EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 3

Réforme du régime micro-BIC pour les loueurs de meublés touristiques

Le présent article prévoit de modifier les seuils d'éligibilité au régime micro-BIC des meublés de tourisme classés et non classés, et de faire évoluer les niveaux d'abattements applicables.

Il convient d'abord de noter une difficulté d'ordre rédactionnel : l'article modifie le texte de l'article 50-0 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi de finances initiale pour 2024. Il est donc inopérant ce qui rend nécessaire de procéder à sa réécriture, ne serait-ce que pour corriger cette erreur.

Par ailleurs, le régime prévu au présent article prévoit que les meublés de tourisme classés soient éligibles jusqu'à 30 000 euros au régime micro-BIC, tandis que les meublés de tourisme non classés ne pourraient bénéficier de ce régime que jusqu'à 15 000 euros de revenus. L'abattement applicable s'élèverait dans les deux cas à 30 %. L'abattement serait néanmoins porté à 71 % du chiffre d'affaires pour les hébergements classés lorsqu'ils sont situés dans une commune très peu dense au sens de la grille communale de densité de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ou dans une commune classée station de sports d'hiver et d'alpinisme. Cet abattement ne concernerait que les locations dont le chiffre d'affaires n'excéderait pas 50 000 euros au cours de l'année.

Parce que le régime micro-BIC doit demeurer un régime simplifié et cohérent avec les autres dispositifs existants, la commission a adopté un amendement COM-37 visant à :

- aligner le plafond du régime micro-BIC applicable aux locations meublés de tourisme sur celui des loueurs de meublés non professionnels (LMNP), à savoir un plafond de 23 000 euros ;

- aligner les revenus tirés de la location de meublés classés sur un régime micro-BIC existant, en les intégrant aux catégories d'activité qui bénéficient du régime jusqu'à 77 700 euros de chiffre d'affaires et de 50 % d'abattement. Cet alignement permet de conserver un caractère incitatif au classement, et de prendre en compte le différentiel de charge existant entre un meublé classé et un meublé non classé ;

- supprimer la référence à un abattement de 71 % pour certains meublés de tourisme classés, qui constitue un avantage fiscal excessif. Ainsi, est également supprimée la référence à un zonage, alors que l'ensemble des hébergements classés sont intégrés à une même catégorie.

La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA RÉFORME MANQUÉE DE LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2024

A. LES MEUBLÉS DE TOURISME CLASSÉS BÉNÉFICIENT HISTORIQUEMENT D'UNE FISCALITÉ FAVORABLE AU TITRE DU RÉGIME MICRO-BIC

La location meublée est soumise au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), tandis que les revenus de la location nue sont considérés comme des revenus fonciers.

La classification d'un meublé de tourisme permet aux loueurs de bénéficier d'un régime fiscal favorable. Avant la loi de finances initiale pour 2024, alors que le droit commun du régime micro-BIC prévoyait, pour les meublés non classés, un abattement sur le chiffre d'affaires de 50 % jusqu'à un plafond de 77 700 euros2(*), l'abattement sur le chiffre d'affaires était porté à 71 % et le plafond d'éligibilité à 188 700 euros pour les hébergements classés.

Il convient de préciser que, même en deçà de ces différents seuils, les loueurs de meublé peuvent toujours faire le choix du régime réel, qui leur permet de déduire de leurs revenus les charges réelles, les amortissements, ainsi que les intérêts d'emprunt.

La classification est attribuée aux meublés de tourisme sur la proposition d'un organisme accrédité ou agréé et comporte cinq catégories ou « étoiles », attribuées selon 133 critères relatifs aux équipements du logement, aux services apportés au client, à l'accessibilité et au développement durable3(*). Les chambres d'hôtes, pour leur part, sont définies comme des chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations4(*).

