Avis n° 79 (1995-1996) de M. Alain PLUCHET , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 27 novembre 1995

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N° 79

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

AGRICULTURE

Par M. Alain PLUCHET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, vice-présidents ; Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et TA. 413.

Sénat : 76 et 77 (annexe n°3) (1995-1996).

Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Cette année, comme les années précédentes d'ailleurs, le budget de l'agriculture peut faire l'objet d'appréciations très contrastées : « arithmétiquement », avec 35,6 milliards de francs, il baisse de plus de 8 % ; si l'on écarte la subvention d'équilibre au budget annexe des prestations sociales agricoles, la diminution n'est plus que de 1,6% ; on peut même établir qu'à la condition d'écarter le coût des programmes en voie d'achèvement, les crédits -à structure constante- progressent de 1,5 %.

Le budget pour 1996 apparaît, en définitive, comme la résultante d'ajustements comptables, d'économies de constatation et d'arbitrages -rendus indispensables par le contexte de rigueur budgétaire- pour redéployer les crédits en direction des actions reconnues comme prioritaires.

L'exercice, par conséquent, doit être relativisé. D'autant plus que le budget propre du ministère ne représente aujourd'hui que moins du quart de l'ensemble des dépenses en faveur de l'agriculture et de la forêt et qu'au sein de ce budget, les crédits destinés aux activités productives sont très minoritaires.

En outre, la discussion budgétaire s'inscrit, cette année, entre l'entrée en application des mesures prévues par la loi de modernisation, avec par exemple la signature de la Charte de l'installation, et la Conférence agricole annoncée. L'appréciation susceptible d'être portée ne peut donc s'abstraire des mesures -importantes- déjà prises dans un cadre « extrabudgétaire » ni de celles qui pourraient l'être, notamment dans le domaine de la poursuite de l'allégement des charges, de l'adaptation de la fiscalité agricole et des modifications à apporter au droit de la concurrence.

Enfin, le jugement porté sur ce projet de budget ne peut ignorer l'environnement dans lequel il s'inscrit.

Au niveau national, tout d'abord, il semblerait que l'on assiste à un retournement de tendance, après les années d'incertitudes et d'inquiétudes, alimentées par les bouleversements internationaux et communautaires, qu'a traversées ce secteur. La -modeste- reprise des installations, le redressement de l'investissement pourraient ainsi témoigner d'une évolution positive des mentalités, confortée, pour la seconde année consécutive, par la nette progression du revenu agricole.

Ce n'est pas, pour autant, que tout motif d'inquiétude ait disparu.

Si le premier bilan susceptible d'être tiré de la réforme de la PAC fait apparaître que les prévisions les plus pessimistes ne se sont pas réalisées, de nombreuses incertitudes ne sont pas levées.

La réforme est, tout d'abord, incomplète puisque, dans le secteur végétal, deux grandes organisations communes des marchés -celle du vin et celle des fruits et légumes- n'ont pas encore été réformées.

D'autre part, le problème des désordres monétaires, qui mettent à mal les mécanismes même de la réforme et créent d'insupportables distorsions de concurrence, dont font les frais nos producteurs de fruits et légumes et nos éleveurs, n'est pas réglé.

Mais c'est surtout le « volet extérieur » qui est le plus préoccupant : on constate, en effet, que la Commission gère les exportations communautaires, qu'il s'agisse de la fixation du montant des restitutions ou de l'octroi de certificats d'exportation, de façon beaucoup plus restrictive que ce qu'exigerait la situation des marchés. La Communauté renonce, aujourd'hui, à des parts de marchés qu'elle pourrait occuper, faisant le jeu de ses concurrents et au risque de ne pas remplir les « quotas » d'exportations subventionnées, péniblement obtenus dans le cadre des accords du GATT.

Il y a là un hiatus entre le discours tenu sur la vocation exportatrice de la Communauté et la politique effectivement conduite.

Dernière inquiétude : celle relative à la réforme, qui se profile, des mécanismes de l'actuelle PAC. Les perspectives d'élargissement aux Pays d'Europe centrale et orientale ne peuvent qu'aviver le débat sur la pérennité du niveau de soutien et des mécanismes actuels. Pour certains, l'élargissement paraît bien n'être qu'un alibi commode pour obtenir le démantèlement de la politique agricole construite depuis trente ans par la Communauté.

S'agissant des aspects internationaux force est, tout d'abord, de constater que la conclusion des accords du GATT ne s'est pas accompagnée, loin de là, de l'extinction des contentieux agricoles, principalement avec les États-Unis.

Mais surtout, c'est la prolifération des projets d'accords préférentiels et de zones de libre échange, envisagés par la Commission, qui paraît préoccupante compte tenu de l'impact qu'ils auraient sur l'agriculture de la Communauté : la suppression des droits de douane sur les produits agricoles -qui viennent pourtant d'être consolidés au GATT...- conduirait, de fait, à la disparition de la préférence communautaire.

Une vigilance extrême de la part du Gouvernement français s'impose donc à l'égard de tels projets, envisagés sans vision d'ensemble évidente et sans même attendre que les accords du GATT aient produit leurs effets attendus.

CHAPITRE PREMIER - L'ENVIRONNEMENT DU PROJET DE BUDGET

I. LES COMPTES DE L'AGRICULTURE : UNE NETTE AUGMENTATION DU REVENU

Selon les comptes provisoires de l'agriculture, publiés en juin 1995, le revenu brut agricole moyen par exploitation a augmenté de 11,5 % en termes réels en 1994.

Cette évolution s'explique par plusieurs facteurs :

- l'accroissement de la valeur ajoutée dégagée par la branche, sous l'effet d'une progression des livraisons supérieure à celle des consommations intermédiaires ;

- l'augmentation des subventions, en application de la réforme de la PAC, et la réduction des charges d'exploitation ;

- la diminution du nombre d'exploitations.

A. L'AMÉLIORATION DE LA VALEUR AJOUTÉE

L'année 1994 est en effet caractérisée par l'amélioration du compte de production de la branche : la valeur ajoutée brute a augmenté d'1,6 %.

1. En rupture avec l'évolution des dernières années, la valeur ajoutée augmente

Après avoir régulièrement décru au cours des dernières années, et s'être brutalement effondrée en 1993 sous l'effet de l'application de la réforme de la PAC, la valeur ajoutée progresse légèrement en 1994.

Cette progression permet de stabiliser la part de la valeur ajoutée dans les livraisons à 53,2 % -ce taux était de l'ordre de 58,59 %, avant la réforme-ainsi que dans l'ensemble de la production nationale : environ 2,3 %, soit la moitié de ce qu'elle représentait en 1982.

Cette diminution tendancielle du taux de la valeur ajoutée agricole dans l'économie s'explique, pour l'essentiel, par un « effet-prix », conséquence de l'évolution du différentiel de prix entre l'agriculture et les autres activités économiques : à prix constant, la valeur ajoutée de la branche agricole aurait été, en 1994, à peu près au niveau de 1980 (4-4,2 %)...

PART DE LA VALEUR AJOUTÉE (OPTIQUE PRODUCTION) DE L'AGRICULTURE DANS L'ENSEMBLE DE L'ÉCONOMIE

Quoiqu'il en soit, cette progression de la valeur ajoutée s'explique, en 1994, par une moindre croissance du coût des consommations intermédiaires (+ 1,5 %) que de la valeur des livraisons (+ 1,6 %).

2. Des livraisons en progression

En effet, pour la première fois depuis quatre ans, les livraisons augmentent en valeur.

Comme l'illustre le tableau ci-après, l'évolution est contrastée selon les secteurs et, globalement, résulte davantage d'une augmentation des prix que des volumes livrés.


• Ainsi, les céréales ont-elles connu à la fois une baisse des prix et des volumes, conduisant à une valeur des livraisons inférieures d'environ 13 % au niveau de 1993. La diminution des volumes s'explique par la contraction de la sole céréalière. En effet, si, en 1994, la surface consacrée aux grandes cultures est restée stable, la répartition entre céréales et oléagineux a été modifiée : la sole céréalière a continué à se réduire d'environ 320.000 hectares au profit des oléagineux, au prix plus attractif. Quant aux prix, ceux du premier semestre 1994(campagne 1993-1994) étaient en forte baisse en raison de la réduction des prix d'intervention au 1er juillet 1993. En revanche, malgré la nouvelle baisse des prix d'intervention à compter du 1er juillet 1994, les prix du marché du second semestre 1994 (campagne 1994-1995) ont été beaucoup plus fermes. Cette bonne tenue des prix s'explique par la faiblesse de l'offre face à une demande soutenue de la part des industries agro-alimentaires. Sur le marché mondial, par ailleurs, l'offre de céréales s'est également réduite dans les pays traditionnellement exportateurs (Australie, Turquie, Canada), face à une demande relativement forte de la part de la Communauté des États indépendants et de la Chine, où la production a baissé.


• À l'inverse, les plantes industrielles augmentent leurs livraisons à la fois en volume et en prix. Si les livraisons de betteraves diminuent de 3 % en valeur (- 9,5 % en volume, + 7,2 % en prix), celles d'oléagineux progressent très sensiblement de 19,8 %, compte tenu de la forte augmentation des volumes livrés (+ 22 %).


• Les livraisons de fruits et légumes et de vin connaissent une évolution favorable, essentiellement sous l'effet d'une nette augmentation des prix : + 6,9 % pour les fruits et légumes et 10,8 % pour les vins.

L'accroissement de la valeur des livraisons de fruits et légumes doit cependant être relativisé : il s'analyse, en réalité, comme un rattrapage par rapport à une mauvaise année 1993.

De même, pour les vins, la forte augmentation de la valeur des livraisons s'explique par le redressement des prix, après trois années de baisse des cours.


• La diminution des livraisons de bétail de 1,1 % en valeur masque des évolutions contrastées.

Avec une baisse en volume de 4,3 %, la valeur des livraisons de gros bovins ne se réduit que de 3,8%. Leurs prix progressent en effet de 0,5 %, ne répercutant pas la diminution des prix de soutien communautaires.

Après une année 1993, caractérisée par un effondrement de 27 % des cours, les livraisons de porcins se redressent de 5,9 %. De leur côté, les livraisons de veaux et d'ovins-caprins diminuent respectivement de 3,4 et 2,7%.


• Pour les autres produits animaux, on constate l'augmentation de la valeur des livraisons de l'aviculture (+ 1,5 %, 3,8 % pour les volailles mais -7 % pour les oeufs) et le lait (+ 0,9 %) en valeur.

3. La reprise des consommations intermédiaires

La valeur des consommations intermédiaires de la branche a augmenté d'1,5 % , sous l'effet de l'augmentation des volumes consommés.

En effet, après trois années consécutives de baisse, les consommations intermédiaires ont progressé de 1,9 % en volume, sous l'effet de l'augmentation des achats d'aliments pour animaux, due à la croissance des livraisons de volailles et de porcins, et celle des produits de protection des cultures (+ 3,9 % pour chacun des deux postes). En revanche, la consommation d'engrais a continué de se réduire (- 2,1 %), mais aurait repris au début de la campagne 1994-1995.

Globalement, les volumes consommés restent cependant en retrait de ceux utilisés en 1991.

La baisse des prix des consommations intermédiaires se poursuit (- 0,4 %), mais sur un rythme moindre que celui observé au cours de la décennie écoulée. On notera que la baisse du prix de l'alimentation animale a été relativement modérée ; en effet, une forte hausse du prix du tourteau de soja est venue contrebalancer la baisse des prix des céréales.

B. L'AUGMENTATION DU REVENU AGRICOLE

1. Les composantes de cette évolution

Le revenu de la branche agricole est déterminé à partir de la valeur ajoutée, augmentée des autres ressources perçues mais diminuée des différentes charges supportées.

L'examen des comptes d'exploitation et de revenu fait ainsi apparaître qu'à l'accroissement de la valeur ajoutée, se sont ajoutées une nette augmentation des subventions et une diminution sensible des charges.

Comme l'illustre le tableau ci-après, l'amélioration du revenu tire son origine de deux mouvements cumulatifs : la diminution des charges et l'augmentation des subventions.

2. L'augmentation massive des subventions

L'augmentation de près de 7 milliards de francs des subventions par rapport à 1993 est la conséquence de la réforme de la PAC.

Au total, les aidées créés ou revalorisées par la réforme de la PAC ont atteint 34,3 milliards de francs en 1994, soit une augmentation de 27 %. Elles représentent plus des trois-quarts des subventions.

Les progressions les plus marquées concernent les aides à l'élevage : + 63,4 %. Les aides aux grandes cultures progressent, elles, de 20,5 %.

Globalement, en deux ans, les subventions d'exploitation se sont accrues de 26 milliards de francs, soit une multiplication par 2,4.

3. Les résultats de la politique d'allégement des charges


• Cet allégement est sensible pour les cotisations sociales. Celles versées pour les salariés diminuent de 10 %, grâce à la prise en charge par l'État des cotisations sur les salaires inférieurs à 1,5 fois le SMIC.

De leur côté, les modifications apportées à l'assiette des cotisations a entraîné une réduction de 5 % du montant des cotisations des exploitants.

ï Sous l'effet de la suppression de la taxe de coresponsabilité laitière et de la poursuite du démantèlement des taxes BAPSA, les impôts liés à la production baissent de 500 millions de francs.

ï L'impôt foncier diminue de plus de 10 %, en raison notamment de la poursuite du démantèlement de la taxe départementale sur le foncier non bâti.

ï Enfin, les frais financiers évoluent favorablement. Les intérêts versés diminuent de 500 millions de francs, sous l'effet du recul de l'encours des prêts, de la diminution du taux d'intérêt moyen et de la prise en charge d'intérêts par l'État.

