B. UNE POLITIQUE DES RESSOURCES HUMAINES À RENFORCER, À LA LUMIÈRE DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT RENCONTRÉES PAR LA FILIÈRE INFORMATIQUE

1. Une hausse des besoins humains dans les domaines de l'informatique et de l'ingénierie qui n'échappe pas aux difficultés de recrutement dans ces filières

L'ensemble des entités auditionnées par la rapporteure ont exprimé les difficultés notoires de recrutement de certains profils métiers, notamment les profils de développeurs, d'administrateurs système ou d'ingénieurs en informatique.

Les entités de la mission budgétaire opèrent généralement dans des secteurs exigeant une expertise technique poussée, mobilisant des compétences autres que celles d'ordre administratif et juridique. Par conséquent, les besoins en personnel des autorités se concentrent sur le recrutement d'agents contractuels dotés de compétences de haut niveau, particulièrement dans les domaines de l'ingénierie et de l'informatique. Il s'agit d'un vivier de talents dont le recrutement est soumis à la forte concurrence du secteur privé et d'autres entités du secteur public.

Dans ce cadre concurrentiel, c'est principalement pour des raisons salariales que le recrutement de personnes expérimentées est bloqué, la Cnil précisant ainsi qu'elle parvient encore sans trop de difficultés à recruter des profils juniors.

Afin de s'aligner sur les standards du marché de l'emploi, les autorités s'efforcent de proposer des rémunérations attractives. La Cnil a, dans cette lignée, pu obtenir, pour 2023 et les années suivantes, des crédits supplémentaires de masse salariale. Une hausse des prétentions salariales est également constatée par la SGDSN. Les recrutements effectués par cette dernière portent essentiellement sur des agents contractuels pour des emplois de catégorie A dont le coût moyen annuel est estimé à 80 600 €.

Une autre cause des difficultés de recrutement réside dans les conditions de travail imposées par les autorités traitant de dossiers liés à la sécurité ou à la défense nationale, notamment le SGDSN et de la CNCTR. La nature de ces missions interdit le travail à distance, allant à contre-courant des nouvelles méthodes de travail. Ces métiers font également l'objet de procédures d'habilitation n'aboutissant qu'au terme d'une période de deux à six mois et constituant un obstacle structurel à la saturation du schéma d'emplois.

Compte tenu de ces exigences, la CNCTR s'est trouvée en 2023 dans l'impossibilité de pourvoir deux postes de chargés de mission en matière de développement logiciel et d'administration de systèmes d'information.

Enfin, le recours à des contractuels soulève les questions de fidélisation des agents. Le SGDSN connaît ainsi un taux global de rotation de ses effectifs particulièrement élevé, égal à 24%. Pour les entités dotées d'un schéma d'emplois significatif telles que l'Anssi et le GIC, le turnover est respectivement de 20,6% et 27,5%.

Certaines autorités entendues présentent cette rotation du personnel contractuel comme une mesure utile pour contenir la croissance de leur masse salariale, par le biais d'un effet de noria, et permettant de rafraîchir régulièrement les compétences de leurs collaborateurs. La rapporteure souhaite, à l'inverse, mettre en exergue les problèmes structurels ayant trait à un fort taux de rotation des fonctions techniques, notamment en ce qui concerne la perte de connaissances et d'expertise, ainsi que les dépenses supplémentaires liées aux procédures de recrutement et de formation qui seront encourues.

2. Un chantier de réinternalisation des compétences de l'État à accompagner

Eu égard à ces difficultés de recrutement, la Dinum bénéficie d'une nouvelle mesure budgétaire en 2024 pour créer en son sein une « Direction des ressources humaines du numérique » (0,5 M€ en AE et en CP). Cette initiative se matérialise notamment par le projet de création d'un campus du numérique public qui permettra aux 50 000 agents de la filière numérique de l'État de disposer d'une offre de formation. Un projet de réinternalisation de postes relevant de cette filière est également engagé avec le recrutement, dans ce cadre, de cinq ETP supplémentaires pour la direction des services administratifs et financiers (DSAF) pour 2024.

Pour pallier les problèmes systémiques de rotation des jeunes recrutements, des stratégies de progression de carrière en interne sont également envisagées pour fidéliser ces profils. La Cnil a d'ailleurs créé en octobre 2022 un groupe de travail spécifique, chargé de proposer des améliorations dans la gestion des carrières et la reconnaissance de certains profils très qualifiés. La rapporteure appelle également à l'actualisation rapide et régulière du référentiel de rémunération des 56 métiers de la filière numérique et des systèmes d'information et communication, publié par la Dinum et servant de grille de référence aux entités auditionnées.

Enfin, la réflexion autour de la mobilité entre les autorités administratives indépendantes des ressources humaines est entamée depuis plusieurs années à la suite de la constitution en 2009 d'un « réseau des responsables RH des AAI et des API ». La rapporteure se félicite de l'organisation, en octobre dernier, du premier forum de la mobilité inter AAI-API, qui a permis de réunir plus de 170 collaborateurs et 18 autorités, et encourage l'organisation, dans cette continuité, de bourses de l'emploi consacrées spécifiquement aux métiers de l'ingénierie et de l'informatique.

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