .

Ø La capacité sol-air basse couche (Crotale, Mistral) doit être renouvelée.

Ø Les capacités de suppression des défenses aériennes adverses (SEAD) doivent être renforcées,

Ø de même que la protection contre la menace nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC).

Ø Le retard de la France dans le domaine des drones doit être comblé, ce qui implique notamment de ne pas rater le tournant de la dronisation navale et de permettre aux industriels français de monter en compétence dans ce domaine.

Des acquisitions « sur étagère » ne sauraient toutefois être totalement exclues, même s'il faut en mesurer les conséquences sur notre souveraineté, par exemple, à titre intérimaire, pour l'intervention dans les grands fonds marins , voire, après examen, pour la frappe longue portée terrestre , la défense sol-air ou la lutte anti-drones.

La nouvelle LPM devra également préserver les « autres opérations d'armement » (AOA) qui forment l'épaisseur des forces des trois armées.

Le nécessaire renforcement du soutien (MCO, munitions) ne doit pas se faire au détriment des besoins capacitaires , c'est-à-dire par un jeu de vases communicants entre P146 et P178.

D'éventuels arbitrages défavorables sur certains programmes majeurs, qui entraîneraient un ralentissement du rythme de modernisation des armées , seraient très préjudiciables. Une accélération est, au contraire, souhaitable. Des informations parues dans la presse, non confirmées à ce stade, font état de réflexions sur l'abandon possible du programme Tigre standard 3, et de ralentissements envisagés sur des programmes aussi majeurs que Scorpion, FDI (frégates de défense et d'intervention) et Rafale. Si ces informations étaient confirmées, elles remettraient sérieusement en cause l'ambition affichée de mise en place d'une « économie de guerre ».

Pour l'avenir, les incertitudes sur le Main Ground Combat system (MGCS), et le report, au-delà de 2045, du programme CIFS ( Common indirect fire system ) sont inquiétants. Il s'agit en effet, avec ces programmes, de trouver des successeurs au char Leclerc, au système CAESAR, ou encore au LRU.

Alors qu'un accord entre industriels a pu être trouvé sur le Système de combat aérien futur (SCAF), le chemin à parcourir est encore long. La vigilance doit rester de mise, après l'annonce, en début d'année 2022, de l'achat par l'Allemagne de trente-cinq F35 américains. Le gouvernement doit donner des garanties sur la préservation d'un certain nombre d'intérêts stratégiques de la France dans ce programme dont elle est chef de file : prise en compte des besoins de nos armées (dissuasion, navalisation), protection de la propriété intellectuelle de l'industrie française, clarification des règles d'exportation. Sur ce dernier point, des voix s'élèvent en Allemagne en faveur d'une européanisation des règles d'exportation qui pose de nombreuses questions puisqu'elle entraînerait des risques de blocages très élevés, sur une question de souveraineté demeurant fondamentalement de la responsabilité des États.

Les mêmes sujets de protection de la propriété intellectuelle et de contrôle des exportations se posent, du reste, pour les projets soutenus par le Fonds européen de la défense (FEDef).

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