Comparaison des modes de comptabilisation des charges
avant la loi de finances pour 2024

 

Location nue

Location meublée

BIC réel para-hôtelier

Micro-foncier

Foncier réel

Micro-BIC
- location d'habitation meublé

Micro-BIC
- meublé de tourisme classé et chambre d'hôte

BIC réel

Conditions

Revenus < 15 k€

Revenus > 15 k€ ou sur option ou imposés dans le cadre d'un régime particulier

Revenus < 77,7 k€

Revenus < 188,7 k€

Revenus supérieurs à 188,7 k€ ou sur option

Fourniture de trois prestations annexes

Calcul des charges déductibles des revenus

30 % des revenus (loyers hors charges acquittées par le locataire)

Charges réelles (hors amortissements) + intérêts d'emprunts

50 % des revenus (loyers
+ charges du locataire)

71 % des revenus (loyers + charges
du locataire)

Charges réelles et amortissement par composants, y compris intérêts d'emprunt

Charges réelles et amortissement par composants, y compris intérêts d'emprunt

Source : commission des finances

B. LORS DE L'EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2024, LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ DES MEUBLÉS DE TOURISME A ÉTÉ MARQUÉE PAR L'IMPRÉPARATION INITIALE DU GOUVERNEMENT ET PAR SON ERREUR NAVRANTE LORS DE L'ÉLABORATION DU TEXTE FINAL

1. Une réforme annoncée, mais non préparée

Les corps d'inspection de l'État ont remis en juin 2022 au Gouvernement un rapport sur la lutte contre l'attrition des résidences principales, qui formulait des propositions en matière fiscale5(*).

La proposition n° 1 de ce rapport est de supprimer l'abattement complémentaire sur l'assiette de l'impôt sur le revenu associé aux meublés de tourisme classés et de ramener, dans le cadre du régime micro-BIC, le seuil de revenu généré des meublés classés au seuil classique. Cette mesure devait être applicable en zones tendues A bis, A et B1 au sens du zonage A/B/C des aides à l'investissement locatif6(*).

Dans une interview au Parisien en date du 26 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, avait indiqué vouloir remettre en cause le niveau d'abattement applicable aux revenus issus de la location de meublés classés de tourisme.

Ainsi, le ministre a indiqué « nous allons également prendre une mesure sur les locations meublées classées, type Airbnb. Aujourd'hui, environ 100 000 logements loués en France bénéficient d'un abattement fiscal de 71 %. C'est énorme ! C'est une incitation à ne pas mettre son logement à la location, puisque vous pouvez gagner autant d'argent en trois mois qu'en une année ! Nous réduirons cet abattement fiscal à 50 % comme pour les autres logements meublés pour que ces Airbnb reviennent sur le marché ».7(*) Qu'il soit permis de rectifier ici les propos du ministre : l'abattement de 71 % concerne uniquement les meublés de tourisme classé, et non les logements mis en location sur Airbnb8(*). Cette confusion démontre l'impréparation du Gouvernement voire une facilité politique induisant en erreur nos concitoyens sur la réalité de l'action gouvernementale.

Le projet de loi de finances pour 2024, présenté en conseil des ministres le lendemain, 27 septembre, ne comportait cependant aucune mesure concernant les meublés de tourisme. Le sujet a finalement été intégré au texte par la voie d'un amendement gouvernemental, alors que le rapport recommandant cette évolution avait été produit près d'un an et demi auparavant. Ce procédé, auquel le Gouvernement a un recours abusif, a pour conséquence que le Parlement ne dispose d'aucune analyse précise des conséquences de sa mesure dans le cadre des évaluations préalables. Autant dire que le démarrage était manqué.

2. L'imbroglio de l'examen du projet de loi de finances

a) L'amendement initial du Gouvernement

L'article 5 duodecies9(*) tel qu'issu de la première lecture du texte par l'Assemblée nationale visait à exclure les locaux classés meublés de tourisme du bénéfice du seuil haut de 188 700 euros, les soumettant automatiquement au seuil bas de 77 700 euros et ramenant le niveau de l'abattement à 50 %.

Toutefois, l'article introduit par le Gouvernement accordait un abattement supplémentaire de 21 % du chiffre d'affaires, c'est-à-dire qu'il maintenait l'abattement de 71 %, à deux conditions cumulatives :

- s'ils n'étaient pas situés dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements, c'est-à-dire qu'ils devaient être situés dans les zones B2 et C des aides à l'investissement locatif ;

- si le chiffre d'affaires hors taxes lié à cette activité n'excédait 50 000 euros au cours de l'année civile précédente.

Modifications du régime fiscal de la location meublée
proposées par l'article 5 duodecies tel qu'il résultait de la première lecture du projet de loi de finances pour 2024 par l'Assemblée nationale

(en euros et en pourcentage du chiffre d'affaires)

Source : commission des finances

L'amendement du Gouvernement justifiait la mesure par la volonté de « mettre fin à une différence de traitement en fonction du classement des locaux qui ne correspond plus à la réalité économique de ces activités », tout en soutenant les contribuables qui exercent une activité accessoire de location meublée lorsqu'elle n'entre pas en concurrence avec l'offre locative de résidences principales.