La conjonction de ces trois facteurs -l'augmentation de la valeur ajoutée, l'accroissement des subventions d'exploitation et l'allégement des charges- conduit la branche à dégager un revenu brut en augmentation de 9,3 % par rapport à 1993.

En francs constants (compte tenu d'une hausse d'1,5 % du PIB marchand) et de la diminution du nombre d'exploitations (- 3,4 %), le revenu brut moyen par exploitation en termes réels a augmenté de 11,5 % en 1994.

4. La poursuite de la baisse du nombre d'exploitations

Comme chaque année, en effet, la diminution du nombre d'exploitations permet de majorer l'évolution du revenu moyen par rapport à l'évolution observée dans l'ensemble de la branche : un nombre toujours plus réduit d'exploitations se partage un revenu global, en diminution tendancielle.

Ainsi, alors que selon les résultats de l'enquête sur la structure des exploitations agricoles, on dénombrait 801.400 exploitations agricoles en 1993, elles ne seraient plus que 770.000 en 1994. Leur nombre a été divisé par trois en près de quarante ans.

La mise en place, en 1986, des mesures d'abaissement progressif de l'âge de la retraite des agriculteurs (60 ans au 1er janvier 1990) et celles liées à la préretraite depuis le 1er janvier 1992, ont contribué à accélérer la diminution du nombre d'exploitations. Dans les prochaines années, cependant le mouvement devrait se ralentir, compte tenu de la diminution de l'effectif des agriculteurs âgés.

Il faut d'ailleurs souligner que le nombre d'actifs agricoles, 1.609.000 en 1993, soit quatre fois moins qu'en 1955, diminue plus rapidement que celui des exploitations.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D'EXPLOITATIONS ET D'ACTIFS

AGRICOLES

En 1993, chaque exploitation compte, en moyenne, deux actifs. Il y en avait 2,6 en 1955, sur des unités plus petites et moins mécanisées. Le travail agricole s'est intensifié : 100 hectares requéraient 6 actifs agricoles en 1993, trois fois moins qu'en 1955.

L'amélioration du revenu enregistrée en 1994, effaçant les baisses de revenus de 1991 et 1992, permet de retrouver et de dépasser le niveau atteint en 1990. Depuis 1980, seule l'année 1982, avec une hausse de 13,7 %, avait connu une évolution encore plus favorable.

Pour excellents qu'ils soient, ces résultats doivent être relativisés :

- l'augmentation du revenu moyen de 1980 à 1994 (environ 40 %) doit être mise au regard de la diminution du nombre d'exploitations au cours de la même période : - 35 % ;

- au cours des vingt dernières années, le revenu moyen agricole aura évolué plus défavorablement que le revenu moyen par habitant : depuis 1970, ce dernier a augmenté d'environ 65 %, alors que le revenu moyen agricole s'est accru de 38 %...

C. UNE ÉVOLUTION DU REVENU CONTRASTÉE SELON LES SECTEURS ET LES DÉPARTEMENTS

1. L'évolution selon les types de production

L'indicateur retenu est le revenu brut d'exploitation (RBE) qui se distingue légèrement du revenu brut agricole.

L'évolution du RBE moyen fait apparaître une augmentation dans la quasi totalité des orientations, mais d'une ampleur très inégale.

ÉVOLUTION DU REVENU BRUT D'EXPLOITATION EN TERMES RÉELS (en % annuel)

Les catégories d'exploitations qui avaient enregistré les résultats les plus défavorables au cours des années écoulées sont celles qui progressent le plus en 1994.

Ainsi, l'arboriculture fruitière voit-elle son RBE moyen quasiment doubler (+ 93 %). Après deux années de forte baisse (- 53 % en 1992 ; - 32 % en 1993), ce doublement ne permet pas de ramener le RBE au niveau de celui de 1991 : le RBE de 1994 reste inférieur de 30 % à celui dégagé il y a trois ans...

De la même façon, la progression de la viticulture (+ 33,2 %) fait suite à une succession de mauvaises années. L'augmentation est due à la viticulture de qualité qu'une progression de 50 % ne ramène d'ailleurs pas au niveau de l'année 1990...

Parallèlement, l'amélioration de 21 % du RBE des exploitations maraîchères et florales, après une baisse de 26 % en 1992, ne permet pas à ce secteur de retrouver le niveau moyen dégagé en 1991.

De même, la progression de 11 % du hors sol (élevages porcins et avicoles) marque un rattrapage après la crise de 1993 (-35 %).

Pour les grandes cultures, la progression du RBE moyen s'explique par la très forte hausse des subventions (+ 18 %). L'évolution divergente entre les céréaliers spécialisés et les autres s'explique, pour les premiers, par la diminution de la valeur des livraisons de maïs, pour les autres par la progression de volume des livraisons d'oléagineux.

Les exploitations d'élevage bovin voient l'amélioration de leur revenu se poursuivre : 7 % en 1992 ; 12 % en 1993 ; 11 % en 1994.

Là aussi, la hausse du revenu s'explique par l'augmentation des subventions d'exploitation (+ 39 %).

Seul, l'élevage ovin spécialisé enregistre une diminution de son revenu moyen (- 5,6 %).

Cette évolution, cumulée avec celle enregistrée au cours des dernières années, conduit à un resserrement de la fourchette du revenu moyen entre les différents types d'exploitations.

L'écart passe ainsi d'une fourchette de 43 (bovins viande) à 307 (floriculture), il y a dix ans, à une fourchette de 43 (ovins) à 160 (hors sol).

Au cours de ces dix années, certaines productions, très en-dessus de la moyenne au début des années 1980, ont connu une réduction spectaculaire de leur position relative : l'horticulture, l'arboriculture, la céréaliculture spécialisée.

D'autres ont vu leur position relative s'éroder, mais rester supérieure à la moyenne des exploitations (le hors-sol).

La situation de l'élevage, globalement, s'est améliorée (à l'exception de l'élevage ovin), même si son revenu reste inférieur à la moyenne.

2. L'évolution géographique

Comme chaque année, la disparité de l'évolution des RBE départementaux est notable : + 70 % pour les Bouches-du-Rhône ; - 6 % pour la Meurthe et Moselle.

Globalement, cependant, le revenu s'améliore dans neuf départements sur dix. Sept d'entre eux seulement voient leur revenu baisser.

ÉVOLUTION DU REVENU AGRICOLE EN 1994 (RBE PAR EXPLOITATION EN TERMES RÉELS)

Une majorité des départements de grandes cultures voient leurs revenus progresser. Seuls les départements essentiellement céréaliers, comme l'Eure-et-Loir, connaissent une situation moins favorable.

Les départements d'élevage progressent. Ainsi, le bassin extensif du Massif Central connaît une augmentation du revenu pour la troisième année consécutive.

Enfin, les départements viticoles, à l'exception de la Charente et de la Charente-Maritime, enregistrent une amélioration de leur revenu.

Ces évolutions confirment une tendance au resserrement des écarts interdépartementaux : au cours de la décennie écoulée, le rapport entre le revenu moyen des dix départements les plus riches et les dix départementaux les plus pauvres est passé de 5,12 à 4,30.

D. LES PERSPECTIVES POUR 1995

Pour 1995, le revenu brut agricole moyen par exploitation serait en augmentation de 10,8 %, selon les chiffres prévisionnels rendus publics le 22 novembre, soit une évolution comparable à celle de 1994.

L'année 1995 serait ainsi caractérisée par une nette progression des livraisons en valeur (+ 3,8 %) qui résulte, pour l'essentiel, des excellents résultats de la viticulture et, dans une moindre mesure, des grandes cultures. La valeur ajoutée de l'agriculture s'accroîtrait à peu près au même rythme que les livraisons (+ 3,7 %), soit une progression plus importante qu'en 1994 (+ 1,6 %).

En outre, dans le cadre de la poursuite de la réforme de la PAC, en contrepartie de la baisse des prix d'intervention de certaines productions (grandes cultures et viande bovine), les aides compensatoires versées aux producteurs de céréales et de viande bovine ont été revalorisées.

De plus, dans le cadre des mesures nationales d'accompagnement de la réforme, certaines aides, notamment la prime à l'herbe, ont également été revalorisées. Ainsi, le poste « subventions d'exploitation » progresse de façon sensible, passant de 44,1 milliards en 1994 à 50,1 milliards en 1995. Toutefois, au niveau de l'ensemble des concours publics à l'agriculture, cette augmentation des subventions est compensée, en partie, par le repli des dépenses de restitutions et d'intervention, notamment pour les céréales. Comme en 1993 et 1994, l'accroissement des subventions n'est que la traduction, pour l'essentiel, de la modification du mode de soutien à l'agriculture.

Enfin, on constate la poursuite de l'abaissement des charges d'exploitation : -7% pour les charges d'intérêt, - 12% pour la taxe sur le foncier non bâti.

Comme chaque année, cette moyenne masque d'importantes disparités.

La viticulture connaîtrait une hausse de son revenu d'environ 34 %, soit un chiffre identique à celui de l'année dernière.

L'arboriculture fruitière progresse de 8 %, mais avec de fortes disparités et sans retrouver le niveau atteint en 1990.

Pour les céréaliers, la hausse de 28,6 % des primes compensatoires européennes qui est allée de pair avec la remontée des cours des céréales sur le marché mondial permettait de prévoir une nette augmentation des revenus dans ce secteur. Pour l'ensemble des grandes cultures -céréales, oléagineux et protéagineux-, la hausse devrait être sensiblement identique à la moyenne de 11 %. Les producteurs de blé et, dans une moindre mesure, de maïs, vont, sans nul doute, voir leur revenu croître dans une proportion supérieure à celui des producteurs de protéagineux qui ont vu les cours de leur production baisser.

Pour l'élevage bovin, la hausse serait comprise entre 7 et 8 %, mais pour les bovins de la filière viande, elle serait inférieure ou au mieux égale à 2 %. En effet, après trois années favorables, l'élevage bovin-viande a connu, en 1995, une conjoncture de prix difficile : la valeur ajoutée de cette catégorie d'exploitations baisserait de plus de 8 % en moyenne. C'est l'accroissement des subventions d'exploitation, due notamment aux primes à la vache allaitante et aux bovins mâles, qui permettrait la légère progression du revenu, sensiblement plus faible que les années précédentes

Pour l'élevage laitier, l'augmentation du revenu serait de l'ordre de 9%. L'élevage mixte (lait-viande) connaîtrait la plus forte progression : 13 à 14 %. Les éleveurs de moutons bénéficieraient, comme pour l'élevage bovin, d'un gain de revenu de 7 à 8 %.

Le hors sol progresserait fortement (+ 21 %), mais sans pour autant retrouver le niveau de 1992. En outre, l'aviculture pourrait enregistrer une baisse de revenu.

Seuls les exploitants spécialisés dans le maraîchage verraient leur revenu baisser d'environ 3 %.

II. LA POURSUITE DE LA MISE EN PLACE D'UNE POLITIQUE AMBITIEUSE

Le projet de budget doit être replacé dans le cadre de l'ensemble des mesures prises pour accompagner l'adaptation de notre agriculture. Cette année, la discussion budgétaire « s'insère », en effet, entre la mise en oeuvre de la loi de modernisation, votée en janvier, et la Conférence agricole annoncée pour le mois de décembre.

A. LES AVANCÉES DE LA LOI DE MODERNISATION

En décembre 1993, le Gouvernement s'était engagé devant le Parlement à accompagner la réforme de la PAC et les accords du GATT par un dispositif national -législatif et réglementaire- qui permette à l'agriculture française de s'adapter. L'engagement a été tenu avec la loi de modernisation, votée en janvier dernier, dont les grandes lignes avaient été tracées à l'occasion du débat d'orientation organisé au Parlement au printemps 1994.

Sans revenir dans le détail sur les dispositions de cette loi, largement analysées dans le rapport législatif de votre commission, on peut rappeler que pour permettre à l'agriculture de remplir les deux missions qui lui ont été assignées -être performante et tenir le territoire 1 ( * ) -, cinq priorités ont été dégagées :

- favoriser l'installation des jeunes ;

- alléger les charges qui pèsent sur l'agriculture ;

- moderniser le statut de l'entreprise ;

- renforcer les instruments de coordination de la politique agricole ;

- améliorer la protection sociale.


• Les dispositions prises en matière d'installation sont détaillées dans le présent avis dans le cadre de l'examen des dotations budgétaires consacrées à la DJA.


• La loi de modernisation prolonge, sur de nombreux points, la politique d'allégement des charges mise en place au cours des dernières années.

Après la suppression de la part régionale de l'impôt foncier non bâti, décidée en 1993, et le démantèlement de la part départementale qui sera achevé en 1996, la réforme de l'impôt sur le foncier non bâti est poursuivie : la part communale sera écrêtée, et de façon d'autant plus importante que l'impôt est élevé par rapport au revenu des terres à vocation agricole. Ceci sera mis en oeuvre après actualisation des bases d'imposition, c'est-à-dire au plus tard en 1997.

L'adaptation de l'assiette des cotisations sociales contribue également à travers cette politique : pour les exploitants propriétaires de leurs terres, les cotisations seront calculées en excluant le revenu implicite de leur capital foncier. Ainsi, les cotisations sociales de l'exploitant agricole seront calculées de la même façon, qu'il soit fermier ou propriétaire-exploitant.

Cette déduction sera faite sur la base du revenu cadastral des terres en propriété, dont le niveau sera actualisé par la prise en compte des nouvelles bases cadastrales.


• Le troisième volet tend à moderniser le statut de l'entreprise agricole, à travers diverses dispositions, principalement fiscales, destinées à faciliter l'accès de l'entreprise agricole au statut sociétaire. L'objectif recherché est que le passage du statut individuel au statut sociétaire ne se traduise plus par des coûts financiers, liés aux mécanismes fiscaux.

