C. UNE GÉNÉRALISATION STRUCTURELLEMENT IMPOSSIBLE ?

1. Un coût par jeune en augmentation constante

L'une des principales préoccupations associée à l'éventuelle généralisation du dispositif annoncée par le Gouvernement demeure son coût démesuré.

En 2021 et 2022, le coût du séjour s'élevait à respectivement 2 371 € et 2 274 € par jeune. En 2023, pour les quatre sessions organisées en février, avril, juin et juillet, les dernières estimations établissent un coût par jeune à environ 2 500 €.

Dans l'hypothèse d'une généralisation à court terme, les estimations oscillent entre un coût annuel de 1,5 à 3 milliards d'euros pour accueillir les 800 000 jeunes de chaque classe d'âge, auquel il faudra ajouter les éventuels investissements en matière de transport et d'infrastructures.

En effet, l'hébergement des jeunes influence grandement le coût des séjours par jeune. Or, la montée en charge du dispositif nécessitera la disponibilité de nombreux locaux sur l'ensemble du territoire. Il apparait cependant aujourd'hui difficile de bénéficier à court terme de suffisamment de locaux adaptés à l'organisation des séjours pour absorber un flux aussi important de jeunes. D'autant plus que, compte tenu du coût important de la construction de bâtiments neufs, et du délai très court envisagé pour la généralisation, l'option d'investissement neuf ne peut être envisagée.

Au vu de ces éléments, le rapporteur s'alarme du mauvais rapport coûts/bénéfices du dispositif et émet de sérieux doutes sur la soutenabilité du service national universel dans les années à venir au regard des ambitions affichées par le Gouvernement et des réalités de terrain.

2. Un mode de recrutement des encadrants préoccupant

Un autre frein majeur à toute montée en puissance du service national universel concerne la question de l'encadrement des séjours.

Deux constats préoccupants doivent être relevés :

- le nombre très élevé d'encadrants engagés via le contrat d'engagement éducatif (92 % en 2023, contre 90 % en 2022) est particulièrement inquiétant en raison du caractère précaire de ce type de contrats, inadaptés aux modalités d'organisation des séjours de cohésion ;

- la formation des encadrants est encore insuffisante, malgré les efforts faits en la matière : les personnels encadrants bénéficient d'une formation préalable de 5 à 8 jours selon qu'il s'agit du premier ou du second séjour. Or, une formation trop expresse peut fortement altérer la qualité des séjours.

Depuis l'organisation des premiers séjours de cohésion, le service national universel fait également face à des difficultés de recrutement qui font écho à la crise que traverse depuis plusieurs années le secteur de l'animation.

Le secteur de l'animation toujours sous haute tension

Les difficultés de recrutement dans les métiers de l'animation, et plus généralement de l'éducation populaire, ont perduré en 2023. Avant l'été, près de 30 000 postes sur 350 000 n'ont pas pu être pourvus.

Selon une enquête réalisée auprès de 1 701 structures et associations par l'organisation professionnelle de la branche de l'animation Hexopée et le Fonjep, 72,4 % des répondants déclarent avoir des problèmes de recrutement en 2023. Si ce chiffre est en diminution par rapport à 2022, où 76,1 % des structures éprouvaient de telles difficultés, 32 % ont le sentiment que leurs problèmes de recrutement se sont accrus, et 40 % jugent qu'ils n'ont pas évolué depuis l'année précédente.

Selon cette étude, cette apparente stabilisation est due à une contraction de l'activité des structures ; certaines ont intégré la pénurie des embauches dans leurs programmes d'activités, qu'ils ont réduits. D'autres, pour faire face à l'inflation, ont fait le choix de geler les embauches.

Le manque d'animateur est également lié à la perte d'attractivité du métier : alors que les conditions d'exercice de leurs fonctions sont parfois difficiles en raison des fortes amplitudes horaires qui leur sont imposées, les rémunérations octroyées dans le cadre du contrat d'engagement éducatif (CEE) aux titulaires du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) sont extrêmement faibles, avec un minimum légal qui s'élève à 25,34 euros brut par jour.

Consciente de ces problématiques, la ministre Sarah El Haïry avait annoncé lors du dernier Comité de Filière Animation la revalorisation du CEE à 50 € bruts au 1er janvier 2024 puis au SMIC au 1er janvier 2027. Cette mesure doit être saluée mais ne peut à elle seule permettre de relancer durablement le secteur de l'animation. Il est indispensable de soutenir également les organisateurs de séjours pour faire face à cette hausse à venir de leur masse salariale.

La montée en charge du dispositif ne pourra être assurée sans que de véritables réponses ne soient apportées à la crise du secteur de l'animation.

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