N° 410

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mars 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, et de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part,

Par M. Laurent DUPLOMB,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; M. Jean-Pierre Bansard, Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Mme Evelyne Corbière Naminzo, MM. Pierre Cuypers, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Stéphane Fouassin, Mmes Amel Gacquerre, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Mme Sophie Primas, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (15ème législ.) :

2107, 2123, 2124 et T.A. 324

Sénat :

694 (2018-2019)

L'ESSENTIEL

Bientôt sept ans après la mise en oeuvre « provisoire » de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'UE ainsi que ses États membres (AECG ou CETA - Comprehensive Economic Trade Agreement en anglais), le projet de loi autorisant sa ratification fera enfin l'objet d'un vote au Sénat, en commission des affaires étrangères, le 13 mars 2024.

Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste - Kanaky (CRCE-K) a en effet décidé d'inscrire à l'ordre du jour de son espace réservé ce projet de loi adopté le 23 juillet 2019 à l'Assemblée nationale avec 53 voix d'écart1(*), autorisant en son article 1er la ratification du CETA et en son article 2 celle de l'Accord de partenariat stratégique (APS), texte approfondissant le dialogue et la coopération politiques en matière de droits de l'homme et de sécurité internationale.

Saisie pour avis des deux articles du projet de loi, la commission des affaires économiques a nommé Laurent Duplomb rapporteur. Tout au long de ses travaux, il s'est voulu vigilant sur la réciprocité des normes, ayant à l'esprit les critiques exprimées lors des récentes protestations du monde agricole, dans toute l'Europe, à l'encontre des accords de libre-échange, incarnant l'incohérence (« on marche sur la tête ») entre un agenda normatif de plus en plus ambitieux au sein du marché intérieur et les défaillances des contrôles aux frontières, quand il ne faut pas tout bonnement déplorer l'absence de normes ou de contrôles sur les produits importés.

Soucieux cependant de ne pas priver l'économie française d'un bon accord s'il s'avérait à l'analyse que producteurs et consommateurs français en tirent des bénéfices, le rapporteur s'est efforcé d'examiner l'accord pour ce qu'il est - tout l'accord, rien que l'accord. Or, en dépit de gains sectoriels, il n'a pu qu'en constater les faiblesses : Parlement contourné, retombées macroéconomiques limitées, déstabilisation du secteur bovin disproportionnée, question non résolue des distorsions de concurrence économiques, environnementales et sanitaires.

Jugeant qu'autoriser la ratification de cet accord ouvrirait la voie à celui avec le Mercosur, les mêmes vices de conception se trouvant dans les deux accords avec de simples différences de degré, il appelle le Parlement à jouer le rôle diplomatique qu'il assume dans toute démocratie moderne, en fixant des principes dont l'exécutif pourra se prévaloir dans les négociations internationales.

Sur proposition du rapporteur Laurent Duplomb, la commission
a proposé de supprimer l'article 1er, refusant ainsi d'autoriser
la ratification du CETA2(*).

10 chiffres clés

 
 
 
 
 

après l'entrée en application provisoire du CETA, 10 États ne l'ont toujours pas ratifié

Évolution constatée
du solde commercial
de la France vis-à-vis du Canada entre 2017et 2023 (DG Trésor)

Gain macroéconomique
du CETA dans l'UE en 2035, contre 313 $
par an et par personne au Canada (Cepii)

Part des calories produites en France exportées...
avec CETA ou sans CETA

Part des fromages exportés au Canada sur la production fromagère française totale en volume

 
 
 
 
 

Perte de valeur ajoutée liée au CETA anticipée pour le secteur transformation
de la viande rouge,10 fois plus que l'évolution, positive ou négative,
pour n'importe quel autre secteur, et 2 ou 3 fois plus qu'usuellement pour un tel type d'accord (Cepii)

Substances actives phytosanitaires approuvées au Canada, pour lesquelles des préoccupations sanitaires existent, et interdites dans l'UE mais tolérées à l'importation sous des limites maximales
de résidus (LMR) réglementaires

Hausse de la limite maximale de résidus de glyphosate dans la lentille décidée par l'UE en 2012, permettant au Canada
de continuer à exporter ses lentilles traitées juste avant la récolte
pour accélérer
leur maturité, pratique interdite en Europe

Audits de la Commission (2019 et 2022)
ne permettant pas
de garantir l'absence
de viande aux hormones dans les exportations
vers l'UE, pourtant historiquement notre seule mesure miroir

Date d'application effective de la mesure miroir de 2018 interdisant les antibiotiques activateurs
de croissance... reposant sur une attestation
sur l'honneur,
et sans contrôle dédié

I. UNE MISE EN OEUVRE « PROVISOIRE » DU CETA QUI DURE : LE PARLEMENT CONTOURNÉ, LA SOUVERAINETÉ NATIONALE ESCAMOTÉE

En plus de la procédure usuelle d'adoption des accords commerciaux (art.  218 TFUE, approbation par le Parlement européen, adoption à la majorité qualifiée du Conseil), les accords « mixtes » comme le CETA doivent3(*) être ratifiés par les États (ce qui implique 43 parlements nationaux ou régionaux) pour les mesures ne relevant pas de la compétence exclusive de l'UE en matière de politique commerciale. La Commission a plus récemment proposé, pour contourner leur faible acceptabilité, de scinder ces accords entre dispositions commerciales ou non4(*).

90 % du CETA, en réalité l'intégralité du texte hormis le chapitre 8 sur les investissements, sont mis en oeuvre de façon « provisoire » depuis le 21 septembre 20175(*). 10 États ne l'ont toujours pas ratifié (Belgique, Bulgarie, Chypre, Grèce, Hongrie, Pologne, Slovénie, Irlande, Italie et France6(*), malgré les demandes répétées du Sénat d'inscrire le projet de loi adopté à l'Assemblée à son ordre du jour7(*)). L'application de l'accord peut en théorie rester « provisoire » indéfiniment.

Après sept ans, le CETA est un accord commercial « de nouvelle génération » paradoxalement déjà daté (accord de Paris, Covid-19, guerre en Ukraine...)

Même en cas de refus d'un parlement d'autoriser la ratification, les gouvernements réunis au sein du Conseil de l'UE se sont octroyé la liberté de notifier ou non leur incapacité de ratifier l'accord à la Commission européenne - tenue, elle, de dénoncer l'application provisoire, ce qui prend effet après 6 mois8(*). De fait, le refus du parlement chypriote n'a jamais été notifié par ce pays, figurant dans la liste des États n'ayant pas ratifié l'accord, comme s'il ne s'était jamais prononcé.

II. UN IMPACT MACROÉCONOMIQUE NÉGLIGEABLE, ET DES COÛTS D'AJUSTEMENT DISPROPORTIONNÉS POUR LA VIANDE BOVINE

Le Gouvernement attribue au CETA des bénéfices qu'il est impossible d'établir à ce jour :

Autant l'accord est crucial (313 $/an/hab. en 2035) pour la petite économie canadienne (40 M d'habitants, 12 % du PIB de l'UE), arrimée aux États-Unis, en lui permettant de diversifier ses approvisionnements et d'avoir accès à un marché de 450 M d'habitants, autant « les conséquences du CETA pour l'économie européenne sont nécessairement quantitativement limitées (0,02 % du PIB français et inférieurs à 0,01 % du PIB de l'UE, soit respectivement 12 $ et 4 $/an/habitant. Côté européen, il ne faut s'attendre globalement ni à des gains économiques importants, ni à des coûts d'ajustement importants » (Cepii).

Des gains de valeur ajoutée sont prévus pour certains secteurs (textile + 0,44 %, chimie + 0,21 %, produits manufacturés + 0,17 %), qui exportent déjà plus depuis 2017. Pour les filières agricoles, dites « sensibles », l'effet serait plus contrasté : favorable pour les vins et spiritueux (de 8e en 2017, le Canada est devenu notre 7e client), l'accord l'est aussi pour les produits laitiers, mais il est loin d'être le plus stratégique (sur 650 000 t de fromages exportés par an, 6 500 t vont au Canada).

Ces gagnants d'un jour étant les perdants d'un autre (Nouvelle-Zélande, Inde demain), le rapporteur en appelle à la solidarité entre filières pour faire respecter notre agriculture, et à celle de l'aval avec l'amont pour garantir les revenus, les producteurs de lait étant aussi producteurs de viande. Pour la transformation de viande bovine, la perte de valeur ajoutée estimée liée au CETA est de 4,8 % à horizon 2035, soit 10 fois plus que l'évolution, positive ou négative, de n'importe quel autre secteur, et 2 à 3 fois plus que d'habitude pour ce type d'accord.

III. PLUS QU'UNE SIMPLE AFFAIRE DE FLUX COMMERCIAUX, C'EST LA RÉCIPROCITÉ DES NORMES DE PRODUCTION QUI EST EN JEU

Les concessions de la Commission européenne dans ses relations extérieures sont en complète contradiction avec l'approche qu'elle promeut au sein du marché intérieur avec le Pacte Vert, qui place la santé et l'environnement au-dessus de l'acte de production. Tout se passe comme si, intraitable avec ses propres agriculteurs, mais aveuglée par son propre reflet dans le miroir, l'Union européenne en oubliait ses principes les plus chers dans ses échanges avec les pays tiers. Or, comme le rappelle l'économiste Dani Rodrik dans sa « parabole sur le travail des enfants » :

« Si la société refuse [une pratique dans ses lois], pourquoi devrait-elle l'accepter [par le canal de l'échange] ? »

Dani Rodrik, économiste à l'université Harvard

Aujourd'hui, pourtant, nous l'acceptons de trois façons, par le biais de normes absentes, de normes non appliquées ou de normes abaissées :

1) Le CETA reste muet concernant plusieurs sujets de préoccupation majeurs des consommateurs et régulateurs français et européens : a) la présence de certaines protéines animales transformées (PAT) de ruminants dans la ration alimentaire des ruminants (intra-espèce), niée par le Gouvernement en 2019, est admise les autorités sanitaires canadiennes ; b) les bovins canadiens conduits à l'abattoir peuvent rester jusqu'à 48 heures d'affilée dans un camion sans aménagements, 36 heures depuis une réforme de 2019, contre 14 heures au sein de l'Union, et 9 heures si la révision proposée par la Commission européenne prospère ; c) 41 substances actives phytosanitaires autorisées au Canada mais pas dans l'UE sont tolérées dans les produits importés si leurs traces sont inférieures aux limites maximales de résidus (LMR) réglementaires ;

2) Même quand des normes existent, encore faut-il qu'elles soient applicables et que les contrôles ne soient pas défaillants. Nous en sommes loin : a) les garanties qu'aucune viande aux hormones ne soit exportée vers l'UE sont « compromises » par des « lacunes » des contrôles canadiens sur la traçabilité, selon deux audits de la Commission (2019 puis 2022), impuissante à faire respecter ce qui fut longtemps notre seule mesure miroir - si de telles anomalies avaient été constatées en sens inverse, cela nous aurait immédiatement fermé l'accès aux marchés étrangers (J.-L. Angot) ; b) la Commission a procrastiné 6 ans pour prendre les actes nécessaires à l'application de la mesure miroir de 2018 interdisant l'importation d'animaux nourris aux antibiotiques stimulateurs de croissance et, pour toute garantie, se contente d'une attestation sur l'honneur du vétérinaire, sans contrôle dédié ; c) l'absence, dans l'accord avec le Canada, de la clause miroir excluant l'élevage en feedlot de l'accord avec la Nouvelle-Zélande, alors que ces immenses parcs d'engraissement existent au Canada (26 000 têtes en moyenne) mais pas en Nouvelle-Zélande, révèle la fonction de « miroir aux alouettes » des clauses miroirs : acheter par de pseudo-acquis à géométrie variable l'acceptabilité d'un accord ne répondant pas aux attentes sanitaires ou environnementales.

« Ce que nous demandons est pourtant simple : cesser d'importer ce que nous nous interdisons de produire. »

3) En décalage complet avec l'ambition affichée de convergence réglementaire, le Canada a mené, pendant la négociation du CETA et depuis son application, un lobbying assumé pour abaisser les exigences européennes : a) la Commission a cédé sur la décontamination des carcasses de boeuf à l'acide lactique (2013) et le Canada a formulé une demande auprès de l'Efsa fin 2023 pour autoriser l'acide péroxyacétique - la décontamination est la contrepartie d'une traçabilité moins stricte ; b) concernant la mesure miroir sur les antibiotiques activateurs de croissance adoptée en 2018, le Canada a demandé fin 2022 « une période de transition » - de fait, la mesure ne sera applicable qu'en 2026 ; c) le Canada, où la lentille est traitée juste avant récolte pour accélérer sa maturité, a profité de la multiplication par 100 de la limite maximale de résidus de glyphosate sur ce produit en 2012 et rappelé en 2023 « ses préoccupations concernant la réduction des LMR pour deux néonicotinoïdes » dans l'UE, demandant « que la Commission autorise les pays tiers à réglementer les pesticides dans leur pays souverain de la manière qu'ils jugent appropriée ».

Au-delà de cette question des normes, nos concurrents tirent bien souvent leurs « avantages comparatifs » de nos pratiques mieux-disantes, qui ont un impact économique difficilement mesurable.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Autorisation de la ratification de l'accord économique
et commercial global (AECG) entre l'Union européenne
et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part

Près de sept ans après la mise en oeuvre provisoire de l'intégralité du texte à l'exception de son chapitre 8 sur la protection des investissements, et près de cinq ans après son adoption à l'Assemblée nationale, l'accord économique et commercial global (AECG, plus connu sous le nom de CETA) fait l'objet d'un vote en commission de la défense et des affaires étrangères, le 13 mars, et en séance le 21 mars 2024.

Le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K) a en effet inscrit à l'ordre du jour de son espace réservé le projet de loi d'autorisation de la ratification de cet accord commercial, en vue de refuser cette ratification.

Cet accord commercial de nouvelle génération élimine complètement les droits de douane sur 98 % des produits échangés entre l'Union européenne et le Canada, et octroie des quotas d'importations ou d'exportations à droits de douane nuls ou réduits, pour les produits de plusieurs filières dites « sensibles », en pratique les filières agricoles.

Il prévoit par ailleurs des dispositions relatives à la propriété intellectuelle, et institue enfin un tribunal de règlement des différends entre investisseurs et États membres, ainsi que des instances de dialogue entre Canada et UE (forum de coopération réglementaire, comités mixtes conjoints thématiques).

La commission des affaires économiques a eu à se prononcer sur cet accord de plus de 2 000 pages dans le contexte des récentes protestations du monde agricole, qui ont parcouru toute l'Europe et ont été soutenues par la presque totalité de la population. Or, ces mouvements ont notamment ciblé les accords de libre-échange, non en tant que tels, mais en ce qu'ils incarnent l'incohérence (« on marche sur la tête ») entre un agenda normatif de plus en plus ambitieux au sein du marché intérieur avec le Pacte vert, d'un côté, et, de l'autre, la naïveté coupable de la Commission européenne, dans ses contrôles sur nos importations, quand il ne faut pas déplorer tout bonnement l'absence totale de règles imposées à nos partenaires commerciaux.

Aussi, le rapporteur pour avis Laurent Duplomb a souhaité se montrer vigilant sur cette question de la réciprocité des normes, de production des denrées agricoles et alimentaires importées (problématiques des normes absentes, non appliquées voire dans certains cas abaissées en cédant au lobbying de nos concurrents).

Après analyse des bénéfices et des risques liés au CETA pour la France et l'Union européenne, le rapporteur a dressé le constat que le compte n'y était pas, notamment pour quatre raisons : 1) le Parlement contourné lors de la procédure de ratification de l'accord, 2) une espérance de gains macroéconomiques très limitée, 3) une déstabilisation du secteur bovin disproportionnée, 4) et, surtout, la question non résolue des distorsions de concurrence sur les plans économique, environnemental et sanitaire.

Selon le rapporteur, en somme, 4 dollars de gains par Européen par an à horizon 2035 ne justifient en aucune façon les renoncements sur la réciprocité des normes de production dont témoigne cet accord.

Jugeant qu'autoriser la ratification de cet accord ouvrirait la voie à celui avec le Mercosur, les mêmes vices de conception se trouvant dans les deux accords avec de simples différences de degré, le rapporteur a appelé le Parlement à jouer le rôle diplomatique qu'il assume dans toute démocratie moderne, en fixant des principes dont l'exécutif pourra se prévaloir dans les négociations internationales - et en premier lieu ce principe de bon sens : « ne pas importer ce que nous nous interdisons de produire ».

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission des affaires économiques a donc proposé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de supprimer cet article. Ce faisant, elle a proposé de refuser d'autoriser la ratification de l'AECG.

I. La procédure de ratification du CETA : une mise en oeuvre « provisoire » qui dure

A. La souveraineté nationale escamotée

1) Dix États membres n'ont toujours pas ratifié le CETA

Signé le 30 octobre 2016 par la Commission européenne et le Canada, après plusieurs années de négociation, l'Accord économique et commercial global (AECG, en anglais CETA pour Comprehensive Economic and Trade Agreement) a été approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017.

Sur le fondement de la décision (UE) 2017/38 du Conseil de l'Union européenne du 28 octobre 2016, le CETA entré en application « provisoire » le 21 septembre 2017 pour les aspects de l'accord qui relèvent de la compétence exclusive de l'Union, en matière de politique commerciale - ce qui recouvre en réalité l'intégralité de l'accord à l'exception de son chapitre 8, sur la protection des investissements. C'est la raison pour laquelle il est souvent avancé dans le débat public que « plus de 90 % de l'accord est en application ».

Aucun délai limite n'étant fixé, l'application de l'accord peut en théorie rester « provisoire » indéfiniment.

Force est de constater, près de sept ans plus tard, que dix États membres de l'Union européenne n'ont toujours pas ratifié cet accord9(*). Il s'agit de la Belgique, de la Bulgarie, de Chypre, de la Grèce, de la Hongrie, de la Pologne, de la Slovénie, ainsi que de l'Irlande, de l'Italie et de la France, ces trois derniers États étant les seuls à ne pas avoir ratifié l'Accord de partenariat stratégique (objet de l'article 2 du présent projet de loi).

Il est à noter qu'un accord intérimaire de continuité commerciale Canada-Royaume-Uni, entré en vigueur le 1er avril 202110(*), a pris le relais pendant trois ans, garantissant les mêmes conditions que le CETA au Royaume-Uni, qui a quitté l'Union européenne après avoir ratifié ce traité. En janvier 2024, le gouvernement britannique a annoncé se retirer des pourparlers relatifs au traité qui devait prendre sa suite, insatisfait des possibilités qui lui sont offertes d'exporter du fromage et sur les règles d'origine dans l'industrie automobile11(*).

2) La ratification du CETA par les États membres est pourtant une nécessité pour l'entrée en vigueur de cet accord « mixte »

L'Union européenne dispose d'une compétence exclusive en matière de politique commerciale commune (article 3 du traité sur le fonctionnement de l'UE, hérité du traité de Rome de 1957). Cela signifie que dans ce domaine, « seule l'Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres ne pouvant le faire par eux-mêmes que s'ils sont habilités par l'Union, ou pour mettre en oeuvre les actes de l'Union » (article 2). L'article 207 de ce même traité définit le champ, large, de cette compétence exclusive en matière de commerce.

Les accords commerciaux relevant strictement de ce champ peuvent entrer en vigueur selon la procédure usuelle d'adoption des accords commerciaux définie à l'article 218, sans ratification par les États membres :

- mandat du Conseil de l'Union ;

- négociations par la Commission, en lien avec le Conseil ;

- approbation de l'accord par le Parlement européen ;

- décision du Conseil à la majorité qualifiée portant adoption de l'accord.

Cependant, les accords de commerce se sont progressivement enrichis de dispositions allant au-delà de la seule réduction des barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges de biens et services, à mesure qu'il devenait plus clair que les liens commerciaux dépendaient aussi de règles communes en matière de protection de la propriété intellectuelle, d'investissements, de marchés publics, de concurrence et de développement durable.

Or, certains de ces champs nouvellement contenus dans les accords commerciaux ne relèvent pas de la compétence exclusive de l'Union européenne, mais de la compétence partagée, ce qui oblige à une ratification par les parlements nationaux ou par référendum.

Ces accords commerciaux relèvent désormais, pour certains aspects, de la compétence partagée Union-États membres et, pour cette raison, sont appelés « accords mixtes ». En plus de la procédure formelle rappelée plus haut, ces accords doivent être ratifiés par les États (ce qui implique 43 parlements nationaux ou régionaux) au titre des mesures ne relevant pas de la compétence exclusive de l'UE en matière de politique commerciale. Toutefois, ce sont bien les accords dans leur intégralité qui font l'objet de la ratification, les dispositions non commerciales emportant en quelque sorte le reste de l'accord dans cette procédure.

La Cour de justice de l'Union européenne a en effet précisé la nature de ces accords dans une décision rendue en 2017 à propos de l'accord de libre-échange conclu avec Singapour en 201312(*). Dans le cas d'espèce, il avait été jugé que les investissements étrangers de portefeuille (autres que directs) et le règlement des différends entre investisseurs et États excédaient le champ de la compétence exclusive de l'Union.

Le CETA contenant un chapitre 8 sur la protection des investissements, la Commission européenne a dû proposer la conclusion de cet accord en tant qu'accord mixte.

Consciente des blocages politiques qui peuvent résulter du processus de ratification des accords mixtes, la Commission a plus récemment proposé, pour contourner leur faible acceptabilité politique, de scinder les accords entre ce qui relève stricto sensu des dispositions commerciales et le reste, le mettant par exemple en application à l'occasion de la modernisation de l'accord d'association avec le Chili en 202313(*). Cela a suscité des réactions et commentaires contrastés14(*) : si la lettre du TFUE était respectée, la question se pose en effet de savoir si toute une partie d'un accord plus global incluant des dispositions relevant de la compétence des États membres peut échapper à leur ratification.

B. Le Parlement contourné

1) En France, malgré les demandes répétées du Sénat, le projet de loi de ratification n'avait jusqu'ici toujours pas été discuté dans la chambre haute

En France, la Constitution prévoit que « le Président de la République négocie et ratifie les traités » (article 52), et que « les traités de commerce [...]ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi » (article 53).

Un projet de loi de deux articles, autorisant en son article 1er la ratification du CETA15(*), a été adopté à l'Assemblée le 23 juillet 2019, avec 53 voix d'écart, mais de nombreuses abstentions, dont 52 au sein du groupe de la majorité présidentielle16(*).