Enfin, le principe est posé de l'extension aux entreprises sociétaires -dès lors que celles-ci sont détenues majoritairement par des agriculteurs- des aides économiques, essentiellement des prêts bonifiés, dont bénéficient les entreprises individuelles.


• Le renforcement des instruments de coordination de la politique agricole constitue la quatrième priorité de la loi.

Au plan national, la loi renforce le rôle du Conseil supérieur d'orientation (CSO), dont la mission de coordination horizontale sera accrue , en particulier vis-à-vis des offices par produits. Ce rôle de coordination portera également sur la dimension territoriale de la politique agricole.

Au plan départemental, la loi fusionne, en une seule commission, les attributions antérieurement dévolues à la commission des structures et à la commission mixte. Il s'agit de permettre à cette nouvelle et unique commission de définir dans chaque département les priorités en matière d'orientation des productions, d'occupation de l'espace agricole et d'aménagement des structures d'exploitation.

Parallèlement, le rôle des interprofessions est amélioré. Leur champ de compétence se trouve élargi, avec la possibilité qui leur est reconnue d'intervenir dans le cadre des dispositions de l'ordonnance de 1986 sur la concurrence.


• Enfin, la loi améliore la protection sociale des anciens exploitants et de leurs conjoints, à travers notamment la levée de l'interdiction de cumul entre une pension de réversion et la retraite acquise à titre personnel. Compte tenu de son coût -deux milliards de francs- la levée progressive de l'interdiction de cumul pour les futurs veufs ou veuves se fera sur trois ans, avec majoration forfaitaire équivalente pour les actuels veufs ou veuves qui auraient pu bénéficier d'une pension de réversion (2.000 francs en 1995, 4.000 francs en 1996, et 6.000 francs en 1997).

B. LES AMÉLIORATIONS ANNONCÉES

1. La conférence agricole

Renouant avec une habitude interrompue en 1988, le Président de la République a annoncé la tenue d'une conférence agricole pour la fin de l'année. Selon les indications fournies par M. Philippe Vasseur lors de son audition devant votre commission, cette Conférence devrait permettre d'amorcer des réformes structurelles, dont la réalisation, compte tenu des difficultés budgétaires actuelles, s'étagerait dans le temps. Deux dossiers principaux seraient ouverts.

Il s'agirait d'une part d'adapter le statut fiscal de l'exploitation agricole, notamment en distinguant mieux la part du revenu disponible qui est prélevée pour la consommation et l'épargne propres de l'exploitant de celle qui est réinvestie dans l'exploitation et qui doit bénéficier, à ce titre, d'un régime fiscal incitatif.

Il s'agirait d'autre part, afin de mieux prendre en compte la grande instabilité des revenus agricoles, du fait des risques climatiques, épizootiques et économiques d'autoriser, dans le cadre de mécanismes existants, le provisionnement pour variation de cours.

2. La réforme de l'ordonnance de 1986

Annoncée par le Gouvernement, cette réforme est vivement souhaitée par les organisations professionnelles agricoles. Sa nécessité ainsi que les modifications envisageables sont détaillées dans l'avis que consacre votre commission aux industries agro-alimentaires.

III. L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL ET COMMUNAUTAIRE

A. LA POURSUITE DE LA MISE EN OEUVRE DE LA RÉFORME DE LA PAC

1. Un bilan moins négatif que redouté...

À l'orée de la dernière année de la période transitoire de mise en oeuvre de la réforme de la PAC, l'Assemblée permanente des Chambres d'agriculture (APCA) a tiré, en juin dernier, un bilan des deux premières années de la réforme. Ce bilan est mitigé : si les objectifs affichés ont globalement été atteints, les incertitudes sont encore nombreuses.


La maîtrise de la production pour les céréales et la viande bovine, tout d'abord, s'est révélée efficace.

L'instauration d'un gel obligatoire, conditionnant le versement de paiements compensatoires, s'est traduite par une réduction de 4 % de la production communautaire de céréales, soit une réduction de 9 % des surfaces. C'est la France, premier pays producteur, qui a le plus réduit le nombre d'hectares consacrés aux céréales. D'une façon générale, les pays où dominent les grandes exploitations ont le plus contribué à l'équilibre du marché des céréales. À l'inverse, dans les pays où les petites exploitations sont nombreuses, la régression de la sole céréalière a été plus faible : elle n'est que de 3 % en Allemagne, 6 % en Italie et en Grèce.

Le marché de la viande bovine a suivi la même évolution avec une baisse de la production communautaire de 9 % et de la production nationale de 14 %.

Cette maîtrise de la production s'est donc traduite par une diminution des stocks d'intervention tant en matière de céréales, où ils sont passés de 33 millions de tonnes en juin 1993, à 6 millions de tonnes en juin 1995, qu'en matière de viande bovine où ils ne sont plus que de 82.000 tonnes aujourd'hui, contre plus d'un million il y a deux ans.


L'amélioration de la compétitivité, recherchée par la baisse des prix, a été différemment atteinte selon les secteurs de production.

Alors que les céréales perdaient régulièrement des débouchés sur le marché de l'alimentation animale, elles ont reconquis, en deux campagnes, près de 6 millions de tonnes.

En revanche, au sein de la filière viande, la conjonction du maintien des prix de la viande bovine et de l'effondrement du prix des viandes blanches a déséquilibré la consommation de viandes rouges.


• D'une façon générale, le revenu des agriculteurs a été maintenu sous l'effet d'une stabilisation des prix de marché au-dessus des prix d'intervention -alors que les paiements compensatoires étaient censés compenser leur baisse- et des efforts d'adaptation des agriculteurs.

Les évolutions sont contrastées selon les secteurs.

Pour les grandes cultures, l'écart des revenus entre céréaliers s'est resserré au détriment des plus compétitifs, et en particulier de ceux qui se trouvent dans les zones peu productives où le rendement départemental moyen est faible.

Dans le secteur de l'élevage, la situation des éleveurs extensifs, qui bénéficient en plus de la prime à l'herbe, s'est améliorée par rapport à celle des éleveurs plus intensifs, sans pour autant modifier la hiérarchie des revenus : les éleveurs bovins et ovins ont toujours les revenus les plus faibles.


• Enfin, le coût budgétaire de la réforme s'avère moins élevé que prévu.

On constate d'ailleurs des transferts entre produits (les cultures arables représentent désormais 53 % des dépenses contre 43 % il y a 3 ans) et entre États. Ainsi, la part revenant à la France s'est sensiblement améliorée : elle est passée de 19,7 % des versements communautaires en 1991 à 24 % en 1994, soit 1,6 milliard d'ECU de plus en trois ans.


• Alors qu'on pouvait s'inquiéter, lors de la mise en place de la réforme, de ses conséquences négatives, il apparaît aujourd'hui que les prévisions les plus pessimistes ne se sont pas réalisées. Plusieurs facteurs peuvent l'expliquer.

Tout d'abord, la conjoncture a été favorable : les prix se sont maintenus, alors qu'ils étaient censés suivre la baisse des prix d'intervention.

D'autre part, le Gouvernement s'est employé, avec succès, à « réformer la réforme » pour en améliorer les mécanismes sur de nombreux points (prime jachère, prime à l'herbe...). On doit sur ce point se féliciter de la décision, obtenue cette année par le Gouvernement, d'instaurer un taux de jachère unique , qui permettra une simplification opportune de la gestion « administrative » de la PAC.

En outre, le taux retenu (10 %) permettra la baisse de 40 % de la jachère en France, soit 600 à 700.000 hectares. Même si l'accroissement de la production communautaire induite (environ 6 millions de tonnes) ne sera par suffisante, selon les céréaliers français, pour alimenter les exportations et le marché intérieur, cette décision va dans le sens d'une utilisation du taux de gel comme un instrument de gestion des marchés.

De même, le Gouvernement français a pu obtenir de la Commission qu'elle arrête, le 12 juillet, une proposition de règlement prévoyant la possibilité d'octroyer une aide nationale compensant les pertes de revenus agricoles causées par les mouvements monétaires dans les États membres.

Selon cette proposition, l'aide est destinée à compenser les fluctuations monétaires « importantes » enregistrées entre le début de la campagne 1994/95 et le 31 décembre prochain. Le dispositif prévu est donc ciblé. L'aide, autorisée par la Commission, est dégressive sur une durée maximale de trois ans, la date limite de souscription étant le 30 juin 1996.

Ce règlement a été approuvé par le Conseil et permettra de servir de « cadre » juridique aux aides que le ministre s'était engagé, dès le mois de juillet, à verser aux producteurs touchés par les désordres monétaires : les producteurs de fruits et légumes et les éleveurs de jeunes bovins mâles.

Enfin, les divers plans d'accompagnement ont permis d'alléger les charges et ont facilité l'adaptation de l'agriculture à cette nouvelle donne.

Il faut mettre également au crédit du ministère la célérité avec laquelle les aides compensatrices à l'hectare et à la viande bovine sont versées.

2. ... qui ne lève pas, loin de là, toutes les incertitudes

a) Les OCM non réformées

Deux « grandes » organisations communes de marché dans le secteur des productions végétales restent encore à réformer.


• La réforme de l'OCM viti-viticole est, sur le plan de la procédure, la plus avancée.

C'est, en effet, en juillet 1993 que la Commission a présenté au Conseil un document de réflexion sur « l'évolution et l'avenir de la politique vitivinicole » qui devait servir de base à la proposition de règlement portant réforme de l'OCM, soumise au Conseil en juin 1994 et que le Gouvernement n'a transmis au Parlement qu'en avril 1995.

Cette réforme n'a pas pu aboutir sous présidence française. Deux raisons peuvent l'expliquer : une conjoncture favorable (la campagne 1994-1995 a été équilibrée) et surtout l'encombrement de l'ordre du jour du Conseil par des dossiers « horizontaux » particulièrement « lourds » (les désordres monétaires, le transport des animaux, le paquet-prix).

La France reste cependant résolue à ce que cette réforme aboutisse.

Le ministère estime, en effet, que « le pire serait de laisser le dossier s'enterrer et de prendre le risque de voir un nouveau projet émerger dans des conditions d'urgence, face à une récolte communautaire importante et à l'obligation de recourir à une distillation de gros volumes de vin. Il serait alors bien plus difficile d'éviter une approche simplificatrice qui conduirait à imposer à tous les vignobles, quelle que soit leur situation, des efforts de réduction importants. »

C'est pourquoi en juin dernier, afin de dessiner le cadre dans lequel la réforme doit s'inscrire et dans le fil de la résolution adoptée le 29 juin 1995, par le Sénat, sur le rapport de votre commission, le ministre de l'agriculture a présenté lors du Conseil des ministres à Bruxelles, les grandes orientations qui devraient présider à la réforme de l'OCM :

- la responsabilisation des pays producteurs vis-à-vis de leurs excédents (c'est-à-dire la non mutualisation des excédents) ;

- l'adaptation régionale des mesures structurelles afin d'offrir à chaque vignoble, selon ses spécificités, les outils nécessaires à l'ajustement de sa production au marché ;

- le renforcement des moyens communautaires de contrôle pour parvenir à une application homogène de la réglementation dans tous les États-membres.

Parallèlement, sans pour autant renoncer à une réforme complète, le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation a insisté sur la nécessité de remettre en place très rapidement, au plan communautaire, une politique structurelle cohérente -notamment d'aide au réencépagement-abandonnée depuis deux ans dans l'attente de la réforme de l'OCM.


• L'autre OCM en cours de réforme est celle des fruits et légumes. La Commission a arrêté, le 6 octobre dernier, sa proposition en ce domaine.

Ce projet, qui s'inspire très largement des orientations figurant dans la communication de la Commission du 27 juillet 1994 sur l'évolution et l'avenir de la politique communautaire dans ce secteur, prévoit une refonte complète de la réglementation.

Pour les fruits et légumes frais, il est prévu de renforcer les critères de reconnaissance, par les États membres, des organisations de producteurs, afin que celles-ci jouent un rôle plus actif dans la commercialisation. Des mesures transitoires, sur quatre ans au maximum, permettront aux groupements de s'adapter à ces nouvelles exigences.

Il prévoit également une baisse de 15 % , sur cinq ans, de l'indemnité communautaire de retrait des excédents, égale au départ à la moyenne des prix de retrait mensuels les plus bas de la campagne 1995/96. Le prix de revient serait par ailleurs réduit en cas de dépassement d'un seuil d'intervention.

D'autre part, le projet propose la mise en place de caisses de régulation alimentées par le versement, aux organisations professionnelles reconnues, d'une participation publique (financée généralement à 80 % par la Communauté et à 20% par l'État membre) représentant 50 % d'un « fonds opérationnel », approvisionné, pour l'autre moitié, par les cotisations des membres.

L'organisation de producteurs devrait utiliser cette caisse pour entreprendre un programme (de trois à cinq ans) visant à favoriser la qualité, l'utilisation de techniques respectueuses de l'environnement et le respect des normes phytosanitaires. Le fonds pourrait aussi servir, mais de façon dégressive, à améliorer le prix payé pour les retraits.

Enfin, les retraits ne pourraient pas dépasser 50 % de la production commercialisée la première année d'application, 40 % la deuxième, 30 % la troisième, 20 % la quatrième, puis 10 % à partir de la cinquième année.

Pour les fruits et légumes transformés, le projet tend à modifier sur trois points le régime actuel.

Il s'agit, principalement, de diminuer l'aide communautaire en cas de dépassement de seuils de garantie, pour les pêches (582.000 tonnes) et les poires (102.805 tonnes) au sirop ou au jus naturel.

