N° 133

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

TOME VI

Fascicule 1

SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE

Sport

Par M. Jean-Jacques LOZACH,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, MM. Yves Bouloux, Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 16801715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Le sport français est entré dans une année exceptionnelle : après avoir organisé la Coupe du monde de rugby qui s'est achevée le 28 octobre 2023, la France accueillera les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) à partir du 26 juillet 2024. Le sport de haut niveau est mis à l'honneur. Après l'équipe de France de football lors des deux dernières Coupes du monde, l'équipe de France de rugby a su créer un engouement populaire. Malgré les résultats décevants du dernier championnat du monde d'athlétisme, nul doute que les sportifs français sauront rassembler lors de ces Jeux inédits qui constitueront un moment historique, cent ans après les derniers Jeux olympiques organisés à Paris en 1924.

Cette année exceptionnelle ne trouvera toutefois tout son sens que si elle contribue à faire de la France une « nation sportive » : c'est tout l'enjeu de l'héritage des JOP, qui paraît insuffisamment préparé.

La dynamique qui s'amorce risque de se heurter aux réalités budgétaires incarnées par le projet de loi de finances pour 2024 et par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027.

Le rapporteur estime que ce budget pour 2024 ne permettra pas de tirer parti des Jeux pour amorcer un tournant :

· le PLF comporte des orientations bienvenues, mais dont l'ampleur est très insuffisante par rapport aux besoins, s'agissant notamment des équipements sportifs structurants. Le sport ne représente que 0,2 % des dépenses de l'État, ce qui est incompatible avec l'ambition du gouvernement de « mettre le sport au coeur de la société » et de « se projeter dès 2024 vers la nation sportive de demain »1(*) ;

· le sport ne bénéficie toujours pas du dynamisme des taxes affectées à l'Agence nationale du sport (ANS), dont le plafond est inchangé ;

· la décrue du programme 350 consacré aux JOP est logique. L'organisation et la préparation de cette manifestation se déroulent de façon satisfaisante. Mais la plus grande vigilance doit être maintenue dans la dernière ligne droite. L'écho de cet événement dans les territoires doit s'amplifier ;

· l'augmentation des crédits du programme 219 consacré au sport servira en majeure partie à financer des dépenses non reconductibles relatives aux JOP. C'est donc une augmentation en trompe-l'oeil, alors que le secteur sportif continue de subir les effets de l'inflation. Les mesures en faveur du sport scolaire mériteraient d'être mieux évaluées. Le Pass'Sport doit être recalibré pour atteindre ses objectifs. Plusieurs annonces faites par le Président de la République début septembre ne trouvent pas de traduction budgétaire dans ce PLF ;

· dans ce contexte, des mesures emblématiques sont nécessaires pour amorcer le tournant souhaité et profiter de la dynamique des JOP : par exemple, une extension de la baisse de la TVA à 5,5 % accordée aux seuls centres équestres. Cette mesure est positive, mais insuffisante. D'autant que ce projet de loi de finances comporte, par ailleurs, des mesures d'exonération fiscale discutables en faveur des fédérations sportives internationales ;

· enfin, le remboursement de l'activité physique prescrite aux personnes atteintes de diabète ou de cancer constituerait une avancée majeure. Un temps envisagée par le gouvernement, cette mesure ne figure toutefois pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 transmis au Sénat.

L'évolution des crédits du sport (CP, en M€)

Source des données : projets annuels de performance

I. UN BUDGET CONTRASTÉ QUI NE DISSIPE PAS LES INQUIÉTUDES POUR L'AVENIR

A. DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES

Au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », les crédits et taxes affectés au sport s'élèvent à 969 M€ en autorisations d'engagement (+ 14 %) et à 1 060 M€ en crédits de paiement (- 8,7 %).

1. Un programme consacré aux JOP qui amorce logiquement une décrue

La diminution des crédits de paiement consacrés au sport résulte de l'évolution logique du programme 350 consacré aux JOP après les pics de 2022 et 2023. Ce programme s'élève à 43 M€ en AE (- 47 %) et à 133,6 M€ en CP (- 55 %).

Il s'agit essentiellement de la contribution de l'État à la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo) qui s'élèvera, en 2024, à 103,5 M€ (- 62 %).

Ce montant est fondé sur la maquette financière révisée de la Solidéo, dont le montant total prévisionnel sur 2018-2025 est de 1 716 M€ dont 1 157 M€ financés par l'État et 559 M€ à la charge des autres collectivités publiques. La région Île-de-France et la Ville de Paris contribuent à hauteur de 169 M€ chacune.

Financement de la Solidéo (juillet 2023), M€

Source des données : Solidéo

En euros constants, depuis 2018, le budget de la Solidéo est passé de 1 378 M€ à 1 407 M€. Deux indexations sur l'inflation ont eu lieu en juillet 2021 puis en décembre 2022. Une hausse des besoins de fonctionnement de 18 M€ a été prise en compte en mars 2022. Le financement de voies provisoires, à hauteur de 5 M€, a été intégré en juillet 2023. Par ailleurs, des dépenses de sécurité supplémentaires ont été imputées sur la réserve pour compléments de programme à hauteur de 6 M€. Cette réserve se maintient à un niveau de 55 M€.

Si la construction des 70 ouvrages olympiques subit logiquement l'inflation, on ne peut toutefois pas parler d'une dérive des coûts.

2. Un programme « Sport » qui comporte des mesures positives, mais insuffisantes

Évolution des crédits du sport hors P350 (CP, en M€)

Source des données : projets annuels de performance

Le programme 219 (Sport) s'élève à 760 M€ en AE (+ 27 %) et à 760 M€ en CP (+ 8,5 %). L'augmentation est de + 60 M€ en CP. Cette orientation positive poursuit celle observée depuis 2019. Dans ce P219, toutefois, 51 M€ de dépenses sont liées aux JOP et n'ont donc pas vocation à être « soclées », c'est-à-dire qu'elles ne seront pas reconduites l'an prochain.

