B. UNE FORTE HAUSSE DE LA MASSE SALARIALE DE L'ÉTAT PORTÉE PAR DE NOUVELLES MESURES GÉNÉRALES ET CATÉGORIELLES

1. Deux revalorisations du point d'indice intervenues en un an

Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, la masse salariale de l'État hors pensions atteint 106,415 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,96 % par rapport au projet de loi de finances pour 202310(*).

Cette forte augmentation est portée à titre principal par la revalorisation du point d'indice de 1,5 % entrée en vigueur le 1er juillet 202311(*). Cette nouvelle mesure générale, qui succède à la revalorisation du point d'indice de 3,5 % entrée en vigueur le 1er juillet 2022, a un coût estimé en année pleine à 1,5 milliard d'euros pour le versant étatique.

Coûts des dernières revalorisations du point d'indice
(en milliards d'euros)

Augmentationdu point d'indice

2022

2023

2024

FFPE

FFPT

FFPH

TTotal

FFPE

FFPT

FFPH

TTotal

FFPE

FFPT

FFPH

TTotal

+ 3,5 %

1,8

1,2

0,8

3,8

3,6

2,4

1,6

7,6

3,6

2,4

1,6

7,6

+ 1,5 %

-

-

-

-

00,750

00,495

00,355

11,6

11,5

00,900

00,71

33,2

Source : commission des lois à partir des réponses au questionnaire budgétaire

De plus, au 1er janvier 2024, 5 points d'indice supplémentaires seront attribués à tous les agents publics, pour un coût estimé à 2,15 milliards d'euros en 2024.

Traduction des dernières revalorisations du point d'indice
pour le traitement brut des agents de catégories C et B12(*)
(montant brut par mois)

 

Catégorie B

Catégorie C

Revalorisation de 3,5 %

62 €

77 €

Revalorisation de 1,5 %

Entre 27,57 € et 70,57 €

Entre 26,26 € et 70,57 €13(*)

Source : commission des lois à partir des réponses au questionnaire

Par ailleurs, le solde du glissement vieillesse-technicité (GVT)14(*) correspondra en 2024 à une augmentation de 505 millions d'euros, tandis que le coût des créations de postes s'élèvera à 447 millions d'euros15(*).

2. La multiplication de mesures catégorielles

A également été annoncée, lors de la conférence salariale du 12 juin 2023, l'introduction d'une prime de pouvoir d'achat exceptionnelle ciblée sur les moyens et bas salaires16(*). Les agents dont la rémunération perçue entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023 est inférieure à 39 000 euros bruts (soit 3 250 euros bruts par mois)17(*) bénéficient, depuis le 1er octobre 2023, d'une prime dont le montant annuel est compris entre 300 et 800 euros bruts. Dans la fonction publique de l'État et la fonction publique hospitalière, la prime doit être versée en une seule fois avant la fin de l'année 2023 ; le coût pour 2023 est estimé à 1,2 milliard d'euros, dont 661 millions d'euros pour la FPE et 535 millions d'euros pour la FPH.

La prime de pouvoir d'achat exceptionnelle pour les agents territoriaux

Conformément au principe de libre administration territoriale, le versement de la prime de pouvoir d'achat exceptionnelle n'est pas obligatoire dans la fonction publique territoriale. Sa mise en oeuvre est conditionnée à une délibération des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, que ceux-ci doivent au préalable présenter au comité social compétent.

Les conditions et modalités de versement de cette prime ont été précisées par le décret n° 2023-1006 du 31 octobre 2023, qui prévoit notamment que la prime peut être versée soit en une seule fois, soit en plusieurs fractions d'ici le 30 juin 2024.

En outre, quatre mesures complémentaires ont été prévues lors de cette même conférence salariale du 12 juin 2023 :

- la reconduction pour 2023 de la mesure de garantie individuelle du pouvoir d'achat18(*) ;

- la revalorisation des frais de mission (plafonds des nuitées hôtelières et de l'indemnité repas), à compter de la rentrée 2023 ;

- le relèvement de 50 % à 75 % de la prise en charge des transports collectifs des agents de l'État à compter du 1er septembre 202319(*), pour un coût estimé à 43 millions d'euros en 2023, et 129 millions d'euros en 2024 ;

- la revalorisation de 10 % du barème de monétisation des jours de compte épargne temps.