Néanmoins, l'amendement ne présentait aucun chiffrage de l'impact attendu sur la conversion de meublés touristiques en locations à usage de résidence principale dans les territoires concernés, ni sur les recettes fiscales de l'État.

b) L'adoption d'amendements identiques au Sénat, restés dans le texte final par l'inadvertance du Gouvernement

Le Sénat a, sur la proposition conjointe de Nathalie Goulet, Max Brisson, Ian Brossat et Rémi Féraud, ainsi que plusieurs de leurs collègues, modifié le dispositif de l'article 5 duodecies. Tel qu'issu des travaux du Sénat, le dispositif prévoit l'application d'un abattement réduit à 30 % pour les locaux meublés de tourisme non classés, dans un plafond de revenus de 15 000 euros.

Un abattement supplémentaire de 21 % est prévu pour les abattements classés, soit un abattement total de 92 %, pour les locaux classés meublés de tourisme situés hors des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements, dans la limite néanmoins d'un chiffre d'affaires hors taxes de 15 000 euros.

Plafonds et abattements du régime micro-BIC adoptés
en première lecture du projet de loi de finances pour 2024

(en euros et en pourcentage du chiffre d'affaires)

Source : commission des finances

En deuxième lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a, dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, retenu cet article sans modification.

Postérieurement à cet engagement de responsabilité, le Gouvernement a toutefois indiqué qu'il s'agissait d'une erreur et qu'il avait l'intention de revenir sur les votes du Sénat, ce qu'il s'est engagé à faire dans un texte ultérieur. Cette pratique a démontré une fois de plus que l'utilisation extrême de la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 49, avec la multiplication de dispositifs non discutés et non évalués, résultant de la simple reprise d'amendements, n'a pas seulement pour effet un dessaisissement du Parlement : l'absence de débat aboutit à la production d'un texte sur lequel le Gouvernement lui-même finit par ne plus avoir aucune maîtrise.

Postérieurement à la promulgation de la loi de finances pour 2024, la doctrine fiscale a indiqué que, « afin de limiter les conséquences d'une application rétroactive de cette mesure à des opérations déjà réalisées, il est admis que les contribuables puissent continuer à appliquer aux revenus de 2023 les dispositions de l'article 50-0 du CGI, dans leur version antérieure à la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 ».

Un recours a été déposé devant le Conseil d'État par deux des sénateurs à l'initiative de l'amendement10(*), ainsi que l'association pour un tourisme professionnel (AToP), le groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR) et l'union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) : ces derniers souhaitent que soit appliquée aux revenus 2023, le régime de l'article 45 de la loi de finances initiale pour 2024.

À ce stade, le Conseil d'État a rejeté la requête en référé déposée par les sénateurs estimant qu'il n'y avait pas de « situation d'urgence telle qu'elle justifie la suspension de son exécution sans attendre le jugement au fond », pour lequel l'audience se tiendra « dans les prochaines semaines ».

En tout état de cause, c'est bien le dispositif de l'article 45 de la LFI pour 2024 qui doit s'appliquer aux revenus perçus en 2024, contrairement à ce qui aurait été indiqué par l'exécutif à la presse, à savoir que « la disposition n'a pas vocation à s'appliquer dans l'intervalle » courant jusqu'à une nouvelle réforme du dispositif.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE NOUVELLE RÉFORME DU RÉGIME MICRO-BIC APPLICABLE AUX LOUEURS DE MEUBLÉS DE TOURISME, AVEC UN NOUVEL AJUSTEMENT DES PARAMÈTRES

A. LE RETOUR À UNE VERSION PROCHE DE CELLE PROPOSÉE INITIALEMENT PAR LE GOUVERNEMENT, MAIS QUI DURCIT LES PLAFONDS ET LE RÉGIME DES ABATTEMENTS

L'article 3 de la présente proposition de loi propose de modifier les seuils d'éligibilité au régime micro-BIC des meublés de tourisme classés et non classés, et de faire évoluer les niveaux d'abattements applicables.