En outre, la gestion des quotas d'aide à la transformation des tomates serait « fluidifiée ». Ceux-ci seraient fixés globalement à 6,596 millions de tonnes équivalent produit frais, moyennant une répartition adaptée entre le concentré, les tomates pelées entières en conserve et les autres produits.

Pour le secteur de la transformation des agrumes, la Commission soumettrait une proposition ultérieurement.

Selon les services bruxellois, le dispositif ainsi envisagé permettrait de stabiliser les dépenses communautaires pour les fruits et légumes frais et transformés qui, selon les prévisions, atteindraient 1,685 milliard d'Ecu en 1996 et environ 1,5 milliard en l'an 2000.

b) Des contradictions non résolues

À l'issue des deux premières années de mise en oeuvre de la réforme, il apparaît qu'un certain nombre d'objectifs ne sont pas atteints et que des contradictions ne sont pas résolues.


Le marché des céréales : reconquête du marché intérieur et maintien de la vocation exportatrice de la Communauté.

Dans le secteur des céréales, il est manifeste que la réussite de la politique de maîtrise de la production peut aller à rencontre de ces deux objectifs principaux de la réforme.

S'agissant du marché intérieur, et de la reconquête au profit des céréales communautaires du marché de l'alimentation animale, la tension observée sur les prix est en effet un élément défavorable, ce qui conduit d'ailleurs la Commission a essayé de maintenir un approvisionnement satisfaisant, et à un prix suffisamment bas, du marché intérieur.

Cette volonté de contenir les prix intérieurs conduit à des sous réalisations par rapport aux quantités qui pourraient être exportées, compte tenu du redressement du marché international, voire même à ne pas remplir le « quota » d'exportations autorisées dans le cadre du GATT.


• Le marché des viandes

La situation du marché de la viande est au moins aussi inquiétante.

Deux années favorables ont masqué, jusqu'à la brutale détérioration de ces derniers mois, le déséquilibre structurel du marché de la viande bovine. Ce marché est, à plusieurs titres, particulièrement fragile : les mécanismes de la PAC réformée sont peu protecteurs (en matière, notamment, de mise à l'intervention) ; la consommation est structurellement en déclin alors que la production devrait s'accroître ; ces produits sont concurrencés par ceux de l'élevage porcin et avicole, directement bénéficiaires de la baisse du prix des céréales et d'autre part, particulièrement affectés par la limitation des exportations décidées au GATT, encore amplifiée par la gestion des restitutions par la Commission.

À bien des égards, l'évolution du marché de la viande bovine sera conditionnée par celle des autres marchés : repli éventuel sur le marché intérieur de viandes blanches compte tenu des contraintes à l'exportation, diminution à venir des quotas laitiers (on estime à 3 % la réduction théorique des quotas à l'horizon 2000, ce qui se traduirait par une mise sur le marché de 240.000 tonnes de viande bovine...).


La pérennité du soutien au niveau et selon les mécanismes actuels

L'autre principale incertitude tient à l'avenir du système de soutien mis en place.

Tout d'abord, même si la pérennité budgétaire de la réforme de la PAC est assurée jusqu'en 1999, la situation favorable des premières années de la réforme pourrait ne pas se renouveler. Les marges de manoeuvre, par rapport à la ligne directrice du FEOGA, risquent en effet de se réduire sous la pression des variations des monnaies européennes notamment.

Les désordres monétaires observés sont, en effet, particulièrement préoccupants : ils risquent de remettre en cause les objectifs mêmes de la réforme (dans les États qui dévaluent, l'effet de baisse des prix institutionnels est pratiquement annihilé) ; ils créent d'insupportables distorsions de concurrence 1 ( * ) ; ils renchérissent le coût de la PAC et rendent encore plus difficile le respect des engagements souscrits dans le cadre du GATT.

D'autre part, les mécanismes mis en place sont contestés au motif qu'ils constitueraient une « surcompensation ». Les aides directes sont censées compenser une baisse des prix, qui, compte tenu de la situation des marchés, n'est pas intervenue dans les proportions prévues. Il est également souligné que les exploitations les plus importantes en sont les principales bénéficiaires : 6 % des exploitations seraient destinataires de 36 % des aides versées aux grandes cultures.

Le débat est donc aujourd'hui ouvert sur le niveau du soutien -beaucoup plus sensible avec le passage voulu par la réforme de la PAC d'un soutien par le consommateur (par les prix) à un soutien par le contribuable (par les aides compensatoires) -et sur ses mécanismes (absence de plafonnement, insuffisante prise en compte des objectifs non « productifs » désormais assignés à l'agriculture).

L'élargissement à de nouveaux États du nord de l'Europe -enclins à contester le niveau global du soutien communautaire à l'agriculture et favorables à une agriculture plus sociale et environnementale qu'économique- et surtout l'élargissement envisagé aux pays de l'Europe de l'Est ne peut qu'amplifier cette contestation.

c) Les perspectives d'élargissement

L'élargissement à l'Autriche, à la Finlande et à la Suède ne paraît pas devoir, en matière agricole, poser de problèmes particuliers pour les productions agricoles françaises. Les quantités produites dans ces pays représentent 10 % de la production communautaire et ne devraient donc pas déstabiliser les marchés. D'autre part, ces pays ont du reprendre l'acquis communautaire dans les principaux secteurs. Enfin, l'agriculture française devrait bénéficier, comme celles des autres États membres de l'ouverture de ces nouveaux marchés, qui étaient jusqu'alors très fermés aux productions agricoles et agro-alimentaires des pays tiers.

Il faut néanmoins souligner que l'entrée dans l'Union de ces pays renforce le poids des États particulièrement sensibilisés aux préoccupations environnementales et favorables à une « agriculture d'occupation du territoire » plus qu'économique.

Il conviendra, en outre, de veiller au niveau des différentes aides nationales afin d'éviter des « surcompensations », qui permettraient de concurrencer indûment les autres producteurs communautaires.

En revanche, l'ouverture de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale (PECO) sera l'un des facteurs déterminants de l'évolution de la PAC au cours des prochaines années.

L'agriculture constitue, d'ailleurs, l'un des principaux enjeux de ce nouvel élargissement.

En effet, la place de l'agriculture dans ces pays est considérable tant par rapport au produit intérieur brut (PIB) que sur le plan de l'emploi. L'agriculture représente -pour les deux extrêmes- : 6,5 % du PNB et 4,5 % des emplois pour la République Tchèque mais 24 % du PNB et 32 % de l'emploi en Roumanie. Au total, ce sont 7,5 millions de personnes qui sont actuellement employées dans l'agriculture dans ces six pays, contre 8,4 dans l'Union européenne.

En outre, contrairement à l'élargissement agricole à l'Espagne et au Portugal, les productions des pays candidats correspondent aux principales productions de l'Union Européenne à 15. La production de céréales de ces pays représente un peu moins de la moitié de la production communautaire et celle de sucre un peu moins du quart. Les productions animales représentent de 20 à 35 % de la production communautaire (20 % pour la viande bovine, 25 % pour la viande de volaille et un peu moins de 30 % pour la production laitière).

Il est par conséquent compréhensible que l'adhésion de ces pays suscite des inquiétudes.

On notera, tout d'abord, que des problèmes pourraient se poser au regard des engagements contractés dans le cadre du GATT.

Les engagements des PECO étant exprimés en monnaie nationale (sauf pour la Pologne), la question de révision du soutien interne maximum autorisé pour tenir compte de l'inflation se posera rapidement. Mais le principal problème sera celui des subventions aux exportations, pour lesquelles il n'est normalement pas prévu de révision.

Le coût budgétaire, à PAC inchangée, de ces nouvelles adhésions est, lui aussi, préoccupant.

Certaines évaluations, relayées par les médias, font en effet état de coûts budgétaires considérables, dont certains tirent argument pour suggérer le démantèlement des mécanismes actuels de la PAC.

C'est ainsi que les études commanditées par la DG I (relations extérieures) de la Commission font apparaître un coût annuel de ces adhésions compris entre 13,5 et 37 milliards d'écus (alors que le budget de la PAC pour 1995 est de 37 milliards d'écus). Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que ces études préconisent, conformément au souhait du commissaire commanditaire, Sir Léon Brittan, une réforme radicale de la PAC.

De son côté, la direction de la production et des échanges du ministère de l'agriculture chiffre le coût budgétaire « agricole » de l'adhésion des six PECO à un niveau sensiblement moindre : entre 8,3 et 11 milliards d'écus (selon le rythme d'adhésion et l'évolution des productions). Ces montants sont à comparer à ceux qui résulteraient de l'éligibilité des PECO aux fonds structurels : entre 5 et 10 milliards d'écus.

Le Livre blanc, que la Commission doit adopter d'ici la fin du mois pour le soumettre au sommet de Madrid, estimer que l'élargissement aux PECO devrait provoquer de nouvelles réductions des prix agricoles dans l'Union, mais pas de nouvelle réforme de la politique agricole commune : de nouvelles baisses de prix agricoles interviendront bien, mais dans la logique de la réforme de la PAC.

Frantz Fischler, commissaire européen à l'agriculture, avait d'ailleurs exclu que l'arrivée de ces États provoque une nouvelle réforme de la PAC ou sa remise en cause. « L'élargissement à l'Est ne doit pas devenir un prétexte pour faire table rase de la politique agricole », avait-il récemment déclaré à Bonn le 9 octobre.

Le Livre blanc devrait donc proposer deux étapes. Dans une première période (jusqu'à l'an 2000), l'Union aiderait les agricultures des pays de l'Est à supporter le choc de leur future intégration et à surmonter leurs handicaps (difficultés foncières, réorganisation de la production, modernisation des structures, changement des mentalités...).

Une aide agricole spéciale « préadhésion » devrait être débloquée comme cela avait été fait pour le Portugal et un volet agricole, plus ambitieux, pourrait être ajouté au programme Phare.

La seconde étape débuterait lors de l'entrée de ces pays dans l'Union. Une période transitoire de cinq à dix ans pourrait être instaurée, au cours de laquelle des mesures seraient prises pour éviter une explosion des dépenses agricoles de l'Union, tout en tenant compte de ses engagements internationaux dans le cadre de la préparation d'un nouveau round du GATT.

Il n'en reste pas moins que le Livre blanc s'inscrit, dans le fil de l'esquisse tracée par le commissaire à l'agriculture : il s'agirait de poursuivre la logique de la réforme de 1992, en rapprochant, via des baisses supplémentaires, les prix européens des prix mondiaux et des prix pratiqués dans les nouveaux États membres. En contrepartie, de nouvelles aides seraient prévues, notamment en faveur d'une meilleure gestion de l'espace rural, mais aussi pour améliorer la protection de l'environnement et la qualité des productions agricoles.

Sans qu'il s'agisse du démantèlement souhaité par certains, l'élargissement ne pourra donc qu'accélérer la réflexion sur la nouvelle réforme de la PAC dans le sens d'un découplage accentué entre politique de marché et maintien des revenus 1 ( * ) .

B. LES ASPECTS INTERNATIONAUX

1. La mise en oeuvre du GATT

a) Des contentieux qui perdurent

Censés devoir « pacifier » les relations commerciales internationales, les accords du GATT n'ont cependant pas mis un terme à l'éclosion, ou à la poursuite de contentieux, opposant la Communauté à des États tiers, au premier rang desquels les États-Unis.

C'est ainsi qu'à l'occasion de l'élargissement à l'Autriche, à la Suède et à la Finlande, les compensations commerciales offertes par l'Union sont contestées par les États-Unis.

La mise en oeuvre même de certaines modalités de ces accords, notamment en matière de céréales, fait l'objet d'approches contradictoires entre l'Union et les États-Unis. C'est ainsi que pour l'application d'un droit d'entrée à l'importation, la Communauté a introduit un dispositif visant à calculer ce droit sur la base de cotations internationales au lieu d'utiliser les valeurs transactionnelles, cargaison par cargaison, afin d'éviter les risques de fraude (les opérateurs majorant le prix d'importation déclaré pour s'exonérer du droit à l'importation). Les États-Unis et le Canada contestent cette approche forfaitaire, l'estimant contraire aux dispositions du GATT sur les valeurs en douane. Ils demandent par conséquent l'annulation des règlements communautaires et le retour à la valeur transactionnelle pour définir le droit à l'importation.

Des consultations se sont déroulées à Genève le 13 septembre 1995 entre la Commission et les États-Unis et ont conduit à la constitution d'un panel.

Le Gouvernement américain a engagé la même procédure, pour les mêmes motifs, en ce qui concerne la tarification dans le secteur du riz.

De la même façon, les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada ont contesté, avec succès, la comptabilisation au titre de l'accès minimum des contingents d'importation des produits des PECO bénéficiaires du régime des « préférences améliorées ».

Par ailleurs, sur la plainte de la société Chiquita, les États-Unis, avec le soutien du Guatemala, du Honduras et du Mexique, ont introduit une procédure contentieuse devant l'OMC contre l'OCM banane, déjà contestée dans la Communauté par l'Allemagne.

Mentionnons, enfin, le contentieux portant sur l'interdiction communautaire d'utiliser des hormones dans l'élevage dont on peut s'inquiéter du sort qui lui sera réservé devant l'OMC.

b) Une gestion contestable des restitutions par la Commission

Qu'il s'agisse des exportations de céréales, de viandes avicoles ou porcines ou de produits laitiers, on constate en effet que la Commission gère de façon contestable les exportations.

Comme l'a souligné M. Philippe Vasseur devant le Conseil des Ministres de l'agriculture le 26 septembre dernier, la Commission a en effet décidé de baisser, souvent brutalement et massivement 1 ( * ) , les restitutions dans certains secteurs de production, alors que les données objectives ne le justifient pas, notamment le respect des contraintes à l'exportation résultant de l'accord du GATT.