Le Sénat et en particulier la commission des affaires économiques ont demandé à plusieurs reprises l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de la chambre haute, par exemple :

- proposition de résolution n° 249 rect. en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA, de sénatrices et sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen ( ici),

- question au gouvernement du sénateur Laurent Duplomb (LR - Haute-Loire) ( ici) ;

- question écrite du sénateur Fabien Gay (CRCE-K - Seine-Saint-Denis) ( ici) ;

- recommandation n° 39 du rapport « Cinq plans pour la souveraineté économique » de Mmes Sophie Primas, Amel Gacquerre et Franck Montaugé, adopté par la commission des affaires économiques en 2022 ( ici).

Cela lui a été refusé par le Gouvernement, incertain quant à l'issue d'un vote dans cette assemblée, le gouvernement ne disposant pas de majorité au Sénat.

Il a fallu attendre près de cinq ans pour que ce soit finalement le cas. Le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K) a en effet décidé d'inscrire à l'ordre du jour de son espace réservé le présent projet de loi, qui fait donc enfin l'objet d'un vote au Sénat, en commission des affaires étrangères, le 13 mars 2024, puis en séance publique le 21 mars 2024.

2) Les conséquences d'un refus d'autoriser la ratification par le Parlement sont incertaines

Même en cas de refus d'un parlement national ou régional d'autoriser la ratification, par exemple en France via un rejet de l'autorisation de ratifier au Sénat puis à l'Assemblée nationale, il n'est pas clair que les gouvernements se sentent tenus de notifier cette incapacité de ratifier l'accord à la Commission européenne.

Le Conseil de l'UE, c'est-à-dire les gouvernements des États membres réunis, a certes estimé, dans la déclaration n° 20 du 27 octobre 201617(*), adoptée en parallèle de la signature du CETA, que « si la ratification du CETA échoue de façon définitive en raison d'une décision prononcée par une Cour constitutionnelle, ou à la suite de l'aboutissement d'un autre processus constitutionnel d'une notification officielle par le gouvernement de l'État concerné, l'application provisoire devra être et sera dénoncée ».

Pourtant, le refus de la ratification du CETA par le parlement chypriote, le 1er août 2020, n'a jamais été notifié par ce pays, qui figure encore dans la liste des États n'ayant pas ratifié l'accord, au même titre que ceux n'ayant jamais eu à se prononcer. Tout se passe donc comme si un rejet de ratification n'emportait aucune conséquence, si ce n'est de reporter la ratification à une date ultérieure. La représentation du Canada en France a d'ailleurs relativisé la portée de ce vote, estimant en audition que le parlement chypriote « ne s'était pas vraiment prononcé sur l'accord même » et le site touteleurope.fr précise que « le Parlement de Chypre pourrait voter à nouveau18(*) ».

Interrogée quant à la validité juridique de cette absence de notification dans le cas de Chypre, la Commission européenne a simplement indiqué que la Cour de justice de l'Union européenne n'avait pas eu à se prononcer à ce sujet. Elle ajoute qu'« il appartient à l'État membre concerné d'apprécier si l'absence de ratification est définitive et qu'il n'a plus l'intention de poursuivre la ratification de l'accord au niveau national ».

Ainsi, la Commission européenne semble reconnaître que les gouvernements se sont octroyé la liberté de notifier ou non le refus d'autoriser la ratification par les parlements nationaux, sans aucune consultation de ces derniers.

« Le vote négatif d'un Parlement national sur le CETA ne resterait pas sans effet »,
indique la Commission européenne - vraiment ?

À partir du moment où le processus de ratification du CETA dans un État membre de l'UE aboutit à un rejet du CETA et que l'État membre en question le notifie au Conseil, « l'application provisoire devra être et sera dénoncée ».

Ce qui veut dire que non seulement la partie du CETA qui concerne la protection des investissements étrangers, qui n'est pas appliquée aujourd'hui, ne le sera jamais, mais que la partie qui relève de la compétence européenne et qui est appliquée aujourd'hui de manière provisoire, à la suite du vote favorable du Conseil et du Parlement européen, tombera également.

En effet, c'est l'ensemble du CETA, en un seul bloc, qui est présenté à la ratification des États membres. L'application provisoire de la partie couverte par la compétence européenne n'existe qu'en attendant la ratification de l'accord par l'ensemble des parlements nationaux. Si celle-ci devient impossible, l'application provisoire cesse.

Pour être tout à fait complet, il faut noter que la déclaration du Conseil ne dit pas qu'un vote négatif d'un parlement national entraîne automatiquement la dénonciation de l'application provisoire par le Conseil.

Le Conseil doit pour cela être saisi formellement par l'État membre qui estime être dans l'incapacité définitive de ratifier le CETA. Cela ne préjuge pas de ce qui pourrait se passer après un vote négatif d'un parlement national, le Conseil ne s'immisce pas dans les affaires intérieures des États membres. La déclaration du Conseil spécifie par ailleurs qu'une fois saisi, celui-ci prendra les dispositions nécessaires à la dénonciation de l'application provisoire du CETA conformément aux procédures de l'UE.

Source : Commission européenne

La Commission est en revanche bien en revanche tenue, en cas de notification, de dénoncer l'application provisoire l'accord, qui cesse le cas échéant 6 mois après la notification de la dénonciation au Canada par l'Union européenne19(*) (et non pas 6 mois après la notification d'un État membre à la Commission).

Interrogée quant à l'opportunité ou non de maintenir le processus de ratification de l'Accord de partenariat stratégique dans le cas où l'application provisoire du CETA venait à être dénoncée, la Commission a cependant répondu « que 17 États membres ont déjà ratifié le CETA et qu'il est prématuré, à ce stade, de spéculer sur des scénarios alternatifs et hypothétiques », laissant voir combien cette option n'était pas sérieusement envisagée par l'exécutif européen.

3) L'atteinte à la souveraineté du législateur portée par le tribunal arbitral institué dans le cadre du CETA

Dans le cadre du CETA est institué un tribunal chargé du « règlement des différends relatifs aux investissements entre investisseurs et États20(*) ». Ce système juridictionnel des investissements (ICS), à mi-chemin entre l'arbitrage privé et la justice étatique, donne une voie d'action à des investisseurs canadiens dans l'UE contre les mesures des États membres, et inversement, en cas de réglementation contraire aux dispositions de l'accord.

Dans la suite de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne de 2018 jugeant le recours à l'arbitrage pour les litiges opposant un investisseur d'un État membre à un autre État incompatible avec le droit de l'UE21(*), la CJUE a en revanche affirmé la compatibilité avec le droit de l'UE de ce mécanisme de règlement des différends prévu par le CETA22(*).

Pour autant, nombre d'organisations non gouvernementales se sont inquiétées de ce que ce mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États ne crée une justice d'exception pour les investisseurs, en particulier ceux disposant d'importantes ressources financières et susceptibles de recourir à ce mécanisme.

En pratique, au même titre qu'un acte réglementaire, une loi pourra faire l'objet d'un recours s'il est jugé qu'elle remet en cause certaines dispositions de l'accord, y compris pour l'avenir. Cela constitue une atteinte directe à la souveraineté du législateur, justifiant d'autant plus la ratification du CETA par les parlements.

L'accord prévoit par ailleurs l'institution d'un forum de coopération réglementaire et de comités mixtes conjoints, dans le but de tendre à un alignement des législations entre le Canada et l'Union européenne.

C. Un accord de « nouvelle génération » déjà daté

1) Malgré les crises, l'agenda d'ouverture commerciale de la Commission européenne et des États membres a été réaffirmé

L'absence de ratification du CETA par dix États membres, sept ans après son entrée en application provisoire, n'a pas fondamentalement remis en cause l'agenda d'ouverture commerciale portée par la Commission européenne, sur mandat du Conseil de l'UE.

La nouvelle stratégie commerciale de l'Union européenne présentée par la Commission européenne en février 2021 témoigne simplement de sa volonté de renforcer, avec la mise en place d'un procureur commercial européen, « la mise en oeuvre des accords de commerce existants, [ce qui n'est] pas incompatible avec l'approfondissement du réseau d'accords de commerce de l'UE ».

Ainsi, plusieurs accords commerciaux de l'UE sont entrés en vigueur (Japon le 1er février 2019, Singapour le 21 novembre 2019, Vietnam le 1er août 2020...).

D'autres ont fait l'objet d'accords politiques voire d'une approbation par le Parlement européen, leur processus de ratification approchant de son terme (Nouvelle-Zélande, modernisation de l'accord avec le Chili, Mexique).

D'autres enfin sont en cours de négociation, mais paraissent plus lointains (Indonésie, Philippines, Inde).

En plus des difficultés de ratification du CETA, les négociations avec l'Australie, comme celles avec le Mercosur, ont achoppé sur les questions environnementales et de réciprocité des normes de production dans l'agriculture.

La liste exhaustive des accords en cours de négociation ne s'est pourtant pas réduite23(*), au contraire. La nouvelle approche de la Commission s'est en effet traduite par une recherche encore plus active de nouveaux partenaires commerciaux, à des fins de diversification des approvisionnements, notamment en matériaux critiques, cette approche semblant définitivement préférable, pour la Commission et les États membres, à un renforcement de l'auto-approvisionnement.

2) Après plusieurs années d'atermoiements, la donne a pourtant changé sur plusieurs sujets, rendant le CETA obsolète

Près de sept ans se sont écoulés depuis la signature du CETA, dont la négociation avait, du reste, débuté près de dix ans plus tôt. De tout ce temps qu'il a fallu pour négocier puis ratifier cet accord, il résulte un certain décalage entre le contenu du CETA et les enjeux de politiques publiques les plus actuels. Le CETA est un accord commercial « de nouvelle génération » paradoxalement déjà daté.

Or, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que l'accord est « à prendre ou à laisser », les projets de loi de ratification des conventions internationales n'étant pas susceptibles de comporter des réserves interprétatives, qu'elles soient introduites par amendement ou dans le texte initial24(*).

a) Le CETA comporte un risque pour notre trajectoire en matière d'atténuation du changement climatique

Le CETA a été négocié en majeure partie à un moment où l'enjeu climatique n'était pas aussi prégnant dans les négociations internationales, avant la conclusion de l'accord de Paris.

Il en résulte que, contrairement à l'accord commercial avec la Nouvelle-Zélande entré en vigueur en décembre 2023 ou à l'accord avec le Mercosur qui était en cours de négociation, le CETA n'est pas tenu de respecter l'accord de Paris sur le climat.

Il s'agit d'une illustration de plus du fait que l'UE est moins regardante en matière environnementale en dehors de ses frontières que sur son territoire.

Le volet environnemental du CETA est insuffisant comme le sont souvent les dispositions environnementales des accords commerciaux de l'UE de manière générale. En effet, une note du Cepii identifiait un nombre en moyenne certes plus élevé de clauses environnementales dans les accords conclus par l'UE, mais en moyenne moins contraignantes que celles incluses par les États-Unis dans leurs accords25(*).

Pis, comme le relève l'institut Veblen26(*), le rapport du 3e groupe de travail du GIEC, sur l'atténuation du changement climatique, pointe les risques liés aux mécanismes de règlement des différends analogues au système juridictionnel des investissements (ICS) pour la mise en oeuvre de la transition écologique. Selon ce rapport (p. 2433), « les accords d'investissement, qui sont souvent intégrés aux accords de libre-échange, cherchent à encourager le flux d'investissements étrangers par la protection des investissements. Si les accords internationaux d'investissement recèlent un potentiel d'augmentation des investissements à faible intensité de carbone dans les pays hôtes (Page, 2018), ces accords ont eu tendance à protéger les droits des investisseurs, limitant la latitude des pays hôtes dans l'adoption de politiques environnementales (Miles, 2019). De plus, les accords internationaux d'investissement peuvent entraîner une "frilosité réglementaire", qui peut conduire les pays à s'abstenir ou à retarder l'adoption de politiques d'atténuation, telles que l'élimination progressive des combustibles fossiles (Tienhaara, 2018). »

C'est pourquoi le gouvernement français a tenté d'imposer un « veto climatique » après la signature de l'accord entre la Commission européenne et le Canada. Elle s'est toutefois heurtée aux dispositions mêmes du CETA.

b) En matière de transition agroécologique

Le rapporteur note que les effets probables de l'accord entrent en contradiction frontale avec la transition agroécologique que la Commission européenne et les gouvernements successifs cherchent à imposer vaille que vaille en France et en Europe :

- doublement des importations d'engrais depuis le Canada alors que le Gouvernement souhaite réduire l'usage des fertilisants (article 268 de la loi climat-résilience, prévoyant d'instituer une redevance dans le cadre d'un plan Eco'Azot de réduction du recours aux engrais azotés) ;

- augmentation des importations de canola, une variété de colza, pour l'alimentation animale et les biocarburants, alors qu'il existe une stratégie nationale protéines végétales dont le but est de renforcer notre autonomie protéique ;

- mise en concurrence avec une agriculture autorisant la présence de variétés tolérantes aux herbicides dans l'alimentation animale, alors que dans le cadre de l'examen du règlement sur les nouvelles techniques génomiques au niveau européen, la France porte comme position l'autorisation des « NTG » uniquement dans un cadre durable ;

- importation de viande, et notamment de viande rouge, depuis le Canada, alors que le Gouvernement ne cesse en France d'appeler à en manger moins (menus végétariens dans la restauration collective publique) et en tout cas en importer moins (plan renforcé pour la souveraineté de l'élevage ;

- mise en concurrence de notre élevage avec les feedlots (immenses parcs d'engraissement) canadiens, alors que la directive sur les émissions industrielles (IED) tend à considérer comme « industriels » des élevages à partir de seuils d'animaux incomparablement plus bas, dès 150 unités de gros bétail (UGB) pour les bovins dans la proposition initiale de la Commission européenne ;

- en matière de bien-être animal, mise en concurrence de notre élevage et de notre système de transformation de proximité, avec un pays où la dispersion des abattoirs oblige à faire parcourir de longues distances aux animaux, au moment même où la Commission européenne propose d'abaisser les durées maximales du transport des animaux au sein de l'UE.

c) En matière de souveraineté alimentaire et de renouvellement des générations

Surtout, le CETA est entré en application provisoire avant les bouleversements intervenus sur le plan géopolitique, et en particulier avant l'invasion de l'Ukraine, « grenier à blé de l'Europe », par la Russie, en 2022. Alors que l'enjeu de la souveraineté alimentaire s'est imposé comme un thème majeur en Europe depuis 2022, la France s'apprêtant même à inscrire ce principe dans la loi (dans le projet de loi d'orientation sur la souveraineté agricole et le renouvellement des générations), le CETA n'est pas à jour sur cette question puisque seuls la volaille et les oeufs ont été exclus de l'accord.

Sans éliminer complètement les droits de douane pour les filières dites « sensibles », en pratique les filières agricoles, l'UE octroie aux Canadiens des quotas à droits de douane nuls, dans le cadre de l'accord pour :

· 100 000 tonnes de blé tendre ;

· 75 000 tonnes de porc ;

· 45 838 tonnes de boeuf ;

· 8 000 tonnes de maïs doux.

Bien que seulement une petite partie de ces contingents soient à ce jour utilisés par les Canadiens, ce sont autant d'hypothèques pour l'avenir de ces filières. Dans un contexte où le renouvellement des générations d'agriculture est en train de devenir l'enjeu majeur non seulement de l'agriculture française, mais de l'agriculture européenne, l'ajout de quotas supplémentaires à chaque accord commercial constitue en quelque sorte une épée de Damoclès pour notre agriculture.

II. Un impact macroéconomique négligeable, et des coûts d'ajustement disproportionnés pour la viande bovine

A. Une communication prématurée du Gouvernement attribue au CETA des bénéfices qu'il est impossible d'établir à ce jour

1) Une augmentation des exportations et du commerce bilatéral exprimée en valeur et donc artificiellement gonflée par l'inflation

Depuis 2017, année d'entrée en vigueur du CETA, les exportations françaises vers le Canada ont augmenté de 33 % en valeur (+ 1 Md€). Or, sur la seule période 2020-2023, l'inflation cumulée a été de 15,4 % en France27(*). La présentation du commerce bilatéral et des excédents commerciaux faite par le Gouvernement pour la période récente est donc trompeuse. Interrogée à ce sujet, la DG Trésor a indiqué ne pas être en mesure de calculer les échanges commerciaux hors inflation.

Au-delà de ce biais évident, les membres du Gouvernement tirent prétexte de l'augmentation faciale de nos exportations vers le Canada, statistiquement valable en valeur, pour attribuer au CETA des accords qu'il est pourtant impossible de lui attribuer rigoureusement.

Ce faisant, ils déploient une communication prématurée, imprudente, voire tout bonnement trompeuse, qui appelle trois observations supplémentaires.

2) Une légère dégradation du solde commercial avec le Canada depuis 2017, augurant d'une hausse anticipée des importations trois fois plus rapide que celle des exportations à horizon 2035

Le Gouvernement se garde bien de rappeler que les importations françaises depuis le Canada ont augmenté sur la même période de 35 % (+ 1,1 Md€), soit un montant plus élevé tant en valeur qu'en volume, que l'augmentation des exportations.

Au total, cette hausse des exportations aboutit à un effet neutre, voire légèrement négatif (- 48 M€) sur notre solde commercial avec ce pays, d'après les chiffres de la direction générale du Trésor. Sur la période, la France est passée d'un léger excédent (+ 25 M€ en 2017) à un léger déficit commercial (- 23 M€ en 2023) - non significatifs dans les deux sens en raison de variations qui peuvent intervenir annuellement, liées par exemple à d'importantes commandes aéronautiques.

Source : DG Trésor

Attaché à la rigueur factuelle et à la qualité du débat public, le rapporteur s'interdit à ce stade de déduire de ces chiffres une mauvaise opération commerciale pour la France.

Il relève cependant que cette quasi-neutralité de l'accord sur le solde commercial de la France avec le Canada s'observe alors même que le taux d'utilisation, par la France, des préférences commerciales accordées par le Canada, est de 63 % en 2022 (2e parmi les 6 principaux partenaires européens du Canada, devant la Belgique (61 %), les Pays-Bas (61 %), l'Espagne (52 %) et l'Allemagne (49 %)). Ce taux, qui a déjà rapidement progressé sur la période récente, semble désormais plafonner. Il semble donc que les exportateurs français vers le Canada tirent déjà la plus grande partie de ce qu'il leur est permis de tirer de l'accord.

Dans ce contexte, le rapporteur se montre très inquiet de la perspective d'une dégradation progressive de notre solde commercial à mesure que les quotas seront remplis par le Canada.

C'est d'autant plus vrai que dans son évaluation ex ante de l'accord en 201928(*), le Centre d'études prospectives et d'informations internationales indiquait « relever un plus fort accroissement relatif des exportations canadiennes vers l'UE (+ 30 %) que la réciproque (+ 20 %), en raison de la baisse absolue des protections plus importantes à destination de l'Union européenne » et, concernant la France, « un écart accentué par rapport à la moyenne des autres États membres », avec « une augmentation des importations en provenance du Canada (+ 40,4 %) plus forte que celle des exportations françaises vers le Canada (+ 13,74 %) ».

3) Une hausse des exportations vers le Canada s'expliquant en totalité par un effet de « détournement de trafic »

Même en mettant de côté la question du solde commercial pour se concentrer sur celle des exportations françaises vers le Canada, il faut replacer celle-ci dans le contexte plus global des exportations totales de la France. À supposer qu'un effet positif du CETA sur nos exportations vers le Canada puisse être mis en évidence, cela n'impliquerait pas nécessairement un effet positif global de nos exportations.

Il est en effet prévu que la hausse des exportations vers le Canada s'explique « en totalité » (Cepii) par un simple effet de « détournement de trafic » (« trade diversion » en anglais) : les exportations supplémentaires vers le Canada se substitueraient à des exportations préexistantes vers d'autres pays davantage qu'elles ne s'y ajouteraient, un phénomène bien documenté lors de la mise en oeuvre de tels accords commerciaux.

Pour seulement deux catégories de produits (« boissons et tabacs » et « produits laitiers »), la hausse des exportations vers le Canada « ne s'accompagne d'aucune diminution d'exportations vers les autres destinations » (Cepii).

Scénario sans CETA

Scénario avec CETA

4) Corrélation n'est pas causalité, ou pourquoi il est impossible d'attribuer au CETA ce qui peut relever d'une tendance générale ou de variables exogènes

À supposer que la hausse relative des échanges commerciaux bilatéraux franco-canadiens (34 %), à peine plus forte que celle des échanges commerciaux avec les autres pays (31 %), ne s'explique pas par un effet de détournement de trafic, encore faudrait-il s'assurer qu'elle provienne bien des facilités offertes par le CETA en lui-même.

Or, la direction générale du Trésor rappelle qu'aucune étude ex post de l'impact macro- et micro-économique de l'AECG n'a encore été réalisée à ce jour, la Commission européenne ayant seulement conclu un marché public à cette fin en décembre 202329(*).

Une telle étude consisterait à distinguer ce qui relève d'un effet propre à l'AECG d'une évolution « spontanée » au regard de la dynamique générale de notre commerce extérieur.

Elle nécessiterait par ailleurs de « contrôler » l'effet de chocs exogènes (pandémie de Covid-1930(*), invasion de l'Ukraine par la Russie, guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine...) ou endogènes (changements de politique économique en France depuis 2017), qui peuvent constituer autant de « variables cachées ».

Sans cet effort de distinction, il est impossible de déduire d'une corrélation (« les échanges bilatéraux ont augmenté depuis 2017, date d'entrée en vigueur du CETA ») une causalité (« les échanges bilatéraux ont augmenté depuis 2017 en raison de l'entrée en vigueur du CETA »).

En attendant les résultats d'une telle étude, il est impossible d'attribuer rigoureusement à l'AECG quelque évolution que ce soit, tant positive que négative, en matière de flux commerciaux, et il serait encore plus spéculatif d'avancer des conséquences en termes d'activité ou d'emplois induits.

Aussi, les éventuels bénéfices de l'accord ne peuvent être que présumés. Cela commanderait plus de prudence dans les expressions publiques des membres du Gouvernement.

B. Un impact macroéconomique négligeable à horizon 2035

1) Et pour quatre dollars (par an et par Européen) de plus...

En l'absence d'étude ex post, le rapporteur est contraint de s'appuyer sur les données les plus récentes de la science, et en particulier sur l'étude ex ante du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii) de 201931(*), financée par la DG Trésor.

