Avis n° 121 (2022-2023) de M. Jean-Pierre SUEUR , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 novembre 2022

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N° 121

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée
nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution,
pour
2023 ,

TOME X

POUVOIRS PUBLICS

Par M. Jean-Pierre SUEUR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Le montant total de la mission « Pouvoirs publics » s'établit au titre de l'exercice 2023 à 1 076,5 millions d'euros , soit une hausse de 2,76 % par rapport à l'année précédente. L'augmentation constatée concerne l'ensemble des pouvoirs publics , à l'exception de la Cour de justice de la République, et résulte à la fois du contexte inflationniste et de mesures structurelles affectant les dépenses de personnel :

• la dotation demandée pour la présidence de la République s'élève à 110,46 millions d'euros , contre 105,3 millions d'euros en 2022, soit une augmentation de 4,90 % , qui s'explique principalement par la reprise d'une activité soutenue, après une période marquée par la crise sanitaire, et par l'application de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique à compter du 1 er juillet 2022 ;

• les crédits qu'il est prévu d'allouer au Conseil constitutionnel s'élèvent à 13,30 millions d'euros , contre 15,96 millions d'euros en 2022, soit une baisse de 16,71 % . Cette diminution n'est toutefois qu'optique, dans la mesure où la dotation octroyée en 2022 comportait deux enveloppes exceptionnelles, respectivement de 2,5 millions d'euros et de 0,9 million d'euros, destinées à permettre le contrôle des opérations électorales d'une part, et le développement du portail internet de la QPC d'autre part. Ces enveloppes mises à part, la dotation pour 2023 présente une hausse de 5,83 % ;

• la dotation sollicitée pour la Cour de justice de la République s'élève à 984 000 euros , soit un montant identique à l'exercice précédent.

Eu égard à ses fonctions de Questeur du Sénat, le rapporteur a limité ses observations aux budgets de la présidence la République, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. Il renvoie pour les autres budgets relevant de la mission « Pouvoirs publics » (assemblées parlementaires et « La chaîne parlementaire ») au rapport du rapporteur spécial de la commission des finances 1 ( * ) .

Le rapporteur ne saurait émettre un avis défavorable sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics » au titre de 2023, compte tenu des efforts budgétaires consentis par les différentes institutions au cours des exercices antérieurs et de la dynamique inflationniste actuelle, qui justifie une hausse des dotations octroyées. Il alerte cependant sur le caractère non pérenne du recours aux réserves comme mécanisme de financement récurrent, qui est susceptible de fragiliser la soutenabilité des budgets à moyen terme.

Sur sa proposition, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2023 .

I. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DES POUVOIRS PUBLICS JUSTIFIÉE PAR LA DYNAMIQUE INFLATIONNISTE ET L'APPLICATION DE MESURES STRUCTURELLES AFFECTANT LES DÉPENSES DE PERSONNEL

L'autonomie financière des institutions de la mission « Pouvoirs publics » est justifiée par « la sauvegarde du principe d'autonomie des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs » 2 ( * ) . Toutefois, ces institutions doivent, elles aussi, participer à la maîtrise des dépenses publiques.

Au titre de l'exercice 2023, le montant total des crédits octroyés par le projet de loi de finances dans le cadre de la mission « Pouvoirs publics » s'élève à 1 076,53 millions d'euros, soit une hausse de 2,76 % par rapport à la précédente loi de finances initiale.

La présidence de la République présente une dotation en augmentation de 4,90 % en raison notamment de la reprise des déplacements, après une période de ralentissement due à la crise sanitaire, et de l'effet, en année pleine, de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique à compter du 1 er juillet 2022.

La dotation du Conseil constitutionnel présente une baisse significative de 16,71 % par rapport à l'exercice précédent. Il s'agit toutefois d'une diminution en trompe-l'oeil, l'année 2022 ayant été marquée par l'affectation de crédits dédiés au contrôle des opérations électorales d'une part, et au développement d'un portail internet de la QPC d'autre part. Ces enveloppes 3 ( * ) mises à part, la dotation du Conseil constitutionnel présente une hausse de 5,83 %.

La dotation de la Cour de justice de la République est stable, après avoir été revalorisée en 2022 à hauteur de 112 000 euros pour faire face au flux de requêtes liées à la crise sanitaire.

Crédits de la mission « Pouvoirs publics » par dotation et par action

(en euros)

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2023

Comme l'année précédente, l'examen des crédits alloués à la mission « Pouvoirs publics » par la commission des lois s'effectuera dans une optique autant budgétaire qu'institutionnelle.

II. UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES DÉPENSES DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE QUE LA HAUSSE DE LA DOTATION OCTROYÉE NE FINANCE QUE PARTIELLEMENT

La dotation demandée pour la présidence de la République est en hausse de 4,90 % par rapport à celle de l'exercice précédent (110,46 millions d'euros en 2023 contre 105,3 millions d'euros en 2022). Elle est marquée par des mesures structurelles affectant les dépenses de personnel et un niveau soutenu d'investissements afin d'entretenir et de moderniser les emprises.

Malgré l'augmentation envisagée de la dotation pour 2023, celle-ci ne permet pas de couvrir l'intégralité des dépenses de la présidence de la République, évaluées à 114,4 millions d'euros. L'équilibre budgétaire n'est atteint qu'au prix d'un important prélèvement sur disponibilités de 2,37 millions d'euros, auquel s'ajoutent des recettes propres pour un montant de 1,6 million d'euros. Comme les années précédentes, cela interroge sur la pérennité de la structure du budget à moyen terme, et ce d'autant plus que certaines dépenses en lien avec la politique d'investissement de la présidence pèseront sur le budget des exercices ultérieurs.

A. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET DE PERSONNEL RÉSULTANT DU NIVEAU D'ACTIVITÉ SOUTENU ET D'ALÉAS EXOGÈNES DIFFICILEMENT MAÎTRISABLES

La présidence de la République applique depuis le 1 er janvier 2017 un règlement budgétaire et comptable , signé le 29 novembre 2016 et actualisé le 29 mars 2019, qui reprend en grande partie les normes applicables à la gestion publique, notamment les dispositions du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP).

Ce règlement fixe un cadre budgétaire et comptable formalisé qui préserve le principe général d'autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 2001.

La présentation du budget décline les crédits sous la forme d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, s'appuyant sur la destination de la dépense qui relève :

• soit de l'action présidentielle , qui correspond aux crédits permettant d'assurer les fonctions de représentation ainsi que les missions militaires et diplomatiques attachées au chef de l'État : déplacements internationaux et nationaux, organisation des réceptions au palais de l'Élysée ;

• soit de l'administration de la présidence , qui concerne la gestion des personnels, l'administration générale, la gestion immobilière, les moyens généraux, les télécommunications et l'informatique, la sécurité ainsi que l'action sociale interne.

Évolution des dépenses de la présidence de la République
entre 2021 et 2023

(en euros)

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2023

Les dépenses de la présidence de la République augmentent en 2023 sous l'effet d'une hausse des dépenses de fonctionnement, dans un contexte inflationniste, après une période de ralentissement due à la crise sanitaire. Les dépenses de personnel sont affectées par la revalorisation du point d'indice de la fonction publique à compter du 1 er juillet 2022.

1. Des dépenses de déplacements présidentiels en hausse, révélatrices d'une activité intense, dans le contexte de la guerre en Ukraine

L'enveloppe consacrée aux déplacements du président de la République augmente de 6,67 % par rapport à 2022 et s'élève à 16 millions d'euros . Celle-ci est affectée par le contexte de la guerre en Ukraine et par l'inflation internationale, particulièrement notable aux États-Unis et en Asie.

Par comparaison, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2020, avant le début de la crise sanitaire, représentaient 15,7 millions d'euros.