En outre, elle a suspendu en juillet les restitutions à l'exportation sur les céréales et n'accorde qu'un nombre très réduit de certificats d'exportation, alors même que les opérateurs pourraient exporter sans restitutions.

Il en résulte que, pour des raisons budgétaires ou d'équilibre du marché intérieur, la Communauté s'autolimite dans ses capacités d'exportation alors même que le marché est demandeur et que les quotas d'exportations, péniblement négociés dans le cadre du GATT, ne sont pas remplis.

2. La multiplication des projets d'accords préférentiels et de zones de libre échange

Que ce soit dans le cadre de la révision des mécanismes existants (par exemple, la réforme du système de préférences généralisées en matière agricole), de la conclusion de nouveaux accords de commerce et de coopération (avec, notamment, la République sud africaine) ou de projets d'accord de libre échange (avec les pays d'Amérique latine ou avec les États-Unis), on assiste à une multiplication de projets qui concernent, directement ou non, l'avenir de l'agriculture communautaire.

La Commission a ainsi adopté tout un ensemble de propositions visant à développer les relations de l'Union avec des pays tiers (le Mexique, l'Afrique du Sud) ou des entités régionales (comme le MERCOSUR-Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay-, ou les pays du Bassin méditerranéen).

À titre d'exemple, on peut mentionner la communication présentée par le commissaire chargé des relations extérieures, en juillet 1995, qui suggère de mener une étude de faisabilité relative à une zone de libre échange ainsi que la conclusion d'accords bilatéraux dans de nombreux domaines sectoriels entre les États-Unis et l'Union...

Selon le ministère, il apparaît qu'un tel accord poserait des problèmes très sérieux à l'agriculture communautaire.

En effet, les principales productions des États-Unis sont directement concurrentes de celles de l'Union Européenne et concernent des volumes considérables comparés à la production communautaire, notamment en céréales, volailles et oléagineux. Une libéralisation des échanges avec les États-Unis entraînerait inévitablement une baisse des prix agricoles dans la Communauté du fait du démantèlement de la protection aux frontières, l'objectif d'une zone de libre échange étant d'obtenir la diminution progressive et la suppression de tous les droits de douane entre les deux parties. Le libre échange appliqué à l'agriculture se traduirait par une disparition à échéance de dix ans des droits à l'importation qui viennent d'être consolidés à l'occasion du cycle d'Uruguay... Compte tenu de la compétitivité des États-Unis dans le secteur agricole, l'établissement d'une zone de libre échange avec ceux-ci se traduirait, de fait, par l'abandon de la préférence communautaire.

Dans tous les cas, ces accords font peser une menace sur l'avenir de la politique agricole de la Communauté : les « produits sensibles », que sont notamment les produits agricoles, ne pourraient durablement déroger au principe de l'élimination des doits de douane. Les accords d'Uruguay ont, en effet, précisé que les « délais raisonnables » pendant lesquels certains produits pouvaient être exclus du libre échange ne peuvent excéder dix ans. De son côté, l'OMC interdit qu'un « secteur majeur » du commerce puisse être exclu.

Il apparaît par conséquent qu'une vigilance extrême de la part du Gouvernement français s'impose à l'égard de tels projets, envisagés sans vision d'ensemble évidente et sans même attendre que les accords du GATT produisent leurs effets attendus.

CHAPITRE II - LES CRÉDITS POUR 1996

I. L'ORIENTATION GÉNÉRALE

A. LES CRÉDITS DU MINISTÈRE

1. Des appréciations contrastées

Comme chaque année, l'examen de l'évolution des dotations du ministère peut autoriser des appréciations contrastées.

ï De loi de finances initiale à loi de finances initiale, les crédits passent de 38,8 à 35,6 milliards de francs, soit une baisse de 8,2 %. Cette nouvelle baisse fait suite à celle déjà observée en 1995 (- 19 % par rapport à 1994). Avec le budget de l'industrie, le budget de l'agriculture est celui qui connaît la diminution la plus importante de ses crédits.

ï À cette évolution défavorable, le ministère oppose une présentation plus satisfaisante. Ainsi, en écartant la subvention au BAPSA -qui correspond effectivement à un solde d'ajustement- et le financement de l'allocation aux adultes handicapés (soit 7.033 millions de francs en 1996, contre 9.716 millions de francs en 1995 : - 27,6 %), la baisse des crédits n'est plus que de 1,6%.

Si, en outre, on ne prend pas en compte, d'une part, le coût des programmes en voie d'achèvement, en décroissance naturelle (863 millions de francs en 1996 contre 1,4 milliard de francs en 1995, soit - 38,9 %) et la charge de bonification (qui passe de 2,7 à 2,4 milliards de francs, soit une contraction de 11,4 %), le projet de budget s'établit à 25,32 milliards de francs, à structure constante, et peut alors faire apparaître une hausse de 1,5 % , c'est-à-dire, en réalité, une consolidation des crédits en francs constants.


• Enfin, on observera que les crédits du ministère ne représentent plus que 22,4 % de l'ensemble des dépenses en faveur de l'agriculture et de la forêt. Si l'on retient l'indicateur agrégeant l'ensemble des dépenses publiques en faveur de l'agriculture -c'est-à-dire le budget du ministère, le BAPSA, les crédits provenant d'autres ministères ou de comptes spéciaux du Trésor, enfin, la participation communautaire (calculée forfaitairement à partir des ressources versées à l'Union européenne rapportée à la part des dépenses agricoles dans le budget communautaire)-, les crédits en faveur de ce secteur passent de 155,6 à 158,7 milliards de francs, soit une augmentation de 2 %.

2. Les principales évolutions

L'examen détaillé de l'évolution des différentes dotations budgétaires incombant à la commission des finances, votre commission des affaires économiques et du plan limitera son examen, d'une part, aux évolutions les plus significatives, d'autre part, aux crédits consacrés aux actions « économiques », à l'espace rural et à la forêt.

a) Par type de dépenses

Comme l'illustre le tableau ci-après, on constate que, par type de dépenses, seules les dépenses d'administration (titre III) sont en progression : près de 5 % par rapport en 1995.

En revanche, les interventions publiques diminuent fortement : - 12,2%. Au sein de ces dernières, si l'on exclut les dépenses éducatives (+10,7%) et les dépenses « sociales » (-26,7%), les interventions publiques à finalité économique -y compris la charge de bonification- sont en nette diminution : d'environ 7 %. De même, les dépenses d'investissement sont en baisse : près de 8 % pour les autorisations de programme, près de 10 % pour les crédits de paiement.

BUDGET DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE ET DE L'ALIMENTATION

(millions de francs) -

b) Les dépenses ordinaires

On trouvera dans les tableaux récapitulatifs ci-après l'évolution, par agrégat, des principales dotations concernant le secteur agricole et forestier.

Dépenses ordinaires - évolution PLF 96 / LFI 96

Il apparaît ainsi que le budget pour 1996 est la résultante d'arbitrages difficiles.


• À l'exception des dépenses affectées aux « services généraux » -c'est-à-dire à l'administration de l'agriculture - dont la croissance (+ 317 millions de francs) s'explique par la part qu'y représentent les rémunérations et par l'augmentation du coût de la gestion de la PAC réformée, deux grandes actions bénéficient de crédits en hausse : l'enseignement et la recherche (+ 376 millions de francs) et le financement des actions productives.

Encore faut-il, pour ces dernières, soustraire de cet agrégat, d'une part, la charge de bonification, d'autre part le coût des programmes en voie d'achèvement.

On constate, en outre, qu'en réalité seules trois types de dotations évoluent favorablement : l'installation (DJA et stages préparatoires : + 127 millions de francs), les programmes agri-environnementaux (+ 30 millions de francs), la prime au maintien du troupeau de vache allaitantes (PMTVA) : + 115 millions de francs.


• Pour garantir ces financements, outre les économies de « constatation » (550 millions de francs sur les programmes en cours d'achèvement ; 312 millions de francs pour la bonification), des économies importantes sont réalisées, principalement sur les crédits alloués à l'espace rural et la forêt qui sont amputés de 300 millions de francs. Le virement compensateur à l'ONF est allégé d'environ 200 millions de francs, les collectivités devant supporter des frais de garderie accrus. De son côté, le FGER voit ses crédit diminuer de 100 millions de francs. Surtout, les dépenses de protection sociale font apparaître une économie de 2.700 millions de francs, grâce à la débudgétisation d'une fraction de la subvention d'« équilibre » que l'État doit apporter au BAPSA.

c) Les dépenses en capital

S'agissant des dépenses en capital, leur évolution plus défavorable que celle de l'ensemble du budget, ramène leur part dans l'ensemble du budget à environ 3,55 %.

Seuls les investissements en faveur de la pêche, des bâtiments d'élevage, de l'enseignement et de la recherche voient leurs dotations majorées.

DÉPENSES EN CAPITAL

Principales rubriques

(En millions de francs)

3. Les modifications apportées à l'Assemblée nationale

Lors de leur examen à l'Assemblée nationale, les crédits du ministère de l'agriculture ont été réduits de 131 millions de francs (140 millions de francs de réduction et près de 10 millions de francs de majoration), soit une baisse de 0,36 % par rapport au projet de loi de finances initial.

En première délibération, les 70 millions de francs de minoration ont porté sur :

- l'amélioration des structures agricoles (chapitre 44-41)

- la valorisation de la production agricole (chapitre 44-54)

- les actions coordonnées de développement régional

- les moyens de fonctionnement des services du ministère

- les crédits de statistique (chapitre 34-14)

50 millions de francs (moyens de fonctionnement du CNASEA)

5 millions de francs (sauf la promotion des exportations)

5 millions de francs (chapitre 61-84) (subventions aux sociétés d'aménagement régional)

9 millions de francs de l'agriculture (chapitre 34-97)

1 million de francs

En seconde délibération, les diminutions de crédit, d'un montant comparable, ont porté sur :

- les actions de formation et actions éducatives en milieu rural (chapitre 43-23)

- la modernisation de l'appareil de production agricole (chapitre 44-40)

- les interventions dans le domaine foncier (chapitre 44-44) (SAFER)

- la valorisation de la production agricole (Actions techniques) (chapitre 44-50)

- les interventions en faveur de l'orientation de la valorisation de la production agricole (chapitre 44-53) (crédits des offices)

- l'amélioration du cadre de vie et aménagement de l'espace rural (chapitre 44-80)

- le fonds de gestion de l'espace rural (chapitre 44-83)

- les interventions en forêt (chapitre 44-92)

- 3,5 millions de francs

- 1,4 million de francs

- 1,3 million de francs

- 3,5 millions de francs

- 45 millions de francs

- 1,2 million de francs

- 12 millions de francs

- 2,5 millions de francs

B. L'ENSEMBLE DES DÉPENSES BÉNÉFICIANT À L'AGRICULTURE ET À LA FORÊT

Traditionnellement, la présentation du budget du ministère de l'agriculture s'accompagne de celle de l'ensemble des dépenses publiques en faveur de ce secteur. Son évolution, en général plus favorable, permet ainsi de nuancer l'appréciation susceptible d'être portée sur l'évolution des seuls crédits du ministère...

1. Les prévisions pour 1996

Comme l'illustre le tableau ci-après, l'évolution de cet agrégat ferait apparaître, pour 1996, une augmentation d'environ 2 %.

RÉCAPITULATION DES DÉPENSES BÉNÉFICIANT À L'AGRICULTURE

(en millions de francs)

(1) Non compris partie Pêche : 146,7 MF en 1995 et 190,6 en 1996.

(2) BAPSA hors cotisations professionnelles, hors subvention du ministère de l'agriculture prise en compte à la ligne précédente.

(3) Fonds interministériel de développement et d'aménagement rural et Fonds d'intervention pour pour l'auto-développement en montagne transférés au Fonds d'aménagement du territoire en 1995, le montant revenant à l'agriculture n'étant pas déterminé en données prévisionnelles.

(4) Non compris en 1995 et 1996 le montant affecté à l'aménagement du territoire.

2. Un indicateur discutable

S'il permet de prendre en compte les modifications intervenues dans le financement du secteur agricole -notamment la part croissante prise par le financement communautaire-, cet agrégat n'est pas totalement satisfaisant.

Comme le relevait déjà votre commission dans les avis budgétaires des années passés : « On notera, tout d'abord, que s'il se veut l'agrégat de toutes les dépenses concernant le secteur agricole, cet indicateur est incomplet : il ne comprend ainsi ni les dépenses fiscales de l'État, ni les taxes parafiscales, ni les dépenses des collectivités locales, ni la part équipement rural de la DGE. À rebours, cet indicateur additionne des sommes de nature complètement différente » et dont l'imputation à l'agriculture productrice est discutable.

Le secteur agricole se voit ainsi crédité :

- de près de 68 milliards de francs -soit plus de 40 % du total- au titre du financement des dépenses sociales retracées dans le BAPSA ;

- de près de 10 milliards de francs, représentant les crédits de recherche, de formation et d'enseignement agricole inscrits au budget du ministère.

Ces types de dépenses sont imputés au profit du secteur agricole parce que, contrairement à d'autres activités, celui-ci bénéficie, pour des raisons historiques, d'un système spécifique de protection sociale et de formation.

L'agriculture est également tenue pour bénéficiaire des crédits forestiers et d'une partie de ceux d'aménagement et d'équipement de l'espace rural (le FNDAE par exemple, mais pas le FACE), ainsi que d'aménagement du territoire qui, s'ils concernent directement le monde rural, bénéficient en réalité à toute la collectivité nationale.

