N° 132

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

TOME I

COHÉSION DES TERRITOIRES

Par MM. Sébastien FAGNEN et Louis-Jean de NICOLA•,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Pierre Barros, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Georges Naturel, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Hervé Reynaud, Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, M. Michaël Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

CHAPITRE IER
LES CRÉDITS CONSACRÉS
À L'AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE

Réunie le 22 novembre 2023, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur pour avis Sébastien Fagnen, a émis un avis favorable à l'unanimité aux crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire inscrits au projet de loi de finances pour 2024 sous le bénéfice de l'adoption d'un amendement ( amendement n° II-71) en faveur du déploiement de la fibre à Mayotte.

La commission se félicite du succès du Plan France très haut débit lancé en 2013 afin de généraliser le déploiement du très haut débit sur le territoire.

Toutefois, elle s'alarme du ralentissement du déploiement de la fibre optique et, plus particulièrement, du cas de Mayotte où ce déploiement n'a pas commencé, et qui doit donc pouvoir bénéficier d'un soutien financier supplémentaire de la part de l'État.

Constatant la persistance des conséquences négatives pour les usagers tenant à la mauvaise qualité du raccordement à la fibre, la commission rappelle la nécessité d'un meilleur encadrement du mode « Stoc » dans le cadre duquel les opérateurs commerciaux assurent le raccordement des utilisateurs finals au réseau1(*). Il y a pourtant urgence : la fermeture du réseau cuivre historique d'Orange est imminente.

Face à l'intensification de la fréquence d'événements météorologiques extrêmes, les réseaux numériques doivent s'adapter au changement climatique. La commission appelle donc l'attention des pouvoirs publics sur l'opportunité d'envisager la réalisation d'un grand plan national en faveur de la résilience des réseaux. Le numérique doit également être pensé comme un accélérateur de la lutte contre le dérèglement climatique dans les territoires.

La commission exprime un point de satisfaction du fait de la volonté marquée du Gouvernement de lutter contre l'illectronisme. Le soutien financier de l'État aux conseillers numériques France Service (CNFS) est donc prolongé, même si c'est avec moins d'ambition que précédemment.

Enfin, la commission prend acte du lancement de la feuille de route « France Numérique Ensemble » du Gouvernement en faveur de l'inclusion numérique et attend donc des moyens à la hauteur de ces ambitions.

I. COUVERTURE NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE : POURSUIVRE LES EFFORTS ENTREPRIS ET ASSURER LA RÉSILIENCE DES RÉSEAUX

A. DÉPLOIEMENT DE LA FIBRE OPTIQUE : LES DERNIERS MÈTRES SONT LES PLUS DIFFICILES !

Le Plan France très haut débit, lancé en 2013, a pour finalité de déployer des infrastructures d'internet très haut débit sur tout le territoire français d'ici 2025. Au deuxième trimestre 2023, 87 % des locaux avaient accès à une connexion internet à très haut débit, dont 83 % à la fibre optique très haut débit.

Pour assurer le déploiement de la fibre, le territoire est partagé en quatre zones :

- la zone très dense, dans laquelle l'initiative privée doit permettre d'assurer la couverture des locaux ;

- la zone moyennement dense, dans laquelle l'intervention des opérateurs est assurée par un appel à manifestation d'intérêt d'investissement (AMII) ;

- la zone d'initiative publique, qui correspond aux territoires les moins denses, dans lesquelles les collectivités territoriales déploient la fibre à travers les réseaux d'initiative publique (RIP) ;

- en outre, dans certaines zones d'initiative publique, les collectivités locales déploient des réseaux en partenariat avec des opérateurs à travers des appels à manifestation d'engagements locaux (AMEL).

L'État apporte un soutien financier aux RIP afin d'encourager leur déploiement. Depuis 2013, les engagements de l'État atteignent 3,3 milliards d'euros.

Des taux de logements raccordables à la fibre contrastés selon les zones (T2 2023)

Zones très denses

Zones AMII

Zones RIP

Zones AMEL

92 %

88 %

75 %

59 %

Hormis en zone RIP, qui devrait concentrer les deux tiers des nouveaux raccordements réalisés en 2023, la vitesse du raccordement s'essouffle : 3 millions de locaux devraient être rendus raccordables en 2023, contre 6 millions en 2020, en pleine crise sanitaire.

Ce ralentissement semble particulièrement marqué en zone très dense et en zone AMII. Le 7 septembre dernier, l'Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep), des postes et de la distribution de la presse jugeait « très insuffisant »2(*) le rythme de déploiement en zone très dense. Quant aux zones AMII, le nombre de déploiements effectués était, au deuxième trimestre 2023, le plus faible depuis 2014. Cette situation pénalise des villes moyennes structurantes pour leur territoire comme La Roche-sur-Yon et les Sables-d'Olonne. Certaines zones rurales isolées sont aussi mieux équipées que des zones urbaines pourtant plus faciles à relier au réseau. C'est le cas dans le Doubs où les RIP ont été intégralement achevés cette année tandis que le déploiement de la fibre en zone AMII plafonnait à environ 87 % de locaux raccordables en juin dernier.

Ce point d'inquiétude pour la commission démontre que les opérateurs n'ont pas respecté leur engagement d'achever la couverture en 2020 pour SFR et 2022 pour Orange. En novembre 2023, celui-ci s'est d'ailleurs vu infliger une amende de 26 millions d'euros par l'Arcep pour le non-respect de cet engagement.

La commission s'émeut également du retard particulièrement patent à Mayotte qui exige une réaction vigoureuse du Gouvernement. Elle a adopté un amendement ( amendement n° II-71) afin d'augmenter le soutien au déploiement des RIP dans le département.

Elle prend acte de l'accord entre Orange et le Gouvernement, intervenu en octobre dernier, selon lequel l'opérateur devrait couvrir d'ici fin 2025 98,5 % des locaux en zone AMII (les locaux restants étant « raccordables à la demande ») et 96 % des locaux en zone très dense. Elle appelle à une vigilance accrue quant au respect de cet engagement.

La cible ne pourra être atteinte qu'en résolvant la question des raccordements complexes, dont l'ampleur est mal estimée et pour lesquels l'enveloppe financière de 150 M€ proposée par le Gouvernement est sous-dimensionnée.


* 1 Pour Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique : « Il est temps de sortir la tête du sable. Il y a un fossé entre, d'une part, le discours tenu par les opérateurs et le Gouvernement et, d'autre part, les remontées de terrain ».

* 2 Arcep, Communiqué de presse « Marché du haut et du très haut débit fixe : Au cours du deuxième trimestre 2023, le ralentissement des déploiements et la progression des abonnements en fibre optique se poursuivent, 7 septembre 2023 »

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