2. Des dépenses d'investissement contenues

Les dépenses d'investissement diminuent de 7,7 % entre 2022 et 2023. Ces dépenses s'élèvent à 6,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 6,24 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7,05 millions d'euros en crédits de paiement en 2022. Elles représentent 5,68 % du budget total , soit un pourcentage quasiment équivalent à celui de l'exercice précédent 4 ( * ) , et se décomposent en trois postes de dépenses.

En premier lieu, 2,45 millions d'euros en autorisations d'engagement et le même montant en crédits de paiement seront affectés aux télécommunications, à l'informatique, au numérique et aux moyens audiovisuels de communication.

Dépenses prévisionnelles relatives aux télécommunications, à l'informatique, au numérique et aux moyens audiovisuels

(en euros)

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2023

En deuxième lieu, 1,78 million d'euros en autorisations d'engagement et le même montant en crédits de paiement ont pour objet de financer plusieurs projets de gestion immobilière.

Il est ainsi prévu d'engager en 2023 des travaux de géothermie sur l'hôtel d'Évreux , pour réduire l'empreinte carbone de la présidence et baisser sa consommation de fluides (gaz et électricité) soumis à une très forte tension sur les prix. Dès l'année prochaine, la mise en place de ce système pourrait permettre de réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre. À terme, le recours à cette installation pour rafraîchir les bureaux en été est envisagé. La réalisation d'un audit énergétique des emprises a également été décidée, afin de définir une stratégie pluriannuelle de travaux en matière de performance énergétique 5 ( * ) .

Dépenses relatives à la gestion immobilière

(en euros)

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2023

Enfin, une enveloppe, dont on peut regretter que le montant n'ait pas été précisé au sein de l'annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2023, sera dédiée, comme les années précédentes, à l'adaptation et au renforcement des moyens de protection mis à la disposition du personnel de la direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR), ainsi qu'à l'amélioration de la sûreté des différentes résidences présidentielles.

3. Une hausse significative des dépenses de fonctionnement dont les justifications demeurent trop imprécises

Les dépenses de fonctionnement, qui représentent 18 millions d'euros en 2023 , connaissent une augmentation significative de 12,61 % par rapport à l'exercice précédent. La hausse est particulièrement concentrée sur les dépenses relatives à l'administration de la présidence (+ 13,96 %), celles concernant l'action présidentielle présentant une évolution plus contenue (+ 5,71 %).

Parmi les dépenses d'administration, le poste relatif à la sécurité augmente de 54,1 % entre 2022 et 2023, celui concernant la gestion immobilière de 28,28 % et celui relatif aux moyens généraux de 13,29 %.

Pour justifier une hausse des crédits de fonctionnement de plus de 2 millions d'euros entre 2022 et 2023, la présidence de la République avance les éléments suivants :

• tout d'abord, l' évolution des outils numériques conduit à un accroissement des dépenses informatiques, par l'acquisition de nouvelles licences, par la réalisation d'un plus grand nombre d'opérations de maintenance préventive et par le recours plus régulier aux services support des développeurs ;

• ensuite, les opérations de travaux visant à garantir la sécurité des emprises se poursuivent en 2023. À ce titre, la troisième tranche de l'opération de purge des réseaux électriques (identification de nombreux câbles accumulés dans les sous-sols et dépose de ceux qui ne sont plus utiles, nettoyage des supports, remplacement des câbles endommagés), indispensable à la sécurité des emprises, se traduit par une dépense exceptionnelle de 0,6 million d'euros 6 ( * ) ;

• par ailleurs, l' inflation d'ores et déjà constatée affecte toutes les dépenses de fonctionnement, quelle qu'en soit leur nature (fluides, denrées alimentaires, coût des matériaux de construction etc.). En ce qui concerne les fluides, les projections pour 2023 appellent à une vigilance particulière. La présidence de la République est rattachée au marché interministériel de la direction des achats de l'État (DAE) pour le gaz et l'électricité. Or, cette dernière prévoit une hausse substantielle et imprévisible de ce poste de dépense incompressible en 2023 7 ( * ) .

Le rapporteur relève toutefois que, si la dynamique inflationniste actuelle est de nature à justifier une revalorisation de l'enveloppe affectée aux dépenses de fonctionnement, l'ampleur de celle-ci excède largement le niveau de l'inflation constatée qui s'élève, sur un an, à 5,6 % 8 ( * ) . En outre, les éléments complémentaires apportés par la présidence de la République pour expliquer cette évolution - « un recalibrage réaliste devenu indispensable permettant de faire face aux coûts de gestion courante » 9 ( * ) - apparaissent abscons et trop imprécis pour être pleinement satisfaisants . Il y a là une vraie question qui reste posée .

Enfin, l'analyse de l'exécution budgétaire au cours des cinq dernières années révèle une sur-exécution récurrente des crédits de fonctionnement , exception faite de 2020, qui interroge sur l'efficacité des « actions pérennes de maîtrise [de ces dépenses] » mises en oeuvre « pour respecter cette enveloppe » 10 ( * ) . À ce titre, l'exécution budgétaire pour 2021 fait apparaître un écart significatif de 2,1 millions d'euros, les dépenses de fonctionnement exécutées s'élevant à 17,4 millions d'euros contre 15,3 millions d'euros prévisionnels en loi de finances initiale.

Évolution des dépenses de fonctionnement de la présidence de la République depuis 2017

(en euros)

Source : Annexes « Pouvoirs publics » au projet de loi de règlement depuis 2017

4. Des mesures structurelles affectant les dépenses de personnel

Pour 2023, les dépenses de personnel, qui représentent 65 % du budget de la présidence de la République, connaissent une hausse de 3,90 % par rapport au projet de loi de finances pour 2022. Cette augmentation de 2,77 millions euros par rapport à l'exercice précédent s'explique principalement par la prise en compte de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires de 3,5 % à compter du 1 er juillet 2022 , dont l'effet, en année pleine, ne pourra être mesuré qu'en 2023.

À cette mesure structurelle s'ajoute la mise en place progressive de la nouvelle politique de rémunération des militaires , qui a une incidence directe sur l'enveloppe des dépenses de personnel compte tenu de la part importante de cette catégorie dans les effectifs mis à disposition de la présidence, et de la prise en charge partielle de la complémentaire santé des agents publics.

Malgré les efforts engagés par la présidence de la République pour parvenir à un pilotage plus fin de la masse salariale (maîtrise des effectifs et des rémunérations au recrutement, respect du plafond d'emploi fixé à 825 équivalents temps plein, définition d'un schéma d'emplois par grades et par fonctions pour chaque direction), l'hypothèse d'une évolution des dépenses de personnel à hauteur de 3,3 % pour 2024 a jusqu'à présent été privilégiée. Cet indice, communiqué par la direction du budget, correspond à celui retenu par l'ensemble des ministères.

B. UN RECOURS RÉCURRENT AUX RÉSERVES COUPLÉ À DES INCERTITUDES ENTOURANT LA POLITIQUE D'INVESTISSEMENT SUSCEPTIBLES DE FRAGILISER LE BUDGET À MOYEN TERME

1. Un recours toujours nécessaire au prélèvement sur trésorerie pour équilibrer le budget malgré une hausse de la dotation octroyée

La présidence de la République finance ses dépenses grâce à la dotation de 110,46 millions d'euros pour 2023, mais aussi grâce à deux recettes propres .

En premier lieu, les produits divers s'élèvent à 1,6 million d'euros pour 2023, alors qu'ils représentaient 1,48 million d'euros en 2022. Cette augmentation de plus de 8 % s'explique notamment par l'accroissement des revenus tirés de la boutique de l'Élysée. Les produits divers sont constitués, en outre, par les recettes de restauration (0,59 million d'euros), le produit des redevances locatives (0,2 million d'euros), la redevance de la marque « Présidence de la République » (0,33 million d'euros), les recettes liées au remboursement des participants aux voyages officiels et des frais avancés pour le compte de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT), les contributions des familles au service rendu par la crèche et les cessions d'actifs par le service des domaines (0,48 million d'euros).

