B. DES ESPOIRS ET DES ÉCUEILS

Les EGI seront-ils un nouveau symptôme d'une méthode qui n'a, pour l'heure, pas fait ses preuves, et qui consiste à monter des structures de réflexion et de participation citoyenne ad hoc sans débouchés précis, ou bien une occasion de poser enfin un diagnostic d'ensemble sur la question centrale de l'accès à l'information à l'heure du numérique tout-puissant ?

D'une part, il faut relever que les thématiques retenues tant dans la lettre du Président de la République qu'avec la structuration des groupes de travail correspondent aux difficultés identifiées de longue date par la commission de la culture. On peut ainsi citer les rapports pour avis sur le programme « Presse et Médias », ou les travaux du rapporteur sur la presse quotidienne régionale, mais également la commission d'enquête sur la concentration des médias ou encore la loi d'origine sénatoriale du 24 juillet 2019 sur les droits voisins. En ce sens, les EGI ne partent pas en territoire inconnu, mais pourront s'appuyer, comme le délégué général en a d'ailleurs exprimé le souhait lors de son audition par le rapporteur, sur des analyses déjà existantes.

D'autre part, le choix d'organiser des réunions dans les territoires est une idée à saluer, car elle souligne la nécessité d'élargir la réflexion au-delà des cercles habituels. Le rapporteur a d'ailleurs accepté de participer, à l'invitation du journal La Marseillaise, à un débat organisé dans ce cadre le 27 octobre dernier. Il a ainsi pu engager un dialogue public avec des journalistes, des organisations professionnelles et des lecteurs. Le rapporteur, comme le président de la commission, a par ailleurs été entendu par le comité de pilotage le 9 novembre.

Il est bien entendu encore trop tôt pour porter un jugement sur les EGI, qui débutent à peine. L'expérience et la compétence des membres du comité du pilotage et des présidents des groupes de travail incitent le rapporteur à l'optimisme quant à la pertinence des conclusions qui seront rendues à l'été 2024.

Le rapporteur croit cependant utile de formuler trois remarques qui, à son sens, seraient de nature à mieux cadrer les débats :

- tout d'abord, le contexte dans lequel ces EGI ont été finalement lancés, a été marqué rapidement par les remous au sein de la rédaction du JDD, suite au changement de rédacteur en chef. Fortuite ou programmée, cette collusion ne doit pas conduire les EGI à être perçus comme une organisation à visée politique, voire politicienne. Les débats publics tenus à l'occasion des travaux de la commission d'enquête sur la concentration des médias ont amplement souligné que les points de vue en la matière pouvaient s'avérer extrêmement divers et tranchés ;

- ensuite, les propositions devront être suffisamment ambitieuses et larges pour apporter de la cohérence, de la visibilité et des perspectives à un secteur de la presse, plus largement des médias d'information, qui souffre depuis trop d'années d'une forme d'attentisme des pouvoirs publics, en laissant par exemple perdurer des situations comme celles de Presstalis ou bien en refusant d'engager le chantier de la refonte complète d'un cadre de la régulation de l'audiovisuel issu de la loi de 1986 ;

- enfin, les EGI devront parvenir à des propositions concrètes, propositions dont le suivi devra être assuré, et qui devront, le cas échéant faire l'objet d'un débat devant le Parlement.

À ce prix, le rapporteur estime que cet exercice, confié à des professionnels reconnus et indépendants, pourra marquer une étape essentielle dans la reconquête d'un droit à l'information partagé et respecté par tous.

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