Cette évaluation n'a certes pu tenir compte des événements géopolitiques intervenus depuis, mais, comme indiqué plus haut, aucune étude plus récente n'est disponible et, faute de mieux, cette étude, qui avait pris strictement les paramètres de la réforme inscrite dans les textes officiels, est la plus fiable.

Or, cette évaluation relevait d'abord « le faible des barrières douanières initiales », soulignant l'apport ajouté limité d'un accord comme le CETA par rapport au droit existant, compte tenu de l'intégration commerciale déjà importante entre l'UE et le Canada. À titre d'exemple, les droits de douane sur les biens industriels, qui étaient en moyenne de 2,3 % dans le sens UE-Canada et de 4,2 % dans le sens Canada-UE, ont été en quasi-totalité éliminés avec le CETA.

Elle rappelait ensuite que le commerce extérieur est fortement lié à la taille et à la proximité géographique des économies concernées par l'échange. Or, « le Canada avait en 2017 un PIB représentant 12 % de celui de l'UE 27 ». L'accord ouvre un marché considérable de 450 millions de consommateurs au Canada, et de 40 millions d'habitants seulement à l'Union européenne.

Dans ce contexte, l'étude indiquait que, malgré le niveau élevé du revenu/habitant au Canada, « les conséquences du CETA pour l'économie européenne sont nécessairement quantitativement limitées (0,02 % du PIB français et inférieurs à 0,01 % du PIB de l'UE, soit 12 $/an/Français et 4 $/an/Européen). Côté européen, il ne faut s'attendre globalement ni à des gains économiques importants, ni à des coûts d'ajustement importants. »

Source : Cepii, 2019

Le CETA ferait donc même perdre du terrain à l'UE par rapport au Canada puisqu'en revanche, côté canadien, le gain lié à l'accord serait de 313 $/an/Canadien. Ces chiffres montrent à quel point le CETA est un accord crucial pour le Canada, expliquant la mobilisation de la représentation de ce pays en France dans les jours précédant l'examen du projet de loi au Sénat, pour présenter les bénéfices liés à l'accord.

2) Une contribution à la diversification des approvisionnements toujours bonne à prendre, mais néanmoins marginale

Dans un contexte géopolitique mouvant, la diversification des approvisionnements est un objectif pour les deux parties au traité, qui constituent l'une pour l'autre des ensembles économiques solvables et stables.

Cette question a été érigée en priorité par la Commission européenne et les États membres à la suite des difficultés d'approvisionnement subies pendant la pandémie de Covid-19.

Cependant, elle paraît encore plus prégnante pour le Canada (12 % du PIB de l'UE), qui est extrêmement dépendant de son voisin américain et attentif aux éventuels changements politiques à la tête de cet État. L'économie canadienne est à la fois très extravertie (taux d'ouverture de 75 %) et complètement arrimée à celle des États-Unis. Selon l'état du commerce 2023 publié par les autorités canadiennes, 75 % des exportations canadiennes de biens (60 % de ses importations) et 54 % des exportations canadiennes de services (57 % de ses importations) sont destinées au marché américain32(*). Le Canada a été contraint de renégocier l'ALENA, sous la pression de l'ancien président des Etats-Unis, Donald Trump, et le changement de posture des États-Unis en matière commerciale semble avoir été confirmé par son successeur, Joe Biden.

À l'inverse, pour l'Union européenne, l'essentiel du commerce restant intra-européen (plus de 50 % du commerce pour presque tous les États membres), l'exposition à des mouvements imprévisibles de partenaires commerciaux paraît moindre, et ce malgré le coup d'arrêt des relations commerciales avec la Russie à la suite de l'invasion de l'Ukraine par ce pays et des sanctions prononcées à son encontre.

Surtout, comme évoqué plus haut, l'économie canadienne est de plus petite taille que l'économie française et ne représente que 12 % du PIB de l'Union européenne.

Certes toujours bonne à prendre, la contribution du CETA à la diversification de nos échanges restera donc, quoi qu'il en soit, relativement limitée.

3) Une contribution marginale à la sécurisation de l'accès aux matériaux critiques largement exagérée

Plus particulièrement, dans les derniers jours avant l'examen du projet de loi au Sénat, l'argument selon lequel l'Union européenne aurait un besoin impérieux de ratifier l'accord avec le Canada pour s'approvisionner en matériaux critiques nécessaires à la transition énergétique a été plusieurs fois évoqué.

Le rapporteur observe que la transition énergétique fait simplement passer l'UE d'une dépendance à une autre, celle aux matériaux critiques prenant la place de celle aux hydrocarbures. En effet, l'électrification des usages et la nécessité de réduire la dépendance à la Chine, acteur concentrant l'essentiel des réserves et du traitement des matériaux critiques entrant notamment dans la fabrication des batteries, incitent l'Union européenne à diversifier autant que possible ses fournisseurs en ces matériaux critiques, le recyclage n'étant pas encore suffisamment développé.

C'est l'une des raisons pour lesquelles l'accord commercial avec le Vietnam a été conclu, celui avec le Chili modernisé, et pour lesquelles les accords avec le Mercosur (qui comprend l'Argentine et depuis peu la Bolivie) ou encore avec l'Australie sont si ardemment recherchés par la Commission.

Selon la DG Trésor, le Canada « est identifié comme un partenaire incontournable, avec 15 des 30 minéraux et métaux considérés comme critiques pour l'économie européenne ». Elle rappelle que « le Dialogue sur les matières premières, institué par le CETA (article 25.4 de l'accord) supervise la mise en oeuvre d'un Partenariat stratégique UE-Canada sur les matières premières critiques depuis juin 2021, qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie européenne de résilience. » L'ambassade du Canada en France indique également que le CETA « contribue très positivement à la sécurité économique de l'UE », et présente volontiers ses réserves dans les principaux matériaux critiques comme d'intérêt stratégique majeur pour ses partenaires européens.

En réalité, l'enjeu semble largement exagéré, les réserves et la production du Canada étant plus faibles que ce qui est généralement avancé. La présentation de la DG Trésor est trompeuse puisque selon l'étude de référence en la matière, celle de l'Institut d'études géologiques des Etats-Unis33(*), parmi les 17 matériaux « stratégiques » sur 34 matériaux « critiques » listés dans le règlement sur les matériaux critiques34(*), le Canada dispose par exemple :

· certes de 17,4 % de la production mondiale et 14,6 % de minéraux de titane, qui servent à fabriquer des éponges de titane (mais production et réserves non significatives pour ces éponges) ;

· mais seulement de 5 % de la production mondiale et 1,7 % des réserves mondiales de nickel ;

· de 4,3 % de la production mondiale (et réserves non significatives) d'aluminium ;

· de 1,9 % de la production mondiale et 3,3 % des réserves mondiales de lithium ;

· de 1,1 % de la production mondiale raffinée et 0,8 % des réserves mondiales de cuivre ;

· de 0,9 % de la production mondiale et 2,1 % des réserves mondiales de cobalt ;

· de 0,2 % de la production mondiale et 2 % des réserves mondiales de graphite ;

· enfin, et surtout, la production canadienne en terres rares est non significative et ne représente que 0,8 % des réserves mondiales. C'est 53 fois moins que la Chine, 27 fois moins que le Vietnam, 25 fois moins que le Brésil.

Pour l'ensemble de ces matériaux critiques, les ressources et la production canadiennes existent, mais ne semblent pouvoir constituer qu'un appoint. Au reste, ce pays ne figure pas dans la liste des principaux fournisseurs de matières premières critiques de l'UE sur le site du Conseil35(*), à l'appui de la législation européenne sur les matières premières critiques (cf. infographie ci-dessous) :

Il convient en outre de souligner que la France a signé en septembre 2023 un dialogue stratégique avec l'Australie sur les matières critiques, de la même façon qu'elle l'a fait avec le Canada au même moment36(*) : elle n'a pas semblé empêchée, pour ce faire, par l'absence d'accord commercial avec l'Australie.

C. De faibles gains sectoriels en moyenne, et d'importantes réallocations sectorielles à prévoir dans les filières « sensibles »

1) Des gains de valeur ajoutée principalement concentrés sur le secteur secondaire à long terme

L'impact macroéconomique très modéré du CETA n'empêche pas qu'« au niveau individuel des États membres, ou au niveau sectoriel, les impacts [puissent] être concentrés », comme il est rappelé dans l'étude précitée du Cepii. Le centre de recherche indique dans son évaluation que « les impacts sont faibles et que le secteur secondaire est le principal bénéficiaire », prévoyant à horizon 2035 des gains de valeur ajoutée pour certains secteurs, dont les trois principaux sont, par ordre de gain relatif, le textile (+ 0,44 %), la chimie (+ 0,21 %), et les « autres produits manufacturés » (+ 0,17 %) (cf. graphique ci-dessous).

Source : Cepii

De fait, d'après les statistiques du commerce extérieur de la direction des douanes, ces secteurs exportent déjà plus depuis 2017, témoignant d'une dynamique sectorielle a priori favorable pour ces secteurs qui faisaient face à des pics tarifaires de la part du Canada (droits de douane plus élevés que dans les autres secteurs) :

· textile et chaussures (+ 142 %) - les droits de douane sur ces produits étaient de 16 à 18 % avant l'accord, et l'économie tarifaire permise par celui-ci a été de 3 M€ ;

· produits sidérurgiques (+ 106 %) - les droits de douane sur ces produits étaient de 8 à 9 % ;

· produits chimiques et cosmétiques (+ 46 %) - les droits de douane sur ces produits étaient de 6,5 % avant l'accord, et l'économie tarifaire permise par celui-ci a été de 19 M€ ;

· produits pharmaceutiques (+ 20 %).

Selon la DG Trésor, l'abaissement des droits de douane permet des gains en soi (économies tarifaires), et par ailleurs « accroît la compétitivité des produits français sur le marché canadien, soutenant ainsi les exportations ». Il permet également en théorie des gains d'efficacité sur la chaîne de valeur et des réallocations vers les activités les plus productives.

Il convient cependant de rappeler que ces chiffres, exprimés en valeur, sont gonflés artificiellement en raison de la forte inflation sur cette période (cf. II.A.).

Par ailleurs, la DG Trésor n'a communiqué, pour ces secteurs, ni le niveau des exportations avant 2017, ni l'évolution des importations depuis lors. Or, l'évaluation conduite par le Cepii en 2019 explique une partie des gains en valeur ajoutée du secteur industriel par une augmentation des importations de consommations intermédiaires, diminuant les coûts de production de ce secteur.

2) Pour les filières agricoles, dites « sensibles », le CETA aurait un effet contrasté, faisant peser une menace disproportionnée sur la viande bovine

Les secteurs agricole et agroalimentaire comptent pour environ un cinquième des exportations françaises vers le Canada. Pour ces secteurs, l'excédent commercial a augmenté de 382 M€ entre 2017 et 2023 (passant de 196 M€ à 578 M€ sur la période). Cela s'explique notamment à hauteur de 118 M€ par les boissons (notamment vins et spiritueux), de 22 M€ par les produits laitiers et de 14 M€ par les autres produits transformés.

Ce progrès est en apparence marqué, mais ne représente qu'un cinquième de la hausse des exportations totales de la France depuis 2017, soit une évolution conforme à la place de ce secteur dans nos exportations, et donc identique à celle des autres secteurs.

Il vient de ce que les quotas octroyés par le Canada à la France sont proches du plafond (fromage, 96 %), ne laissant pas entrevoir de progrès dans ces secteurs protégés, alors qu'à l'inverse, le Canada exploite encore très mal les quotas que la France et l'Union européenne lui ont accordés dans le cadre du CETA (par exemple sur la viande bovine (2 %) et porcine (1 %)). Par ailleurs, pour les exportations vers le Canada hors quotas (par exemple, bovin), les productions européennes ne sont pas compétitives, compte tenu des différences de modèles d'élevage.

a) Pour les vins et spiritueux, un accord notamment intéressant pour surmonter les barrières tarifaires et non tarifaires des provinces

Les boissons sont l'un des très rares secteurs pour lesquels est attendue une augmentation nette des flux commerciaux échangés (essentiellement ans le sens des exportations), au-delà d'un simple effet de détournement de trafic.

Depuis 2017 et l'entrée en vigueur du CETA, l'excédent commercial de l'Union européenne avec le Canada en matière de boissons (principalement les vins et spiritueux) est passé de 475 M€ à 591 M€ (+ 118 M€). Pour la France, le Canada est passé de 8e à 7e client s'agissant des vins et spiritueux entre 2017 et 2023.

Si 500 indications géographiques (IG) étaient déjà protégées par un accord UE-Canada de 2003 sur ce sujet, le CETA apporte des garanties supplémentaires en intégrant cet accord et en permettant aux exportateurs de saisir un mécanisme de règlement des différends. Il donne la possibilité de faire reconnaître des IG supplémentaires.

Certaines barrières discriminatoires ont en outre pu être levées, notamment la suppression d'une exonération de droit d'accise s'appliquant aux seuls vins canadiens, dans le cadre du comité spécialisé sur les vins et spiritueux institué par l'accord. La mention « méthode champenoise », utilisée de façon ambiguë, a pu être écartée dans ce cadre. L'accord fournit un cadre institutionnel pour un dialogue technique avec les 10 provinces et 3 territoires fédéraux canadiens, qui constituent historiquement autant de marchés distincts, organisés autour d'un monopole provincial. De nombreux freins subsistent en la matière.

L'accord permet par ailleurs un abaissement des droits de douane, qui étaient de 10 % avant 2017. Or, la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) rappelle que les vins tranquilles exportés sont, toutes choses égales par ailleurs, mieux valorisés que les vins tranquilles vendus et consommés en France.

Le rapporteur relève toutefois avec inquiétude que l'excédent français en matière de vins et spiritueux, de 200 millions d'euros en 2022, a diminué de 40 millions d'euros en 2023. Cela s'expliquerait, selon la FEVS, par l'inflation qui a touché les consommateurs canadiens, les détournant de la gamme des produits européens et français. Il note que cela est l'un des rares points favorables de l'accord.

b) Pour la filière laitière, un accord favorable mais loin d'être le plus significatif en volume ou le plus stratégique

Dans le cadre du CETA, le Canada a reconnu la protection de 22 indications géographiques de fromages français, ce qui contribue à la valorisation de ces produits de qualité.

Il a surtout accordé à l'Union européenne de nouveaux contingents tarifaires, mis en place sur cinq ans, qui ont atteint 17 700 tonnes de fromage (dont 16 000 t de fromages affinés et 1 700 t de fromages industriels) en plus des contingents OMC (de 14 242 tonnes37(*)) précédemment accordés. Au total, ce sont donc 31 942 tonnes de fromage de l'Union européenne qui peuvent être exportés vers le Canada en franchise de droits ; au-delà, les droits de douane peuvent atteindre jusqu'à 227 % sur ce marché par ailleurs très protégé.

En 2023, le taux d'utilisation des contingents de l'AECG atteint 93 % pour les fromages de tous types et 83 % pour les fromages industriels, un niveau très satisfaisant.

Fromages

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Tous types

Ouvert

5 333

8 000

10 667

13 333

16 000

16 000

Utilisé

5 290

7 811

10 234

13 075

15 418

14 886

%

99,2 %

97,6 %

95,9 %

98,1 %

96,4 %

93 %

Industriels

Ouvert

567

850

1 133

1 417

1 700

1 700

Utilisé

403

660

876

1 321

687

1 407

%

71,1 %

77,6 %

77,3 %

93,2 %

40,4 %

83 %

Source : DG Trésor

Il faut relever toutefois que les règles d'attribution du CETA prévoient l'allocation de la moitié de ces contingents aux importateurs canadiens. La direction générale du Trésor souligne par ailleurs que « les modalités d'allocation de ces quotas demeurent sous-optimales », notamment lors des transferts de quotas entre opérateurs, une problématique soulevée auprès des autorités canadiennes dès 2019 et qui ne semble pas résolue depuis, malgré des discussions au sein des comités dédiés établis par l'accord.

Les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, qui avaient eux aussi contesté, respectivement en 2020 et 2022, les modalités d'allocations de quotas de fromages en franchise de droits (8 334 t pour les États-Unis et 14 500 t pour la Nouvelle-Zélande), ont pour leur part obtenu gain de cause en 2022 et en 202338(*).

Malgré ces difficultés rencontrées, la France, deuxième fournisseur européen du Canada en fromages derrière l'Italie, a nettement augmenté ses exportations de fromages vers le Canada en valeur : les exportations de fromages vers ce pays ont été de 55 millions d'euros en 2023, alors que le montant fluctuait entre 30 et 40 millions d'euros entre 2010 et 2017. Les fromages représentent plus de 90 % des produits laitiers français exportés vers le Canada en valeur, l'excédent commercial français en produits laitiers vis-à-vis du Canada est passé de 37 à 59 millions d'euros entre 2017 et 2023 (+ 22 M€). Selon le Cepii, cette évolution serait bien attribuable au CETA, et non liée à des détournements de flux vers d'autres pays.

Pour autant, selon la FNSEA, la progression de nos exportations a été « moindre que ce qui était espéré ». L'augmentation en valeur des exportations inclut en effet l'impact de l'inflation, qui a été très forte sur la période.

En volume, la France a exporté au total 6 540 tonnes de fromage vers le Canada en 2023 (+ 2 540 t en six ans), soit 0,55 % de la production fromagère française et 1 % des exportations fromagères françaises. C'est en réalité à peine plus que l'épaisseur du trait pour la ferme France.

Avec le recul, l'accord avec le Canada, bien que positif pour la filière laitière française, n'apparaît pas comme le plus stratégique pour la ferme France : des marchés comme les Philippines et l'Indonésie sur le plan offensif, en raison du nombre de consommateurs, et, sur le plan défensif, la concurrence actuelle de la Nouvelle-Zélande ou peut-être à venir de l'Inde, en lien avec le potentiel productif de ces pays, semblent davantage préoccuper le Cniel, l'interprofession laitière.

Source : FranceAgriMer

c) Le secteur de la viande bovine, sacrifié par l'accord

(1) Un impact négatif pour la viande deux à trois fois plus élevé que ce qui est habituellement constaté pour de tels accords de libre-échange

En apparence plus protégée que d'autres secteurs puisque considérée comme une « filière sensible » donnant lieu à l'octroi de quotas plutôt qu'à une libéralisation complète des échanges, la production de viande bovine a pourtant pris une place prépondérante dans le débat public relatif au CETA.

Cela s'explique d'une part parce que cette filière est devenue le symbole des distorsions de concurrence subies par nos agriculteurs (cf. partie III infra), mais aussi d'autre part parce que des données économiques objectives viennent attester le sentiment, largement partagé par les acteurs entendus, que la filière bovine française a été sacrifiée.

Ainsi, l'étude précitée du Cepii met en évidence une perte de valeur ajoutée pour le secteur de transformation de la filière viande rouge qui serait à horizon 2035, selon le directeur du Cepii, Antoine Bouët, entendu par le rapporteur, de l'ordre de deux à trois fois supérieur à ce qui est habituellement constaté pour un tel type d'accord.

Le graphique suivant permet cependant de mesurer cet impact complètement disproportionné sur la filière transformation de viande rouge (- 4,8 %) et, en conséquence, sur le bétail (- 1,71 %), comparé à celui sur les autres filières. Dans le même temps, aucun autre secteur ne connaît d'évolution relative de valeur ajoutée sectorielle supérieure à 0,5 %, que ce soit en sens positif ou négatif, ni en France, ni en Allemagne.

Si l'impact sur les revenus des producteurs (« bétail ») est amorti par le poids important des aides de la PAC, il est évident que « ce recul de la valeur ajoutée au niveau de la transformation impacte aussi l'élevage en amont. Ce recul de la valeur ajoutée se traduit par une baisse de la rémunération du foncier agricole, ainsi que du travail. » Or, à l'occasion des protestations récentes du monde agricole, il a été mis en évidence que les rémunérations les plus faibles en agriculture étaient concentrées dans la filière bovins viande (graphique ci-dessous).

Source : Vincent Chatellier pour Libération39(*)

(2) Les quotas accordés sont dès aujourd'hui une épée de Damoclès pour l'agriculture française et européenne

La représentation du Canada en France constate à ce stade que « les craintes initiales d'importations massives de viande, notamment de viande bovine, ne se sont jamais concrétisées (54 t en France et 1 450 t dans l'UE, soit 2 % des quotas accordés), les exportations de ce produit vers l'UE ayant même diminué depuis l'entrée en vigueur de l'accord (passant de 680 000 € en 2016 à 304 000 € en 2023) ». Elle répète que le contingent accordé aux exportateurs canadiens serait tellement faible qu'ils s'en détourneraient par manque d'intérêt.

Comme le rappelle la direction générale du Trésor, avant le CETA, le Canada avait accès à des contingents préférentiels s'élevant à 19 110 tonnes équivalent-carcasse (téc), dont :

- 4 160 téc exempts de droits au titre du contingent « panel hormones » ;

- et 14 950 téc, auxquels s'appliquaient 20 % de droits de douane au titre du contingent « Hilton » partagé avec les États-Unis.

L'accord prévoit 48 840 téc à droits de douane nuls dans le cadre du CETA, et fait ramène les droits de douane du contingent Hilton à zéro.

Au total, ce sont donc 67 950 téc de viande bovine canadienne qui pourraient être importées chaque année dans l'UE depuis le Canada, sans aucun droit de douane.

Par ailleurs, le Canada n'étant pas tenu de respecter l'équilibre carcasse dans ses quotas, il pourrait très bien n'exporter que des morceaux nobles comme l'aloyau, ce qui serait encore plus déstabilisateur pour la filière et ses revenus (16 % de la consommation de ce morceau au sein de l'UE selon Interbev).

Au mieux, on pourrait penser que l'Union européenne a fait le pari que les exportations de viande bovine et porcine canadienne continueront d'être dirigées principalement vers les États-Unis, et que leur hausse éventuelle sera complètement absorbée, par la facilité des exportations vers ces pays, par la croissance des marchés asiatiques, dupant en quelque sorte le Canada en lui accordant des droits virtuels dont il n'aurait pas l'usage.

Ce pari paraît réussi à très court terme, mais ne peut qu'être perdant à moyen terme, le Canada ne manquant pas lui-même d'insister sur sa volonté de diversification vis-à-vis de son voisin américain (vers lequel 80 % des exportations de boeuf sont orientées à ce jour). En outre, les marchés asiatiques, notamment le marché chinois, risquent à tout moment de se refermer pour des motifs géopolitiques, les autorités de ce pays masquant souvent des décisions de repli sous des prétextes sanitaires.

