II. UN SECTEUR DE L'ÉDITION CONFORTÉ, MAIS TOUJOURS MARQUÉ PAR LES DISSENSIONS INTERNES

A. UN MARCHÉ EN VOIE DE NORMALISATION

Ø Le chiffre d'affaires des éditeurs a connu une contraction de 5,4 % en 2022, pour s'établir à 2,9 milliards d'euros.

Ø Le nombre d'exemplaires vendus est, quant à lui, passé de 486,1 millions en 2021 à 448,5 millions en 2022, en baisse de 7,7 %.

Ces données en baisse doivent cependant être relativisées. En effet, si l'on compare 2022 à 2019, année « prépandémique », le marché du livre est en croissance de 3,7 %.

B. BIG BANG OU BIG BAND DANS L'ÉDITION ?

Avec plus de 1 000 maisons d'édition de toutes tailles, la France possède un paysage varié qui permet à toutes les sensibilités de s'exprimer. Le marché est cependant dominé par deux groupes qui représentent 55 % du paysage éditorial français :

· d'un côté, Hachette Livre, détenu depuis 1980 par le groupe Lagardère, premier acteur français. Avec 7 479 salariés répartis dans 70 pays dont 2 956 en France, Hachette a réalisé en 2022 un chiffre d'affaires mondial de 2,7 milliards d'euros, dont 824 millions d'euros en France ; et dispose de positions très fortes, comme dans les manuels scolaires ;

· de l'autre, Editis, détenu par Vivendi, deuxième groupe éditorial français avec un chiffre d'affaires de 789 millions d'euros et 2 500 salariés.

Les deux groupes sont également dominants dans le secteur de la diffusion et de la distribution sur le territoire.

C'est dire que le projet de rachat du groupe Hachette par Vivendi a suscité un fort émoi dans le secteur3(*).

Vivendi était déjà entré au capital de Lagardère en avril 2020 à la faveur de la crise rencontrée par le groupe, avant de lancer en 2022 une OPA qui lui a permis de détenir 57,3 % des actions.

Le nouveau groupe aurait cependant été alors en position dominante sur plusieurs marchés de l'édition ainsi que de la diffusion et de la distribution. Une telle domination du marché aurait fait courir de sérieux risques d'atteinte à la concurrence, d'où la nécessité d'obtenir une autorisation ex ante. Compte tenu de la dimension de cette concentration, celle-ci devait être obtenue par Vivendi auprès de la Commission européenne.

Fin juillet 2022, anticipant le risque de rejet d'une grande concentration Hachette-Editis par la Commission européenne, Vivendi a indiqué publiquement que pour acquérir Lagardère, il était disposé à céder Editis. Dans ce contexte, la Commission européenne a autorisé le 9 juin 2023 le projet d'acquisition de Lagardère par Vivendi, sous conditions, avec les cessions d'Editis et du magazine Gala. Vivendi a annoncé avoir conclu un accord avec Daniel Kretinsky pour la cession d'Editis, et a sollicité l'accord de la Commission européenne, qui a donné un avis favorable le 31 octobre.

Une enquête en cours

Le 25 juillet 2023, la Commission européenne a annoncé ouvrir une enquête concernant une éventuelle prise de contrôle anticipée de Lagardère par Vivendi, en violation du droit de la concurrence. Si elle est établie, cette pratique de « gun jumping » peut être sanctionnée par une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d'affaires total de l'entreprise.

Face aux réelles angoisses exprimées par le secteur, le rapporteur estime que le choix de céder Editis, il est vrai sous la pression des autorités de la concurrence, est de nature à apaiser les tensions. Il faudra cependant demeurer attentif aussi bien au sort des salariés des maisons d'édition qu'à la préservation d'une offre éditoriale variée.


* 3 La commission d'enquête sur la concentration dans les médias y a consacré une table ronde le 16 février 2022 qui expose l'ensemble des inquiétudes des différentes parties prenantes : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220214/ce_medias.html#toc4

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