Le coût prévisionnel de l'ensemble des mesures catégorielles pour 2024 s'élève à 3,705 milliards d'euros pour le versant étatique, soit une augmentation de 119 % par rapport au projet de loi de finances pour 2023.

3. Le chantier relatif à l'accès, aux carrières et aux rémunérations : des travaux en cours

Pour l'heure, le chantier relatif à l'accès, aux carrières et rémunérations dans la fonction publique (dit « APR ») ouvert par le ministre de la transformation et de la fonction publiques en février 2023 s'est traduit par une première phase de concertation avec les employeurs publics représentant les trois versants de la fonction publique, d'une durée de six mois. D'après les indications données au rapporteur, les premiers travaux pourraient aboutir dans le courant de l'année 2024.

Tout en prenant acte des principaux objectifs avancés20(*), le rapporteur souligne l'urgente nécessité d'une refonte des grilles indiciaires, eu égard notamment au phénomène de « tassement des grilles » induit par les revalorisations successives du SMIC et de l'indice minimum de traitement dans un contexte d'inflation élevée. Cette refonte doit concerner aussi bien les grilles des catégories C et B, que celles de la catégorie A, afin que l'ensemble des grilles soient cohérentes avec la progression de carrière des agents et les exigences propres à chaque catégorie.

Par ailleurs, les textes adoptés à la suite des accords du Ségur de la santé et du social21(*) ont incontestablement amélioré la situation salariale d'une large part des personnels non médicaux. Le rapporteur rappelle toutefois que demeurent exclus du bénéfice du complément de traitement indiciaire (CTI) les agents publics titulaires et contractuels des filières administrative, technique et ouvrière, ainsi que les agents des services hospitaliers qualifiés de la filière soignante des établissements publics sociaux et médico-sociaux autonomes ; les « oubliés du Ségur » représenteraient ainsi entre 2 000 et 3 000 agents. Le Conseil d'État devrait se prononcer le mercredi 29 novembre 2023 sur la question prioritaire de constitutionnalité déposée à ce sujet par la Fédération hospitalière de France.


* 10 Source : réponse au questionnaire budgétaire.

* 11 En application du décret n° 2023-519 du 28 juin 2023 modifiant le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985.

* 12 Le traitement brut constitue 70 % de la rémunération moyenne des agents de catégorie B, et 75 % de la rémunération moyenne des agents de catégorie C (source : réponse au questionnaire budgétaire).

* 13 Ces gains découlent à la fois du relèvement de la valeur du point d'indice et de l'attribution de points d'indice majoré différenciés (jusqu'à 9 points supplémentaires), destinée aux agents publics relevant des corps de catégorie B et C dont l'indice brut (IB) est inférieur à l'IB 419, introduit également par le décret n° 2023-519.

* 14 Il correspond à l'effet mécanique des progressions de carrière sur la masse salariale.

* 15 Dans le projet de lois de finances pour 2023, le coût de la création de 10 790 ETP s'élevait à 341 millions d'euros.

* 16 Décret n° 2023-702 du 31 juillet 2023.

* 17 Près de 50 % des agents de l'État (soit 1,23 million d'agents) et 70 % des agents publics hospitaliers (soit 740 000 agents) sont éligibles à cette prime (source : réponse au questionnaire budgétaire).

* 18 La GIPA correspond à une indemnité versée à tous les agents dont le traitement indiciaire brut aurait évolué moins vite que l'indice des prix à la consommation en cumul sur une période de quatre ans.

* 19 Décret n° 2023-812 du 21 août 2023.

* 20 Fluidifier l'accès à la fonction publique ; dynamiser les parcours professionnels ; rendre plus agile le système de rémunération.

* 21 Voir l'article 48 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, tel que modifié pour la dernière fois par l'article 44 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022, et le décret n° 2020-1152 du 19 septembre 2020 modifié pour la dernière fois par le décret n° 2022-1497 du 30 novembre 2022.

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