En second lieu, un prélèvement sur trésorerie , d'un montant de 2,37 millions d'euros pour 2023 , soit un montant quasiment équivalent à celui anticipé pour 2022 11 ( * ) , permet toujours d'équilibrer le budget.

Le rapporteur alerte une nouvelle fois sur l'absence de caractère pérenne de ce mécanisme budgétaire, bien que les disponibilités apparaissent stables .

Évolution des disponibilités de la présidence de la République depuis 2017

(en euros)

Source : Rapports de la Cour des comptes sur les comptes et la gestion des services de la présidence de la République (exercices 2017 à 2021)

2. Des incertitudes entourant la politique d'investissement de la présidence de la République

Sans remettre en cause la pertinence des investissements envisagés par la présidence de la République au cours des exercices futurs, notamment pour tout ce qui concerne la sécurité, le rapporteur regrette que les éléments fournis demeurent trop imprécis pour disposer d'une évaluation fiable des montants susceptibles d'être engagés à ce titre, en particulier en ce qui concerne les opérations de grande ampleur.

Tout d'abord, des travaux de mise aux normes et de mise en sécurité pourraient intervenir dans les années à venir. Outre la mise en conformité des installations électriques évoquée supra , la présidence de la République serait amenée à réaliser des opérations de sécurisation des sites (systèmes incendie, respect des règles d'hygiène et de sécurité en matière de restauration, accessibilité des bâtiments etc.), conformément aux conclusions rendues par le diagnostic technique réalisé en 2021. Si les services de la présidence indiquent que le chiffrage de ces opérations est encore en cours 12 ( * ) , la Cour des comptes relève quant à elle que le coût estimé s'élève à 12 millions d'euros environ sur cinq ans 13 ( * ) .

Ensuite, la réalisation de l' audit énergétique des emprises parisiennes doit permettre la définition d'une stratégie pluriannuelle de travaux. Il doit être observé que l'adaptation des monuments historiques aux défis environnementaux entraînera de nouveaux besoins de financement , qui ne pourront être garantis qu'au prix d'un effort dans la maîtrise des autres postes de dépenses.

Enfin, l'élaboration d'un nouveau schéma directeur immobilier à compter de 2025 pourrait être l'occasion d'établir une convention avec l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) visant à « clarifier les rôles et à établir les responsabilités de chacun » 14 ( * ) . La rédaction d'une telle convention conduirait à la prise en charge par la présidence de la République de travaux financés jusqu'à présent par l'OPPIC . S'il s'agit d'ajustements jugés relativement marginaux par les services de la présidence (réhabilitation de logements, rénovations de peinture), ceux-ci pourraient toutefois entraîner une hausse du budget évaluée à un million d'euros environ 15 ( * ) . En outre, cette évaluation ne tient pas compte du recrutement potentiel de personnels qu'induirait la prise en charge de nouvelles opérations de travaux par la présidence (études, rédaction des marchés, suivi opérationnel des chantiers, etc.). Il y a là une réelle interrogation, qui subsiste.

III. LE RENFORCEMENT DES EFFECTIFS ET DES MOYENS MATÉRIELS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL REQUIS POUR MENER À BIEN L'ENSEMBLE DES MISSIONS QUI LUI INCOMBE

Les crédits alloués au Conseil constitutionnel par le projet de loi de finances initiale pour 2023 s'élèvent à 13,30 millions d'euros 16 ( * ) , soit une baisse de 16,71 % par rapport à l'exercice précédent. Cette diminution n'est toutefois qu'optique, dans la mesure où le budget de l'année 2022 comportait deux enveloppes spécifiques, respectivement de 2,5 millions d'euros et de 0,9 million d'euros, destinées à permettre le contrôle de la régularité de l'élection présidentielle et des élections législatives d'une part, et le développement d'un portail internet sur la QPC d'autre part. Ces enveloppes mises à part, les crédits pour 2023 présentent une hausse de 5,83 % par rapport à l'exercice précédent.

Le budget prévisionnel pour 2023 se répartit en quatre actions : le contrôle des normes (8,3 millions d'euros), les relations extérieures et la communication (1,9 million d'euros), l'administration de l'institution (3,1 millions d'euros) et les élections, pour lesquelles aucun crédit prévisionnel n'a été affecté à ce jour.

Le budget 2023 du Conseil constitutionnel

(en euros)

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2023

A. DES MOYENS EXCEPTIONNELS ALLOUÉS EN 2022 POUR FAIRE FACE À UNE ANNÉE ÉLECTORALE PARTICULIÈRE

Les crédits alloués au Conseil constitutionnel pour 2022 comprenaient une enveloppe spécifique de 2,5 millions d'euros destinée au contrôle de l'élection présidentielle et des élections législatives.

Dans sa mission de juge électoral, le Conseil constitutionnel « veille à la régularité de l'élection du Président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin. », conformément à l' article 58 de la Constitution du 4 octobre 1958 . Par ailleurs, aux termes de l' article 59 de la Constitution , il « statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs » . À ce titre, le Conseil peut annuler des élections ou les réformer, de même que prononcer l'inéligibilité d'un candidat dont les dépenses électorales sont irrégulières.

1. Le contrôle de la régularité de l'élection présidentielle de 2022

Pour l'élection présidentielle, le rôle du Conseil constitutionnel peut être résumé en trois temps forts. En amont de l'élection , il rend des avis consultatifs sur les actes et les textes préparatoires, contrôle la régularité des formulaires de parrainages reçus, les publie et procède à la désignation des magistrats délégués chargés de contrôler les opérations de vote lors des deux tours de scrutins.

En ce qui concerne les parrainages, la loi organique n° 2021-335 du 29 mars 2021 portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République a procédé à un allongement de la durée de recueil des soutiens . Elle dispose en effet que le décret de convocation des électeurs, qui constitue le point de départ pour l'envoi des formulaires par les préfets aux candidats, doit intervenir au moins dix semaines avant la date du premier tour du scrutin. L'inscription d'un tel délai doit garantir aux candidats de disposer d'un temps suffisant pour recueillir leurs parrainages. Cette même loi reporte l'entrée en vigueur de la transmission des formulaires par voie électronique 17 ( * ) à une date fixée par décret, et au plus tard le 1 er janvier 2027, dans l'attente d'un dispositif suffisamment sécurisé d'identité numérique. Par ailleurs, depuis l'élection présidentielle de 2017, les parrainages, incluant le nom et la qualité des citoyens ayant présenté des candidats, sont intégralement rendus publics 18 ( * ) sur le site internet dédié à l'élection présidentielle, au fur et à mesure de leur réception et à raison de deux fois par semaine.

Le Conseil constitutionnel s'est ainsi réuni à 11 reprises entre le 1 er février et le 3 mars 2022 pour l'examen des parrainages. L'allongement de la période de recueil des soutiens n'a pas eu de conséquence particulière sur leur nombre puisque 13 672 formulaires ont été reçus contre 14 586 en 2017 19 ( * ) . Parmi ceux-ci, 245 ont été rejetés , soit un nombre quasiment équivalent à celui de 2017. De la même manière, le nombre de candidats est resté proche des précédentes élections : 12 candidats contre 11 en 2017 et 10 en 2012.

Pendant l'élection , près de 2 000 magistrats délégués ont contrôlé le fonctionnement des bureaux de vote. À ce titre, le Conseil, dans ses observations relatives à l'élection présidentielle 20 ( * ) , relève que « Dans l'ensemble, les rapports des délégués du Conseil constitutionnel, ainsi que l'examen des divers procès-verbaux adressés au Conseil ou dont il a eu connaissance, révèlent le bon fonctionnement des opérations électorales ». Les dépenses constatées pour 2022 sur l'enveloppe dédiée aux élections concernent donc principalement la rémunération de ces magistrats délégués et la prise en charge de leurs frais de déplacement. Au 15 septembre 2022, le taux d'exécution de ces crédits s'élève à 53 % , ce qui représente 1,33 million d'euros exécutés sur les 2,5 millions d'euros initialement octroyés, soit une exécution relativement limitée eu égard aux crédits prévus.