En réalité, avec ces quotas, le Canada s'est acheté par sécurité un « droit de tirage » pouvant être activé à tout moment, d'autant plus que le marché de la viande, très concentré dans ce pays, peut se réorienter rapidement en fonction des décisions prises par quelques acteurs (comme JBS et Cargill). Les demandes répétées du Canada en comité mixte conjoint SPS et à l'Efsa (sur la décontamination à l'acide peracétique) témoignent de l'intérêt porté par les exportateurs de ce pays au marché européen, contrairement à ce que prétend l'ambassade du Canada.

Or, les exemples de l'autorisation de la décontamination à l'acide lactique (2013) et à l'eau chaude recyclée (2014), de même que celui du relèvement de la limite maximale de résidu de glyphosate sur la lentille, donnent au rapporteur toutes les raisons de croire à un possible abaissement des normes européennes, à l'invitation du Canada, sur l'acide peracétique.

Pour autant, il ne faut pas s'y tromper : les producteurs canadiens de viande bovine n'ont pas un besoin impérieux de lever cette barrière sanitaire pour accéder au marché européen. C'est par facilité qu'ils se sont tournés vers les marchés asiatiques, non par contrainte : exporter vers l'Europe impose de consacrer un abattoir par demi-journée ou journée à cette destination, dans le cadre du programme « sans hormones ». Les contrôles, bien que défaillants (cf. III.C.), sont néanmoins sources de démarches administratives dont les exportateurs peuvent jusqu'ici facilement se passer en visant d'autres marchés.

Considérer que le Canada aurait négocié l'ouverture de quotas de viande bovine, secteur qu'elle savait sensible pour les Européens, sans n'y trouver aucun intérêt, serait faire injure à l'intelligence et aux qualités de négociation des Canadiens. La Commission européenne se réfère au taux de remplissage des quotas et au taux d'utilisation des préférences commerciales pour évaluer le succès d'un accord ; il n'y a pas de raison de penser que le Canada ne suit pas les mêmes indicateurs.

En tout état de cause, cette interprétation est plus crédible que celle selon laquelle le Canada aurait négocié un quota de toute façon inatteignable, ou si faible qu'il n'intéresserait pas ses propres producteurs.

À l'échelle de l'UE, en incluant le CETA, ce sont au total plus de 240 000 tonnes équivalent-carcasse qui pourraient entrer sans droits de douane au sein de l'UE selon la Fédération nationale bovine, et 200 000 tonnes supplémentaires pourraient s'y ajouter dans le cadre des accords en cours de négociation ou de ratification (Chili, Mexique, Nouvelle-Zélande, Mercosur, Australie). En prenant pour référence 1 bovin = 250 kg de viande, cela représenterait 1 760 000 bêtes. En France, la décapitalisation du cheptel bovin allaitant entre 2016 et 2022 a conduit à une diminution de 494 000 bêtes.

d) Une solidarité de l'aval avec l'amont agricole, et entre filières

Les syndicats les plus représentatifs du monde agricole, FNSEA et Jeunes agriculteurs, Coordination rurale et Confédération paysanne se sont à l'unanimité prononcés contre la ratification du CETA, en raison de son impact anticipé sur les filières « sensibles », notamment sur la production de viande bovine, et du manque de réciprocité de cet accord sur les normes de production agricole et alimentaire.

Cette position correspond à la défense de l'intérêt général, selon le rapporteur, qui est également producteur de lait, activité pourtant souvent présentée comme gagnante avec l'accord, mais qui appelle à resituer cet accord dans un ensemble plus vaste, et à ne pas diviser l'agriculture artificiellement entre perdants et gagnants.

En matière d'indications géographiques, des progrès seulement partiels

Avant le CETA, seules les dénominations de vins et spiritueux pouvaient bénéficier de la protection des indications géographiques au Canada, dans le cadre d'un accord dédié de 2003.

Le CETA protège 173 indications géographiques alimentaires européennes40(*) (hors vins et spiritueux), dont 42 désignations d'IG françaises (pour 30 IG en tant que telles), soit environ un dixième seulement des 1 500 IG européennes existantes.

Il permet également, sur demande, d'enregistrer des IG additionnelles au Canada, une démarche qui ne semble avoir abouti pour la France, depuis la conclusion de l'accord, que pour le rhum de la Martinique.

Le comité conjoint sur les indications géographiques a également permis de lever certaines discriminations sur ces produits sous IG, même si d'autres persistent.

Ainsi, il en appelle d'abord à la solidarité de l'aval avec l'amont pour garantir les revenus. L'audition du président du Cniel, également président de la Fédération nationale des producteurs de lait, a bien mis en évidence cette double réalité : favorable à l'accord en tant qu'industriel, Thierry Roquefeuil s'est dit également plus réservé en tant qu'éleveur.

Les producteurs de lait sont aussi, avec les vaches de réforme, des producteurs de viande ; ce qu'ils gagnent d'un côté, le marché pourrait leur reprendre de l'autre.

Par ailleurs, la DG Trésor n'estime « pas possible de quantifier précisément l'effet du CETA » sur la valorisation de la matière première agricole, bien que selon elle « il n'a pu avoir qu'un effet positif sur les prix payés au producteur ». Le Cepii a lui précisé que deux conditions étaient nécessaires à la répercussion de gains vers l'amont : a) que l'approvisionnement soit local ; b) que l'aval ne soit pas en situation de monopsone (auquel cas il capterait la totalité de ces gains). Il n'a pas été possible d'expertiser ces deux points.

Les gagnants d'un jour étant les perdants d'un autre, le rapporteur en appelle par ailleurs à un principe de solidarité entre les filières pour faire respecter des principes au profit de l'agriculture dans son ensemble.

Cela vaut par exemple pour la filière laitière, qui s'est opposée vigoureusement à l'accord commercial avec la Nouvelle-Zélande adopté en novembre 202341(*), et aujourd'hui satisfaite parce qu'elle vend 6 500 tonnes de fromage au Canada (soit 1 % des 650 000 tonnes qu'elle exporte chaque année).

Cela vaut également pour la filière vins et spiritueux, qui a certes enregistré un excédent de 160 millions d'euros avec le Canada en 2023. Pour resituer ces gains dans un contexte plus global, le rapporteur pour avis Laurent Duplomb juge utile de rappeler que, sur un seul produit (la tomate) importé d'un seul partenaire commercial (le Maroc) et sur une seule saison (2022-23 par rapport à 2021-22), les importations ont augmenté en valeur de plus de 168 millions d'euros42(*).

Le rapport appelle à considérer l'impact cumulé des accords de libre-échange sur le secteur agricole, et non à juger ceux-ci isolément, car ils mettent un oeuvre un même agenda d'ouverture des échanges, qui aura pour effet des réallocations sectorielles. Dans cette logique, une étude du centre commun de recherche de la Commission européenne, publiée en février 2024, s'intéresse à l'impact potentiel de dix accords de libre-échange récemment conclus ou en cours de négociation - excluant de ce fait le CETA, déjà appliqué de façon provisoire. Elle confirme des effets à horizon 2032 a priori favorables pour les boissons et le tabac, les produits laitiers et le porc, mais à une concurrence accrue pour le boeuf, la viande ovine, la volaille, le riz et le sucre.

Le rapporteur se demande pourquoi le Gouvernement présente depuis peu la part des exportations dans la production agricole française sous forme de calories (« deux tiers des calories que nous produisons sont exportées »), sinon pour tourner les chiffres à son avantage.

Ce chiffre revêt en effet une connotation « sécurité alimentaire » qu'il n'a pas, puisqu'il témoigne simplement de ce que la France exporte notamment du fromage et du vin, des denrées en effet caloriques. Il ne fait par ailleurs que révéler la dépendance de la France en matière de fruits et légumes.

La valeur économique des productions n'étant pas indexée sur les calories qu'elles contiennent, c'est bien aux prix, selon le rapporteur, qu'il faut se référer.

Ce dernier souhaite cependant rassurer le Gouvernement et par la même occasion les filières agricoles : avec CETA ou sans CETA, la France exportera toujours deux tiers des calories qu'elle produit. Par sa position sur ce traité, il aspire seulement à ce que l'agriculture française dans son ensemble se fasse un peu mieux respecter dans ses relations avec les pays tiers.

III. Plus qu'une simple affaire de flux commerciaux, c'est la réciprocité des normes qui est en jeu

A. Avant tout l'affaire d'un principe : cesser d'importer ce que nous nous interdisons de produire

1) Au-delà des normes minimales, la taille des exploitations canadiennes est sans commune mesure avec celles de la France et même de l'Europe

Le profil moyen observé des exploitations du Canada, et plus généralement des États ou régions avec lesquels il est envisagé de conclure des accords de libre-échange, semble assez éloigné du modèle français et européen d'exploitation familiale. Selon le rapporteur Laurent Duplomb, il s'agit même de modèles aux antipodes, et pas simplement de différences à la marge.

Le rapporteur observe pourtant que les Français ont une vision assez « québecoise » de l'agriculture canadienne. Il souhaite rappeler que la réalité de celle-ci, et notamment de l'élevage allaitant, ne se trouve pas au Québec, mais surtout dans le Grand Ouest, dans les « terres de la couronne », en particulier dans l'Alberta (70 %).

L'engraissement se fait dans d'immenses parcs de 30 000 places d'où la pâture disparaît rapidement en raison de la densité d'animaux - aussi, la ration alimentaire y est composée à 80 % de tourteaux de soja OGM. Une part significative de l'engraissement des bovins allaitants français se faisant dans la plaine du Pô en Italie, la comparaison semble plus équitable avec la taille des élevages dans ce pays : or, la majorité des bovins y sont dans des élevages de 100 à 500 places.

S'agissant des cultures, comme le rappelle Sophie Devienne, membre de la commission d'évaluation indépendante du CETA de 2017, « l'Alberta et le Saskatchewan concentrent 70 % de la superficie de grandes cultures du Canada, 80 % en blé, 83 % du canola, et 89 % des lentilles pour le seul Saskatchewan ». Or, « la superficie des exploitations y est de très grande taille », plus qu'ailleurs au Canada, comme le montre le tableau ci-dessous (pour rappel, en France, la superficie moyenne des exploitations est de 69 ha43(*)). Cela constitue un avantage économique pour le Canada, grâce à des rendements d'échelle, mais les services écosystémiques de surfaces aussi grandes pourraient être, à l'inverse, plus réduits.

Taille des exploitations

Exploitations de plus de 640 ha

Exploitations de plus de 225 ha

Surface moyenne / exploitation - blé

Surface moyenne / exploitation - canola

Surface moyenne / exploitation - lentilles

Alberta

28,5 %

51 %

247 ha

233 ha

337 ha

Saskatchewan

32 %

69 %

303 ha

333 ha

293 ha

Canada

20 %

36 %

187 ha

276 ha

296 ha

Source : Sophie Devienne

2) Si la société refuse une pratique dans ses lois, pourquoi devrait-elle l'accepter par le canal de l'échange ?

La question des distorsions de concurrence est, selon le rapporteur, le coeur du débat sur le CETA, a fortiori dans le contexte politique des protestations récentes du monde agricole dans toute l'Europe, soutenues par la presque totalité de la population.

Ce mouvement européen de protestation des agriculteurs n'a pas visé les accords de libre-échange en tant que tels, mais en ce qu'ils incarnent l'incohérence (« on marche sur la tête ») entre un agenda normatif de plus en plus ambitieux au sein du marché intérieur avec le Pacte vert et les défaillances des contrôles aux frontières, quand il ne faut pas tout bonnement déplorer l'absence de normes ou de contrôles sur les produits importés.

Pour le rapporteur, les concessions, les contorsions et les silences de la Commission européenne dans ses relations extérieures, y compris au travers du CETA, sont en complète contradiction avec l'approche qu'elle promeut au sein du marché intérieur avec le Pacte Vert, qui place la santé et l'environnement au-dessus de l'acte de production. Hypocrisie ou naïveté ?

Le rapporteur penche pour une naïveté coupable de la Commission européenne et des États membres, qui seraient des tigres avec nos agriculteurs et des agneaux avec ceux des autres pays, dans l'espoir de diffuser par son rayonnement leurs normes de production mieux-disantes par rapport au reste du monde.

Cependant, l'hypothèse de l'hypocrisie, qui consisterait à délocaliser les activités polluantes des pays développés vers les pays en développement44(*), autant de « havres de pollution », n'est pas à exclure.

Quoi qu'il en soit, Dani Rodrik, économiste à Harvard, pose, dans sa parabole sur le travail des enfants, une question toute simple : « Si la société refuse une pratique dans ses lois, pourquoi devrait-elle l'accepter par le canal de l'échange ? »

La parabole du travail des enfants au Honduras (Dani Rodrik, économiste à Harvard)

La parabole suivante met en évidence des conséquences qui, à mesure qu'elles apparaîtront, devraient déranger même les économistes.

Considérons le cas d'une entreprise américaine qui licencie certains de ses employés aux États-Unis et qui passe un contrat de sous-traitance avec une société au Honduras. Imaginons que l'entreprise au Honduras exploite des enfants qui y travaillent dans des conditions risquées et insalubres. La politique commerciale américaine doit-elle se préoccuper de ce type de situation ? La réponse des économistes spécialisés dans le commerce international est, en gros, négative. Considérons maintenant un autre scénario fonctionnellement équivalent à ce scénario de délocalisation. Imaginons que l'employeur américain fasse venir les enfants ouvriers du Honduras et les emploie comme travailleurs immigrés temporaires en les exploitant dans les mêmes conditions qu'au Honduras. En pratique, les conséquences sont les mêmes que dans la première version de la parabole, que ce soit pour les employeurs, les enfants du Honduras ou les ouvriers américains qu'ils remplacent. La seule différence est que ce second scénario est contraire aux lois américaines protégeant les conditions de travail.

Un principe très largement accepté aux États-Unis, et que l'on retrouve dans la législation américaine du travail, veut qu'il soit injuste de faire baisser les revenus et le niveau de vie de travailleurs américains adultes en embauchant des enfants. Mais, comme le montre clairement la parabole, le commerce international et la délocalisation affaiblissent ce principe en le contournant.

On trouve beaucoup d'autres exemples de la façon dont le commerce international peut écorner des principes pourtant consacrés par la législation américaine du travail depuis les années 30. Les lois américaines ne permettent pas que des travailleurs américains soient remplacés par des compatriotes acceptant de travailler 12 heures par jour, de toucher moins que le revenu minimum ou d'être renvoyés s'ils adhèrent à un syndicat. Mais tout cela est désormais possible par le canal de l'échange : les entreprises peuvent embaucher des travailleurs étrangers qui acceptent ces conditions, à savoir, travailler 12 heures par jour, toucher moins que le revenu minimum ou être renvoyés s'ils adhèrent à un syndicat. Si la société refuse cela dans le premier cas, pourquoi devrait-elle l'accepter dans le second ?

Dani Rodrik, Le débat sur la mondialisation : leçons du passé, conférence prononcée à Washington le 15 avril 199845(*).

Or, l'Union européenne l'accepte aujourd'hui de trois façons : les normes absentes, les normes non appliquées et les normes abaissées.

B. Des normes absentes sur plusieurs sujets de préoccupation majeure des consommateurs et régulateurs français et européens

Si l'ensemble des biens qui sont importés doivent respecter les normes de commercialisation, les normes de production ne sont pas réglementées, sauf dispositions particulières.

Tout se passe comme si, aveuglée par son propre reflet dans le miroir, l'Union européenne en oubliait ses principes les plus chers dans ses échanges avec les pays tiers, laissant de ce fait de nombreux angles morts dans la régulation de ces échanges (normes absentes).

Le CETA néglige en effet de nombreux aspects réglementaires (autant en matière d'élevage qu'en matière phytosanitaire) qui, au mieux, sont renvoyés à la discussion des comités conjoints institués par l'accord et, au pire, ne sont simplement pas traités.

1) Les conditions de production en matière d'élevage

a) La présence de certaines protéines animales transformées (PAT) dans la ration alimentaire, ou quand les bovins mangent des bovins

Depuis la crise liée à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, dite crise « de la vache folle »), l'incorporation de « farines animales46(*) » dans la ration alimentaire des animaux d'élevage n'est plus autorisée au sein de l'Union européenne.

Le Canada a décidé d'une interdiction similaire en 1997, et en 2023 de l'interdiction de tous les « matériels à risque spécifié » (tissus nerveux, yeux, certaines glandes et intestin grêles, présentant un risque au regard de l'ESB), le pays n'ayant, comme l'Union européenne, pas été indemne de cette épizootie.

Les filières bovin viande et bovin allaitant, entendues par le rapporteur pour avis, ont évidemment confirmé ne pas souhaiter revenir en arrière sur cet acquis majeur en termes de sécurité sanitaire. Du reste, elles ne souhaitent pas non plus introduire de protéines animales transformées (PAT) dans l'alimentation des bovins, ce qui est aujourd'hui interdit.

D'autres filières (porc et volaille) font usage de protéines animales transformées en Europe depuis leur réautorisation - mais uniquement en inter-espèces, et en aucun cas en intra-espèces. Le « cannibalisme » des animaux d'élevage n'est pas admis au sein de l'Union européenne, pour des raisons avant tout éthiques.

Or, cette interdiction n'existe pas s'agissant des produits importés. Comme l'indiquait dans son rapport Jacques Maire, rapporteur de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sur le projet de loi autorisation la ratification de l'AECG et de l'APS : il est autorisé au Canada d'inclure dans la ration alimentaire des ruminants des protéines animales transformées (PAT) issues de ruminants, uniquement lorsqu'il s'agit « du lait ou des produits laitiers, de la gélatine provenant exclusivement du cuir ou de la peau et des produits de celle-ci, du sang et des produits sanguins, du gras fondu purifié et le cas échéant d'autres produits ayant subi un traitement approprié ». D'après le ministère de l'agriculture, cela « procure un avantage en termes de prix, le prix des PAT étant largement inférieur à celui des tourteaux de soja, par exemple ».

L'absence de clause miroir en la matière pourrait s'expliquer par la difficulté à démontrer scientifiquement devant l'OMC le risque sanitaire associé à ces PAT, à la différence du risque associé aux « farines animales » au sens strict, connu depuis longtemps47(*).

Mais la véritable raison, révélée par Maxime Vaudano, journaliste au Monde48(*), est malheureusement plus inquiétante : les services vétérinaires français n'avaient pas conscience que les farines de sang ou la gélatine issues de ruminants pouvaient entrer dans l'alimentation animale des ruminants au Canada, ce que l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a dû préciser49(*). Le rapporteur de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Jacques Maire, avait dû publiquement revenir sur ses propos, admettant finalement la réalité de ces allégations, alors que le Gouvernement les avait niées (« Non, il n'est pas possible que des ruminants arrivent dans l'UE après avoir été nourris par des farines de ruminants au Canada »), accusant ses tenants de propager des « fake news ».

Les débats sur la présence de protéines animales transformées dans la ration alimentaire des bovins

M. Jacques Maire, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Je vais essayer, avec beaucoup de modestie, de revenir aux faits, afin que nous ayons tous le même niveau de connaissances, le même niveau de précision que dans notre rapport - lequel a été élaboré très précautionneusement avec l'appui de l'administration.

Je dois l'avouer, le sujet est assez complexe pour que nous ayons pris la précaution d'y revenir à plusieurs reprises. Il est en outre très technique, et une confusion dans l'emploi des termes peut conduire à troubler le débat. Vous comme nous en avons été victimes.

M. Fabrice Brun

C'est un premier mea culpa.

M. Jacques Maire, rapporteur

Il existe ainsi une petite confusion sur ce que l'on appelle norme opposable. En effet, les normes européennes ne sont pas tout à fait les mêmes pour ce qui est produit et ce qui est importé. Les règles européennes applicables aux produits importés n'ont, évidemment, pas changé avec le CETA ; mais, elles ne sont pas identiques à celles qui s'imposent à la production locale.

[...]

M. Jacques Maire, rapporteur

Le Canada interdit également, depuis 1997, les protéines animales transformées issues de ruminants, à l'exception - et c'est sur ce point que la confusion a régné pendant plusieurs jours - du lait, des produits laitiers, de la gélatine provenant exclusivement du cuir ou de la peau et des produits de celle-ci, du sang et des produits sanguins et du gras fondu purifié.

Extrait du compte rendu des débats en séance publique à l'Assemblée nationale
(deuxième séance du mercredi 17 juillet 201950(*))

Une page officielle du Gouvernement français51(*) justifie encore l'utilisation des protéines animales transformées au Canada dans la ration des bovins au nom de l'absence de risque sanitaire, faisant complètement abstraction des attentes sociétales en la matière.

b) Les règles relatives au transport des animaux

Le texte du CETA ne contient pas de clause spécifique au bien-être des animaux d'élevage. Il mentionne simplement un renforcement de la coopération entre autorités canadiennes et européennes en la matière, dans le cadre d'un forum de coopération réglementaire se réunissant chaque année, et au sein duquel a été élaborée la déclaration commune UE-Canada très sommaire sur le sujet52(*).Le bilan de cette coopération est donc assez faible.

Les bovins canadiens conduits à l'abattoir pouvaient jusqu'à il y a peu rester 48 heures d'affilée dans un camion, sans aménagements. En effet, malgré l'immensité territoriale du Canada, la transformation de viande y est très concentrée : il existe 19 usines d'abattage de bovins dans tout le Canada. Les huit plus gros abattoirs concentrent 97 % de la transformation de boeuf au Canada, les quatre plus gros 91 %53(*) ; l'abattoir de JBS à Brooks et celui de Cargill à High River, dans l'Alberta, « transforment à eux seuls près des trois quarts du boeuf produit au Canada, soit plus de 8 000 bêtes par jour54(*) ».

En février 2019, le Canada a modifié les dispositions de son règlement sur la santé des animaux (RSA), traitant du transport d'animaux, un sujet prioritaire selon le ministère de l'agriculture français, s'agissant des relations avec les Canadiens. Depuis cette réglementation, « les intervalles maximaux permis (en heures) sans aliments, eau et repos » sont de 36 heures pour les bovins55(*).

Au sein de l'Union européenne, le règlement relatif à la protection des animaux pendant le transport56(*) définit (chapitre V de l'annexe I, ci-dessous) pour les animaux des espèces bovine, ovine, caprine et porcine, des durées de transport beaucoup plus réduites (14 h pour les bovins). Si la révision proposée par la Commission prospérait, cette durée serait même de 9 heures, ce qui maintiendrait des disparités aussi importantes qu'avant 2019.

