III. PATRIMOINE ET RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE : UNE LENTE PRISE DE CONSCIENCE

A. DES AVANCÉES TEMPÉRÉES PAR LE REFUS DE RÉVISER LES MODALITÉS DE CALCUL DU DIAGNOSTIC DE PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE

Depuis l'alerte lancée par la commission il y a un an dans son rapport pour avis sur les crédits des patrimoines pour 2023 et le rapport d'information sur le patrimoine et la transition écologique5(*) publié en juin dernier, des progrès ont été enregistrés dans un certain nombre de directions :

Ø les échanges entre le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministère de la culture se sont intensifiés et le ministère de la culture parait désormais correctement associé aux réflexions sur le volet affectant le patrimoine bâti ;

Ø un vrai travail a été engagé afin de garantir la formation des acteurs de la transition écologique aux spécificités du bâti ancien : publication en juillet d'un arrêté définissant les critères de certification des diagnostiqueurs ; définition en cours du contenu de la formation des diagnostiqueurs ; publication à venir de règles relatives à la formation des auditeurs énergétiques ; révision en cours des guides relatifs aux diagnostics de performance énergétiques (DPE), aux audits et aux prescriptions de travaux afin d'y intégrer des éléments tenant compte des caractéristiques du bâti ancien ; développement d'une offre de formations spécifiques dans les catalogues de l'École de Chaillot, de l'Institut national du patrimoine et de la direction générale des patrimoines ;

Ø la création d'un portail internet conjoint aux deux ministères a été décidée afin de mettre à disposition des porteurs de projets, des élus et des professionnels du patrimoine, de l'architecture et du bâtiment l'ensemble des ressources déjà disponibles en matière d'adaptation du bâti ancien aux enjeux de la transition écologique et de bonnes pratiques de rénovation énergétique dans un contexte patrimonial.

En revanche, deux enjeux paraissent encore en suspens :

Ø la révision du DPE

Elle est refusée par le ministère de la transition écologique qui estime que ses modalités de calcul retranscrivent de façon satisfaisante les caractéristiques thermiques d'un bâtiment depuis sa révision en 2021. Il s'agit d'une réelle déception pour la commission, qui considère que cet instrument reste perfectible pour rendre compte des performances du bâti ancien. L'une des explications avancées pour justifier les mauvaises performances du bâti ancien en comparaison des autres types de bâti serait que le diagnostiqueur associe le plus souvent des « valeurs par défaut », évidemment grevées des performances les plus mauvaises, aux matériaux utilisés dans le bâti antérieur à 1948, faute de pouvoir les identifier dans le corpus de matériaux préenregistrés dans la feuille de calcul.

Le référencement exhaustif des matériaux anciens dans cette feuille de calcul constitue un enjeu fondamental. Toutefois, celui-ci devrait être réalisé dans le cadre d'un DPE spécifique qui ne concernerait que les bâtiments à intérêt patrimonial préalablement identifiés dans le cadre d'un inventaire intégré dans les documents d'urbanisme, permettant ainsi de reconnaitre les qualités bio-climatiques intrinsèques de ce type de bâti.

Un certain nombre de partenaires comme le Centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien (CREBA), l'Agence de la transition écologique (ADEME) ou des associations de protection du patrimoine pourraient apporter leur expertise pour réaliser ce travail d'élaboration d'un DPE patrimonial, charge aux ministères de leur fixer un seuil admissible en termes de performance énergétique.

Les logements, notamment en centre-bourgs, resteraient ainsi occupés et entretenus.

Ø le meilleur accompagnement des collectivités territoriales dans l'identification du bâti à préserver

Si les outils permettant d'identifier finement le patrimoine à préserver existent (protection au titre de « site patrimonial remarquable », possibilité d'identifier dans leur plan local d'urbanisme des éléments de patrimoine à protéger et conserver), les élus ont encore du mal à s'en emparer faute d'ingénierie suffisante.

La réponse de l'État à ces problèmes d'ingénierie reste encore modeste :

- sur le plan financier : d'une part, la revalorisation d'un million d'euros des crédits destinés aux études et travaux en espaces protégés, inscrits sur l'action 2 « Architecture et espaces protégés », reste très en deçà des besoins en termes de création de nouveaux sites patrimoniaux remarquables, d'actualisation des anciens plans de gestion et d'élaboration de périmètres délimités des abords. Ce montant correspond, d'après Sites et Cités remarquables, au coût de financement de deux études préalables à la mise en place d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur. D'autre part, le ministère de la culture indique que les crédits du programme n'ont pas vocation à financer l'élaboration d'un PLU patrimonial ;

- sur le plan technique : compte tenu des tensions sur les effectifs, les services patrimoniaux de l'État (directions régionales des affaires culturelles et unités départementales du patrimoine et de l'architecture) manquent de temps pour accompagner les collectivités sur des questions qui concernent le patrimoine non protégé. Comme les services régionaux de l'inventaire, ils peuvent fournir des fiches d'inventaire sur lesquelles pourront s'appuyer les communes pour mieux identifier les éléments de patrimoine à préserver. Sur cette question de transition écologique du bâti ancien, les CAUE, le CREBA, les associations comme Maisons paysannes, les réseaux d'échanges à l'instar des Sites et cités remarquables ou des Villes et pays d'art et d'histoire, doivent être promus pour contribuer à sensibiliser les élus et à diffuser les bonnes pratiques de rénovation respectueuse du patrimoine bâti.


* 5 Rapport d'information n° 794 (2022-2023) de Mme Sabine Drexler sur le patrimoine et la transition écologique.

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