Dépenses non reconductibles liées aux JOP au sein du programme « Sport »

Le budget de la « Grande cause nationale 2024 » (10,5 M€) consacrée à la promotion de l'activité physique et sportive se répartit entre des crédits supplémentaires de communication pour un montant de 5,5 M€ et l'abondement à un fonds géré par l'Agence nationale du sport (ANS), à hauteur de 5 M€. Des partenaires privés et des collectivités publiques pourront également participer à ce fonds pour le financement de projets et événements autour du sport pendant toute l'année 2024. Le conventionnement avec un partenaire privé est en cours de finalisation pour un abondement de ce fonds à hauteur de 1 M€.

S'agissant des mesures nouvelles, hors JOP, l'ANS bénéficiera de 100 M€ d'autorisations d'engagement (AE) au titre d'un nouveau plan d'équipements sportifs (« 5 000 équipements - génération 2024 »). Les moyens financiers alloués à l'ANS augmenteront de 106,2 M€ en AE et 6,2 M€ en CP par rapport à 2023.

Nouveau plan « 5 000 équipements - Génération 2024 » en M€ sur trois ans

Les autres mesures nouvelles sont d'ampleur modeste. Elles représentent quelques millions d'euros en faveur de la promotion du sport auprès des publics prioritaires (2,5 M€), l'insertion par le sport (4 M€), la revalorisation de la dotation des Centre de ressources d'expertise et de performance sportive -Creps- (5,9 M€) et de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance -Insep- (2,7 M€).

L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) voit sa dotation augmenter de 0,47 M€. Le soutien de l'État à l'Agence a permis une montée en puissance sur les plans quantitatif (12 000 prélèvements en 2023) et qualitatif (pour l'exercice de ses nouvelles missions d'enquête et de prévention). Le niveau atteint doit donc être un plateau et non un plafond : il n'est pas la conséquence d'une suractivité liée aux Jeux, mais correspond à un besoin de rattrapage pour permettre à la lutte antidopage française d'être au niveau attendu d'une nation olympique.

Le dispositif sport-santé voit sa dotation augmenter de 3,3 M€. L'objectif de 500 Maisons sport-santé (MSS) d'ici fin 2022 a été dépassé avec le référencement de 573 MSS suite à une série d'appels à projets co-pilotés par les ministères chargés respectivement des sports et de la santé.

Le rapporteur regrette que des économies soient réalisées à hauteur de 18,6 M€ dont 14,6 M€ sur le Pass'sport. Le Pass'sport consiste en une aide forfaitaire de 50 euros versée par l'État pour réduire le coût de l'inscription d'un jeune dans un club sportif (ou une autre structure éligible, pour les étudiants). 1,2 million de jeunes y ont eu recours en 2022, l'objectif étant d'atteindre 1,5 million en 2023 puis 2 millions l'an prochain.

S'agissant des emplois, le renforcement des services déconcentrés du ministère se poursuit afin d'intensifier le contrôle des phénomènes de radicalisation et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Après avoir bénéficié de + 20 ETP sur ces thématiques en 2023, le PLF 2024 prévoit + 36 ETP supplémentaires. S'agissant de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, le Sénat a adopté à l'unanimité, le 15 juin 2023, la proposition de loi de Sébastien Pla visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport.

L'ANS bénéficie d'un ETP supplémentaire au titre de la Grande cause nationale.

Le plafond d'emplois des conseillers techniques sportifs (CTS) est stable depuis 2022 (1 442 CTS). Leur masse salariale s'élève à 129,5 M€. Leur redéploiement se poursuit.

3. Des taxes affectées qui pourraient contribuer davantage au financement du sport

Les taxes affectées entrent dans le financement de l'Agence nationale du sport.

Pour 2024, leur plafond est stable à 166,11 M€ dont :

· 71,8 M€ au titre du prélèvement sur les jeux exploités par la Française des Jeux hors paris sportifs, le rendement total de ce prélèvement étant estimé à 246,1 M€ ;

· 59,7 M€ au titre de la contribution sur la cession des droits de diffusion télévisuels (« taxe Buffet »), ce qui correspond au rendement total de la taxe. En 2021 et 2022, les effets cumulés de la crise sanitaire et de la défaillance du groupe audiovisuel Mediapro, détenteur éphémère des droits domestiques des compétitions nationales de football professionnel ont conduit le rendement de cette taxe à un niveau inférieur au montant attendu. Le rendement futur de la « taxe Buffet » est incertain compte tenu de l'appel d'offres pour l'attribution des droits de la Ligue 1 sur la période 2024-2029 qui est resté infructueux ;

· 34,6 M€ au titre du prélèvement sur les paris sportifs en ligne, alors que le rendement total de cette taxe est estimé à 181,7 M€.

La commission estime que les recettes générées par le sport (au travers des paris sportifs) doivent être affectées en totalité à l'Agence nationale du sport. L'effet serait majeur dès 2024, compte tenu des Jeux olympiques et paralympiques, mais aussi de l'Euro de football qui dynamisera les paris. La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement en ce sens au PLF 2024. Le dispositif n'a toutefois pas été maintenu par le gouvernement lors du recours au « 49.3 ».

Le déplafonnement total du prélèvement sur les paris sportifs en ligne débloquerait une ressource de 147 M€ en faveur du sport. Le dynamisme des paris sportifs en ligne pourrait ainsi bénéficier au développement des équipements sportifs.


* 1 Source : projet annuel de performances 2024 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

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