2) L'autorisation au Canada de 41 substances actives interdites en Europe

Comme l'explique la Direction générale de l'alimentation (DGAL), « l'Union européenne et le Canada ont des approches différentes en matière de régulation des produits phytosanitaires. En effet, contrairement à l'Union européenne, le Canada a une approche semblable à celle des Etats-Unis, basée sur des preuves scientifiques étayées (approche dite « science based »). Aussi, le Canada fait-il régulièrement part de ses préoccupations quant à l'abaissement des limites maximum de résidus (LMR) européennes sur la base d'analyses de risque. »

De cette divergence d'approche, résulte une différence de traitement entre les agriculteurs européens et leurs concurrents canadiens, qui n'empêche pas que des échanges commerciaux aient lieu. Cette différence subsiste au travers dans la notion de limites maximales de résidus (LMR), seuils maximums de traces d'une substance active dans un produit importé.

Pour les produits sanitaires (vétérinaires), des limites maximales des produits sont fixées dans un règlement de 200957(*). Pour les produits phytosanitaires, « la France a effectué en mars 2021 un recensement des substances actives phytopharmaceutiques non approuvées dans l'UE, pour lesquelles des préoccupations sanitaires peuvent exister, et pour lesquelles des LMR supérieures à la limite de quantification sont établies et sont compatibles avec des usages phytosanitaires », qui a permis d'identifier 97 substances.

S'agissant du Canada, le rapport de la commission d'évaluation des effets environnementaux et sanitaires du CETA, publié en 2017, faisait état de 46 substances actives autorisées bien qu'interdites en Europe au sens large (UE et hors UE58(*)).

En 2023, 41 substances actives phytopharmaceutiques pour lesquelles des préoccupations sanitaires existent, approuvées au Canada, mais pas dans l'UE, restent néanmoins tolérées dans les produits importés si elles restent en dessous des limites maximales de résidus (LMR) fixées réglementairement. C'est par exemple le cas de l'atrazine, interdite dans l'UE en 2003.

Conditions d'usage au Canada de 41 substances actives interdites en Europe

Nom de la substance active

Produits/usages concernés

Type

Nombre de produits contenant la substance active

Acéphate

Poivrons, choux de Bruxelles, céleri, choux-fleurs, pommes de terre, soja sec, maïs, haricots, choux, canneberges, laitue, amélanches, lait

Insecticide

5

Amitraze

Pommes, rognons de porc, foie de bovin, rognons de bovin, foie de porc, poires, miel

Insecticide

4

Atrazine

Produits animaux, maïs, sorgho

Herbicide

13

Bifenthrine

Feuilles de thé séchées, pomme de terre, framboise, myrtille

Insecticide

3

Brodifacoum

 

Rodenticide

17

Bromacil

Usages non agricoles

Herbicide

6

Brométhaline

 

Rodenticide

19

Carbaryl

Usages agricoles et non agricoles, épices, canneberge

Insecticide

6

Chlorophacinone

 

Rodenticide

23

Chloropicrine

Fraise, bois de charpente

Insecticide, fongicide

7

Chlorthal-diméthyl

Végétaux, feuilles de navet, feuilles de moutarde

Herbicide

3

Clothianidine

Céréales, ail, oignon, tomates, poires, abricots

Insecticide

15

Diazinon

 

Pesticide, insecticide, acaricide et nématicide

8

Dichlobénil

Canneberges, bleuets en corymbe, framboises, bleuets nains

Herbicide

8

Dichlorprop

Lutte contre les adventices dicotylédones

Herbicide

7

Dichlorvos

Viande et sous-produits de viande, lait, denrées emballées non périssables, céréales, tomates, serres, étables, usages non agricoles

Insecticide

8

Diféthialone

 

Rodenticide

12

Dinocap

Cultures fruitières et maraîchères

Insecticide et fongicide

 

Diphacinone

 

Rodenticide

35

Diphénylamine

Pommes

Fongicide et vermifuge

6

Oxyde d'éthylène

Fruits à coque, épices et fines herbes, thés et infusions

Insecticide

1

Ferbam

Arbres fruitiers, baies, raisins, légumes sous serres, forêts, cultures alimentaires sous serre et plein champ, plantes ornementales

Fongicide

3

Hexazinone

Produits animaux, lait, forêts, plantations d'arbres de Noël

Herbicide

6

Imazapyre

Sous-produits de viande, gras de viande, viande, oeufs, lait, graines, lentilles sèches, soja sec, huile de colza

Herbicide

12

Imidaclopride

Pommes de terre, betterave sucre, carottes, endives, poires, blé, cerises

Insecticide (nénonicotinoïde)

30

Linuron

 

Herbicide

5

Pentachlorophénol

Bois, pâte à papier

Fongicide

3

P-dichlorobenzene

Textiles en fibres naturelles

Insecticide

4

Paraquat

Végétaux, maïs, oignons secs, cultures de fruits et de légumes, aveliniers, noisetiers, pommes de terre

Herbicide

3

Perméthrine

Produits animaux et végétaux

Insecticide (pyréthrinoïde)

378

Huile de pétrole

 

Herbicide

5

Phorate

Cultures vivrières, granules de pomme de terre, gommes de terre, flocons de pomme de terre

Insecticide (organophosphoré)

4

Propoxur

Usages non agricoles (moyens de transport, animaux de compagnie)

Insecticide

18

Quintozène/PCBB

Choux

Fongicide

2

Simazine

Produits végétaux, eau de boisson, algues, fruits, maïs, baies, brise-vent, plantes ornementales ligneuses et matériel de pépinières

Herbicide

5

Chlorate de sodium

Pas d'usage agricole homologué (agent de conservation pour les eaux de procédés industriels)

Herbicide

6

Terbacil

Asperges, myrtilles, fraises, framboises, menthe poivrée, menthe verte, pommiers, abricotiers, cerisiers, pêchers, poiriers, pruniers

Herbicide

2

Thiaméthoxame

Pommes de terre, betterave sucre, choux, endives, laitue, poires, abricot, orge

Insecticide (néonicotinoïde)

18

Oxyde de tributylétain

Traitement conservateur des bois

Fongicide et molluscicide

0

Trichlorfon

Plantations de sapin baumier, épinette et arbres de Noël, bovins de boucherie, vaches laitières non en lactation

Insecticide (organophosphoré)

0

Trifluraline

Végétaux, racines de carottes, plantes ornementales, brise-vent, cultures terrestres destinées à la consommation humaine ou animale, cultures d'oléagineux, cultures de plantes à fibres

Herbicide

18

Source : DGAL

Au-delà de cette donnée sur les interdictions complètes, des produits peuvent être autorisés en France ou en Europe avec des restrictions d'usage, alors que ce n'est pas nécessairement toujours le cas au Canada. Il serait difficile de toutes les recenser.

L'usage du glyphosate pour accélérer la maturité de la lentille

Un exemple significatif de ces différences d'usage est celui du glyphosate, utilisé pour le défanage jusqu'à quatre jours avant la récolte des lentilles pour en accélérer la maturation, une pratique interdite sur cette culture en Europe.

Or, en 2012, la limite maximale de résidus de l'UE sur le glyphosate dans la lentille a été multipliée par 100, de 0,1 à 10 microgrammes/kg59(*), alors qu'au Canada elle est encore de 4 microgrammes (et de 5 dans le codex alimentarius). Cette tolérance sur les importations permet aux Canadiens d'utiliser le glyphosate pour le défanage, les LMR constatées variant de 0,42 à 6,34 microgrammes.

Aujourd'hui, un tiers des lentilles consommées en Europe proviennent du Canada, sans droits de douane.

C. Des normes non appliquées : même quand des normes existent, encore faut-il qu'elles soient applicables et que les contrôles ne soient pas défaillants

La contradiction entre l'agenda normatif et les politiques publiques ambitieuses portées par la Commission européenne et les États membres d'une part, et les angles morts de la politique commerciale de l'Union d'autre part, est bien identifiée.

Toutefois, les solutions qui sont proposées pour la résoudre montrent également leurs limites. Il s'agit de la problématique des normes non appliquées, soit en raison d'un manque de volonté de la part des autorités nationales et européennes, soit par difficulté à les faire respecter.

Clauses miroirs et mesures miroirs

Clauses miroirs et mesures miroirs figuraient parmi les priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne au premier semestre 2022. Bien que les deux aient pour objet de réguler les échanges avec les pays tiers, les clauses miroirs sont à distinguer des mesures miroirs.

Comme le rappelait en effet en décembre 2023, devant la commission des affaires européennes du Sénat, l'ancien ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l'Attractivité et des Français de l'étranger, Olivier Becht, « d'une part, les clauses miroirs, qui permettent de poser des conditions à l'entrée des produits, sont inscrites dans les accords commerciaux. D'autre part, les mesures miroirs, inscrites dans la législation européenne, s'imposent également hors de nos accords commerciaux. Par exemple, pour des pays comme les États-Unis et la Chine, avec lesquels nous n'avons pas d'accord commercial, une mesure miroir s'applique quand même. On ne fait pas entrer dans l'Union européenne un produit qui ne respecterait pas nos normes sanitaires ou environnementales. »

Les mesures miroirs, générales, sont pour le rapporteur préférables aux clauses miroirs, propres à un accord, dès lors qu'elles étendent aux importations les obligations qui s'appliquent à la production en Europe. Elles renvoient à un principe de bon sens qui consiste à cesser d'importer tout ce que nous nous interdisons de produire, quels que soient les termes de l'échange agréés dans un accord avec tel ou tel partenaire commercial.

1) L'accord avec le Canada ne comporte pas de clause miroir sur l'élevage en feedlot

Quelles que soient les limites de ces outils de régulation de nos échanges avec les pays tiers, les mesures miroirs, valables quelle que soit la provenance des importations, sont toujours préférables au clauses miroirs, ces dernières répondant davantage à une logique « à la carte », soumise aux aléas de la négociation avec le pays tiers, ce qui ne garantit pas pleinement leur pertinence.

Pis, les clauses miroirs peuvent être instrumentalisées par le négociateur européen pour renforcer l'acceptabilité sociétale d'un accord commercial mixte soumis à la ratification des États membres, sans pour autant constituer une véritable protection des consommateurs en ce qui concerne leurs préoccupations sanitaires et des producteurs face à la concurrence déloyale.

Un exemple typique de cette duplicité des clauses miroirs est donné par l'accord commercial conclu avec la Nouvelle-Zélande à la toute fin de l'année 2023. Rien ne figure dans cet accord sur l'utilisation d'atrazine sur les cultures fourragères ou sur les règles relatives à l'identification animale.

En revanche, l'accord, qui octroie en effet à la Nouvelle-Zélande, sur sept ans, un quota supplémentaire de 10 000 tonnes équivalent carcasse de viande bovine à droits de douane réduits (7,5 %), n'y inclut que le boeuf élevé à l'herbe, et non le boeuf élevé en feedlot (« to product from animals that have been raised under New Zealand's pastoral farming conditions. For greater certainty, this does not include commercial feedlots60(*) »).

A contrario, l'accord commercial avec le Canada, conclu en 2016, ne comprenait aucune clause miroir relative à ce système d'engraissement pourtant très éloigné des pratiques européennes.

Comment expliquer cette différence ? Serait-ce simplement à mettre sur le compte d'une prise de conscience tardive des États membres et de la Commission européenne quant à la différence radicale des modèles d'élevage entre l'Europe et ses partenaires commerciaux ?

Plus vraisemblablement, selon le rapporteur pour avis, cette clause miroir relative aux feedlots est absente de l'accord avec le Canada, précisément parce qu'il s'agit de la modalité principale d'engraissement dans ce pays, et figure dans l'accord avec la Nouvelle-Zélande précisément parce que l'on n'y trouve... pas de feedlot.

Cet exemple est selon lui symptomatique de l'usage qui est fait de ces clauses miroirs par les exécutifs européens (Commission et États membres), pouvant communiquer à peu de frais sur de prétendus acquis environnementaux ou sanitaires d'un accord tout en ratant volontairement sa cible pour ne pas heurter les intérêts de nos partenaires commerciaux. En somme, c'est un « miroir aux alouettes » qui a pour seule fonction d'essayer d'acheter l'acceptabilité d'un accord ne correspondant aux attentes sociétales par ailleurs.

Une logique similaire semble avoir prévalu dans l'accord avec le Mercosur, qui contient une clause miroir sur le bien-être des poules pondeuses d'oeufs coquilles importés dans l'UE, passant à côté des enjeux les plus structurants de l'accord.

2) Les garanties qu'aucune viande de boeuf aux hormones ne soit exportée vers l'Union sont « compromises » par des « lacunes » des contrôles canadiens, selon la Commission européenne

La seule mesure miroir qui trouvait historiquement à s'appliquer dans le droit de l'Union européenne était relative à l'interdiction de viande d'animaux élevés aux hormones, conformément à ce que le Parlement européen avait alors souhaité.

L'interdiction de l'élevage aux hormones sur le territoire européen, prise au nom du principe de précaution pour prévenir des risques sanitaires liés à l'accumulation de ces substances dans l'organisme lors de la consommation humaine, a en effet été étendue par la directive 96/22/CE, confirmée à plusieurs reprises lors de consolidations ultérieures61(*).

Elle prévoit en son article 11.2 que « les États membres veillent à interdire l'importation en provenance des pays tiers figurant sur une des listes visées au paragraphe 1 : a) d'animaux d'exploitation ou d'aquaculture i) auxquels ont été administrés, par quelque moyen que ce soit, des produits ou substances visés à l'annexe II, liste A ; ii) auxquels ont été administrées des substances visées à l'annexe II, liste B, et à l'annexe III, sauf si cette administration respecte les dispositions et exigences prévues aux articles 4, 5 et 7 et si les délais d'attente admis dans les recommandations internationales sont respectés ; b) de viandes ou produits obtenus à partir des animaux dont l'importation est interdite conformément au point a). »

Preuve de son caractère opposable en droit, cette mesure miroir a été contestée par les Etats-Unis et le Canada - qui ont obtenu gain de cause en première instance puis en appel devant l'Organisation mondiale du commerce dans le cadre du « panel hormones ». L'Union européenne a gardé le droit de refuser l'importation sur son territoire de viande aux hormones, mais a été condamnée à octroyer un quota de boeuf à droits de douane réduits au Canada et aux États-Unis (contingent « Hilton »).

Alors que seulement une quarantaine d'élevages et quelques abattoirs opèrent dans le cadre du programme de viande bovine sans hormones dédiée à l'export vers l'UE, un premier audit mené en 2019 par la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne a identifié des défaillances dans le contrôle de ce programme, qui compromettent les garanties qu'aucun viande de boeuf aux hormones ne se retrouve dans les assiettes des consommateurs européens.

Or, en dépit d'une « mobilisation à haut niveau pour que le suivi de cet audit soit assuré de manière fine » (DG Trésor), deux courriers co-signés par le ministre de l'agriculture et le ministre délégué chargé du commerce extérieur ayant été adressés en août 2020 puis en juin 2021 à la Commission européenne, force est de constater que le dernier audit n'est guère plus rassurant.

Le second audit mené en septembre 2022 par les mêmes autorités, pour suivre la mise en oeuvre de sept mesures correctives demandées en 2019, se montre en effet encore plus sévère, une seule de ces mesures ayant été effectivement mise en oeuvre, tandis que persistent plusieurs défaillances dans la traçabilité des animaux - qui au Canada, se fait à l'entrée dans l'atelier d'engraissement, et pas à toutes les étapes de la vie de l'animal :

- une absence de double notification des mouvements (des exploitations expédiant et recevant des animaux) ;

- une absence de notification de tous les mouvements de bovins ;

- des lacunes/incohérences dans le système de traçabilité reposant sur la documentation papier ;

- de faibles performances des vétérinaires agréés responsables des contrôles officiels de la production primaire et la supervision de ces vétérinaires agréés) ne peuvent pas être considérées comme efficaces

- un système de supervision des vétérinaires agréés qui n'est pas en mesure de détecter les performances insatisfaisantes de ces derniers.

Jean-Luc Angot, chef du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire (ISPV) et membre de la commission d'évaluation indépendante de l'AECG de 2017, souligne notamment un risque déontologique, les certificats vétérinaires pouvant être attribués par des vétérinaires rémunérés par ailleurs par les éleveurs.

Il va jusqu'à affirmer que si les lacunes constatées dans l'audit avaient été constatées en sens inverse, nos partenaires commerciaux auraient immédiatement cessé les importations en provenance de l'Union européenne. L'exemple de l'arrêt des importations de porc par la Chine à la suite de la découverte de faux certificats quant à la présence de ractopamine dans la viande de porc produite au Québec, corrobore cette affirmation. Actuellement, les exportations avicoles françaises vers le Canada sont bloquées en raison de la vaccination contre l'influenza aviaire.

Or, alors que la Commission européenne constate qu'« en pratique, les lacunes relevées dans les contrôles et la supervision de ces contrôles compromettent les garanties que seule la viande provenant d'animaux non traités avec des facteurs de croissance entre dans la chaîne d'exportation vers l'UE », sa recommandation, purement tautologique, est que « seuls les établissements qui satisfont aux exigences de l'UE soient inclus dans la liste des établissements autorisés à exporter vers l'UE »...

Plus inquiétant encore, la Commission européenne et l'ambassade du Canada en France ont cherché à minimiser les conclusions de ces audits en audition, soulignant que des actions avaient été mises en oeuvre en 2019 et 2023, en s'abstenant de mentionner la critique qui en est faite par la DG Santé.

Témoignant de l'impuissance de l'Union à faire respecter une seule mesure miroir malgré un nombre très réduit d'établissements à inspecter, ces audits laissent craindre le pire quant au moment où les principaux acteurs de la transformation de viande au Canada s'inscriront dans le cadre du programme de viande « sans hormone », avec des volumes beaucoup plus importants.

3) La Commission procrastine pour appliquer la mesure miroir qui interdit l'importation de produits issus d'animaux nourris aux antibiotiques stimulateurs de croissance

La consommation d'antimicrobiens chez les animaux est trois fois supérieure à celle des humains. L'une des raisons de cet écart à travers le monde, y compris au Canada, est l'inclusion systématique d'antibiotiques dans la ration alimentaire des animaux, utilisés comme stimulateurs de croissance, qui vise à augmenter le gain moyen quotidien (GMQ) et donc la productivité des élevages voire dans certains cas à compenser de mauvaises conduites d'élevage.

Or, cette pratique est un facteur de risque d'antibiorésistance, un phénomène qui s'aggrave rapidement62(*) et susceptible d'emporter de graves conséquences pour la santé animale de même que pour la santé humaine à moyen terme (« une menace mondiale majeure, de plus en plus préoccupante pour la santé humaine, animale et environnementale, qui nécessite une attention mondiale », selon les autorités canadiennes63(*)). À ce titre, l'OMS la déconseille fortement64(*).

À ce titre, des plans ambitieux de réduction de l'usage des antibiotiques dans l'élevage (plans Ecoantibio, dont la troisième version court de 2023 à 2028) ont été mis en oeuvre en France, permettant avec succès de réduire de plus de 50 % l'exposition des animaux aux antibiotiques entre 2011 et 202265(*).

Surtout, l'administration d'antibiotiques comme activateurs de croissance a été interdite au sein de l'Union européenne à partir de 2006. Cette interdiction de longue date ne valait toutefois que pour les produits issus de l'élevage européen, ne s'appliquant pas aux produits animaux importés.

C'est pourquoi, à l'initiative du Parlement européen et contre l'avis de la Commission européenne, le règlement « médicaments vétérinaires66(*) » de 2018 inclut en son article 118 une mesure miroir, étendant le champ de l'interdiction aux animaux ou produits d'origine animale importés au sein de l'UE depuis des pays tiers.

Or, cette mesure miroir, censée entrer en application au plus tard au 1er janvier 2022, n'est toujours pas en place, pourtant plus de cinq ans après son adoption par les co-législateurs européens, la Commission européenne n'ayant pas pris les actes délégués nécessaires à son application.

Devant la procrastination de la Commission européenne, le Gouvernement avait fini par prendre un arrêté en 2020 pour appliquer la mesure - en pratique, cet arrêté n'était pas applicable, faute de conformité au droit de l'UE.

La Commission n'a finalement publié le règlement délégué que le 4 mai 202367(*), et il a fallu attendre février 2024, pendant le mouvement européen de protestation des agriculteurs, pour que la Commission européenne prenne le règlement d'exécution68(*).

La mesure ne sera applicable qu'en 2026, sur simple attestation sur l'honneur du vétérinaire, et sans contrôle dédié.

4) Malgré ces alertes, une baisse de la pression de contrôle organisée par le CETA

Bien que les contrôles documentaires soient systématiques sur les lots d'animaux et de produits animaux, le CETA prévoit que la pression de contrôle physique dans les postes d'inspection aux frontières passe de 20 à 10 %, en raison de la confiance mutuelle entre autorités canadiennes et européennes (intégration d'un accord vétérinaire de 1999 au CETA). Cette diminution de la pression de contrôle est d'ores et déjà effective, alors que toutes les garanties ne semblent pas établies.

Année

Fréquence de contrôle physique UE en %

Fréquence de contrôle physique FR en %

2023

11,56

10,07

2022

15,91

15,75

2021

15,67

17,40

2020

18,17

18,50

2019

19,96

18,05

2018

18,02

16,95

2017

20,02

19,83

Source : ministère de l'agriculture

En outre, comme le souligne le rapport de la commission d'évaluation indépendante sur le Mercosur s'agissant des contrôles sur les denrées importées en général : « le bilan des plans de surveillance et de contrôle français pour 2018 sur les produits importés dans l'UE par un poste d'inspection frontalier (PIF) met en évidence que : - aucune recherche de substances à effet hormonal n'a été réalisée ; - la recherche de bêta-agonistes et stéroïdes n'a été effectuée que pour la viande de cheval ; - la recherche d'antibiotiques n'a été réalisée que pour la viande d'agneau et de cheval ; - la recherche de protéines animales transformées n'a été effectuée que dans l'huile de poisson ; - la recherche de pesticides organochlorés et organophosphorés n'a été réalisée que sur les produits d'aquaculture et le miel. »

La DGDDI effectue des contrôles selon un plan d'action défini par l'Union européenne, en fonction des non-conformités relevées dans le passé au sein du marché intérieur. Aucun couple pays-produit concernant le Canada ne figure dans ce plan d'action.

Si 95 % des importations agricoles en provenance du Canada arrivent directement en France, 68 % des importations agroalimentaires transitent par d'autres États membres. Les autorités françaises manquent d'information sur la pression de contrôle exercée par les douanes de ces pays.