La rémunération des fonctionnaires du ministère est, elle aussi, censée constituer une dépense en faveur de l'agriculture.

Enfin, l'évolution de cet indicateur doit être appréciée avec nuance : elle résulte pour près d'un tiers de celle du financement communautaire. Or, ce dernier est établi de manière prévisionnelle, à partir d'une clef de répartition appliquant au versement de la France le coefficient représentatif de la part des dépenses agricoles dans le budget communautaire. C'est seulement, a posteriori, dans le blanc budgétaire que peuvent être mesurées les « dépenses » communautaires en faveur de l'agriculture nationale. On constate, d'ailleurs, des écarts importants entre dépenses prévisionnelles et dépenses constatées : ainsi, les premières avaient été estimées à 49,2 milliards de francs l'an dernier, alors qu'elles n'auraient été que de 473 milliards de francs. Ce qui, au-demeurant, permet d'afficher une augmentation de l'agrégat de 2 %, alors que sur la base de l'estimation publiée dans le projet de loi de finances pour 1995, il ne serait en hausse que de 1 %...

C. LES DÉPENSES CONCERNANT L'AGRICULTURE PRODUCTIVE

Une approche moins extensive consisterait à mesurer des crédits concernant la seule agriculture productive, que ce soit dans le budget du ministère ou dans l'ensemble des dépenses bénéficiant à l'agriculture et à la forêt.

1. Dans le projet de budget

Dans la présentation des crédits du ministère, l'ensemble des dépenses destinées à l'agriculture productive sont rassemblées au sein d'un agrégat spécifique (agrégat 01 : activités agricoles productives). Ces dépenses représentent 12.391 millions de francs en 1996 (soit une baisse de 5,4 % par rapport à 1995), c'est-à-dire environ 35% de l'ensemble du budget du ministère.

2. Dans l'ensemble des dépenses

La nouvelle nomenclature retenue dans le blanc budgétaire permet de mesurer, au sein de l'ensemble des dépenses en faveur de l'agriculture, celles qui vont aux activités agricoles productives.


• Le domaine 1 regroupe ainsi tous les concours budgétaires affectables directement aux activités et aux produits agricoles. Il s'agit donc d'actions économiques, d'encouragements et d'interventions financières en faveur du secteur agricole, qui figurent principalement au titre IV, ainsi que les financements communautaires qui viennent compléter ces lignes budgétaires, ou qui sont directement mis en oeuvre par les offices par produits.

Les dépenses y sont regroupées en huit ensembles, allant des actions les plus directes en faveur de la production (telles les aides à l'installation des jeunes agriculteurs) jusqu'aux moins directes comme la formation continue.

Le tableau ci-après fait apparaître que, si l'on excepte la protection sociale et la solidarité, les dépenses en faveur de l'agriculture productive constituent le premier poste de l'ensemble.

RÉPARTITION PAR DOMAINES ET ENSEMBLES DES DÉPENSES BÉNÉFICIANT À L'AGRICULTURE

Il apparaît que sur les quelque 72 milliards de francs de dépenses recensées en 1994, seulement 13 milliards (soit 18%) proviennent de financements nationaux. La part prépondérante qu'occupe aujourd'hui l'Europe dans la définition et la mise en oeuvre des politiques agricoles conduit à ce que les financements nationaux ne soient déterminants que dans quelques secteurs bien identifiés : la politique des structures, avec la bonification des prêts d'installation, de modernisation et des prêts fonciers (ensemble 11) ; l'octroi d'aides compensatrices de handicaps (indemnité spéciale montagne : ensemble 14) ; la prise en charge de l'indemnisation des agriculteurs victimes de calamités (ensemble 16) ou de difficultés économiques temporaires (ensemble 15).

II. LE FINANCEMENT DES ACTIONS CONSIDÉRÉES COMME PRIORITAIRES

Selon la présentation qu'en a faite le ministre de l'agriculture devant votre commission, le 12 octobre dernier, le budget pour 1996 permettra de financer trois grandes priorités : l'installation des jeunes et leur formation ; la maîtrise de la chaîne agro-alimentaire ; le soutien aux secteurs fragiles.

A. L'INSTALLATION ET LA FORMATION

1. Une hausse sensible des crédits dans un contexte de reprise des installations

a) Les dotations


• La dotation aux jeunes agriculteurs -DJA- (crédits de l'article 21 du chapitre 44-41) voit ses crédits passer de 578,5 millions de francs à 645 millions de francs soit une hausse de 11,5 %.

En réalité, par rapport à la loi de finances rectificative -qui les avaient majorés de 85 millions de francs-, ces crédits sont en diminution d'environ 3 %.

Parallèlement, les crédits destinés au financement des stages de préparation à l'installation - les bourses à l'installation (article 10 du chapitre 44-23) passent de 20 à 60 millions de francs.

En revanche, l'aide spéciale aux jeunes agriculteurs, dotée de 130 millions de francs en 1995, est supprimée.

Si l'on prend en compte cette dernière évolution -qui résulte de la non reconduction d'une mesure mise en place en 1992, pour une durée de trois ans, dans le cadre de l'accompagnement de la réforme de la PAC-, l'ensemble des crédits nationaux destinés à l'installation baisse de 23,5 millions de francs.

À ces crédits, il faut ajouter d'une part, un retour communautaire sur DJA, estimé à 294 millions de francs pour 1996 -ce qui porte l'enveloppe disponible en 1996 à 939 millions de francs, contre 863 millions de francs en 1995-, d'autre part, les prêts moyen termes spéciaux (MTS-JA). Ces derniers ont représenté 3,5 milliards de francs en 1994 et pourront mobiliser 5 milliards de francs en 1995. Si l'on estime, qu'en moyenne, un prêt bonifié de ce type (pour un encours de 500.000 francs sur 9 ans) représente une subvention moyenne d'environ 120.000 francs, ces prêts ont soutenu l'installation à hauteur d'environ 800 millions de francs en 1994....

b) Les améliorations récentes

Des mesures réglementaires ou législatives récentes, sont venues favoriser l'installation.

Rappelons qu'en 1993, la DJA avait été majorée de 20 % et qu'en 1994, les plafonds d'encours et de réalisation des prêts d'installation avaient été relevés et un prêt global d'installation mis en place.

En 1995, il a été décidé, dans le prolongement de ces mesures :

- de relever de 60 à 70 % le versement de la première fraction ;

- de porter de 120 à 140 % , par rapport au revenu de référence, le niveau de revenu en fin d'étude prévisionnelle ;

- de permettre une diversification des sources de revenu, en retenant une définition plus favorable de la notion d'exploitant à titre principal.

Par ailleurs, à compter du 1er août 1995, les jeunes agriculteurs en stage pratique (obligatoire) de 6 mois peuvent se voir attribuer une bourse (d'un montant maximal mensuel de 2.500 francs) et les préfets peuvent accorder les aides à la condition que le candidat s'engage à terminer ultérieurement son parcours de formation.

De son côté la loi de modernisation a apporté des améliorations significatives.


• Les jeunes agriculteurs s'installant dans le cadre d'une société commerciale sont désormais éligibles aux aides à l'installation, sous réserve que la société comprenne un associé exploitant bénéficiaire d'aides et que la majorité du capital soit détenue par un exploitant à titre principal.


• Le régime d'abattement de 50 % sur les bénéfices imposables a été prorogé jusqu'à fin 1999 et son régime assoupli : l'allégement porte sur les 60 premiers mois et non sur les cinq premières années d'activité et n'intervient qu'après octroi des aides, mais est rétroactif à la date d'installation.


• Le régime de dégrèvement d'impôt foncier non bâti a été amélioré. Jusqu'alors, les collectivités pouvaient décider d'un dégrèvement total pendant cinq ans, à compter de l'installation. Désormais, l'État prend à sa charge un allégement de 50 %. Le coût budgétaire estimé est de125 millions de francs. Le cumul des dispositifs peut donc conduire à un dégrèvement total de la TFNB.


• Le régime de faveur pour les acquisitions d'immeubles ruraux pour les jeunes agriculteurs (tarif préférentiel de 6,40 %) a été amélioré : il est étendu aux sociétés civiles à objet agricole. Ce taux est, en outre, réduit à 0,6 % dans les territoires ruraux de développement prioritaire et, dans les mêmes territoires, pour les acquisitions effectuées par un tiers en vue de donner à bail à long terme à un jeune agriculteur.

ï La préretraite, reconduite jusqu'en 1997, a été réorientée dans un sens favorable à l'installation en modulant le taux de la part de la préretraite lié au nombre d'hectares libérés. Cette modulation privilégie la libération des terres en faveur de l'installation d'un jeune (taux maximal), puis l'agrandissement des exploitations d'un installé depuis moins de 10 ans (taux intermédiaire).

ï Enfin, la loi de modernisation a prévu la mise en place d'un répertoire à l'installation dans chaque département et précisé que les conditions financières d'accès aux droits à produire ne doivent pas faire obstacle à l'installation de nouveaux agriculteurs ou au développement des exploitations récentes.

c) Vers une reprise des installations ?

On constate, en 1994, une augmentation d'environ 12 % du nombre de demandes de DJA ou de MTS/JA : environ 8.400 contre 7.500 en 1993. Ce regain des candidatures à l'installation permet d'effacer la diminution de 1993, mais ne permet pas de retrouver le niveau des années 1990 et 1991.

En outre, le nombre de DJA effectivement versées -pour la première fraction- continue de décroître : 7.246 en 1994 contre 8.474 en 1993 et plus de 13.000 en 1990.

NOMBRE D'INSTALLATIONS AIDÉES

Il faudrait ajouter à ces installations, celles qui s'effectuent sans aide et qui représentaient, sur la période 1989-1991, 29 % du total des installations.

La répartition géographique fait apparaître que deux régions, la Bretagne (990 DJA) et les Pays de Loire (732 DJA) installent un agriculteur sur quatre, suivies de Midi-Pyrénées (612 DJA). Les départements les plus dynamiques sont les départements bretons et l'Aveyron : plus de 200 jeunes installés chacun, suivis de la Mayenne, de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire, de la Manche, des Pyrénées-Atlantiques, du Cantal et du Pas-de-Calais qui installent, chacun, entre 150 et 200 jeunes.

On constate, par ailleurs, que les installations de 1994 confirment la tendance à l'accroissement de la superficie des exploitations sur lesquelles les jeunes s'installent.

Les surfaces moyennes mises en valeur par les jeunes agriculteurs, qui étaient demeurées stables jusqu'en 1989, progressent de façon importante, quelles que soient les formes juridiques d'installation. Ainsi, la surface moyenne des jeunes qui s'installent individuellement est de 43,7 hectares alors qu'elle était de 37 hectares en 1992, de 30 hectares en 1989 et de 28 hectares en 1982. En EARL (exploitation agricole à responsabilité limitée), la surface moyenne est de 76,2 hectares et de 99,4 hectares pour les GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun).

Les installations en société représentent près de la moitié des installations : 49,4 % (33 % de GAEC et 15 % d'EARL).

Les régions, dans lesquelles les surfaces moyennes au terme de l'installation sont les plus grandes, sont l'Île-de-France (89 hectares), la Lorraine et le Poitou-Charentes (77 hectares), l'Auvergne (74 hectares). À l'autre extrémité, les installations se font en moyenne sur 28 hectares seulement en Bretagne.

La Seine et Marne (114 hectares), l'Allier (108 hectares), la Vienne (106 hectares), la Nièvre (98 hectares), la Lozère (95 hectares) sont les départements dans lesquels les installations s'effectuent sur les superficies les plus importantes.

Les installations en fermage sont très largement dominantes. Les installations en mode de faire-valoir direct pur ne représentent que 4,3 % du total, alors qu'elles en représentaient encore 11 % en 1988.

On notera que l'origine des terres provient des ascendants pour 60 % de la surface et d'autres membres de la famille pour 10%. Les tiers ne représentent que 29 % et les SAFER 1,1 %.

d) La charte de l'installation

Annoncée dans la loi de modernisation, la charte de l'installation a été signée le 6 novembre dernier.

L'objectif est d'atteindre, à l'horizon 2005/2010, l'équilibre entre les départs et les installations, alors qu'aujourd'hui on compte quatre à cinq départs pour une installation, et de maintenir à cette date un tissu d'environ 550.000 exploitations agricoles contre 740.000 actuellement, mais seulement 200 à 300.000 dans quinze ans, si rien n'était fait. Cet objectif nécessite d'augmenter de 50 % au cours des prochaines années le nombre des installations : 12.000 environ, contre 8.000 aujourd'hui.

Selon le document de présentation diffusé par le ministère, sept grands axes sont dégagés.

Pour faciliter l'accès au métier, il propose d'améliorer l'information, l'orientation et la formation des candidats, en mettant en place un « programme d'insertion et de valorisation des opportunités pour l'installation des nouveaux exploitants » (projet Pivoine), s'intéressant tout spécialement aux installations hors cadre familial. En outre, un point « info-installation » sera mis en place dans chaque département.

S'agissant de l'amélioration des conditions de transmission, le document estime indispensable que les nouveaux avantages (réduction à 0,6 % des droits de mutation ; réduction-prévue dans le projet de loi de finances pour 1996 - de 50 % des droits de transmission à titre gratuit) soient mieux connus. Il ne comporte donc pas de mesure nouvelle, renvoyant aux organisations professionnelles, à l'administration et au notariat qui « doivent poursuivre leur effort d'information et de communication dans ce domaine ».

