N° 80

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Vincent DELAHAYE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

1682, 1784, 1785 et T.A. 176

Sénat :

77 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 porte sur près de 600 milliards d'euros de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. En raison de sa part dans les finances publiques et de son impact macroéconomique, la commission des finances en est saisie pour avis.

I. UN DÉFICIT SUPÉRIEUR AUX PRÉVISIONS EN 2023

En 2023, le déficit de la sécurité sociale s'est résorbé, mais il demeure élevé, à 8,8 milliards d'euros. Plus inquiétant, il s'aggrave par rapport aux prévisions établies dans les textes précédemment votés par le Parlement.

Solde des régimes obligatoires de base et du FSV entre 2008 et 2023

(en milliards d'euros)

A. LA PROGRESSION DES RECETTES DEPUIS LA CRISE SANITAIRE SE POURSUIVRAIT EN 2023, MAIS À UN RYTHME PLUS MODÉRÉ

Après un fort rebond en 2021 et 2022, les recettes des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) poursuivent leur progression et augmenteraient de 5,2 % en 2023, à un rythme qui diminue toutefois par rapport aux années précédentes.

B. MALGRÉ LA QUASI-EXTINCTION DES SURCOÛTS DE LA CRISE SANITAIRE, DES DÉPENSES SOUTENUES PAR LES REVALORISATIONS ET LE DYNAMISME DE L'ONDAM DE VILLE

Les dépenses hors prestations diminueraient de 2,3 % en 2023, en lien avec la quasi-extinction des dépenses de crise dont une grande partie existait encore en 2022. Les dépenses de prestations légales progresseraient de 3,5 % en 2023, portée par les revalorisations (1,6 point). De même, des mesures nouvelles viendraient soutenir les dépenses, notamment les revalorisations salariales dans la fonction publique avec effet sur l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (Ondam) ; la fin de la montée en charge des revalorisations salariales décidées dans le cadre du « Ségur de la santé » y contribuerait dans une moindre mesure.

L'Ondam 2023 connaîtrait un dépassement de 2,8 milliards d'euros par rapport à l'objectif voté en loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023. La principale cause de ce dépassement est la sur-exécution du sous-objectif « soins de ville », dont les dépenses sont supérieures de 1,1 milliard d'euros au sous-objectif voté en PLFRSS pour 2023.

C. UNE AMÉLIORATION TEMPORAIRE DU DÉFICIT ET UNE DETTE SOCIALE SUPÉRIEURE À 150 MILLIARDS D'EUROS FIN 2023

En 2023, avec l'extinction quasi-totale des dépenses de crise, le déficit diminuerait de moitié, passant de 19,6 à 8,8 milliards d'euros.

La dette sociale, entendue comme la somme des déficits restant à amortir par la Cades et de ceux non repris par celle-ci et maintenus à l'Acoss, atteindrait, d'après les dernières évaluations de la Cour des comptes, près de 151,6 milliards d'euros fin 2023, un niveau en baisse de 9,5 milliards d'euros par rapport à 2022 mais toujours bien supérieur au niveau de 115 milliards d'euros de fin 2019.

II. EN 2024, UNE DÉGRADATION PRÉVISIBLE DES COMPTES SOCIAUX FAUTE DE CONTRÔLE DES DÉPENSES

A. MALGRÉ LE RALENTISSEMENT DE LA MASSE SALARIALE DU SECTEUR PRIVÉ, UN TRANSFERT DE CSG PERMET AUX RECETTES DE PROGRESSER DE 4,7 %

Au total, l'évolution des recettes en 2024 (+ 4,7 % contre + 5,2 % en 2023) résulterait surtout de l'évolution attendue de la masse salariale.

Les produits de la TVA affectée à la sécurité sociale devraient diminuer de près de 2,3 milliards d'euros en 2024 sous les effets contradictoires d'une majoration de 0,09 point de la fraction de TVA qui lui est affectée au titre de la compensation des exonérations de cotisations sociales et d'une diminution de 2,5 milliards d'euros de la fraction affectée à l'Acoss, qui correspond à une reprise des excédents de l'Unédic.

Le produit de la CSG affectée à la sécurité sociale augmenterait de 6,4 % par rapport à 2023, du fait de l'affectation de 0,15 point de CSG supplémentaire à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) en 2024.

B. UN REBOND DES DÉPENSES PRINCIPALEMENT IMPUTABLE À LA SITUATION DE LA BRANCHE VIEILLESSE

Après deux années de ralentissement, les dépenses accéléreraient à nouveau fortement en 2024 (+ 5,06 %). La situation est contrastée entre les branches : la branche vieillesse (hors FSV) y contribue particulièrement (+ 6,8 %), alors que la contribution de la branche maladie se fait plus modeste que précédemment (+ 3,36 %) du fait de la disparition des dernières dépenses liées à la crise sanitaire (0,2 milliard d'euros).

Évolution de l'Ondam entre 2017 et 2024

(en milliards d'euros)

C. UNE DÉGRADATION PRÉVISIBLE DU SOLDE, ALORS QUE LES CONDITIONS DE FINANCEMENT SE SONT DÉTÉRIORÉES

Établie à 8,8 milliards d'euros pour 2023, la prévision de déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV est portée à 11,1 milliards d'euros pour 2024, du fait de la situation de la branche vieillesse. Malgré les premiers effets de la réforme des retraites menée en 2023, le déficit de la branche vieillesse s'aggraverait par rapport à 2023, passant de 1,9 milliard d'euros à 5,9 milliards d'euros, notamment du fait de la détérioration du solde de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

III. UNE REMONTÉE DES DÉFICITS JUSQU'EN 2027

Selon les prévisions pluriannuelles de la Cades et de la Cour des comptes, le déficit de la sécurité sociale continuerait à se dégrader, pour s'établir à 15,8 milliards d'euros en 2025, 17,1 milliards d'euros en 2026 et 17,5 milliards d'euros en 2027.

Évolution du solde des différentes branches
de la sécurité sociale jusqu'en 2027

(en milliards d'euros)

À horizon 2030, l'impact net de la réforme des retraites sur les soldes de la branche vieillesse des régimes obligatoires de base et du FSV serait de 7,1 milliards d'euros. À cet horizon, l'effet du report à 64 ans de l'âge de la retraite et de l'accélération de la durée d'assurance requise à 43 annuités atteindrait 11,5 milliards d'euros et serait réduit de 4,4 milliards par les mesures d'accompagnement.

Le déficit de la sécurité sociale devrait continuer à se dégrader pour se stabiliser autour de 17 milliards d'euros entre 2026 et 2027.

Dans ces conditions, une nouvelle reprise de dette par la Cades n'est pas à exclure, ce qui aura nécessairement pour conséquence de prolonger - encore - la longévité déjà impressionnante de cet établissement pourtant créé pour rapidement disparaître.

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