D. Des normes abaissées : en dépit de l'ambition affichée de convergence réglementaire, un lobbying assumé du Canada pour abaisser les exigences européennes

Pendant la négociation et depuis l'application du CETA, le Canada mène un lobbying assumé pour abaisser les exigences européennes, qui transparaît notamment de la lecture des comptes rendus des comités conjoints sanitaires. Or, la Commission européenne lui a cédé et continue de lui céder sur plusieurs points.

1) Les demandes du Canada relatives à la décontamination des carcasses témoignent d'une approche de la sécurité sanitaire différente de la nôtre

Tandis qu'en matière de sécurité sanitaire des aliments prévaut dans l'UE la méthode HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Point, ou système d'analyse des risques et de maîtrise des points critiques), qui implique une vigilance tout au long de la chaîne de production, la philosophie qui semble dominer au Canada, comme du reste aux États-Unis, est celle d'une décontamination des carcasses en fin de cycle de production pour solde de tout compte, comme si ce « nettoyage » final acquittait en quelque sorte les producteurs de leurs obligations sanitaires lors des étapes précédentes.

Si cette pratique de décontamination après l'abattage, justement destinée à réduire les risques microbiologiques, ne constitue pas nécessairement un problème sanitaire en soi69(*), elle est en tout cas révélatrice d'une approche foncièrement différente de la sécurité sanitaire.

Ainsi, l'utilisation de l'acide lactique pour réduire la contamination microbiologique de surface des carcasses de bovins, qui était interdite avant 2013, est autorisée au sein du marché intérieur depuis l'entrée en vigueur du règlement (UE) n° 101/2013 de la Commission70(*).

Un document officiel canadien du 18 octobre 2013 résumant les résultats importants de la négociation de l'AECG pour le Canada indique qu'« en ce qui concerne divers enjeux clés de SPS concernant les viandes rouges, le Canada a obtenu un échange parallèle de lettres. L'objectif principal du Canada consiste à voir à ce que des engagements soient pris pour faciliter le commerce des viandes rouges, particulièrement en faisant progresser la proposition pour l'acceptation de l'eau chaude recyclée comme technique de décontamination des carcasses dans l'UE (l'acide lactique a été approuvé en février 2013), et en faisant en sorte que le Canada et l'UE voient tous les deux à assurer que les deux parties s'engagent respectivement à mener les étapes nécessaires pour conclure la détermination des équivalences relativement aux viandes et aux produits de viande d'ici un an71(*). »

Comme le rappelait le rapport de la commission indépendante d'évaluation du CETA72(*), « l'UE a déjà autorisé par simple échange de lettres l'usage de l'acide lactique (décembre 2013) et de l'eau chaude recyclée (août 2015) pour décontaminer les carcasses, mesures considérées par certains comme une concession anticipée de l'UE dans les négociations, pouvant ouvrir la voie à l'autorisation d'autres substances. La réglementation canadienne autorise le rinçage et le traitement au chlore de la viande de boeuf et de poulet, interdits en Europe. Très récemment, en juin 2017, le Canada a indiqué souhaiter introduire une demande d'utilisation de l'acide citrique et de l'acide péroxyacétique. Si l'Europe accédait à de telles demandes, cela pourrait à terme remettre en question le modèle de sécurité sanitaire des aliments européen. »

De fait, le Canada a formulé en 2023 une demande d'autorisation de l'acide péroxyacétique au sein de l'UE, auprès de l'EFSA. L'autorité de sécurité des aliments dispose d'un an pour lui répondre.

La demande du Canada faite à l'EFSA pour autoriser l'acide peracétique
comme substance de décontamination pour les carcasses de boeuf

L'UE confirme que l'EFSA a reçu et évalué le dossier technique du Canada à l'appui de l'acide peroxyacétique (APA) en tant que substance de décontamination pour les carcasses de boeuf. L'EFSA dispose à présent de 12 mois pour finaliser son évaluation.

Le Canada garde l'espoir d'un résultat favorable de la part de l'EFSA.

Extrait du rapport conjoint du comité mixte de gestion des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l'AECG73(*)

2) Sur les produits médicamenteux vétérinaires, « des obligations moins restrictives sur le plan commercial »

Les contorsions de la Commission européenne sur la distorsion de concurrence
relative aux produits médicaux vétérinaires

Le Canada demande une mise à jour du calendrier de la dernière partie de la deuxième législation et des règles d'importation pour les pays tiers et d'envisager une période de transition qui reflète la réalité de la chaîne d'approvisionnement agricole.

L'UE rappelle au Canada que les obligations aux termes de l'article 118 et de la réglementation sur les produits médicaux vétérinaires (PMV) concernent les États membres et qu'elles devraient être moins restrictives sur le plan commercial afin d'équilibrer les règles en cause et les obligations à respecter.

L'UE mentionne ne pas être en mesure de fournir une date précise à laquelle la prochaine loi déléguée sur les règles d'importation sera communiquée, mais mentionne qu'elle disposait d'un site Web existant dédié comportant des renseignements supplémentaires qui pourraient être communiqués au Canada.

L'UE prévoit d'organiser une réunion avec ses principaux partenaires commerciaux afin de les tenir informés avant l'avis de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les règles d'importation pour les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS).

Extrait du rapport conjoint du comité mixte de gestion des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l'AECG, 25-27 octobre 2022 (Ottawa)74(*)

3) L'affirmation canadienne de sa souveraineté sur son usage des pesticides se heurte à celle de l'UE sur ses produits importés

Dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, le Canada a cosigné en 2019, avec plusieurs pays en développement, une communication critiquant l'abaissement) « unilatéral » des limites maximales de résidus (LMR) par l'Union européenne75(*).

Dans cette communication, les États signataires demandent à l'UE d'évaluer les substances actives par les risques et non plus par les dangers, et demandent l'octroi de périodes de grâce plus longues en cas de décision d'abaisser une LMR.

Ils indiquent avoir fait état de leurs « préoccupations dans le cadre du Comité des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et du Comité des obstacles techniques au commerce (OTC) au sujet de l'incidence trop restrictive de ces mesures sur le commerce des produits agricoles ».

Le rapporteur comprend les prises de position de la partie canadienne affirmant sa souveraineté sur son usage des produits phytosanitaires (également exprimées au sein du comité conjoint sur les produits phytosanitaires institué par le CETA, cf. encadré ci-dessous). Il se montre respectueux des choix souverains que ce pays effectue, tenant compte de ses particularités historiques et géographiques.

Il constate cependant la difficulté qu'il y a à s'engager dans un accord commercial avec un pays qui réaffirme aussi nettement sa souveraineté s'agissant de ses normes de production, tout en souhaitant exporter ses productions agricoles vers l'Union européenne, quand dans le même temps la Commission européenne est si peu regardante sur ces importations.

La position du Canada sur le renouvellement du glyphosate et l'abaissement des limites maximales de résidus (LMR) sur les néonicotinoïdes

« Le Canada se réjouit de la diffusion du document sur la politique de l'UE en matière de pesticides pour les dix prochaines années.

L'UE informe également que le projet d'acte juridique visant à renouveler le glyphosate dans l'UE sera présenté pour un vote au Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments (PAFF) pour animaux le 13 octobre 2023.

Le Canada accueille favorablement cette proposition réglementaire qui suit les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'approche scientifique. Cet élément est très important pour l'agriculture canadienne et le Canada suivra de très près le processus d'approbation.

Le Canada rappelle ses préoccupations de longue date concernant l'approche de l'UE fondée sur les risques pour la réglementation d'autres pesticides. Il exprime en particulier ses préoccupations concernant les modifications réglementaires liées à la réduction des limites maximales de résidus (LMR) pour deux néonicotinoïdes supplémentaires, étant donné qu'aucune évaluation scientifique n'a été réalisée et qu'aucune notification n'a été soumise par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

L'UE rappelle que ces mesures sont nécessaires pour respecter son engagement de tenir compte des aspects environnementaux lors de la prise de décision concernant les LMR et qu'il n'existe aucune autre solution qui serait moins restrictive sur le plan commercial et qui contribuerait de la même manière à garantir que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux consommés dans l'UE ne contribuent pas au déclin mondial des pollinisateurs, que le produit soit fabriqué dans l'UE ou importé de pays non membres de l'UE.

Le Canada propose que la Commission autorise les pays tiers à réglementer les pesticides dans leur pays souverain de la manière qu'ils jugent appropriée et adaptée à leur environnement local.

L'UE se déclare disposée à poursuivre la discussion sur les préoccupations particulières que le Canada pourrait avoir en ce qui concerne la fixation des limites maximales de résidus pour les pesticides et les tolérances à l'importation. »

Extrait du rapport conjoint du comité mixte de gestion des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l'AECG, 3-5 octobre 2023 (Bruxelles)76(*)

Le rapporteur s'étonne de ce que le compte rendu de cette réunion, qui a pourtant acté une différence d'approche significative aboutisse aux mesures de suivi suivantes : « L'UE enverra au Canada le document de référence sur la politique de l'UE en matière de pesticides. L'UE et le Canada organiseront un appel technique à la suite de discussions internes. »

En somme, après analyse des bénéfices et des risques liés au CETA pour la France et l'Union européenne, le rapporteur a dressé le constat que le compte n'y était pas, notamment pour quatre raisons : 1) le Parlement contourné lors de la procédure de ratification de l'accord, 2) une espérance de gains macroéconomiques très limitée, 3) une déstabilisation du secteur bovin disproportionnée, 4) et, surtout, la question non résolue des distorsions de concurrence sur les plans économique, environnemental et sanitaire.

En conséquence, la commission a proposé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un amendement tendant à supprimer l'article 1er.

Article 2
Autorisation de la ratification de l'accord de partenariat stratégique
entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part,
et le Canada, d'autre part

Cet article vise à autoriser la ratification de l'accord de partenariat stratégique (APS) entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part. Cet accord vise à approfondir le dialogue politique et la coopération entre l'UE et le Canada, et à renforcer leurs relations dans des domaines tels que les droits de l'homme, la paix et la sécurité internationales, le développement économique et durable, la justice, la liberté et la sécurité.

Comme la représentation du Canada en France l'a rappelé à juste titre, le CETA (accord économique et commercial global) et l'APS ont été négociés en parallèle. Les deux accords ont été signés le même jour, le 30 octobre 2016, et approuvés le même jour par le Parlement européen, le 15 février 2017.

Pour autant, si le Canada a clairement réaffirmé que « l'un ne va pas sans l'autre », le rapporteur pour avis Laurent Duplomb interprète davantage cette position comme une ultime tentative de « sauver » le CETA que comme un appel au Parlement à refuser la ratification de l'APS dans le cas où il aurait rejeté celle du CETA.

Ne se prononçant pas sur le fond de ce second accord pour préserver la clarté du message politique envoyé par le rejet du CETA, il souhaite toutefois, par égard pour notre allié et ami canadien, rappeler les liens indéfectibles, non seulement économiques, mais aussi culturels, politiques et sur le plan des valeurs, liant la France et l'Union européenne au Canada.

En ce sens, bien qu'à l'article 1er, la commission des affaires économiques ait proposé de ne pas autoriser la ratification du CETA, la commission a proposé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, l'adoption de l'article 2 sans modification, autorisant la ratification de l'Accord de partenariat stratégique, suivant l'avis du rapporteur Laurent Duplomb.

En parallèle de la négociation du CETA (Accord économique et commercial global entre le Canada et l'UE et ses États membres), a été négocié un Accord de partenariat stratégique (APS) entre les mêmes parties.

Signé par le Canada et l'Union européenne le 30 octobre 2016, soit le même jour que le CETA, approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017, soit également le même jour que le CETA, cet accord77(*) compte 34 articles répartis dans les sept titres suivants :

I. Fondement de la coopération ;

II. Droits de l'homme, libertés fondamentales, démocratie et État de droit ;

III. Paix et sécurité internationales et multilatéralisme efficace ;

IV. Développement économique et durable ;

V. Justice, liberté et sécurité ;

VI. Dialogue politique et mécanismes de consultation ;

VII. Dispositions finales.

Complétant les dispositions commerciales ou relatives à la protection des investissements du CETA, cet accord a pour objet d'approfondir le dialogue politique et la coopération entre l'UE et le Canada, et de renforcer leurs liens s'agissant de la défense des droits de l'homme, de la paix et de la sécurité internationales, du développement économique et durable, ou encore de la justice, de la liberté et de la sécurité. En somme, cet accord est censé contribuer à la structuration et à l'intensification de la relation bilatérale Canada-UE. L'article 27 prévoit la mise en place d'un comité ministériel mixte et d'un comité mixte de coopération, mécanismes de consultation qui se sont réunis plusieurs fois depuis.

En pratique, la plupart des articles consistent en des déclarations reconnaissant que tel ou tel phénomène constitue une menace sur la sécurité internationale (le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive...) ou une priorité d'action (utilisation durable des ressources, bonne gouvernance fiscale), puis en des engagements à adhérer pleinement aux conventions internationales sur chacun de ces sujets et à renforcer la coopération bilatérale en la matière, en particulier au sein des instances multilatérales. Selon les sujets, les articles fixent des obligations de moyens ou de résultats, les dispositions les plus contraignantes concernant la coopération en matière de prévention et de contrôle de la migration irrégulière (article 23) et la protection consulaire (article 24).

Bien que ses dispositions soient d'apparence plus déclaratoire que celles du CETA, l'Accord de partenariat stratégique est d'après la Commission européenne « un document juridiquement contraignant », l'article 28 de l'accord listant des cas d'urgence particulière (en cas de violation particulièrement grave et substantielle des obligations relatives aux droits de l'homme et à la non-prolifération), dans lesquels les parties « s'efforcent de tenir des consultations urgentes, à la demande d'une partie, pour procéder à des échanges de vues sur la situation et envisager les mesures éventuelles à prendre ». Dans ces cas d'urgence particulière, les conséquences peuvent aller jusqu'à la suspension de l'application de l'accord (sur simple décision du Canada dans un sens, à l'unanimité des États membres de l'autre) voire à la dénonciation du CETA (article 30.9 dudit accord).

L'Accord de partenariat stratégique doit à l'instar du CETA être ratifié par les parlements nationaux de chaque État membre avant d'entrer définitivement en vigueur, le caractère mixte de cet accord étant sans doute encore plus marqué que pour le CETA, en raison de son champ matériel, davantage « régalien », qui relève de la compétence partagée Union-États membres78(*).

Aussi, de la même manière que le CETA, mais dès le 1er avril 2017 (soit près de 6 mois avant cet autre accord, dont l'application a été retardée en raison de contentieux relatif aux modalités d'allocation des quotas sur les fromages importés par le Canada79(*)), une partie substantielle de l'Accord de partenariat stratégique est entrée en application à titre provisoire, une possibilité ouverte à l'article 30.2 dudit accord.

Parties de l'accord mises en oeuvre à titre provisoire,
mais uniquement dans la mesure où elles recouvrent des questions
relevant de la compétence de l'Union

(a) Titre I : Article 1er ;

(b) Titre II : Article 2 ;

(c) Titre III : L'article 4, paragraphe 1, l'article 5 et l'article 7, point b) ;

(d) Titre IV :

-- L'article 9, l'article 10, paragraphe 2, l'article 10, paragraphe 3, l'article 12, paragraphe 4, l'article 12, paragraphe 5, et l'article 12, paragraphe 10, ainsi que les articles 14, 15, 16 et 17 ;

-- L'article 12, paragraphe 6, l'article 12, paragraphe 7, l'article 12, paragraphe 8, l'article 12, paragraphe 9, et l'article 13, dans la mesure où ces dispositions sont limitées aux matières pour lesquelles l'Union a déjà exercé ses compétences en interne ;

(e) Titre V : Article 23, paragraphe 2 ;

(f) Titre VI : Articles 26, 27 et 28 ;

(g) Titre VII : Articles 29, 30, 31, 32, 33 et 34, dans la mesure où ces dispositions se limitent à assurer l'application provisoire de l'accord.

Source : réponse de la Commission européenne

À ce jour, trois États n'ont pas encore ratifié l'Accord de partenariat stratégique : l'Irlande, l'Italie et la France80(*), tandis que dix États n'ont pas notifié leur ratification de l'accord économique et commercial global (les mêmes ainsi que sept autres États : la Belgique, la Bulgarie, la Grèce, Chypre, la Hongrie, la Pologne et la Slovénie81(*)).

Cela illustre le fait que ces deux accords ne sont pas indissolublement liés, la ratification de l'un n'emportant pas nécessairement celle de l'autre, et inversement.

Alors que, de ce fait, la ratification des deux textes n'a pas nécessairement été proposée conjointement aux parlements nationaux, le choix a été fait en France de le faire dans un même véhicule législatif que le CETA, ce qui lie artificiellement ces deux accords, qui portent pourtant sur un champ matériel bien différent.

Comme la représentation du Canada en France l'a rappelé à juste titre, le CETA et l'APS ont été négociés en parallèle. Les deux accords ont été signés le même jour, le 30 octobre 2016, et ratifiés le même jour par le Parlement européen, le 15 février 2017.

Pour autant, si le Canada a clairement réaffirmé que « l'un ne va pas sans l'autre », le rapporteur pour avis Laurent Duplomb interprète davantage cette position comme une ultime tentative de « sauver » le CETA que comme un appel au Parlement à refuser la ratification de l'APS dans le cas où il aurait rejeté celle du CETA.

Ne se prononçant pas sur le fond de ce second accord82(*) pour préserver la clarté du message politique envoyé par le rejet du CETA, il souhaite toutefois autoriser sa ratification, par égard pour notre allié et ami canadien, pour souligner les liens indéfectibles, non seulement économiques, mais aussi culturels, politiques et sur le plan des valeurs, liant la France et l'Union européenne au Canada.

En ce sens, bien qu'à l'article 1er, la commission des affaires économiques ait proposé de ne pas autoriser la ratification du CETA, la commission a proposé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, l'adoption de l'article 2 sans modification, autorisant la ratification de l'APS, suivant l'avis du rapporteur Laurent Duplomb.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 12 mars 2024, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Laurent Duplomb sur le projet de loi n° 694 (2018-2019) autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, et de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis de M. Laurent Duplomb sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part, et de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Canada, d'autre part.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Bientôt sept ans après la mise en oeuvre « provisoire » de l'intégralité de cet accord à l'exception de son chapitre 8 sur la protection des investissements, on nous demande enfin d'autoriser la ratification de l'accord économique et commercial global avec le Canada (AECG, plus connu sous le nom de CETA).

Après toutes ces années, il apparaît que le CETA, un accord commercial de nouvelle génération, est paradoxalement déjà daté : il n'a pas intégré les contraintes de l'accord de Paris ; il ne tient pas compte du retour de l'enjeu de la souveraineté alimentaire lié à la guerre en Ukraine.

Le manque de légitimité de cet accord est patent. D'ailleurs, dix États ne l'ont toujours pas ratifié : la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Grèce, la Hongrie, la Pologne, la Slovénie, l'Irlande, l'Italie et la France.

S'il y a donc lieu de se réjouir, à l'approche du printemps, de ce moment démocratique, c'est bien au groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K), qu'il faut saluer pour cette initiative, que nous le devons, et non au Gouvernement.

Le projet de loi inscrit à l'ordre du jour de son espace réservé a été adopté à l'Assemblée le 23 juillet 2019 avec seulement 53 voix d'écart et un nombre important d'abstentions, notamment dans la majorité présidentielle.

Il autorise en son article 1er la ratification de cet accord commercial et, en son article 2, la ratification de l'accord de partenariat stratégique (APS). Cet autre accord, qui se veut contraignant, mais reste en fait largement déclaratoire, approfondit le dialogue et la coopération politiques en matière de droits de l'homme et de sécurité internationale entre l'Union européenne et le Canada.

En préambule, je voudrais vous éclairer sur les conséquences de votre vote.

Dans une déclaration du Conseil de l'Union européenne de 2016, c'est-à-dire des gouvernements réunis, ces derniers se sont arrogé le droit de choisir s'ils notifient ou non leur incapacité de ratifier l'accord à la Commission européenne qui, elle, est ensuite tenue de dénoncer l'application provisoire de l'accord, celle-ci prenant effet six mois après la dénonciation.

De fait, le refus du parlement chypriote n'a jamais été notifié par le gouvernement de ce pays, qui figure encore dans la liste des États n'ayant pas ratifié l'accord comme s'il ne s'était jamais prononcé. En théorie cet accord peut donc être appliqué de façon provisoire indéfiniment. Et si vous n'êtes pas d'accord, la Commission choisira à l'avenir de scinder les accords de nouvelle génération en deux, entre les dispositions commerciales et les autres.

Vous voyez bien à quel point la procédure de ratification de cet accord mixte contourne le Parlement et escamote la souveraineté nationale.

Mais venons-en au contenu même de l'accord. Soyez assuré que j'ai été soucieux au cours de mes travaux de ne pas priver l'économie française d'un bon accord s'il s'avérait, à l'analyse, que les producteurs et les consommateurs français tiraient de l'accord des bénéfices certains. Aussi, je me suis efforcé d'examiner l'accord pour ce qu'il est - tout l'accord, mais rien que l'accord.

De quoi me suis-je aperçu ? Écoutez bien, car je vais dissiper quelques idées reçues.

La première, véhiculée activement par les membres du Gouvernement, est que les chiffres de notre commerce avec le Canada prouveraient d'ores et déjà le succès de l'accord. Cette communication est prématurée et imprudente, si ce n'est tout simplement infondée, et ce pour trois raisons.

Tout d'abord, les exportations ont certes augmenté de l'ordre d'un tiers - de plus de 1 milliard d'euros -, mais les importations ont augmenté d'autant, et même légèrement plus - de 1,1 milliard d'euros. L'effet sur le solde commercial franco-canadien est jusqu'ici négatif puisqu'on constate une dégradation de 48 millions d'euros sur six ans. Légèrement négatif certes, mais il faut rappeler que les Canadiens sont loin d'exploiter tous les quotas d'exportation que nous leur avons accordés dans l'accord, contrairement à nous dans l'autre sens !

Ensuite, hormis pour quelques produits, l'augmentation des échanges franco-canadiens de 34 %, est à peine supérieure à celle de 31 % des échanges avec les autres pays tiers et cette hausse est en valeur, donc gonflée par l'inflation. Elle provient en outre selon le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), un service du Premier ministre, d'un effet de « détournement de trafic », qu'on retrouve souvent dans de tels accords économiques. Le commerce supplémentaire avec le Canada ne vient pas s'ajouter au commerce avec les autres pays, il nous en détourne, en offrant une meilleure valorisation ! Meilleure valorisation, peut-être, mais qui capte cette valeur ? Est-on bien sûr que cela ne va pas simplement aux actionnaires ? En tout cas, cela ne crée pas plus de production, et donc pas plus d'emplois.