De même, pour l'accès au foncier, la charte rappelle les dispositions récemment prises en la matière : la création des répertoires à l'installation et la réorientation du système de préretraite. La charte souligne l'intérêt de l'accès au foncier en fermage, relevant que « des initiatives locales ont permis de créer des fonds de garantie ou d'avance des fermages ». Alors que le CNJA avait souhaité la création de fonds d'avance, la charte se contente d'envisager une modification du code général des impôts, afin de permettre au bailleur d'étaler sur plusieurs années d'imposition les revenus exceptionnels tirés de la perception, en une seule fois, de plusieurs annuités.

Au titre de l'amélioration du financement, la charte prévoit le relèvement de 620 à 720.000 francs du prêt global d'installation, au 1er janvier 1996, puis son actualisation périodique « sur la base d'indices adaptés ». Le taux de subvention pour la mise aux normes sera, en outre, majoré pour les jeunes agriculteurs : il passera de 30 à 35 % en zone de montagne et de 30 à 32,5 % ailleurs, à compter du 1er janvier 1996. Enfin, la diversification sera intégrée, à part entière, dans les projets d'installation.

S'agissant de la gestion des risques, la charte prévoit le doublement de l'incitation à l'assurance-grêle pour les jeunes producteurs de fruits et légumes. En revanche, alors que le CNJA avait souhaité la mise en place d'un fonds de garantie, tout en reconnaissant que « l'insuffisance des garanties présentée à l'appui des demandes de prêts peut constituer un obstacle à l'installation (...), en particulier hors du cadre familial », la charte n'envisage « qu'une approche renouvelée des questions de garantie de la part des établissements de crédit », afin de « répondre de façon constructive à ces situations »...

Enfin, la charte prévoit la création d'un nouveau fonds : le FIDIL (fonds pour l'investissement et le développement des initiatives locales).

Ce fonds aura pour objet de garantir, dans chaque département, la cohérence et la complémentarité des actions conduites. Il devra permettre « de renforcer les programmes locaux en améliorant la synergie avec les autres actions relevant de l'État. La répartition du fonds entre les régions et les départements tiendra compte des moyens mis en oeuvre par les autres partenaires locaux et de l'évaluation des résultats ».

Relèveront ainsi du FIDIL :

« - les diagnostics d'exploitations sans successeur, permettant à un candidat extérieur de prendre la décision de reprise en toute connaissance de cause ;

- les divers systèmes de parrainage favorisant l'installation progressive d'un jeune agriculteur avant la cessation d'activité de l'aîné avec les différents outils de la formation professionnelle et en liaison avec le nouveau programme PIVOINE ;

- les appuis à la mise en place des répertoires départementaux à l'installation, afin de favoriser les contacts entre les candidats et les exploitants sans successeur ;

- un soutien à la diversification des activités.

Selon le ministère, ce fonds devrait être doté de 340 millions de francs : 220 millions de francs de crédits d'État, dont 70 millions de francs de crédits OGAF, et d'au moins 120 millions de francs de crédits locaux. Le problème du financement de ce fonds se posera donc puisqu'il nécessitera un redéploiement des dotations et, semble-t-il, de faire appel aux collectivités locales.

2. L'enseignement et la formation

L'examen détaillé des crédits consacrés aux actions de formation ainsi que l'appréciation susceptible d'être portée sur l'évolution de ces dotations sont, traditionnellement, du ressort de votre commission des affaires culturelles qui y consacre un avis spécifique « Enseignement agricole ».

Votre rapporteur pour avis se contentera de relever la majoration sensible des crédits de l'enseignement agricole et de la formation professionnelle (5,9 milliards de francs, soit une hausse de 7 % ).

B. L'ADAPTATION ET LA PROMOTION DE LA CHAÎNE AGRO-ALIMENTAIRE

Seconde priorité affichée par le Gouvernement, la chaîne agroalimentaire devrait mobiliser des crédits permettant son adaptation, son développement et sa promotion, dans le cadre d'une recherche accrue de valeur ajoutée.

Force est de constater qu'elle ne se traduit pas, dans tous les cas, sur le plan budgétaire.

1. Les offices

Les offices sont un instrument essentiel de la politique de restructuration et d'adaptation des filières ainsi que de traitement des problèmes conjoncturels.

La diminution des crédits du chapitre 44-53 (3.363 millions de francs soit une baisse de 3,4 %) s'explique par la réduction des besoins de financement pour les aides à la cessation d'activité laitière. Les crédits d'orientation économique de leur côté, sont reconduits à 1,9 milliard de francs, soit une préservation des crédits en francs courants.

On peut s'interroger sur l'adéquation entre ces crédits et, d'une part, le nouveau rôle dévolu au Conseil supérieur d'orientation (CSO), d'autre part, les perspectives d'aboutissement de la réforme de l'OCM des fruits et légumes.

Sur le premier point, il faut rappeler que, depuis 1993, le rôle du CSO a été renforcé en matière d'orientation et de coordination des politiques sectorielles. À ce titre, il dispose d'une réserve, représentant environ le dixième de ses dotations, répartie en cours d'exercice entre les différents offices. Cette évolution a été consacrée par la loi de modernisation. Il importe donc que le CSO dispose des moyens nécessaires pour remplir le rôle qui lui est désormais reconnu.

En outre, les dotations ne prennent pas en compte l'éventualité de la mise en place des nouvelles modalités de gestion de l'OCM fruits et légumes. Ces dernières reposent sur la mise en place de fonds de régulation -financés par l'État, l'Union et les producteurs-, gérés par la profession. On voit mal que ces fonds puissent se mettre efficacement en place dans le cadre des enveloppes budgétaires aujourd'hui envisageables pour l'ONIFLHOR.

2. La qualité

Le chapitre 44-70, consacré aux actions de promotion et de contrôle de la qualité voit ses crédits progresser de 0,8 %. Les deux principales lignes -la protection et le contrôle sanitaire des végétaux (article 10 ; 31 millions de francs) et la prophylaxie animale (article 20 ; 283,3 millions de francs) progressent légèrement : respectivement de 5,4 et 0,4 %.

En revanche, les lignes consacrées à la sélection animale (chapitre 44.50, article 20) et végétale (chapitre 44-55, article 80) sont en baisse : elles passent de 120,5 à 112 millions de francs (-7%) et de 9 à 7,6 millions de francs (- 15 %).

L'ensemble de ces dotations diminue, par conséquent, d'1,8 %.

ï La subvention de fonctionnement au centre national d'études vétérinaires et alimentaires (chapitre 36-21, articles 71 et 72) sont portées à 156,7 millions de francs, soit une hausse de 4,2 %.

ï La dotation à l' INAO (chapitre 37.11, article 83) est reconduite à 67,5 millions de francs, mais dix emplois seront créés en 1996, grâce à l'augmentation du financement professionnel.

3. Les crédits de politique industrielle et de promotion

Enfin, les crédits d'aval sont en diminution, dans le fil des budgets des années précédentes.


• Les crédits de politique industrielle -c'est-à-dire les subventions d'investissement du chapitre 61-61- enregistrent une évolution négative. Avec 210 millions de francs en autorisation de programme et 195 millions de francs en crédits de paiement, ils baissent respectivement de 7 et 10,5 %.

Les actions de promotion (chapitre 44-54, article 14), c'est-à-dire la dotation de l'État à la SOPEXA, baissent sensiblement : elles passent de 214 à 200 millions de francs, soit -6,5 %.

Comme chaque année, ces crédits font l'objet d'un examen détaillé dans l'avis que votre commission consacre aux industries agro-alimentaires.

C. LE SOUTIEN AUX SECTEURS FRAGILES, AUX ZONES DÉFAVORISÉES ET AUX PRATIQUES AGRICOLES RESPECTUEUSES DE L'ENVIRONNEMENT

1. Le soutien aux secteurs fragiles

a) La pêche

Le projet de budget dégage des crédits en augmentation pour la pêche : + 30 % en moyens de paiement (DO + CP), de loi de finances initiale à loi de finances initiale. L'évolution de ces dotations est détaillée dans l'avis spécifique que consacre votre commission aux crédits de la pêche.

b) L'élevage

Activité économique indispensable au maintien de la vitalité des zones défavorisées, devant, à ce titre, conjuguer à la fois le souci de la performance et celui de l'aménagement du territoire, l'élevage fait l'objet d'une sollicitude particulière dans le projet de budget.


• La prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes(PMTVA)

Instituée afin d'assurer le maintien du revenu des éleveurs se consacrant à la production bouchère et à corriger les distorsions de prix au détriment de la viande bovine, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes est un instrument d'orientation de l'élevage bovin. La réforme de la PAC a revalorisé sensiblement cette prime, afin de compenser la baisse des prix d'intervention et la compétitivité accrue des viandes blanches, qui bénéficient de la baisse du prix des céréales. Elle est versée sous condition d'un niveau de chargement et est limitée, pour chaque exploitation, à un nombre de primes de référence (1992).

Cette prime concerne tout particulièrement la France, dont le troupeau allaitant (2 millions de têtes) représente 45 % du troupeau communautaire.

La part nationale des crédits relatifs à cette prime est inscrite au chapitre 44-55 article 30, dont les crédits passent de 555 à 670 millions de francs, soit une hausse de 20,7 %.


• Les indemnités compensatrices de handicaps naturels

Ces aides sont principalement destinées aux éleveurs des zones de montagne ou défavorisées.

Les crédits inscrits à ce titre au budget national (chapitre 44.80, article 30) sont reconduits à 1.650 millions de francs, auxquels il faut ajouter un retour communautaire de 540 millions de francs. Au total, ce seront ainsi 2.190 millions de francs qui viendront compenser les conditions dans lesquelles exploitent environ 140.000 éleveurs.

De façon plus conjoncturelle, cette aide servira également à compenser les pertes de revenu des éleveurs de vaches allaitantes (majoration exceptionnelle de 240 francs) résultant des dévaluations monétaires ainsi que des éleveurs ovins (majoration de 75 francs par UGB ovine). Il ne semble pas que ce dispositif conjoncturel puisse être financé en 1996 sur la part nationale, simplement reconduite.

2. La mise aux normes

Les crédits du chapitre 61.40, dits de « modernisation des exploitations » financent à la fois les opérations traditionnelles de construction et de rénovation des bâtiments d'élevage en montagne et, depuis 1994, sur l'ensemble du territoire la mise aux normes des bâtiments.

Les dotations de ce chapitre passent de 156,7 à 165 millions de francs en autorisations de programme (+5,5 %) et de 143,3 à 147 millions de francs en crédits de paiement (+ 2,7 %). Selon le ministère, les crédits destinés à la montagne seront maintenus à un niveau permettant de respecter les engagements pris par l'État dans le cadre des contrats de plan et de financer les investissements destinés à l'installation. De leur côté, les crédits de mise aux normes sont revalorisés de façon à porter, compte tenu de la montée en puissance du programme, la dotation pour 1996 au niveau contractualisé.

Or, il apparaît, en réalité, que les crédits spécifiquement destinés à la montagne sont en très forte diminution : ils passeraient de 75 millions de francs en 1995 à 54 millions de francs en 1996. Les successives modifications de nomenclature (la fusion des crédits de mécanisation en montagne avec ceux destinés aux bâtiments d'élevage en montagne, puis de ces derniers au sein d'un chapitre « modernisation des exploitations ») se sont traduites par l'érosion, voir la quasi disparition (pour la mécanisation), des actions de modernisation en zone de montagne.

S'agissant des crédits de mise aux normes, ces derniers progressent de 81 à 111 millions de francs, soit une hausse de 36 %. Mais cette évolution ne permet que d'amener la part de l'État au niveau contractualisé dans les contrats de plan. En outre, les dotations ne prennent pas en compte la décision prise dans le cadre la Charte de l'installation de majorer le taux de subvention pour les jeunes agriculteurs.

L'État a, en effet, pris, dans les derniers contrats de plan, un engagement à hauteur de 550 millions de francs, soit 110 millions de francs par an de 1994 à 1998.

Pour les deux premières années du XIème Plan, 1994 et 1995, les lois de finances ont apporté, après régulations budgétaires, 131,4 millions de francs, soit 24 % de la part quinquennale de l'enveloppe des contrats de plan et donc la moitié de la dotation « théorique ».

Rappelons que le coût des investissements de maîtrise des pollutions dans les élevages a été estimé à environ 6 milliards de francs p our les cinq ans du XIe Plan, pour environ 60.000 éleveurs. Il est vrai que ce programme se met en place avec lenteur, en raison, notamment, de la définition tardive de ses dispositions, de la difficulté de mise au point des modalités de réalisation des études et de formation des techniciens. En outre, l'organisation des guichets uniques départementaux, la coordination entre les financeurs d'un même dossier et l'instruction des premiers dossiers ont entraîné des délais supplémentaires.

Pour 1995, le rythme de dépôt des demandes d'études préalables et des dossiers de travaux s'est accéléré, même si, au printemps 1995, le ministre de l'environnement a autorisé les éleveurs intégrables dès 1994 dans le dispositif des agences de l'eau à terminer les travaux à la fin de 1996 (au lieu de 1995).

On notera, enfin, que la clarification attendue des obligations des parties dans le cadre du statut du fermage est toujours attendue...

3. La montée en puissance des mesures agri-environnementales

Longtemps sous-utilisées par le France, les dispositions agri-environnementales, étendues et refondues dans le cadre du programme communautaire d'accompagnement de la réforme de la PAC, rencontrent, depuis les dernières années, un intérêt croissant.

Trois types de dispositifs sont mis en oeuvre en France, en application du règlement communautaire n° 2078/92 relatif aux pratiques agricoles respectueuses de l'environnement : deux mesures « horizontales » concernant l'ensemble du territoire : la « prime à l'herbe » et les plans de développement durable ; une mesure « zonée » : les programmes régionaux agri-environnementaux.

a) La prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs (prime à l'herbe)

Cette prime a été instituée en 1993, dans le cadre du plan d'accompagnement de la réforme de la politique agricole commune et, à la demande de la France, reconnue comme l'un des éléments du dispositif agri-environnemental.