Il convient d'abord de noter une difficulté d'ordre rédactionnel : le texte tel qu'il est rédigé s'impute sur le texte de l'article 50-0 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi de finances initiale pour 2024. Il est permis de s'étonner d'une telle situation, alors que l'article en question a été débattu par l'Assemblée nationale le lundi 29 janvier et qu'un amendement aurait pu utilement tirer les conséquences de la modification législative intervenue un mois auparavant.

Le dispositif prévoit que les meublés de tourisme classés seraient éligibles jusqu'à 30 000 euros au régime micro-BIC, tandis que les meublés de tourisme non classés ne pourraient bénéficier de ce régime que jusqu'à 15 000 euros de revenus. L'abattement applicable s'élèverait dans les deux cas à 30 %.

B. LE MAINTIEN D'UN ABATTEMENT MAJORÉ DANS CERTAINS TERRITOIRES

Le dispositif prévoit de porter l'abattement du régime micro-BIC à 71 % du chiffre d'affaires pour les hébergements classés lorsqu'ils sont situés dans une commune très peu dense au sens de la grille communale de densité de l'Institut national de la statistique et des études économiques ou dans une commune classée station de sports d'hiver et d'alpinisme. Cet abattement ne concernerait que les locations dont le chiffre d'affaires n'excéderait pas 50 000 euros au cours de l'année.

Ce régime dérogatoire est néanmoins conditionné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

Plafonds et abattements du régime micro-BIC
adoptés par l'Assemblée nationale

(en euros et en pourcentage du chiffre d'affaires)

Source : commission des finances

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF QUI DOIT ÊTRE SIMPLE, LISIBLE ET COHÉRENT AVEC L'OBJECTIF DE RÉÉQUILIBRAGE DE LA FISCALITÉ ENTRE LOCATION NUE ET LOCATION MEUBLÉE

A. LE RÉGIME MICRO-BIC DOIT DEMEURER SIMPLE ET LISIBLE POUR LE CONTRIBUABLE

Alors que les différentes initiatives de réforme intervenues ces derniers mois conduisent toutes à une complexification du régime micro-BIC, il convient de rappeler qu'il s'agit d'un régime simplifié, permettant aux contribuables de bénéficier d'un régime clair et simple à mettre en oeuvre. Il est donc nécessaire de maintenir ce qui est l'objectif de ce régime : la simplicité.

C'est pour cette raison qu'il est notamment proposé par l'amendement COM-37 la suppression du zonage prévu par le texte adopté par l'Assemblée nationale. Cette mesure permet d'éviter de créer de la complexité pour le contribuable, et des différences de traitement selon les communes. Par ailleurs, alors que des communes présentant des caractéristiques similaires peuvent avoir des positions très différentes sur la question des meublés de tourisme, il n'apparaissait pas réaliste de parvenir à un zonage consensuel, qui puissent répondre aux demandes de tous les acteurs. Les débats récents sur la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), ont bien montré la difficulté de l'exercice.

Par ailleurs, l'objectif de simplicité doit être concilié avec celui poursuivi par les auteurs de la proposition de loi, à savoir de rééquilibrer les régimes fiscaux applicables à la location nue et à la location meublée de tourisme. Ainsi, l'amendement COM-37 propose d'aligner le taux d'abattement du régime micro-BIC de la location de meublés de tourisme non classés sur le régime micro-foncier de la location nue, à savoir un abattement de 30 % du chiffre d'affaires. Par ailleurs, dans un objectif de lisibilité et de simplicité, l'amendement aligne le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourisme non classés sur celui de la location meublée non professionnelle (LMNP), à savoir 23 000 euros de chiffre d'affaires.

B. LE MAINTIEN D'UNE INCITATION AU CLASSEMENT POUR LES LOUEURS DE MEUBLÉS DE TOURISME

Les meublés de tourisme classés doivent faire l'objet d'un traitement différencié. En effet, le classement des hébergements meublés répond à un objectif de montée en gamme des capacités d'accueil touristique, dont doit tenir compte le législateur. Les charges sont différentes entre les deux types d'hébergements, et le régime micro-BIC doit conserver ce différentiel.

Ainsi, l'amendement COM-37 propose que les meublés de tourisme classés bénéficient d'un abattement de 50 %. Ils seraient ainsi maintenus dans le doit commun du régime micro-BIC, et ne feraient pas l'objet d'un traitement dérogatoire comme les meublés de tourisme non classés.