Enfin, à l'issue de l'élection , le Conseil constitutionnel est chargé de l'examen des éventuelles contestations, de la proclamation des résultats et du jugement, le cas échéant, des recours contre les décisions rendues par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

2. Le contentieux des élections législatives de 2022

Le bilan complet d'activité du contentieux électoral du Conseil constitutionnel ne saurait d'ores et déjà être dressé dans la mesure où un peu moins de la moitié des recours introduits sont encore pendants, leur traitement devant intervenir d'ici le début de l'année 2023.

Il peut néanmoins être précisé qu'à ce jour, 99 réclamations ont été portées devant lui dans le cadre des élections législatives de juin 2022, contre 298 en 2017 . Cette baisse significative du nombre de recours pourrait s'expliquer en partie par la diminution du nombre de candidats aux élections législatives entre 2017 et 2022 (environ 6 000 candidats cette année contre 7 000 il y a cinq ans). Par ailleurs, le secrétaire général du Conseil constitutionnel, avec qui le rapporteur s'est entretenu, a indiqué qu'une tendance similaire avait été observée par le Conseil d'État s'agissant du contentieux des élections municipales de 2020.

B. DES MOYENS RENFORCÉS EN 2023 POUR FAIRE FACE À UNE ACTIVITÉ SOUTENUE DE CONTRÔLE DES NORMES DANS UN CONTEXTE D'INFLATION CROISSANTE

1. Le succès non démenti de la procédure de contrôle a posteriori, dont la visibilité sera renforcée dès 2023 par le déploiement d'un site internet dédié

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ainsi que la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, tout justiciable estimant qu'une disposition législative en vigueur porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis peut soulever une question prioritaire de constitutionnalité 21 ( * ) . Alors que les juridictions administratives s'étaient initialement saisies avec plus de vitalité du mécanisme de la QPC, le Conseil d'État et la Cour de cassation ont désormais des taux de transmission relativement voisins. Sur la période récente, la part occupée dans le total par les QPC reçues des juridictions judiciaires s'est accrue, notamment du fait d'un tassement du nombre de questions fiscales reçues du Conseil d'État et d'une augmentation du nombre des transmissions émanant de la chambre criminelle de la Cour de cassation 22 ( * ) .

L'un des objectifs du président Laurent Fabius est d'ériger la question prioritaire de constitutionnalité en « question citoyenne », d'autant que l'activité enregistrée au titre de cette procédure ne cesse de croître : 60 des 71 décisions relatives au contrôle de constitutionnalité prises par le Conseil entre le 1 er janvier et le 31 octobre 2022 en relèvent, contre 75 sur 98 en 2021 et 46 sur 69 en 2020 23 ( * ) . Entre le 1 er septembre 2021 et le 31 août 2022 , le Conseil constitutionnel a été saisi de 79 QPC , soit un nombre quasiment équivalent à celui constaté entre le 1 er septembre 2020 et le 31 août 2021 (83 saisines au titre de la QPC sur la période) 24 ( * ) .

L'activité du Conseil constitutionnel en matière de QPC

Source : site du Conseil constitutionnel

La possibilité de recours accru aux QPC a pu être invoquée pour justifier les décisions du Conseil constitutionnel relatives au régime des ordonnances de l'article 38 de la Constitution. En effet, dans sa décision Force 5 du 28 mai 2020 25 ( * ) , le juge constitutionnel a considéré que, à l'expiration du délai d'habilitation fixé par la loi, les dispositions d'une ordonnance prise sur son fondement ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif et que, dès lors, à compter de cette date, elle « doivent être regardées comme des dispositions législatives ». Par une décision Sofiane A. du 3 juillet 2020 26 ( * ) , le Conseil constitutionnel a confirmé ce revirement de jurisprudence et a précisé que de telles dispositions devaient être regardées comme des dispositions législatives « au sens de l'article 61-1 de la Constitution. » Par suite, au terme du délai d'habilitation, le contrôle de leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution relèverait du seul Conseil constitutionnel, dans le cadre d'une QPC. Par une décision d'assemblée n° 440258 du 16 décembre 2020, le Conseil d'État a pris acte de ce revirement de jurisprudence 27 ( * ) .

En adoptant en première lecture le 4 novembre 2021, à une majorité de 322 voix contre 22 voix, la proposition de loi constitutionnelle garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l'État de droit en cas de législation par ordonnance déposée par votre rapporteur, le Sénat a marqué son opposition à cette conception et son attachement à la lettre et à l'esprit de l'article 38 de la Constitution. En effet, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l'article 38 précise que les ordonnances « ne peuvent être ratifiées que de manière expresse », ce qui suppose un vote du Parlement. Ainsi, selon les termes de la Constitution, les dispositions d'une ordonnance non ratifiée par le Parlement ne sauraient mécaniquement être regardées comme des dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution.

Compte tenu de l'évolution jurisprudentielle du Conseil constitutionnel relative aux ordonnances, les propositions de loi de ratification, en ce qu'elles permettent aux parlementaires de débattre des choix faits par le Gouvernement d'une part, et de modifier, le cas échéant, le contenu de l'ordonnance par l'exercice de leur droit d'amendement d'autre part, constituent les moyens pertinents auxquels il revient au Parlement de recourir.

Malgré le succès avéré de la procédure de contrôle a posteriori , comme en atteste le jugement, en 2022, d'une millième QPC par le Conseil constitutionnel, l'absence de base de données regroupant l'ensemble des décisions rendues par les juridictions françaises dans le cadre de cette procédure a jusqu'à présent constitué un obstacle à sa pleine visibilité auprès de nos concitoyens mais aussi des professionnels du droit.

Dans ce contexte, le président Laurent Fabius a décidé, en accord avec le Conseil d'État et la Cour de cassation, du déploiement, d'ici au début de l'année 2023, d'un portail dématérialisé de référence de la QPC , qui permettra d'accéder à l'ensemble des décisions liées au contrôle a posteriori et de mieux faire connaître la procédure à toutes celles et ceux qu'elle peut intéresser. C'est assurément une initiative très positive.

Afin de mener à bien ce projet, le Conseil constitutionnel a bénéficié, en 2022, d'une dotation exceptionnelle de 0,9 million d'euros . Il s'est doté d'une direction de projet et a procédé au recrutement d'un webmestre dont le rôle est d'assurer la maintenance et l'animation du futur portail. À ce jour, le déploiement du site internet suit la trajectoire définie et ne rencontre pas de difficulté particulière ni de retard susceptibles d'affecter substantiellement le budget initialement alloué 28 ( * ) .

L'adoption d'un règlement intérieur de procédure pour le contrôle de constitutionnalité a priori

Par une décision n° 2022-152 ORGA du 11 mars 2022, le Conseil constitutionnel s'est doté d'un règlement intérieur de procédure pour le contrôle de constitutionnalité a priori , au même titre que celui qui existe, depuis le 4 février 2010, pour la QPC.

S'il a avant tout pour objet de codifier la pratique antérieure, celui-ci innove cependant de deux manières. D'une part, il garantit une transparence accrue de la procédure , notamment par la publication des saisines dès leur enregistrement. D'autre part, il ouvre de plus larges facultés aux parlementaires pour contribuer à la procédure contradictoire , tant dans sa phase écrite que dans sa phase orale, par la voie d'auditions que les saisissants sont susceptibles de demander.

