V. RENSEIGNEMENT : UNE PREMIÈRE ANNÉE D'APPLICATION DE LA LPM 2024-2030 QUI NE SE MATÉRIALISE PAS ENCORE EN AUGMENTATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT

Avec 476 M€ de crédits de paiement programmés pour 2024 à l'action n° 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », ces crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention, ne progressent pas - leur montant est identique à l'année 2023 - contrairement à la tendance d'une augmentation de 60 % des crédits de renseignement pour atteindre au total 5 Mds€ sur la période de la LPM 2024-2030. Ce constat s'analyse différemment selon la répartition des crédits entre la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) qui, avec 425 M€ en CP enregistre une progression de 1,9 % par rapport à 2023 (417 M€). Cette annuité 2024 s'inscrit dans une trajectoire de croissance depuis 2019, qui est confortée jusqu'en 2030 avec la nouvelle LPM.

En revanche, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), dotée de 50,9 M€ pour 2024 (dont 27 M€ dédiés au nouveau bâtiment du siège situé au Fort de Vanves), voit ses crédits de paiement se réduire de 14 % (59,2 M€ en 2023). Cette diminution de crédits n'est pas imputable à l'activité « métiers » de ce service, qui va continuer à progresser (avec près de 480 000 demandes d'enquêtes administratives fin 2023 contre 390 000 en 2022), mais à la finalisation des travaux immobiliers. En phase d'achèvement, ce projet mobilisera donc moins de dépenses en CP pour 2024.

C'est en autorisations d'engagement (AE) que l'effet de la LPM 2024-2030 se concrétise en termes d'augmentation des besoins programmés pour le renseignement avec 540 M€ prévus pour 2024, contre 467 M€ en 2023 (soit + 15,6 %), répartis entre 509 M€ pour la DGSE et 31 M€ pour la DRSD.

Si la trajectoire annoncée par le Président de la République de doublement des budgets de la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ne se matérialise donc pas encore en crédits de paiement, il convient de signaler que, pris globalement avec les dépenses de personnels de titre 2 (lesquelles relèvent du programme 212), le total des crédits de paiements hors titre 2 et titre 2 s'établit pour la DGSE et la DRSD à 988 M€ contre 934 en 2023, soit une progression de 5,8 %. Celle-ci est retracée par une augmentation tangible des plafonds d'emplois à hauteur de 7 652 équivalent temps plein travaillé (ETPT)4(*) répartis ainsi qu'il suit :

· 5 987 ETPT pour la DGSE (+264 par rapport à 2023) pour 562,8 M€ en 2024 contre 516,5 M€ en 2023 ;

· 1 665 ETPT pour la DRSD (+55 par rapport à 2023) pour 146,48 M€ en 2024 au lieu de 138,6 M€ en 2023.

Cette perspective de croissance d'effectifs retracée en ETPT est fortement nuancée par les services car cet indicateur, publié en annexe du PLF 2024, ne rend pas compte des effectifs physiques : s'agissant de la DRSD, le niveau des effectifs physiques s'établirait à 1661, soit un niveau en réalité inférieur à l'effectif terminal de 1669 prévu pour 2023. La même remarque est formulée pour la DGSE, l'augmentation d'effectif étant de 78 postes pour une cible globale fixée à 728 postes supplémentaire en 2030.

Recommandation : compléter la présentation des données en ETPT faite dans les prochains projets annuels de performances du programme 212 par une analyse des effectifs physiques en phase avec la gestion concrète des services.

Cette première année d'application de la nouvelle LPM jette ainsi les bases des développements futurs de ces services :

· S'agissant de la DGSE, la priorité est donnée au déménagement vers le Fort Neuf de Vincennes pour lequel la notification du marché va intervenir avant la fin de l'année 2023, pour un démarrage du chantier en 2025 et une livraison en 2030. L'enjeu ne se limite pas à une opération immobilière car il doit permettre de regrouper et d'optimiser en un lieu unique et plus fonctionnel l'ensemble des moyens humains et technique de cette direction. Ce projet porte notamment une grande ambition sur l'attractivité et la fidélisation des personnels. À ce stade, le coût de l'opération est estimé à 1,34 milliard d'euros dont un dépassement de 184 millions d'euros d'ores et déjà imputé à l'inflation.

· S'agissant de la DRSD, certaines problématiques communes de conditions de travail devraient se résorber dans la livraison en 2024 d'un nouveau bâtiment au siège historique du Fort de Vanves. Sur le plan technologique, les principaux objectifs pour 2024 concernent le déploiement d'une nouvelle base de souveraineté (SIRCID), l'optimisation du traitement des avis d'habilitation par une automatisation des processus d'analyse de données et la création d'un centre de veille, de suivi et de traitement des incidents cyber au profit des entreprises de défense (CERT-ED5(*)) en direction principalement des TPE, PME et ETI qui ne dépendent pas du périmètre de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

Le principal point d'attention porté par les services concerne les difficultés de recrutement et de fidélisation des ressources humaines principalement dans le domaine cyber et, dans une moindre mesure dans la spécialité du renseignement.

Le constat de la pénurie de techniciens et d'ingénieurs cyber touche toutes les composantes des armées au même titre que le marché de l'emploi civil. Plusieurs problèmes sont soulevés : l'attractivité des rémunérations, le développement d'une concurrence entre services et l'évaporation des compétences. Concernant la DGSE, il a été indiqué lors de l'audition qu'une politique de recrutement proactive (présence dans les écoles, sur les salons et les réseaux sociaux) portait ses fruits. Sur la fidélisation des personnels, des efforts importants ont été réalisés sur la rémunération (alignement sur la grille mise en place par la DINUM du ministère des Armées), sur la formation et la valorisation des parcours professionnels. Cette politique a permis de réduire significativement le nombre des démissions, y compris sur les métiers en tension.

On note également une évolution des conditions de recrutement. Ainsi, le ratio entre les emplois militaires et civils qui était traditionnellement de 30 % de militaires et de 70 % de civils à la DGSE tend progressivement vers une répartition 20/80 du fait de la raréfaction du vivier notamment des sous-officiers dans lequel puise le service. La DGSE, s'est dite attachée à la préservation de son double ADN civil et militaire et, pour y remédier, la solution du recrutement d'officiers sous contrats, a été mise en pratique. Cela renvoie à la question plus générale de la politique de recrutement des armées abordée dans le cadre du programme 212.

Recommandation : coordonner la politique de ressources humaines des services de renseignement et l'harmonisation des politiques de rémunération autour de grilles et de critères communs, sous l'égide du coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT).


* 4 Source : Projet annuel de performances du programme 212 de la mission Défense du PLF 2024.

* 5 CERT-ED (Computeur Emergency Response Team) : centre de réponse à incident cyber - entreprises de défense.

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