L'amendement supprime toute référence à un zonage, qui reviendrait, au regard des autres taux définis par l'amendement, à maintenir une niche fiscale au profit de certains hébergements.

D'abord, comme l'ont relevé plusieurs auditionnés, et en particulier la direction générale des entreprises dans ses réponses au questionnaire, « il conviendrait de ne pas faire mention de la notion de « station classée de sport d'hiver », dès lors que la catégorie des stations classées de sport d'hiver et d'alpinisme a été supprimée dans le cadre de la réforme du classement des communes touristiques issue de la loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 et de son décret d'application (décret n° 2008-884 du 2 septembre 2008 relatif aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme) ».11(*)

De plus, au regard du principe d'égalité devant l'impôt, il est difficilement justifiable de mettre en place des régimes d'abattement différenciés qui seraient sans lien avec l'objet du régime micro-BIC. La différence de traitement entre les hébergements de montagne et les autres hébergements ne semble pas avoir été justifiée par les auteurs du texte.

Il convient donc de mettre en oeuvre un dispositif fiscal équilibré, qui ne constitue plus un avantage fiscal injustifié pour certaines catégories de contribuables.

Le dispositif ainsi proposé est juste, simple et équilibré : il supprime l'abattement de 71 % qui paraît excessif, il met en cohérence le dispositif fiscal applicable aux locations meublées de tourisme avec des seuils existants, il supprime un zonage inopérant et aussi difficile à justifier qu'à dessiner et, enfin, il maintient une incitation au classement.

Décision de la commission : la commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4

Réintégration au calcul de la plus-value de cession des amortissements pour les loueurs de meublés touristiques non professionnels

Le présent article prévoit de réintégrer au calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés touristiques non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens.

Néanmoins, ce dispositif ayant été introduit par amendement parlementaire lors de l'examen du texte par la commission des finances de l'Assemblée nationale, il n'est accompagné d'aucune étude d'impact, et l'administration n'a été en mesure d'apporter aucun élément précis sur les conséquences de la mise en oeuvre de ce dispositif.

Alors que les régimes d'imposition des plus-values des particuliers et des professionnels diffèrent sensiblement, notamment en termes d'abattements et d'exonérations, il aurait pourtant été indispensable d'évaluer avec précision les conséquences de ce changement de régime, afin de s'assurer qu'il ne conduit pas à des différences de traitement injustifiées.

La commission propose à la commission des affaires économiques de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LES PLUS-VALUES DES LOUEURS DE MEUBLÉS NON PROFESSIONNELS SONT IMPOSÉES SUIVANT LE RÉGIME DE LA PLUS-VALUE DES PARTICULIERS, LES AMORTISSEMENTS DÉDUITS DES REVENUS N'ÉTANT PAS RÉINTÉGRÉS AU MOMENT DU CALCUL

A. LA POSSIBILITÉ DE DÉDUIRE LES AMORTISSEMENTS POUR LES LOUEURS DE MEUBLÉS NON PROFESSIONNELS

Au régime réel, le bénéfice net imposable des loueurs de meublés non professionnel (LMNP) est déterminé dans les conditions de droit commun par la différence des produits et des charges issues des opérations de toute nature de l'entreprise.

Le loueur peut donc déduire les amortissements de biens donnés en location meublée. En application de l'article 38 sexies du code général des impôts, annexe III, les immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible ne peuvent être comptabilisé en amortissement. Ainsi, par exemple, les terrains ne peuvent pas être considérés comme des éléments donnant lieu à amortissement. La quasi-totalité des autres composantes du logement peuvent faire l'objet d'amortissements (y compris le gros oeuvre, sur des durées pouvant aller jusqu'à 40 et 50 ans).

Les amortissements sont admis en déduction du résultat imposable, au titre d'un même exercice, dans la limite du montant du loyer acquis. Ils permettent donc de réduire fortement la part des revenus imposables.

B. L'ABSENCE DE RÉINTÉGRATION DES AMORTISSEMENTS LORS DU CALCUL DE LA PLUS-VALUE

Les plus-values réalisées lors de la cession de locaux relevant du régime LMNP sont soumises aux règles prévues à l'article 150 U du CGI et à l'article 150 VH du CGI, qui correspondent au régime des plus-values des particuliers.