Depuis le début de la présente législature, toutes les saisines ont été publiées, dès leur enregistrement, sur le site internet du Conseil constitutionnel. En ce qui concerne les auditions, dont la pratique était jusqu'à présent non codifiée, la procédure ayant conduit à l'adoption de la décision n° 2022-840 DC du 30 juillet 2022 29 ( * ) constitue un premier exemple d'application, comme le démontrent les visas de la décision.

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs indiqué que l'incidence budgétaire de l'adoption d'un tel règlement était très marginale 30 ( * ) .

2. La poursuite des déplacements internationaux et des audiences délocalisées pour mieux faire connaître l'activité du Conseil

Dès 2021, le Conseil constitutionnel a repris ses échanges internationaux, en se rendant notamment à la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe pour rencontrer les juges constitutionnels allemands. En 2022, six déplacements à l'étranger , pour un coût total de 58 500 euros , ont été organisés. Une délégation, composée de onze référendaires en fonction auprès des juges de la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe, a également été accueillie en juin dernier au Conseil constitutionnel pour échanger sur les méthodes de travail des juges constitutionnels allemand et français.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a tenu, pour la sixième fois depuis 2019 et selon une pratique désormais établie, une audience délocalisée à la cour administrative d'appel de Marseille en septembre dernier. Ce déplacement a été l'occasion de mieux faire connaître les missions du Conseil en matière de contrôle de la conformité des lois à la Constitution et, en particulier, la procédure de QPC 31 ( * ) . Il a en outre permis d'approfondir le partenariat que le Conseil constitutionnel et le ministère de l'éducation nationale ont noué depuis 2016 dans l'objectif de diffuser la culture constitutionnelle auprès des élèves des écoles, collèges et lycées. En effet, pour la première fois, les membres du Conseil constitutionnel se sont rendus dans les établissements marseillais Saint-Exupéry et Thiers pour rencontrer des lycéens. Le coût de cette audience hors les murs représente 66 000 euros environ , soit un montant quasiment équivalent à celui qui avait été dépensé, l'année précédente, pour l'organisation d'une telle audience à la cour d'appel de Bourges.

L'ensemble de ces dépenses est imputé sur l'enveloppe dédiée aux relations extérieures et à la communication. Pour 2023, les crédits affectés à cette action représentent 1,93 million d'euros , soit une hausse de 19,32 % par rapport à l'exercice précédent. La quasi-totalité de l'augmentation constatée porte sur les dépenses de personnel, dont les variations sont analysées infra .

Sans remettre en cause l'utilité de tels déplacements, le rapporteur rappelle toutefois qu'ils doivent s'effectuer dans un cadre budgétaire contraint.

3. Un renforcement des moyens adapté aux enjeux de professionnalisation du secrétariat général et au contexte inflationniste

L' exécution budgétaire du Conseil constitutionnel pour 2021 a révélé un déficit de 1,37 million d'euros : alors que 12,02 millions d'euros avaient été initialement alloués en loi de finances initiale, 13,39 millions d'euros ont effectivement été dépensés. Ce déficit a été partiellement financé par les réserves du Conseil, qui s'élèvent à 1,07 million d'euros au 30 juin 2022. Si la sur-exécution constatée en 2021 tient sans doute pour partie au contexte sanitaire, qui a entraîné un surcroît de dépenses difficilement prévisibles, il n'en demeure pas moins que le recours aux réserves comme mode de financement est susceptible de fragiliser, à terme, la structure du budget . Pour y remédier, la revalorisation de la dotation octroyée , qui représente 13,30 millions d'euros pour 2023, soit un montant quasiment équivalent aux dépenses exécutées en 2021, apparaît justifiée . S'agissant de l'exercice en cours, les prévisions d'exécution budgétaire au 31 décembre n'excèdent pas, à ce jour, le montant de l'enveloppe initiale 32 ( * ) .

En 2023, les dépenses de personnel s'élèvent à 7,48 millions d'euros , soit une hausse de 6,21 % par rapport à l'exercice précédent, après neutralisation de l'enveloppe dédiée, en 2022, au contrôle des opérations électorales. Cette augmentation résulte à la fois de l'effet, en année pleine, de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique à compter du 1 er juillet 2022 et du recrutement de huit fonctionnaires de catégorie A intervenu en cours d'exercice. Depuis cinq ans, les effectifs du Conseil constitutionnel ont été revus à la hausse, passant de 68 fonctionnaires toutes catégories confondues en 2017 à 87 en 2022 33 ( * ) . La tendance continue au renforcement des effectifs répond à l'enjeu de professionnalisation du secrétariat général, qui doit permettre au Conseil de disposer des appuis les plus utiles dans les différentes fonctions qu'il est amené à exercer.

Depuis décembre 2021 et afin de garantir le respect des règles de précaution sanitaire, le Conseil constitutionnel loue un local supplémentaire annexe de 154 mètres carrés situé au 7, avenue de l'Opéra. Le bail, d'une durée de neuf ans, peut être résilié à l'expiration de chacune des périodes triennales. Initialement conçue pour être temporaire, la location de ce local a désormais vocation à perdurer, compte tenu de l'évolution de l'effectif du secrétariat général et de la fréquence des pics d'activité pouvant nécessiter des renforts ponctuels 34 ( * ) . Le loyer annuel , fixé à 100 000 euros, hors taxes et autres charges, explique pour partie la hausse des dépenses de fonctionnement (+ 187 000 euros) entre 2022 et 2023.

IV. UNE DOTATION STABLE POUR LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE, INSTITUTION À L'AVENIR INCERTAIN MALGRÉ SA SAISINE MASSIVE DANS LE CADRE DE LA CRISE SANITAIRE

La Cour de justice de la République (CJR) a vu le jour avec la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 dans le contexte d'une tragédie sanitaire, l'affaire du sang contaminé. Elle est compétente pour juger de la responsabilité des ministres et anciens ministres, ou assimilés , pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions 35 ( * ) . Il s'agit d'une juridiction à la composition mixte et à la procédure hybride.

Toutes les plaintes de personnes qui s'estiment lésées par un crime ou délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions passent par le filtre de la commission des requêtes , composée de trois magistrats de la Cour de cassation, de deux conseillers d'État et de deux conseillers maîtres à la Cour des comptes. La commission des requêtes se réunit une ou deux fois par mois et analyse vingt à trente plaintes par réunion. Elle peut classer la plainte ou la transmettre au procureur général près la Cour de cassation pour saisine de la CJR. Le procureur général près la Cour de cassation peut également saisir directement la CJR après avis conforme de la commission des requêtes. Une grande partie des plaintes ne dépasse pas le filtre de la commission des requêtes, faute pour la plainte d'identifier nommément le ministre responsable, de faire état d'un préjudice personnel ou encore de dénoncer des infractions en lien avec l'exercice des fonctions.

La commission d'instruction , composée de trois magistrats de la Cour de cassation, procède à l'instruction des dossiers et peut diligenter toute mesure qu'elle estime utile. La commission d'instruction effectue un travail quotidien et procède à environ quatre actes d'instruction par semaine. À l'issue de son instruction, elle peut décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou décider le renvoi devant la CJR.

La formation de jugement comprend quinze juges, douze parlementaires et trois magistrats du siège, dont l'un préside la Cour 36 ( * ) . La Cour délibère par bulletins secrets à la majorité absolue. Les arrêts de la Cour peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation, qui doit statuer dans un délai de trois mois 37 ( * ) .

On le sait, cette juridiction à part entière dans le système de procédure pénale est l'objet de contestations. Il est ainsi reproché que des politiques soient jugés par une juridiction composée très majoritairement de politiques.

A. UN NIVEAU DE DÉPENSES CONSTANT PAR RAPPORT À L'EXERCICE PRÉCÉDENT POUR CETTE JURIDICTION CONTESTÉE

Par deux projets de révisions constitutionnelles avortés , la pérennité de cette juridiction a été remise en cause. Le projet de loi constitutionnelle du 14 mars 2013 relatif à la responsabilité juridictionnelle du président de la République et des membres du gouvernement prévoyait la suppression de la CJR, tandis que le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique du 28 août 2019 prévoyait un transfert de la compétence de jugement des ministres à la cour d'appel de Paris.