M. Yannick Jadot. - Communiste !

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Enfin, il ne suffit pas de constater une hausse du commerce bilatéral franco-canadien depuis 2017 pour l'attribuer au CETA. J'y insiste, aucune étude économique n'a été effectuée depuis l'accord pour distinguer ce qui relève du CETA en lui-même ou ce qui relève de la tendance générale de notre commerce extérieur, voire ce qui relève des bouleversements intervenus depuis, qui ont recomposé les flux mondiaux - guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, invasion de l'Ukraine par la Russie. Au mieux, les effets sont présumés, mais pas avérés.

La deuxième idée reçue est que nous aurions un besoin urgent de contracter avec le Canada pour diversifier notre économie et notamment pour nous approvisionner en terres rares, nécessaires à la transition énergétique.

Je commencerai par faire un sort à ce dernier argument, car, bien que le Canada dispose de réserves en terres rares, elles sont 50 fois moins importantes que celles de la Chine et 25 fois plus faibles que celles du Brésil ou encore du Vietnam.

Ensuite, sur les opportunités économiques offertes par l'accord, le Canada compte 40 millions d'habitants, l'Union européenne, 450 millions d'habitants ! En conséquence, selon le Cepii, « les conséquences du CETA pour l'économie européenne sont nécessairement quantitativement limitées : 0,02 % du PIB français et moins de 0,01 % du PIB de l'Union européenne à l'horizon 2035, soit 12 dollars par an et par Français et 4 dollars par an et par Européen ». En revanche, pour l'économie canadienne, complètement arrimée aux États-Unis, le gain lié à l'accord serait évidemment plus important : de l'ordre de 313 dollars par an et par personne. On comprend la mobilisation canadienne des derniers jours pour faire voter l'accord !

Je ne nie pas qu'il puisse y avoir des secteurs gagnants : le textile, la chimie, les produits manufacturés, les vins et spiritueux - encore que ce dernier secteur, qui réalisait 200 millions d'euros d'excédents vers le Canada en 2022, en a déjà fait 40 de moins en 2023. Pour relativiser ces 160 millions d'euros d'excédent, permettez-moi de citer l'exemple de l'accord entre l'Union européenne et le Maroc sur les produits agricoles : cet accord a coûté aux Français, rien que par la hausse des exportations de la seule année dernière, 168 millions d'euros de plus, poursuivant la destruction d'une partie de la capacité de production en France.

Je ne nie pas même l'existence de gains globaux liés au CETA. Je dis simplement qu'ils sont relativement négligeables - 4 $ par an et par Européen - et qu'ils placent très bas le prix d'achat de nos reniements et de nos renoncements.

La troisième idée reçue est que nos filières sensibles seraient finalement moins heurtées que prévu, en particulier la filière bovine, car nous n'importons que 52 tonnes en France et 1 450 tonnes dans l'Union européenne. Je rappelle que ces quotas étaient de 4 000 tonnes équivalent-carcasse (TEC) sans droits de douane avec le contingent « panel hormones ». L'accord a ajouté 49 000 tonnes, cela fait donc 53 000 tonnes à droits nuls. Il ne faut pas oublier les 15 000 tonnes à 20 % de droits de douane du contingent « Hilton » partagé avec les États-Unis. Au total, plus de 67 000 tonnes de viande bovine. De plus, le Canada pourrait très bien n'exporter que des morceaux nobles comme l'aloyau ! Auquel cas, cela représenterait autour de 600 000 bovins, soit l'équivalent de ce que nous avons perdu en France en 10 ans dans notre cheptel.

Considérer que les Canadiens auraient négocié l'ouverture de quotas de viande bovine, secteur qu'ils savaient sensible pour les Européens, sans chercher à les remplir, serait faire injure à leur intelligence et à leurs qualités de négociation. Trop dépendants du marché américain, les producteurs de viande bovine se sont d'abord implantés par facilité sur les marchés asiatiques, où ils sont à la merci d'une fermeture soudaine des marchés comme les Chinois savent le faire. Ils utiliseront leur droit de tirage dès que la ratification de l'accord par l'Union européenne leur apportera la sécurité juridique dont ils ont besoin pour se lancer. Si le Canada a demandé à l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'EFSA, fin 2023, d'autoriser la décontamination des carcasses à l'acide péracétique, c'est bien pour lever des barrières sanitaires afin d'exporter vers notre marché.

La perte de valeur ajoutée liée au CETA anticipée pour le secteur de la transformation de la viande rouge est de 4,8 % à horizon 2035. C'est dix fois plus que l'évolution, positive ou négative, de n'importe quel autre secteur en France ou Allemagne. L'impact sur la viande est deux ou trois fois plus important en moyenne qu'habituellement pour de tels accords de libre-échange. Et ce n'est pas l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, Interbev, qui le dit, mais les économistes du Cepii. En somme, la filière bovine viande française est sacrifiée. Cette filière, dont les revenus sont déjà les plus faibles de la ferme France, n'avait pas besoin de cela.

J'en appelle donc à la solidarité de l'aval avec l'amont : les producteurs de lait sont aussi, avec les vaches de réforme, des producteurs de viande : ce qu'ils gagnent d'un côté, grâce aux fromages, le marché pourrait leur reprendre de l'autre, sous l'effet d'une valorisation moindre de la viande issue du troupeau laitier.

Il faut aussi un principe de solidarité entre les filières. Cela vaut d'abord pour la filière laitière française : celle-ci était hier vent debout contre l'accord avec la Nouvelle-Zélande, mais elle est aujourd'hui satisfaite parce qu'elle vend 6 500 tonnes de fromage au Canada, soit seulement 1 % des 650 000 tonnes qu'elle exporte au total chaque année. Il en va de même pour la filière vins et spiritueux.

Mais je veux rassurer ces filières et le Gouvernement : avec ou sans CETA, nous exporterons toujours deux tiers de nos calories - même si on se demande bien pourquoi le Gouvernement s'est mis à compter nos exportations en calories, sinon pour tourner les chiffres à son avantage.

L'enjeu est de faire mieux respecter toute notre agriculture dans nos relations avec les pays tiers.

J'en viens donc au coeur du débat, la question des distorsions de concurrence et la naïveté coupable de la Commission européenne. Ce n'est pas une simple affaire de flux commerciaux, c'est une affaire de principes : la Commission ne peut pas continuer d'être un tigre avec nos agriculteurs et un agneau avec les autres. Ce que nous demandons est simple : cesser d'importer ce que nous nous interdisons de produire.

La contestation du monde agricole, en France et dans toute l'Europe, a été soutenue par la presque totalité de la population. Elle a ciblé notamment les accords de libre-échange, en ce qu'ils incarnent l'incohérence entre des exigences de plus en plus poussées au sein du marché intérieur et les défaillances, voire l'absence des contrôles aux frontières.

Les concessions, les contorsions et les silences de la Commission européenne dans ses relations extérieures sont en contradiction totale avec l'approche qu'elle promeut au sein du marché intérieur avec le Pacte vert, qui place la santé et l'environnement au-dessus de l'acte de production. C'est d'ailleurs tout le sens du mot d'ordre : « On marche sur la tête ! » Tout se passe comme si, éblouie par son propre reflet dans le miroir, trop contente d'elle-même, l'Union européenne en oubliait ses principes les plus chers dans ses échanges avec les pays tiers. Naïveté ou hypocrisie ?

Quoi qu'il en soit, Dani Rodrik, économiste à Harvard, pose, dans sa parabole sur le travail des enfants, une question toute simple : « Si la société refuse une pratique dans ses lois, pourquoi devrait-elle l'accepter par le canal de l'échange ? »

Aujourd'hui, pourtant, nous l'acceptons de trois façons : les normes absentes, les normes non appliquées et les normes abaissées.

Premièrement, les normes absentes. C'est bien simple, le CETA ne demande rien au Canada. Il ne prévoit aucune obligation de plus que les règles qui préexistaient : non seulement on trouve des protéines animales transformées dans la ration alimentaire des ruminants, ce qui est interdit dans l'Union européenne, mais on trouve même des farines de sang de bovins dans la ration des bovins - du boeuf cannibale !

Les bovins conduits à l'abattoir peuvent au Canada rester jusqu'à 48 heures d'affilée dans un camion, sans aménagements, contre 14 heures dans l'Union européenne - et la Commission voudrait que nous passions à 9 heures.

Par ailleurs, 41 substances actives phytopharmaceutiques, approuvées au Canada, mais pas dans l'Union européenne, sont tolérées dans les produits importés si leur concentration reste en dessous des limites maximales de résidus (LMR) fixées réglementairement. C'est le cas de l'atrazine, interdite dans l'Union européenne en 2003. Au-delà de ces chiffres, il ne faut pas oublier que des produits peuvent être autorisés en France ou en Europe, sous réserve de restrictions d'usage, ce qui n'est pas toujours le cas au Canada : il semble qu'au moins 96 molécules puissent ainsi être utilisées avec des normes différentes aux nôtres au Canada ; ce serait un travail de fourmi de toutes les recenser. C'est le cas du glyphosate, j'y reviendrai.

Deuxièmement, les normes non appliquées. Même quand ces normes existent, encore faut-il qu'elles soient applicables et que les contrôles ne soient pas défaillants. En ce qui concerne notre seule mesure miroir historique, les garanties qu'aucune viande de boeuf aux hormones ne soit exportée vers l'Union sont « compromises » par des « lacunes » des contrôles canadiens sur la traçabilité, selon deux audits de la Commission européenne réalisés en 2019 et 2022. Et pour cause, en France, la traçabilité est totale pour tous les animaux : on boucle les animaux dès leur naissance puis à toutes les étapes, jour après jour. Tous les soins doivent être inscrits sur un registre de la naissance à l'abattage. Au Canada, au contraire, l'identification commence à l'engraissement et n'est pas individuelle, elle se fait par lots. Il n'y a aucune identification à la naissance. On peut certes retracer les feedlots, mais non pas l'origine de chaque bête.

M. Jean-Luc Angot, chef du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire, a dit très clairement en audition que si de telles anomalies avaient été détectées dans l'autre sens, on nous aurait immédiatement bloqué l'accès au marché canadien. D'ailleurs, la Chine a cessé pendant plusieurs mois d'importer du porc canadien à cause de supposés faux certificats canadiens à la ractopamine.

Une seconde mesure miroir, sur l'interdiction des antibiotiques comme activateurs de croissance, a été votée par l'Union en 2018 : la Commission a procrastiné pour la mettre en oeuvre, elle ne sera applicable qu'en 2026... et sur simple attestation sur l'honneur du vétérinaire canadien, sans contrôle dédié, alors même que les vétérinaires sont, au Canada, économiquement dépendants des agriculteurs...

Par ailleurs, il n'y a pas dans l'accord avec le Canada de clause miroir excluant des quotas l'élevage en feedlot, ces immenses parcs d'engraissement. Il existait pourtant une telle clause dans l'accord avec la Nouvelle-Zélande où il n'y a pas de feedlot, et il n'y en a pas avec le Canada, où tous les bovins ou presque y passent, avec 26 000 têtes en moyenne. Cela révèle à mon sens la véritable fonction des clauses miroirs : des « miroirs aux alouettes » achetant par de prétendus acquis l'acceptabilité d'un accord qui ne répond pas aux attentes environnementales ou sanitaires. C'est pourquoi, à choisir, je préfère les mesures miroirs, qui s'appliquent à toutes nos importations, une fois pour toutes, aux clauses miroirs, mises au cas par cas dans des accords à géométrie variable.

Troisièmement, les normes abaissées pendant la négociation. Depuis l'application du CETA, le Canada a mené un lobbying assumé pour abaisser les exigences européennes. Je vous invite à lire les comptes rendus des comités conjoints sanitaires et phytosanitaires Union européenne - Canada, tout est public. Et la Commission a cédé et continue de céder : en 2012, la limite maximale de résidus de l'Union européenne sur le glyphosate dans la lentille - vous connaissez mon attachement aux lentilles vertes du Puy - a été multipliée par 100 et portée de 0,1 à 10 microgrammes de glyphosate par kilogramme, alors qu'au Canada, elle était encore jusqu'ici de 4 microgrammes. Cela permet aux Canadiens d'utiliser le glyphosate pour défaner la plante jusqu'à quatre jours avant la récolte, ce qui permet d'accélérer la maturité de la plante. Aujourd'hui nous importons un tiers de nos lentilles du Canada, le tout à droits de douane zéro !

L'autorisation de la décontamination des carcasses à l'acide lactique en 2013, dont le Canada s'est officiellement réjoui, et la demande canadienne pour utiliser l'acide péroxyacétique constituent un autre exemple, de normes abaissées. Cette demande révèle deux styles d'élevage aux antipodes ; l'éleveur français, qui note l'ensemble des manipulations qu'il a réalisées sur un registre, apporte la preuve qu'il n'a pas utilisé de substances interdites et qu'il respecte la réglementation sanitaire. Les carcasses françaises n'ont pas besoin d'être décontaminées. Cette pratique vise en fait à masquer la manière dont l'élevage a été réalisé. C'est une manière pour le Canada d'autoriser ses éleveurs à faire ce qu'ils veulent lors des étapes précédant l'abattage pour exporter, en remettant les compteurs à zéro par cette manipulation.

À la fin de l'année 2023, le Canada a rappelé « ses préoccupations concernant les modifications réglementaires liées à la réduction des limites maximales de résidus pour deux néonicotinoïdes », la clothianidine et le thiaméthoxame. Il propose « que la Commission autorise les pays tiers à réglementer les pesticides dans leur pays souverain de la manière qu'ils jugent appropriée et adaptée à leur environnement local ». C'est une manière de refuser toute règle !

Une façon d'accéder à la demande canadienne serait de rejeter le CETA...

Ne serait-il pas temps de réaffirmer notre souveraineté sur les produits que nous importons ?

Nous avons une vision assez québécoise du Canada, mais il faut se défaire de l'image bucolique que nous pouvons en avoir. La réalité de l'agriculture canadienne n'est pas au Québec, elle est surtout dans le Grand Ouest, en particulier dans l'Alberta. Elle est identique à celle que l'on rencontre dans les pays du Mercosur, aux États-Unis d'Amérique, en Nouvelle-Zélande. Ces pratiques sont aux antipodes des nôtres. Soyons clairs, autoriser la ratification de cet accord, c'est ouvrir la voie à l'accord avec le Mercosur. Car ces deux accords présentent les mêmes vices de conception ; les différences sont seulement de degré, pas de nature.

Notre exécutif, qui avait érigé la question des clauses et des mesures miroirs en priorité au premier semestre 2022, a toutes les peines du monde à faire avancer ce sujet. On sait bien par ailleurs qu'il peut flancher à tout moment sur le Mercosur.

Je vous propose de l'aider par notre vote, qui, soyez-en sûrs, fera bouger les choses dans le bon sens. Car, dans les démocraties modernes, le Parlement a un rôle diplomatique : consacrer des principes, formuler des lignes rouges, dont le Gouvernement pourra ensuite se prévaloir à Bruxelles, et dont la Commission pourra elle-même se prévaloir dans ses négociations avec le reste du monde. Un principe de bon sens serait déjà de ne pas importer ce que nous nous interdisons de produire.

Aussi, je vous invite à proposer la suppression de l'article 1er et à refuser la ratification de l'accord économique commercial global avec le Canada. Il est temps de regarder la réalité en face et de cesser de faire preuve de naïveté.

Il ne s'agit bien sûr pas d'un acte hostile à l'égard de nos amis canadiens, et ceux qui disent l'inverse vous trompent. D'ailleurs, je proposerai, en accord avec le rapporteur Pascal Allizard, de voter à l'identique l'article 2, autorisant la ratification de l'accord de partenariat stratégique, pour réaffirmer nos liens indéfectibles avec le Canada sur le plan culturel, politique et géostratégique.

Mais objectivement, en ce qui concerne le CETA, peut-on continuer de nous voiler la face ? Il est temps de dire stop au CETA.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour votre intervention enflammée !

M. Yannick Jadot. - Je me suis beaucoup battu au niveau européen, malheureusement nous avons perdu, sans doute pour des raisons d'imaginaire : nous venions d'obtenir gain de cause sur le traité de libre-échange transatlantique, parce que Trump était Président des États-Unis, tandis que le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, apparaissait comme beaucoup plus sympathique que ce dernier...

M. Jean-Claude Tissot. - On nous objecte que les Canadiens sont nos cousins !

M. Yannick Jadot. - Ce qui est en jeu c'est aussi l'avenir de notre économie, de notre agriculture, etc.

Je me retrouve parfaitement dans les arguments développés par le rapporteur. Il est à craindre que les Canadiens se mettent à remplir leurs quotas d'exportation et que nos éleveurs soient brusquement en concurrence avec eux, notamment sur l'aloyau.

La ratification de cet accord, comme de celui avec les pays du Mercosur, s'accompagnerait d'une baisse des contrôles.

Le traité prévoit une coopération réglementaire entre les régulateurs. Mais rien ne les empêchera de se mettre d'accord sur des clauses sanitaires ou phytosanitaires, sans que le législateur ait à se prononcer. Des fonctionnaires pourront donc modifier l'accord. Il existe ainsi une grande coopération sur les OGM. Vu l'enjeu, il serait bon que cette question soit tranchée par le législateur, et non pas seulement par des fonctionnaires.

L'arbitrage constitue aussi un sujet crucial : une entreprise pourra attaquer un État devant un tribunal arbitral privé si elle estime que sa législation sanitaire ou environnementale lui fait perdre de l'argent. Le Canada est ainsi en procès avec des énergéticiens qui contestent la suppression de permis d'exploiter du gaz de schiste.

Cet accord est néfaste et ne correspond plus à nos préférences collectives et sociétales. Je soutiens la position de notre rapporteur, d'autant plus qu'il a parlé du Pacte vert, de l'accord de Paris... Il a su employer les mots pour convaincre les écologistes !

M. Henri Cabanel. - Si j'osais, je dirais que c'est un rapport à charge...

M. Laurent Duplomb. - Objectif !

M. Henri Cabanel. - En effet. Je me réjouis de la position du rapporteur sur certains points, notamment sur le glyphosate.

On entend dire qu'il est normal qu'un accord puisse faire des gagnants et des perdants. Telle n'est pas ma philosophie : il faut que l'accord soit gagnant-gagnant !

Or comment peut-on conclure un accord dans le domaine agricole avec un pays qui n'a pas la même philosophie que nous en la matière ? L'agriculture au Canada est une agriculture industrielle. Nous avons refusé la création de la ferme des mille vaches : une telle exploitation serait pourtant bien petite au Canada ! 41 molécules phytosanitaires interdites en Europe sont autorisées là-bas. C'est un problème, car elles pourraient être employées pour produire des denrées exportées vers l'Europe.

L'Europe a atteint tous les quotas prévus dans l'accord, alors que le Canada en est encore très loin. Certaines filières bénéficieront de l'accord. C'est le cas des vins et spiritueux, mais les volumes exportés ne représentent que 2 millions d'hectolitres, alors que nous produisons 42 millions d'hectolitres. Nous exportions déjà des vins et des spiritueux au Canada avant 2017. Je ne vois pas pourquoi cela ne continuerait pas.

Je ne reviendrai pas sur le recours aux hormones de croissance, aux aliments à base de farines animales, etc. Je suis déçu que le Gouvernement n'ait pas eu le courage de proposer à l'Assemblée nationale de repousser cet accord. Je remercie donc le groupe communiste d'avoir mis ce sujet sur la table.

Une majorité des sénateurs du groupe RDSE suivra l'avis du rapporteur. J'espère convaincre les autres...

M. Daniel Laurent. - L'analyse de notre rapporteur constitue un rapport à charge. Le groupe d'études sénatorial Vigne et vins a auditionné les représentants de la filière viticole. Celle-ci est plutôt avantagée dans ce traité. Je ne suis pas certain que le niveau des ventes de vins et de spiritueux se maintienne si nous votons contre cet accord. Or, ce secteur est en grande difficulté. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord en 2017, les ventes de vins et de spiritueux ont fortement augmenté. Certes les volumes sont modestes, mais ils sont significatifs.

M. Daniel Gremillet. - Ce débat était souhaité depuis longtemps. Nous avons longtemps déploré, au Sénat, que les États membres soient placés devant le fait accompli. L'Union européenne n'a pas intérêt à se refermer sur elle-même. Je n'oublie pas que des soldats canadiens ont donné leur vie lors de la Seconde Guerre mondiale pour libérer la France.

Mais je suis gêné par la faiblesse de l'Europe et par ses contradictions. Je ne comprends pas comment l'Union européenne a pu négocier un tel accord qui comprend autant de clauses qui sont en parfaite contradiction avec celles qu'elle applique à ses agriculteurs en Europe. L'Europe n'a cessé d'adopter, depuis 2017, de nouvelles mesures toujours plus exigeantes pour nos agriculteurs, sans chercher à modifier pour autant l'accord. Nous pouvons nous interroger : quel est le mandat de la Commission ? Comment sont consultés les États avant l'élaboration d'un traité ? Quel a été le rapport d'étape ?

Les Canadiens ont été meilleurs que nous dans la négociation et l'Union européenne n'a pas été capable de défendre ses paysans et ses règles. Nous ne devons pas incriminer le Canada, il a défendu ses intérêts. Nous devons plutôt instruire à charge contre l'Europe. Ce sera encore pire lorsque nous discuterons de l'accord avec les pays du Mercosur, car leur économie agricole est encore plus éloignée de la nôtre que ne l'est celle du Canada - il existe encore des sans-terre au Brésil. Je regrette que nous ne puissions pas revoir la conditionnalité de façon à rendre le traité acceptable, car nous n'avons pas intérêt à nous recroqueviller sur nous-mêmes. Les échanges commerciaux sont nécessaires, mais ils doivent être équilibrés.

Mme Sophie Primas. - Notre vote ne sera pas un acte de défiance ni un réquisitoire contre le Canada, qui est un pays ami, avec lequel nous sommes alliés dans d'autres combats dans le monde. Notre vote ne constituera pas non plus une position de principe contre les accords de libre-échange. Il ne sera pas non plus un jugement à l'égard des productions et des pratiques agricoles canadiennes. Chaque pays est libre de choisir ses normes.