Ainsi, quand bien même des amortissements auront pu être déduits des revenus issus de la location du bien, ces revenus ne sont pas réintégrés en application de ce régime. Il s'agit d'une différence notable avec le régime de la location de meublé professionnelle, qui donne lieu à la réintégration des amortissements déduits des revenus.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA RÉINTÉGRATION AU CALCUL DE LA PLUS-VALUE DES AMORTISSEMENTS DÉDUITS DES REVENUS DES LOUEURS DE MEUBLÉS NON PROFESSIONNELS

Le présent article prévoit de réintégrer au calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens, lorsque ces biens ont été loués comme meublés de tourisme.

L'article ne modifie pas l'alignement sur le régime d'imposition des particuliers, mais prévoit de façon dérogatoire la réintégration des amortissements.

Le dispositif est gagé, alors qu'il devrait permettre un gain fiscal lors de l'imposition des plus-values.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE RÉFORME À L'AVEUGLE, DONT LES CONSÉQUENCES DEVRAIENT FAIRE L'OBJET D'UNE ANALYSE ÉTAYÉE

Le présent article modifie de manière très substantielle les modalités de calcul des plus ou moins-value de cession des locaux meublés de tourisme, sans aucune information sur les conséquences de cette modification pour les contribuables concernés.

Le dispositif n'est en particulier accompagné d'aucune analyse et les services du ministère de l'économie et des finances, interrogés par le rapporteur général, n'ont été en mesure d'apporter aucun élément précis sur les conséquences de la réintégration des amortissements dans le calcul de la plus-value pour les particuliers.

Il convient de souligner que les régimes d'imposition des plus-values, tant pour les particuliers que pour les professionnels, relèvent de dispositifs complexes, intégrant des exonérations et des abattements pour durée de détention, qui doivent être pleinement intégrés à l'analyse pour s'assurer de l'efficacité du dispositif. Le changement de régime ne saurait être réalisé de cette façon, à l'aveugle, et alors que l'exécutif n'est pas en mesure d'apporter d'éléments étayés pour appuyer cette évolution.

Par ailleurs, l'évolution proposée au présent article viserait uniquement les meublés de tourisme, et non les autres types de location meublée. Cette distinction ne fait pas l'objet de justifications spécifiques, alors même que l'administration n'est pas en mesure, à ce jour, de distinguer les différents types de locations meublées sur la base des déclarations des contribuables.

La commission des finances du Sénat a par conséquent adopté un amendement COM-38, qui supprime le présent article et propose de renvoyer une éventuelle modification de ce dispositif fiscal à un débat en loi de finances, sur la base d'une étude chiffrée et précise de son impact. En effet, un rapport a été commandé à Mme Le Meur, auteure et rapporteure de la présente proposition de loi, sur la fiscalité locative. Ces travaux, dont la restitution a été plusieurs fois repoussée, pourraient utilement éclairer le sujet, alors qu'une réforme plus large du régime réel d'imposition des revenus de locations meublées est envisagée.

Décision de la commission : la commission propose à la commission des affaires économiques de supprimer cet article.


* 2 Avant la loi de finances initiale pour 2024, le régime micro-BIC dans son ensemble distinguait deux régimes :

- jusqu'à 188 700 euros, un abattement de 71 % du chiffre d'affaires pour les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place. Ce seuil vise également des micro-entreprises dont le commerce est de fournir un logement, à l'exception des locations de locaux d'habitation meublés non classés.

- 77 700 euros s'il s'agit d'autres entreprises, y compris les locations meublées ne relevant pas du seuil de 188 700 euros. L'abattement est alors de 50 %.

* 3 Article L. 324-1 du code du tourisme et Atout France, Le classement des meublés de tourisme.

* 4 Article L. 324-3 du code du tourisme.

* 5 Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable et Inspection générale de l'administration, Lutte contre l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental, juin 2022.

* 6 Le zonage A / B / C a été présenté dans le cadre de l'article 3 sexies supra.

* 7 Bruno Le Maire : « L'inflation, c'est mon premier combat », le 26 septembre 2023, Le Parisien.

* 8 D'après les informations recueillies par le rapporteur auprès de l'entreprise, seuls 20 % des logements sur la plateforme seraient des logements classés de tourisme.

* 9 Devenu article 45 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 10 Ian Brossat et Max Brisson.

* 11 Réponse de la direction générale des entreprises au questionnaire du rapporteur.

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