Si ces réformes n'ont jusqu'à présent pas abouti, la suppression de la CJR, qui s'inscrit dans la recherche plus globale d'une meilleure articulation entre responsabilité politique et responsabilité pénale, demeure d'actualité. Dans son rapport rendu en avril dernier, le comité des États généraux de la justice, sous la présidence de Jean-Marc Sauvé, se montre ainsi favorable « à une réforme institutionnelle tendant à supprimer la CJR afin que les ministres soient responsables pénalement devant les juridictions de droit commun pour les crimes et délits accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, au même titre que les autres responsables publics. » Il souligne toutefois la nécessité « d'écarter rapidement et en amont les procédures judiciaires abusives n'ayant pour seul but que de porter atteinte aux personnalités politiques. C'est pourquoi un dispositif de filtrage s'impose, sur le modèle de celui qui avait été envisagé à l'occasion des projets de révision constitutionnelle, en parallèle de l'alignement des procédures. »

Après avoir été revalorisé à hauteur de 112 000 euros en 2022 pour faire face aux flux de requêtes liées à la crise sanitaire, le budget de la CJR pour 2023 est stable , la dotation sollicitée s'élevant à 984 000 euros. La hausse de 8 000 euros des dépenses relatives aux indemnités des magistrats et aux cotisations est compensée par une baisse équivalente des crédits affectés aux frais de justice.

Le budget de la Cour de justice de la République

(en euros)

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2023

Les dépenses liées aux indemnités des magistrats s'élèvent à 143 000 euros en 2023, contre 135 000 euros en 2022. Le président de la Cour de justice, les conseillers à la Cour de cassation titulaires et suppléants, les membres de la commission des requêtes et de la commission d'instruction, de même que les magistrats assurant le ministère public, perçoivent une indemnité dont le montant est fixé par référence au traitement brut moyen des conseillers et avocats généraux de la Cour de cassation, conformément au décret n° 96-692 du 9 mai 1995 38 ( * ) . La revalorisation du traitement brut moyen des conseillers et avocats généraux de la Cour de cassation, corollaire de l'augmentation du point d'indice de la fonction publique à compter du 1 er juillet 2022, se traduit par une hausse, dans les mêmes proportions, des crédits affectés aux indemnités versées aux membres de la Cour de justice de la République.

Les autres personnels de la Cour de justice de la République, dont la secrétaire générale, sont mis à sa disposition par la Cour de cassation, pour assurer son bon fonctionnement. Ainsi, au 1 er janvier 2022, les six agents mis à la disposition de la Cour ne bénéficient d'aucune indemnité semblable à celle que perçoivent les magistrats. De telles mises à disposition ne font pas l'objet de remboursement de la part de la Cour de justice de la République.

Les deux exercices précédents avaient été marqués par un renforcement du personnel de la Cour de justice de la République pour faire face au flux de requêtes liées à la crise sanitaire . Les trois vacataires recrutés à l'été 2021 sur les crédits de la Cour de cassation n'ont pas été renouvelés cette année, tandis que les deux greffières de la Cour de cassation mises à disposition de la CJR ont rejoint leur affectation d'origine 39 ( * ) .

Les frais de procès sont stables avec une prévision budgétaire pour 2023 à hauteur de 62 000 euros 40 ( * ) . Trois dossiers mettant en cause des ministres en exercice et d'anciens ministres sont en cours d'instruction à ce jour.

Les dépenses afférentes au loyer et aux charges locatives s'élèvent à 493 000 euros en 2023 , soit une somme identique à celle allouée en 2022. Le loyer du siège de la Cour est légèrement inférieur à 482 000 euros, tandis que les charges locatives représentent 11 000 euros environ. Si le renouvellement du bail, intervenu au 1 er mars 2022 pour une durée de neuf ans sur la base de l'indice en vigueur au troisième trimestre 2021, a permis d'éviter une hausse du loyer au 1 er janvier 2022, ces dépenses représentent toutefois plus de la moitié du budget de la Cour. Le nouveau contrat prévoit la possibilité de dénoncer à tout moment la location , sous réserve de respecter un délai de préavis de neuf mois , ce qui représente un allongement de la durée de préavis de trois mois par rapport au bail précédent 41 ( * ) .

En outre, des incertitudes de plusieurs ordres pèsent sur le siège de la Cour. Il conviendra donc, le moment venu, de disposer d'un calendrier précis et suffisamment anticipé pour que le délai de préavis susmentionné puisse s'appliquer sans risque de pénalités financières. En cas de suppression de la Cour, plusieurs mesures transitoires devront également être mises en oeuvre, aussi bien sur le plan juridique de traitement des recours que des formalités techniques 42 ( * ) . Dans l'hypothèse où la Cour de justice de la République serait maintenue, ses présidents successifs ont témoigné leur volonté de rejoindre les locaux de l'ancien tribunal judiciaire sur l' île de la Cité , aujourd'hui implanté aux Batignolles. Cependant, ce transfert ne pourrait intervenir au plus tôt qu'en 2025, voire en 2026 , du fait des procès des attentats de 2015 et de 2016 qui se tiennent dans une salle spécialement créée au palais de justice de Paris d'une part, et de la nécessité de réaliser des travaux de mises aux normes en amont du déménagement d'autre part.

En ce qui concerne les autres dépenses de fonctionnement , un audit de sécurité, réalisé par les services spécialisés de la préfecture de police de Paris, a révélé la nécessité d'effectuer des travaux de sécurisation des locaux . Ceux-ci sont pleinement justifiés. Le coût total de l'opération, compris entre 50 000 et 60 000 euros, sera équitablement réparti entre le budget de l'exercice en cours et le suivant. En 2023, 30 000 euros environ seront donc affectés à la réalisation de ces travaux, sur une enveloppe globale de 135 000 euros , qui reste stable par rapport à l'exercice précédent .

B. LE MAINTIEN DES CRÉDITS AFFECTÉS AUX FRAIS DE JUSTICE EN RAISON DE L'INSTRUCTION DU DOSSIER RELATIF À LA CRISE SANITAIRE

En 2021, la hausse des recours mettant en cause la gestion de l'épidémie de covid-19 a eu un impact direct sur le budget de la Cour, via une forte augmentation des besoins en termes de frais de justice . Tandis que la CJR avait été saisie de 246 recours en 2020, 20 119 recours ont été déposés en 2021, dont la quasi-totalité concernait la crise sanitaire . La plupart de ces requêtes ont été présentées par le même avocat, qui proposait un modèle prédéfini de plainte facilement accessible sur internet. Le rapporteur s'interroge sur le bien-fondé de cette méthode , d'autant plus que cet avocat a été récemment sanctionné par le Conseil de l'ordre.

Pour faire face à l'afflux de plaintes, la Cour de justice de la République a obtenu, en 2021, l'autorisation de conserver le solde positif de l'année 2020, équivalent à 94 426,49 euros pour l'affecter aux frais de justice. Ce report de solde a permis de porter à 158 426,49 euros les dépenses liées aux frais de justice.

En 2022, les frais de justice ont été portés à 159 000 euros en loi de finances initiale , compte tenu du stock de plaintes à traiter et de la tendance à la hausse constatée au cours de l'exercice précédent. Au 1 er septembre 2022, un total de 57 000 euros a été consommé au titre des frais de justice, ce qui représente un taux d'exécution de 35,85 % seulement. En effet, contrairement à ce qui avait été anticipé, le nombre de recours introduits en 2022 devant la Cour de justice de la République a drastiquement diminué, puisque ceux-ci s'élèvent à 349 au 31 août 43 ( * ) .