Merci à notre rapporteur de nous avoir fourni des chiffres et de nous avoir redonné les ordres de grandeur. Ils nous permettent de remettre en perspective le lobbying intensif que l'on subit de la part du Gouvernement, des représentants des filières, du Canada : non, ce ne sera pas une catastrophe si nous ne ratifions pas ce traité.

M. Yannick Jadot a eu raison de rappeler la présence de clauses sur les tribunaux d'arbitrage. C'est un sujet de désaccord majeur.

Nous refusons que nos importations ne soient pas soumises aux mêmes exigences que celles que l'on impose à nos agriculteurs. Notre vote a aussi force de symbole : combien de résolutions le Sénat a-t-il voté contre ces accords commerciaux sur lesquels nous n'avons pas prise ? Notre vote aujourd'hui est donc aussi, permettez-moi l'expression, un coup de gueule.

M. Franck Menonville. - Le vote de mon groupe n'est évidemment pas un acte d'hostilité à l'égard du Canada.

Il ne traduit pas une volonté de se recroqueviller : si nous voulons défendre la ferme France, il faut accepter les échanges.

Mais le contexte a beaucoup évolué depuis sept ans, comme on l'a constaté lors du dernier salon de l'agriculture. Prenons au mot le Président de la République qui parle beaucoup de clauses miroirs et de souveraineté. Il nous faut de la réciprocité et faire en sorte que les produits importés soient élaborés avec les mêmes normes que celles que nous imposons à nos agriculteurs au quotidien. En somme, il ne s'agit pas d'un acte de défiance envers le Canada, mais d'une volonté de faire en sorte que la politique européenne soit cohérente.

M. Vincent Louault. - Ce rapport est bien à charge et frise même parfois la caricature ! Les clauses miroirs n'existent pas. Lorsque les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ont été signés, nul ne parlait de clauses miroirs.

Il n'est pas question de vouloir imposer nos normes aux autres pays. Simplement, les produits importés doivent avoir une LMR compatible avec notre réglementation. Les idiots utiles, ce sont non pas les Canadiens, mais bien les Européens, qui ont fixé une limite de 10 microgrammes par kilogramme pour le glyphosate. Les Canadiens ne demandaient rien de tel ! Il ne faut donc pas faire payer à ces derniers la débilité de notre Europe et le mode de fonctionnement de la Commission européenne !

Les agriculteurs sont vent debout non pas contre le CETA, mais contre l'imposition de normes ubuesques en Europe, auxquelles ne sont pas soumises les marchandises importées : par exemple, les doses de produits phytosanitaires autorisées pour les noisettes de Turquie sont plus élevées que pour celles produites en Europe. Aucune viande ne peut entrer en France, si elle n'est pas conforme à nos exigences sur les hormones ou les antibiotiques...

Mme Sophie Primas. - Ce n'est pas mesurable !

M. Vincent Louault. - Si. C'est à nous de faire en sorte d'imposer des normes mesurables et de contrôler. Ayons le courage d'être des Européens, et de nous ouvrir vers les autres ! Ce n'est pas au CETA de payer les pots cassés du bazar qu'est devenue l'Europe !

Mme Anne Chain-Larché. - Il faut que le Gouvernement respecte le Parlement : voilà sept ans que nous alertons. Le repli sur soi serait mortifère, mais nous devons nous faire entendre. La même question se posera lors de l'examen de l'accord avec le Mercosur. Pour autant, ces pays ne doivent pas en déduire que la France est dans une position de repli. Que se passera-t-il si nous rejetons le texte ? Il importe de réfléchir à la manière de faire évoluer les accords.

M. Jean-Claude Tissot. - Je soutiens la position de notre rapporteur. Nous ne pouvons pas accepter d'importer des produits qui ne sont pas élaborés selon les mêmes normes. Si nous interdisons l'utilisation de farines animales, d'hormones de croissance, de glyphosate pour le défanage quelques jours à peine avant la récolte - ce qui est vraiment inadmissible -, c'est parce que c'est mauvais pour la santé humaine ! C'est pour ce motif qu'il faut repousser cet accord. Refuser de le voter en l'état ne signifie pas refuser de commercer. Le Canada sera toujours un pays ami.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Le Canada est un pays ami, une grande démocratie. Nous devons préserver nos relations avec ce pays. Celles-ci sont d'ailleurs amenées à se développer à l'avenir. L'Europe justifie ses contraintes pas l'intérêt du consommateur. On ne comprend pas pourquoi, dans ce cas, il faudrait accepter d'importer des produits qui ne respectent pas ces normes. C'est une question de cohérence. Les traités doivent être en accord avec nos propres règles. Le groupe Union centriste est partagé sur ce texte ; chacun votera comme il le souhaite.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne les quotas de viande, je rappelle que le Canada n'a pas encore utilisé sa faculté d'exporter, vers l'Union européenne, 75 000 tonnes de viande porcine. Ses exportations de viande bovine s'élèvent à peine à 1 450 tonnes actuellement, alors qu'elles peuvent monter jusqu'à 65 000 tonnes.

Les producteurs canadiens se sont par facilité implantés sur les marchés asiatiques en forte croissance, où ils sont à la merci d'une fermeture soudaine des marchés. Ils pourront utiliser leur « droit de tirage », en fonction de l'évolution des différents marchés, dès que la ratification de l'accord par l'Union européenne leur apportera la sécurité juridique sur les normes sanitaires. Les exportations canadiennes ne peuvent donc qu'augmenter. C'est l'inverse pour nous !

En ce qui concerne la viticulture, j'indique que les appellations viticoles d'origine protégée ne sont pas menacées, car elles étaient déjà protégées avant l'accord depuis 2003. Nos exportations de vins représentent un volume de 2 millions d'hectolitres : un tiers de champagne, un tiers de bourgogne - ces exportations ne sont pas menacées -, et enfin un tiers de bordeaux. Je ne crois donc pas que le rejet du CETA mettrait en crise notre viticulture.

M. Yannick Jadot. - Le champagne fait l'objet d'un accord spécifique.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Certes, mais ses ventes sont comptabilisées dans l'excédent de 200 millions d'euros de la filière.

Je ne suis pas d'accord avec Vincent Louault. Il existe des clauses sanitaires, disposant que les importations de viande aux hormones, et bientôt aux antibiotiques, sont interdites, mais les audits qui ont été réalisés montrent qu'il y a des anomalies : les éleveurs canadiens peuvent toujours utiliser des hormones et des antibiotiques.

M. Yannick Jadot. - Sans parler du saumon transgénique !

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Or la Commission européenne ferme les yeux. Mon rapport n'est donc pas à charge, il est juste. Nous ne savions pas tout cela en 2017, lorsque l'accord a été signé. Aujourd'hui, il faut tenir compte des résultats des audits. Si nous faisions fi de ces éléments, nous serions coupables vis-à-vis des Français et des Européens. Comment dès lors ratifier un texte dont on sait déjà pertinemment qu'il n'est pas respecté ?

On ne peut pas accepter l'inacceptable. Nos résolutions successives n'ont pas été prises en compte. Ayons le courage aujourd'hui de jeter le pavé dans la mare. Être Européen, ce n'est pas se coucher en permanence. Nous devons défendre notre honneur et nos intérêts.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'amendement de suppression COM-2 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi, sous réserve de l'adoption de son amendement.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 5 mars 2024

Membres de la Commission d'évaluation indépendante du Ceta (2017) : M. Jean-Luc ANGOT, président de la section « International, prospective, évaluation et société » du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), et Mme Sophie DEVIENNE, professeur à AgroParisTech, membre de l'Académie d'agriculture de France.

Commission européenne : MM. Denis REDONNET, directeur général adjoint et responsable de l'application des règles commerciales internationales, Martin POULIOT, conseiller Politique commerciale.

Direction générale du trésor : Mmes Muriel LACOUE-LABARTHE, directrice générale adjointe, Sabine LEMOYNE de FORGES, sous-directrice de la politique commerciale, de l'investissement et de la lutte contre la criminalité financière, MM. Pierre-Eliott ROZAN, chef du bureau Politique commerciale, stratégie et coordination (Multicom1), Thomas BRISSET, chef du bureau Règles internationales du commerce et de l'investissement (Multicom2), et Paul BABIN, adjoint au chef de bureau Règles internationales du commerce et de l'investissement (Multicom2).

Mme Marine COLLI, consultante en affaires publiques dans le secteur agricole.

Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii) : M. Antoine BOUËT, directeur, également co-auteur d'une évaluation macro-économique des impacts de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (2019).

Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) : MM. Nicolas OZANAM, délégué général, et Jean-Pierre COINTREAU, membre du conseil d'administration.

- Audition conjointe

· Fédération nationale bovine (FNB) : M. Patrick BENEZIT, président, également vice-président de l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), et Mme Hélène FUCHEY, chargée de mission.

· Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) : M. Marc PAGÈS, directeur général.

Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (Cniel) : MM. Thierry ROQUEFEUIL, président, également président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), François-Xavier HUARD, président-directeur général de la Fédération nationale de l'industrie laitière (Fnil) et membre du conseil d'administration du Cniel, Damien LACOMBE, membre du conseil d'administration, également président de la coopérative Sodiaal, et Jean-Marc CHAUMET, économiste.

Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) : M. Guillaume VANDERHEYDEN, sous-directeur au commerce international, Mme Ketty ATTAL-TOUBERT, cheffe du département de la statistique et des études du commerce extérieur, MM. Boris GUANNEL, chef adjoint du département de la statistique et des études du commerce extérieur, et Yann AMBACH, chef du bureau de la politique tarifaire et commerciale.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Ambassade du Canada en France

- Association française des entreprises privées (Afep)

- Business France

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire : direction générale de l'alimentation (DGAL) et direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

- Mouvement des entreprises de France (Medef)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl18-694.html


* 1 Voir l'analyse du scrutin public.

* 2 Elle a cependant proposé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées d'adopter sans modification l'article 2, afin d'autoriser la ratification de l'Accord de partenariat stratégique (APS), dissociable du CETA, par égard pour notre allié et ami canadien et pour rappeler les liens indéfectibles, non seulement économiques, mais aussi culturels, politiques et sur le plan des valeurs, liant la France et l'Union européenne au Canada.

* 3 CJUE, 16 mai 2017, avis 2/15 (accord de libre-échange avec Singapour).

* 4 Voir plusieurs réactions et commentaires sur Politico.

* 5 Décision (UE) 2017/38 du Conseil du 28 octobre 2016 relative à l'application provisoire de l'AECG.

* 6 Ces trois derniers États n'ayant pas non plus ratifié l'Accord de partenariat stratégique.

* 7 Voir ce rapport sur la souveraineté économique (2022) ou cette proposition de résolution (2020).

* 8 Voir ce rappel de la Commission européenne.

* 9 En ligne :

https://www.consilium.europa.eu/en/documents-publications/treaties-agreements/agreement/ ?id=2016 017

* 10 Voir le texte de l'accord ici :

  https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cuktca-acccru/read_agreement-consultez_accord.aspx ?lang=eng

* 11 Voir cet article en ligne : https://www.cbc.ca/news/politics/canada-uk-trade-cheese-1.7094 817

* 12 CJUE, 16 mai 2017, avis 2/15 (accord de libre-échange avec Singapour).

* 13 Voir en ligne :

https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/12/04/eu-chile-council-adopts-decisions-for-a-modernised-association-agreement/

* 14 Voir cet article sur le site européen Politico.

* 15 Et en son article 2 celle de l'Accord de partenariat stratégique (APS), texte approfondissant le dialogue et la coopération politiques en matière de droits de l'homme et de sécurité internationale.

* 16 Voir ici l'analyse du scrutin public.

* 17 Déclaration n° 20 du Conseil de l'UE du 27 octobre 2016 :

http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-13 463-2016-REV-1/fr/pdf

* 18 En ligne : https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/qu-est-ce-que-le-ceta/

* 19 Article 30.9 du CETA.

* 20 Il est à noter que ce n'est pas l'accord de partenariat stratégique (dont l'article 2 du présent projet de loi autoriserait la ratification) qui institue ce mécanisme, mais bien le texte du CETA (chapitre 8, section F, à partir du point 8.18).

* 21 CJUE, 6 mars 2018, Achmea.

* 22 Avis 1/17 de la CJUE, avril 2019. Voir en ligne :

https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2019-04/cp190052fr.pdf

* 23 Voir ici :

https://policy.trade.ec.europa.eu/eu-trade-relationships-country-and-region/negotiations-and-agreements_en

* 24 Décision du Conseil constitutionnel, 2004, DC n° 2003-470. « Considérant que le seul pouvoir reconnu au Parlement en matière de traités et d'accords internationaux par la Constitution est celui d'en autoriser ou d'en refuser la ratification ou l'approbation dans les cas mentionnés à l'article 53 ».

* 25 Cécilia Bellora et Malte Thie, Lettre du Cepii n° 432, décembre 2022. En ligne :

http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let432.pdf

* 26  https://www.veblen-institute.org/Le-GIEC-pointe-l-incompatibilite-entre-la-protection-des-investissements.html

* 27 Voir cette publication du Crédit agricole :

https://etudes-economiques.credit-agricole.com/Publication/2024-janvier/france-une-inflation-toujours-elevee-en-2023-des-chiffres-annuels-a-relativiser

* 28 Voir en ligne : http://www.cepii.fr/PDF_PUB/rr/rr2019_01.pdf

* 29 En ligne : https://ted.europa.eu/en/notice/-/detail/31159-2024

* 30 Il semble a priori qu'elle n'a pas eu pour effet de recomposer le commerce mondial, mais simplement de le ralentir un certain temps.

* 31 Voir en ligne : http://www.cepii.fr/PDF_PUB/rr/rr2019_01.pdf

* 32 À l'inverse, environ 20 % des exportations de biens (14 % des importations) et 22 % des exportations de services de l'UE (34 % des importations) sont destinées aux États-Unis.

* 33 United States Geological Survey (USGS), Mineral Commodity Summaries 2024. En ligne : https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2024/mcs2024.pdf

* 34 Aluminium/bauxite/alumine, lithium, terres rares légères, silicium métallique, gallium, manganèse, germanium, graphite naturel, bismuth, titane, bore, métaux du groupe platine, tungstène, cobalt, cuivre, nickel.

* 35 Voir en ligne : https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/critical-raw-materials/

* 36 Voir en ligne : https://www.ecologie.gouv.fr/signature-deux-dialogues-strategiques-canada-et-laustralie

* 37 Dont 800 tonnes transférées de hausse de contingents pour compenser l'augmentation du nombre d'États membres de l'UE.

* 38 Un deuxième recours des États-Unis en 2023 a cependant connu une issue défavorable pour ce pays.

* 39 En ligne :

https://www.liberation.fr/societe/en-graphiques-agriculteurs-qui-gagne-combien-20240127_CV5XWJ4K5JEANMY63I2ZJ7TVGU/?redirected=1

* 40 Voir la liste exhaustive ici :

https://www.ic.gc.ca/cipo/listgiws.nsf/gimenu-eng?readform&sort=region&order=FR

* 41 La Fédération nationale des industriels du lait (Fnil) avait déploré lors de sa signature que « cet accord menace l'avenir des producteurs laitiers qui seront les premières victimes, alors même qu'ils subissent déjà l'inflation de leurs coûts et une baisse régulière de la production depuis plusieurs années. » Cet accord prévoit une exemption ou une réduction de droits de douane pour le beurre, les fromages et la poudre de lait.

* 42 Source : association de producteurs Tomates et concombres de France. Voir en ligne :

https://www.terre-net.fr/manifestations/article/861890/concurrence-deloyale-tomates-marocaines-ou-sucre-ukrainien-eriges-en-symbole

* 43 Voir en ligne :

https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri2213/Primeur%202022-13_RA2020_%20VersionD%C3%A9finitive.pdf

* 44 Sur le modèle de l'invitation ironique, dans une note attribuée à l'économiste en chef de la banque mondiale Lawrence Summers en 1991, devenue fameuse. Voir en ligne : https://en.wikipedia.org/wiki/Summers_memo

* 45 Voir en ligne (traduction de David Jestaz, dans la revue Politique étrangère :

https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1998_num_63_3_4780

* 46 Au sens strict, ces farines ou agglomérés sont issues d'animaux qui relèvent de l'équarrissage ou sont impropres à la consommation humaine.

* 47 Voir cette étude de l'Anses de 2011, « Évaluation du risque sanitaire lié à l'introduction des protéines animales transformées dans l'alimentation de certains animaux de rente » : https://www.anses.fr/fr/system/files/ESST2011sa0014Ra.pdf

* 48 En ligne :

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/07/22/farines-animales-et-ceta-comment-le-gouvernement-a-t-il-pu-se-tromper_5492248_4355770.html

* 49  https://www.agra.fr/agra-presse/le-canada-autorise-bien-certaines-proteines-de-ruminants-pour-nourrir-des-ruminants?check_logged_in=1

* 50  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/seance/session-extraordinaire-de-2018-2019/deuxieme-seance-du-mercredi-17-juillet-2019

* 51  https://www.gouvernement.fr/actualite/ceta-qu-en-est-il-vraiment

* 52 Voir en ligne : https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/ceta-aecg/joint-statement-aw-declaration-commune-ba.aspx?lang=fra

* 53 Voir en ligne : https://agriculture.canada.ca/fr/secteur/production-animale/information-marche-viandes-rouges/abattages-poids-carcasses/distribution-activites-dabattage#wb-auto-10

* 54 Voir en ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1736669/covid-eleveurs-bovins-abattoirs-parcs-engraissement-pandemie

* 55  https://inspection.canada.ca/sante-des-animaux/animaux-terrestres/transport-sans-cruaute/reglement-sur-la-sante-des-animaux-partie-xii/fra/1582126008181/1582126616914#:~:text=Les%20modifications%20apport%C3%A9es%20%C3%A0%20la,GCII)%20le%2020%20f%C3%A9vrier%202019.

* 56 Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE et le règlement (CE) n° 1255/9. En ligne :

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32005R0001

* 57 Règlement (UE) 37/2010 du 22 décembre 2009 relatif aux substances pharmacologiquement actives et à leur classification en ce qui concerne les limites maximales de résidus. Voir en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:32010R0037

* 58 David R. Boyd, « Cleaner, Greener, Healthier: A Prescription for Stronger Canadian Environmental Laws and Policies », UBC Press, 2015.

* 59 En ligne :

https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/eu-pesticides-database/start/screen/mrls/details?lg_code=EN&pest_res_id_list=120&product_id_list=203

* 60 Voir en ligne le texte de l'accord, point (b) du 21. p. 196 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202400229#page=196

* 61 Directive 96/22/CE du Conseil du 29 avril 1996 concernant l'interdiction d'utilisation de certaines substances à effet hormonal ou thyréostatique et des substances â-agonistes dans les spéculations animales et abrogeant les directives 81/602/CEE, 88/146/CEE et 88/299/CEE. En ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A01996L0022-20081218

* 62 Entre 2000 et 2018, la proportion d'antimicrobiens présentant une résistance supérieure à 50 % dans les pays en développement est passée de 0,15 à 0,41 chez les poulets et de 0,13 à 0,34 chez les porcs. Cf. Thomas P. Van Boeckel et al., « Global trends in antimicrobial resistance in animals in low- and middle-income countries », Science, 2019 Sep 20. En ligne : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31604207/

* 63 En ligne : https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/ceta-aecg/2023-10-03-summary-spm-sommaire-msp.aspx?lang=fra

* 64 En ligne : https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(03)14200-6/abstract

* 65 Cf. le plan Ecoantibio 3 : https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecoantibio-3-2023-2028

* 66 Règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE). En ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R0006

* 67 Règlement délégué (UE) 2023/905 de la Commission du 27 février 2023 complétant le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'application de l'interdiction d'utiliser certains médicaments antimicrobiens chez les animaux ou dans les produits d'origine animale exportés à partir de pays tiers vers l'Union (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE). En ligne :

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3AOJ.L_.2023.116.01.0001.01.FRA&toc=OJ%3AL%3A2023%3A116%3ATOC

* 68 Règlement d'exécution (UE) 2024/399 de la Commission du 29 janvier 2024 modifiant l'annexe III du règlement d'exécution (UE) 2020/2235 et l'annexe II du règlement d'exécution (UE) 2021/403 en ce qui concerne les modèles de certificats pour l'entrée dans l'Union d'envois de certains produits d'origine animale et de certaines catégories d'animaux. En ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:L_202400399

* 69 Du moins, elle a été autorisée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour l'acide lactique (2013) et l'eau chaude recyclée (2015), comme indiqué ci-dessous.

* 70 Règlement (UE) N° 101/2013 de la Commission du 4 février 2013 concernant l'utilisation de l'acide lactique pour réduire la contamination microbiologique de surface des carcasses de bovins.

* 71 En ligne : https://www.international.gc.ca/trade-commerce/assets/pdfs/aecg-resumetechnique.pdf

* 72 En ligne : https://www.gouvernement.fr/rapport/9467-remise-du-rapport-de-la-commission-d-evaluation-de-l-impact-du-ceta

* 73 En ligne :

https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/ceta-aecg/2023-10-03-summary-spm-sommaire-msp.aspx?lang=fra

* 74 En ligne :

https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/ceta-aecg/2023-10-03-summary-spm-sommaire-msp.aspx?lang=fra

* 75 En ligne :

https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=r:/G/C/W767R1.pdf&Open=True

* 76  https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/ceta-aecg/2023-10-03-summary-spm-sommaire-msp.aspx?lang=fra

* 77 En ligne :

https://www.international.gc.ca/world-monde/international_relations-relations_internationales/can-eu_spa-aps_can-ue.aspx ?lang=fra.

* 78 CJUE, 16 mai 2017, avis 2/15 (accord de libre-échange avec Singapour).

* 79 En ligne :

https://www.lesechos.fr/2017/06/la-guerre-du-fromage-complique-lentree-en-vigueur-de-laccord-commercial-entre-leurope-et-le-canada-157 010.

* 80 Voir ici pour la date de notification de la ratification des autres États membres : https://www.consilium.europa.eu/en/documents-publications/treaties-agreements/agreement/ ?id=2016 018&DocLanguage=en.

* 81 En ligne :

https://www.consilium.europa.eu/en/documents-publications/treaties-agreements/agreement/ ?id=2016 017.

* 82 Il est à noter que le tribunal sur le règlement des différends relatifs aux investissements entre investisseurs et États figure bien dans le texte du CETA (chapitre 8, section F, à partir du point 8.18) et non dans l'accord de partenariat stratégique.

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