III. REFUSER DES AJUSTEMENTS PONCTUELS ET NON COORDONNÉS DES MESURES DE PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS

Les professionnels entendus par la rapporteure ont critiqué la méthode employée pour modifier le droit des majeurs vulnérables par amendements et à l'occasion d'une proposition de loi sur le « bien vieillir ». Ainsi que l'a relevé le Conseil national du notariat, l'Assemblée nationale a opéré une confusion entre les personnes en situation de vulnérabilité (dont les personnes handicapées) et les personnes âgées. Par ailleurs, la modification par petites touches, de manière partielle, sans vision ni cohérence d'ensemble, des mesures de protection juridique qui ont déjà fait l'objet de nombreuses évolutions législatives depuis la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs6(*), risque de créer plus de difficultés qu'elle n'en résout.

Les nombreux rapports parus ces dernières années invitent surtout à un travail plus global visant, par exemple, à mieux articuler les actions de suivi médico-social et de protection juridique pour assurer une prise en charge globale de la personne, faire le bilan de l'efficacité des mesures d'habilitation familiale qui ont connu un fort développement depuis 2015 - elles ont représenté 37 % des mesures prononcées en 2022 - sans réel contrôle ou encore assurer une plus grande progressivité des mesures de protection juridique en fonction de l'état de la personne.

Cette approche partielle et précipitée n'est pas à la hauteur des enjeux qui appellent un projet de loi plus complet, assorti d'un avis du Conseil d'État et d'une étude d'impact, sur les mesures de protection juridique des majeurs.

À l'initiative de la rapporteure, la commission des lois a fait le choix de supprimer l'ensemble des articles additionnels qui visaient à prévoir un tuteur ou un curateur de remplacement en cas de décès (article 5 quater), à élargir le cercle des personnes pouvant être habilitées dans le cadre de l'habilitation familiale et à prévoir une personne de remplacement en cas de décès (article 5 sexies), à instaurer une passerelle entre les habilitations judiciaires entre époux et les mesures de protection juridique (article 5 octies) et à davantage harmoniser le régime de responsabilité des mesures de protection juridique (article 9 nonies).

En cohérence avec cette démarche, elle a également proposé la suppression de l'article 5 quinquies qui vise à faire évoluer le mandat de protection future créé par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, afin de permettre des missions d'assistance, aux côtés de celles de représentation, la nature du mandat étant susceptible d'évoluer en fonction du degré d'altération des facultés personnelles du bénéficiaire du mandat. Si le principe de cette évolution, préconisé par divers travaux menés ces dernières années (groupe de travail interministériel et interprofessionnel dirigé par Anne Caron-Déglise, groupe de travail sur la justice de protection dans le cadre des États généraux de la justice, groupe de travail agissant sous l'égide de l'Institut d'études juridiques du Conseil supérieur du notariat...) n'appelle pas d'opposition, sa mise en oeuvre mériterait une réflexion plus large et une meilleure concertation avec les acteurs concernés. Par ailleurs, le dispositif proposé ne semble pas abouti et suscite diverses interrogations d'ordre juridique (par exemple, le rattachement de l'acte au droit commun du mandat qui suppose une représentation).


* 6 En particulier, la loi n° 2015-177 relative à la modernisation et à la simplification du droit, l'ordonnance n° 2015-1288 portant simplification et modernisation du droit de la famille et la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

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