Évolution du nombre de requêtes de 2017 à 2022

Année

Nombre de requêtes

2017

41

2018

17

2019

41

2020

246

2021

20 119

2022 (au 31/08)

349

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

Dans l'hypothèse où un solde positif d'exécution budgétaire serait constaté au 31 décembre 2022, celui-ci ferait l'objet d'un reversement intégral à la direction du budget 44 ( * ) . En 2021, 72 530,63 euros de crédits non consommés, sur une dotation totale de 965 926,49 euros, ont ainsi été restitués .

Pour 2023, un montant de 151 000 euros serait affecté aux frais de justice , ce qui serait en légère baisse par rapport aux deux exercices précédents (- 8 000 euros environ), mais qui resterait plus élevé qu'en 2020 (+ 83 000 euros). Malgré le ralentissement constaté dans l'introduction de nouveaux recours, le maintien d'une telle dotation est justifié par l'instruction d'un dossier regroupant plusieurs plaintes liées à la crise sanitaire et susceptible d'entraîner, en 2023, de nombreuses dépenses de frais de justice (travaux d'expertise, transport et perquisition, frais de déplacement, actes d'huissier, indemnité des témoins etc.) 45 ( * ) . En tout état de cause, si les crédits alloués n'étaient pas entièrement consommés, le reliquat ferait l'objet d'un reversement intégral, comme cela a systématiquement été le cas au cours des exercices antérieurs, exception faite du cas particulier de report de solde en 2020.

La question de la réduction des frais de justice se posera toutefois avec une particulière acuité l'année prochaine, si la tendance à la baisse du nombre de recours introduits se confirme d'une part, et si le dossier en cours d'instruction est clôturé d'autre part.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 9 NOVEMBRE 2022

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - La mission « Pouvoirs publics » comporte les crédits de la présidence de la République, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de la République, de l'Assemblée nationale, du Sénat et de la chaîne parlementaire. Le budget total de la mission s'élève à 1 076,5 millions d'euros, soit une hausse de 2,76 % par rapport à l'année dernière. Je vous précise mes chers collègues que, comme les deux années précédentes, le rapport que je vous présente ne portera ni sur l'Assemblée nationale, ni sur le Sénat, ni sur la chaîne parlementaire, puisque, en tant que Questeur, je ne voudrais pas être en conflit d'intérêts. Je vous renvoie donc au rapport tout à fait précis, clair et remarquable de nos collègues de la commission des finances pour ce qui est du Parlement.

Pour ce qui est de la présidence de la République, je précise que je n'ai pas eu l'honneur, comme les trois années précédentes, d'être reçu par le directeur de cabinet du président de la République. En effet, celui-ci ne donne pas suite à mes demandes, pour des raisons que j'ignore. Nous nous contentons donc de correspondances avec son adjoint. Je préciserai cela en séance publique, sans faire de plus amples commentaires, car cela ne me paraît pas nécessaire.

La dotation demandée pour la présidence de la République est en hausse de 4,90 %, soit 110,46 millions d'euros en 2023 contre 105,3 millions d'euros en 2022.

Une augmentation sensible des dépenses de fonctionnement est à relever : 12,61 % de plus, ce qui est assez important. Pour justifier cette évolution, plusieurs explications sont avancées, en particulier l'augmentation du point d'indice de la fonction publique et l'inflation. Toutefois, même en additionnant l'une à l'autre, il est difficile de justifier une telle hausse. À cela s'ajoute un certain nombre de travaux de sécurité, que nous nous devons de soutenir. Je souhaite néanmoins souligner que les explications données apparaissent un peu absconses. En effet, dans l'annexe au projet de loi de finances pour 2023, la présidence de la République indique qu'il faut procéder à « un recalibrage réaliste devenu indispensable permettant de faire face aux coûts de gestion courante ». Cette phrase se passe de tout commentaire. Si ce sont des « coûts de gestion courante », on ne comprend pas tellement la notion de « recalibrage indispensable ». Il me sera toutefois difficile d'évoquer cela en séance publique car je ne disposerai que de trois minutes, comme vous tous et toutes, mes chers collègues, ce qui est tout à fait dommageable pour discuter d'un tel budget.

Les dépenses d'investissement comprennent plusieurs opérations qui sont parfaitement réalistes et qui doivent être soutenues. Je pense particulièrement à tout ce qui concerne la sécurité du président de la République et la sécurité informatique de l'Élysée. Dans le monde où nous vivons, je ne peux que soutenir ces investissements qui requièrent des moyens suffisants.

Cependant, je tiens à préciser que la justification de certaines opérations d'investissement manque de précisions. Des travaux de mise aux normes et de mise en sécurité vont sans doute intervenir dans les années à venir. Outre la mise en conformité des installations électriques, il y aura des opérations de sécurisation des sites, conformément aux conclusions du diagnostic technique réalisé en 2021. Si les services de la présidence indiquent que le chiffrage de ces opérations est encore en cours, la Cour des comptes relève quant à elle un coût estimé à 12 millions d'euros sur cinq ans. Ensuite, la réalisation de l'audit énergétique des emprises parisiennes doit permettre la définition d'une stratégie pluriannuelle de travaux mais des incertitudes demeurent quant aux besoins de financement afférents. Enfin, je précise que l'élaboration d'un nouveau schéma directeur immobilier à compter de 2025 pourrait être l'occasion d'établir une convention avec l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) visant à clarifier les rôles et à établir les responsabilités de chacun. Toutefois, la rédaction d'une nouvelle convention avec l'OPPIC se traduirait certainement par la prise en charge par la présidence de la République de travaux financés jusqu'à présent par l'OPPIC.

En résumé, il y a des marges d'incertitudes quant à l'avenir. Je précise en outre que le budget donne lieu à un prélèvement sur les disponibilités de la présidence de la République. Nous avons réussi à établir que les disponibilités étaient de 22,8 millions en 2017, 17 millions en 2018, 20,5 millions en 2019, 20,4 millions en 2020 et le même montant en 2021. Pour 2023, le prélèvement prévisionnel sur les disponibilités s'élève à 2,37 millions d'euros.

Pour conclure sur un point positif, j'ajoute que les dépenses d'investissement comprennent des travaux visant à chauffer l'Élysée, au moins pour partie, par la géothermie, ce qui va tout à fait dans le sens des énergies du futur.

J'en viens au Conseil constitutionnel. Nous avons été reçus très chaleureusement et longuement par le président Laurent Fabius et le secrétaire général, Jean Maïa. Les crédits du Conseil constitutionnel pour 2023 sont en baisse, compte tenu de l'enveloppe exceptionnelle qui a été allouée en 2022 pour le contrôle de l'élection présidentielle et des élections législatives. Ces crédits n'ont logiquement pas été reconduits cette année puisqu'il n'y aura probablement que les élections sénatoriales.

Le budget n'appelle pas de remarque particulière. Nous devons toutefois souligner le travail très important réalisé en matière de QPC. L'année 2022 a ainsi été marquée par le jugement d'une millième QPC. Ce mécanisme constitue une novation très importante. Il y a également le portail internet qui permettra de recenser l'ensemble des QPC d'ici le début de l'année 2023. Cette initiative est extrêmement positive. Le Conseil constitutionnel poursuit par ailleurs sa politique visant à faire connaître son activité, notamment par des déplacements, par des liens internationaux et par plusieurs audiences décentralisées.

Par ailleurs, je me suis permis d'évoquer, lors de mon entretien avec le président Laurent Fabius, le vote du Sénat, qui a adopté le 4 novembre 2021, par une majorité de 322 voix contre 22, une proposition de loi constitutionnelle reprenant les termes de la Constitution dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle de 2008, selon laquelle « la ratification des ordonnances par le Parlement doit être expresse ». J'ai ainsi souhaité rappeler l'opposition d'une large majorité au sein de notre assemblée à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui conduirait à octroyer aux ordonnances non ratifiées une valeur législative.

J'en viens aux crédits de la Cour de justice de la République. Son président, qui nous a reçus fort courtoisement, a mentionné des travaux de sécurisation des locaux, qui débuteront cette année et se poursuivront l'année prochaine.

Il y a en outre le projet, qui serait économique, de déplacer la Cour de justice de la République dans les locaux de l'île de la Cité. Toutefois, ce déménagement ne pourra intervenir avant l'achèvement des procès en cours, en particulier ceux qui concernent l'attentat de Nice.

S'agissant de l'activité de la Cour de justice de la République, il est à relever qu'un procès a eu lieu au cours des dernières semaines. Je me dois également d'appeler votre attention sur le nombre de recours déposés devant la commission des requêtes de la Cour de justice de la République, qui exerce un filtrage des plaintes avant leur éventuelle transmission à la commission d'instruction. En 2021, le nombre de recours déposés devant cette commission s'est élevé à 20 119. Parmi ces recours, la quasi-totalité a été présentée par le même avocat, qui proposait un modèle prédéfini de plainte facilement accessible sur internet. Il y a là un vrai problème et je m'interroge sur le bien-fondé d'une telle méthode, d'autant plus que cet avocat a récemment dû comparaître devant le Conseil de l'Ordre et a été sanctionné d'une interdiction d'exercer pendant six mois avec sursis.

Enfin, chacun connaît les débats sur la Cour de justice de la République et les projets qui proposent sa pure et simple suppression, assortie d'un dispositif de filtre pour éviter le harcèlement judiciaire des ministres.

Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je voulais vous présenter, au terme desquelles je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Hussein Bourgi . - Je formule le voeu que l'augmentation des frais de fonctionnement de 12,61 % pour la présidence de la République inspire celles et ceux qui allouent les budgets de fonctionnement pour les collectivités locales. Je rappelle que les collectivités territoriales subissent les mêmes contraintes avec l'augmentation du point d'indice et l'inflation. Il est dès lors particulièrement gênant d'expliquer aux collectivités territoriales qu'elles doivent faire des économies lorsque la présidence de la République ne donne pas l'exemple.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Je pense que vous pourrez argumenter en ce sens en séance publique, si toutefois il vous est dévolu le nombre de minutes nécessaires. Comme vous le savez, je proteste énergiquement contre les règlements qui ont été adoptés qui réduisent à la portion congrue ces débats budgétaires en séance publique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Après l'exposé à la fois précis et subtil de Jean-Pierre Sueur, je me demande pourquoi il propose d'approuver les crédits.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - J'ai émis un certain nombre de réserves qui me paraissent nécessaires. Il y a en particulier des imprécisions qui concernent le budget de fonctionnement de la présidence de la République, à l'exception des dépenses indispensables à la sécurité, qui ne peuvent être critiquées. Néanmoins, ces remarques ne me conduisent pas à proposer un avis défavorable sur l'ensemble des crédits de la mission « Pouvoirs publics », qui comprennent le budget de l'Élysée, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.

La commission émet un avis favorable aux crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

LISTE DES DÉPLACEMENTS ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Déplacements

* Cour de justice de la République (le 17 octobre 2022)

M. Dominique Pauthe , président

* Conseil constitutionnel (le 27 octobre 2022)

M. Laurent Fabius , président

M. Jean Maïa , secrétaire général

Contributions écrites

* Présidence de la République :

M. Yannick Desbois, directeur général des services


* 1 Les rapports spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2023 sont accessibles à l'adresse : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html

* 2 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, LOLF.

* 3 En 2022, 2,5 millions d'euros avaient été octroyés au Conseil constitutionnel pour le contrôle de l'élection présidentielle et des élections législatives et 0,9 million d'euros pour le déploiement du portail internet de la QPC.

* 4 En 2022, les dépenses d'investissement représentaient 5,76 % du budget total.

* 5 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 6 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 7 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 8 Projection de l'INSEE en septembre 2022.

* 9 Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2023.

* 10 Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2023.

* 11 Dans les réponses apportées au questionnaire budgétaire, la présidence de la République indique que le prélèvement sur trésorerie de 2,4 millions d'euros initialement prévu pour 2022 pourrait être revu à la hausse compte tenu de l'intensité de l'activité constatée en cours d'exercice, du contexte inflationniste et de l'accroissement de la masse salariale résultant de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires au 1 er juillet 2022, sans toutefois être en mesure d'en préciser le montant exact.

* 12 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 13 Rapport sur les comptes et la gestion des services de la présidence de la République pour l'exercice 2021.

* 14 L'élaboration d'une convention entre la présidence de la République et l'OPPIC s'inscrit dans le prolongement d'une recommandation formulée par la Cour des comptes au sein du rapport précité.

* 15 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 16 Le montant de la dotation inscrit dans le projet de loi de finances initiale pour 2023 s'entend hors des hypothèses où le Conseil constitutionnel serait conduit à contrôler des opérations référendaires ou des opérations de recueil de soutiens dans le cadre d'un référendum d'initiative partagée. Si de telles hypothèses se matérialisaient en 2023, le Conseil constitutionnel estime qu'une dotation complémentaire de 750 000 euros serait nécessaire.

* 17 Cette faculté avait été ouverte par la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.

* 18 Disposition introduite par la loi organique n° 2016-506 précitée.

* 19 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 20 Décision n° 2022-198 PDR du 16 juin 2022.

* 21 L'article 61-1 de la Constitution dispose que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

* 22 Depuis la mise en place de la procédure, le Conseil constitutionnel a reçu 454 transmissions du Conseil d'État et 571 de la Cour de cassation.

* 23 Site du Conseil constitutionnel.

* 24 Rapports d'activité 2021 et 2022 du Conseil constitutionnel.

* 25 Décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020.

* 26 Décision n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020.

* 27 Le Conseil d'État admet que si une ordonnance non ratifiée peut toujours être contestée devant lui, le contrôle de sa conformité au regard des droits et libertés garantis par la Constitution relève du seul Conseil constitutionnel, dans le cadre d'une QPC.

* 28 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 29 Décision relative à la loi mettant fin aux régimes d'exception créés pour lutter contre l'épidémie liée à la covid-19.

* 30 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 31 Le président Laurent Fabius a ainsi rappelé à cette occasion que le parquet avait qualité pour introduire une QPC, sans que celui-ci ne se soit jusqu'à présent saisi de cette faculté.

* 32 Entretien avec Laurent Fabius, président du Conseil, et Jean Maïa, secrétaire général, le 27 octobre 2022.

* 33 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 34 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 35 Article 68-1 de la Constitution du 4 octobre 1958.

* 36 Article 68-2 de la Constitution du 4 octobre 1958.

* 37 Articles 32 et 33 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

* 38 Ce décret prévoit que l'indemnité du président de la cour et du procureur général près la cour est versée mensuellement (article 2 du décret). En revanche, l'indemnité du président de la commission des requêtes, du président de la commission d'instruction, des membres de ces deux commissions et des autres magistrats du ministère public, à caractère mensuel, est due si, au moins une fois au cours du mois écoulé, ils ont siégé dans la formation à laquelle ils appartiennent ou ont exercé les fonctions du ministère public (article 4 dudit décret).

* 39 Réponse complémentaire au questionnaire budgétaire.

* 40 Un montant identique avait été demandé en 2022.

* 41 Le bail précédent couvrant la période 2013-2022 prévoyait un délai de préavis de six mois.

* 42 Remise du mobilier hors propriété de la Cour au Mobilier national et au Centre national d'art contemporain, renégociation ou résiliation des multiples contrats, remise aux services des domaines ou vente du mobilier et des véhicules, propriété de la Cour.

* 43 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 44 Entretien avec M. Dominique Pauthe, président de la Cour, le 17 octobre 2022.

* 45 Réponse complémentaire au questionnaire budgétaire.

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