Elle concerne les élevages dont le chargement n'excède pas l'équivalent d'une unité de gros bétail par hectare (UGB) ou 1,4 UGB lorsque les prairies représentent plus des trois quarts de la surface agricole utilisée (SAU). L'éleveur doit respecter ses engagements d'entretien pendant cinq ans. La prime a été fixée, de 1995 à 1997, à 300 francs par hectare.

En 1996, les crédits nationaux y afférents (chapitre 44-41, article 25) sont reconduits à 770 millions de francs.

Cette mesure étant cofinancée par le FEOGA, elle mobilisera, en réalité, plus d'1,5 milliard de francs, au profit d'environ 117.000 éleveurs, mettant en valeur environ 5 millions d'hectares, principalement situés dans les zones de montagne et défavorisées.

b) Les autres mesures

Par ailleurs, 310 millions de francs sont inscrits pour 1996 au chapitre 44-41, article 24, soit une augmentation de 30 millions de francs (+ 10,7 %).

Ces crédits sont destinés à financer les programmes régionaux agri-environnementaux, les opérations locales et les plans de développement durable.

La commission a approuvé les 25 programmes régionaux transmis par la France, ce qui permet un cofinancement communautaire de 50 % en provenance du FEOGA Garantie.

Dans ces programmes, les opérations locales, qui ont pris la suite des opérations dites « article 19 », représentent 40 % des dépenses prévues, pour un total d'environ 180 opérations.

Les autres mesures agri-environnementales concernent la protection des eaux (22 % des dépenses prévues), l'extensification bovine et ovine (14 %) et le soutien à l'agriculture biologique (10 %).

Les collectivités locales peuvent participer à ces programmes qui bénéficient également du cofinancement communautaire.

Près de 20.000 agriculteurs ont souscrit de tels contrats avec une aide annuelle voisine de 20.000 francs par exploitation. Celle-ci est assurée tout au long du contrat de 5 ans.

L'augmentation des crédits permettra la souscription de nouveaux contrats.

III. LES AUTRES DOTATIONS : DES CRÉDITS EN DIMINUTION

À l'exception de la dotation, représentant la subvention de l'État, ou fonds national de garantie des calamités agricoles, reconduite pour 1996 à 295 millions de francs, la plupart des autres dotations sont en diminution. Ces évolutions peuvent résulter soit de la « baisse en régime » ou de l'achèvement de certains programmes, soit d'ajustements négatifs aux besoins, soit d'un désengagement de l'État.

A. LES PROGRAMMES EN VOIE D'ACHÈVEMENT

Comme le souligne le ministère, la baisse de certaines dotations s'explique par le déclin naturel ou l'arrivée à leur terme de certaines actions.

1. Les indemnités viagères de départ

Ainsi, les crédits destinés à l'indemnité viagère de départ (chapitre 44-11, article 11) ne représenteront, en 1996, que 778 millions de francs contre 830 millions de francs pour 1995. Rappelons que l'IVD n'est plus attribuée depuis que le droit à la retraite à 60 ans a été ouvert aux agriculteurs (en 1990). Les dépenses sont donc vouées à la diminution : il n'est plus accordée de nouvelle aide et les bénéficiaires de cette dernière sont en diminution.

2. L'extensification et le retrait des terres

La même évolution peut être constatée pour les actions d'extensification et de retrait des terres, dont les crédits passent de 215 millions de francs en loi de finances initiale pour 1995 à 117 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1996. Ces crédits couvrent, principalement, le solde des programmes de retrait volontaire des terres, quinquennal ou annuel, qui avaient été lancés avant la réforme de la PAC. Quant aux aides à l'extensification animale qui avaient été créées dans le même cadre, elles ont été suspendues sous cette forme, lors de la réforme de la PAC, pour être intégrées aux mesures agri-environnementales.

3. L'aide aux agriculteurs en difficulté

La diminution des crédits d'aide aux agriculteurs en difficulté (chapitre 44-54, article 80) -qui passent de 345 à 203 millions de francs (-41 %)- s'explique pour les mêmes raisons : l'arrivée à leur terme des programmes communautaires d'aide au revenu agricole (PARA).

Compte tenu des retours communautaires pour les PARA de 1995, les crédits du dispositif national d'aide aux agriculteurs en difficulté (analyse, plan de redressement, suivi, réinsertion) devraient mobiliser environ 245 millions de francs, soit un montant comparable à celui de 1995.

On notera, en outre, que les crédits destinés à l'étalement et à la prime en charge des cotisations sociales des agriculteurs en difficulté, sont reconduits, pour 1996, à 170 millions de francs (inscrits au BAPSA).

B. LES AJUSTEMENTS À DES BESOINS EN DIMINUTION

Un ensemble d'autres dotations enregistre une diminution des dotations, reflétant, selon le ministère, des « économies de constatation ».

1. La pré-retraite

Les dotations de l'article 12 du chapitre 44-41, qui rassemble les crédits dits « d'aide au départ », sont dotées de 670,5 millions de francs pour 1996, soit une baisse de 6,3 %. Ces dotations constituent la part nationale du régime de préretraite, cofinancé par le FEOGA.

La diminution des crédits représente un ajustement à des besoins en baisse, compte tenu, d'une part, de la « sortie » du système d'un certain nombre d'anciens exploitants, qui accèdent à l'âge de la retraite, d'autre part, de la réduction du nombre de personnes susceptibles d'entrer dans le nouveau dispositif.

Rappelons que le régime initial de la préretraite avait été mis en place au 1er janvier 1992, jusqu'au 31 décembre 1994, pour les exploitants âgés de 55 ans à 60 ans, agriculteurs à titre principal pendant au moins les quinze années précédant le dépôt de leur dossier. Ce dispositif a rencontré un réel succès, comme l'illustre le tableau ci-après.

Au total, près de 50.000 dossiers ont été déposés, 35.000 préretraites accordées, ce qui a permis la libération anticipée de près d'1,5 million d'hectares, contribuant d'ailleurs à l'accroissement du déséquilibre entre départs et installations.

Il était cependant apparu que si l'objectif social avait été atteint, celui de la restructuration n'avait pas profité à l'installation des jeunes : en effet, sur les 1.400.000 hectares libérés, 84 % sont allés à l'agrandissement.

Les repreneurs de terres libérées par les préretraités ont été au nombre de 63.000 (1,5 repreneur par préretraité). En moyenne, la superficie de l'exploitation de ces repreneurs s'est accrue de 17 hectares, soit 31 % de la surface agricole utile avant reprise (55 hectares). Ils atteignent, ainsi, une taille moyenne deux fois plus élevée que la moyenne nationale.

Ce constat -sur 7 hectares libéré, un seul aura servi à l'installation d'un jeune- a conduit à réorienter ce dispositif à l'occasion de sa prorogation.

La loi d'orientation de l'agriculture du 1er février 1995 a ainsi prorogé le dispositif jusqu'au 15 octobre 1997 en le réorientant en faveur de l'installation et de l'agrandissement des exploitations des agriculteurs installés depuis moins de dix ans. À cet effet, une modulation de la partie variable (prime à l'hectare libéré) a été instituée, représentant 850 francs par hectare mis à la disposition d'un agriculteur qui s'installe, 500 francs par hectare cédé à un agriculteur installé depuis moins de dix ans qui s'agrandit et 200 francs par hectare cédé aux agriculteurs âgés de moins de 55 ans qui s'agrandissent. Cette part variable s'ajoute à une part forfaitaire (30.000 francs par an). Globalement, ces nouvelles dispositions ne devraient entraîner qu'un surcoût budgétaire modeste : la moyenne par hectare de la part variable est proche du chiffre antérieur de 500 francs et la hausse, modérée, de la moyenne des préretraites sera compensée par la décroissance du nombre des bénéficiaires.

Au 31 août 1995, 5.885 déclarations d'intention de cessation d'activité ont été déposées auprès des ADASEA et 2.631 dans le cadre de ce nouveau dispositif.

2. La bonification

Les crédits de bonification (chapitre 44-42) s'inscrivent de nouveau en baisse : 2.418 millions de francs, soit - 11,4 % par rapport à 1995. Depuis 1991, le coût pour l'État a été réduit d'1,3 milliards de francs. En dix ans, la charge de bonification a été divisée par deux en francs courants.

Pour 1996, cette évolution s'explique par l'impact de la baisse des taux d'intérêts nominaux, qui diminue le coût de la concurrence bancaire, et par les conséquences du ralentissement de l'investissement au début des années 1990. Votre rapporteur pour avis ne peut que rappeler les observations formulées dans les avis des années passés : cette approche purement « statique » de l'évolution des crédits de bonification n'est pas suffisante. Alors que la bonification est un levier essentiel pour faciliter l'accès au crédit, il est indispensable d'accompagner la reprise de l'investissement qui se manifeste aujourd'hui, après un recul très marqué entre 1990 et 1993, en fixant les enveloppes des différents prêts à un niveau permettant de satisfaire la demande.

C. DES DOTATIONS EN REPLI : L'AMÉNAGEMENT RURAL ET LA FORÊT

1. L'aménagement rural

Les crédits spécifiques consacrés à l'aménagement rural sont en repli. Leur évolution est détaillée dans l'avis consacré par votre commission à l'aménagement rural.


• On constate ainsi une baisse des subventions d'investissement qui passent de 501,4 à 421 millions de francs en crédits de paiement.

PRINCIPALES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENTS


• Les crédits d'intervention connaissent une évolution comparable.

Les crédits pour l'aménagement rural du chapitre 44.80, article 21, passent de 35,5 à 32 millions de francs (-9,8 %).

De même, les crédits du fonds de gestion de l'espace rural (chapitre 44.80) diminuent de 500 à 400 millions de francs.

Ce fonds créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a pour objet de soutenir les actions concourant à l'entretien et la réhabilitation d'espaces agricoles en voie d'abandon, d'éléments naturels du paysage et d'espaces où l'insuffisance d'entretien est de nature à aggraver les risques naturels.

La plupart des commissions départementales de gestion de l'espace (CODEGE) se sont réunies cet été, pour fixer les orientations générales pour l'utilisation du fonds et examiner une première série d'actions concrètes à financer : restauration du bocage, aménagement de bordures de cours d'eau, insertion paysagère des bâtiments agricoles.

2. La forêt

a) L'évolution générale

La forêt et la filière bois mobiliseront, en 1996, 1.262 millions de francs sur le budget de l'agriculture, soit une baisse de 15 % par rapport à 1995, et 419 millions de francs au titre du fonds forestier national (FFN) (contre 370 en 1995).

La diminution des crédits budgétaires s'explique principalement par la diminution du versement compensateur de l'État à l'Office national des forêts (ONF) qui passe de 876 à 681 millions de francs.

Si la plupart des autres lignes budgétaires sont-elles aussi en baisse (- 4,8 %), l'augmentation des moyens du FFN (+ 13,2 %) permet de porter à 990 millions de francs l'encours des crédits en faveur de la forêt, soit une augmentation de 2 %.

b) La diminution du versement compensatoire à l'ONF

La diminution du versement compensateur de l'État à l'ONF s'explique, d'une part, par l'augmentation attendue du rendement de la contribution des collectivités publiques aux frais de garderie, résultant de l'article 60 du projet de loi de finances pour 1996, d'autre part, du prélèvement envisagé sur le fond de roulement de l'ONF.

c) L'article 60 du projet de loi de finances pour 1996

L'article 60 du projet de loi de finances pour 1996, dont l'examen est rattaché à celui des crédits de l'agriculture, propose ainsi une modification des modalités de calcul des frais de garderie (qui, aux côtés de la contribution de l'État, financent les prestations de l'ONF), associant davantage les collectivités propriétaires de forêts aux charges financières de mise en oeuvre du régime forestier. Il est ainsi suggéré de porter pour ces collectivités à compter du 1er janvier 1996 le prélèvement effectué sur le produit des ventes de bois à 16% (14% en zone de montagne) au lieu de 10 et 8,5% actuellement. 210 millions de francs sont ainsi escomptés en 1996, contre 105 millions de francs en 1994.

Rappelons que la forêt communale, propriété des 11.000 communes forestières, soit une commune sur trois, représente 2,5 millions d'hectares. Convaincu, depuis un siècle et demi, de la nécessité d'en assurer la pérennité et la mise en valeur, l'État avait permis de placer la gestion de ces forêts dans un cadre juridique spécifique, le « régime forestier », mettant à la disposition des communes forestières un organisme de gestion de grande qualité, l'administration des eaux et forêts, puis l'ONF.

Les communes contribuent, pour partie, aux coûts de l'intervention de l'office par l'intermédiaire des frais de garderie (120 millions de francs au cours des dernières années), le solde étant constitué par le versement compensateur de l'État (environ 780 millions de francs).

La disposition proposée par l'article 60 entraînerait, par conséquent, une hausse de 60 % des frais de garderie, qui frapperait particulièrement la forêt communale. La Commission des Finances du Sénat a adopté un amendement prévoyant de porter les taux à 12 % et 10 %, soit une augmentation de seulement 20 %.

3. Les aides au boisement

La dotation consacrée aux aides au boisement et à l'entretien des terres agricoles ne représenteront qu'une dotation de 85 millions de francs en 1996.

Rappelons qu'en application du règlement communautaire n° 2080/92 instituant, en accompagnement de la réforme de la PAC, un régime d'aides aux mesures forestières en agriculture, la France s'est dotée d'un plan, approuvé en avril 1994 par la Commission.

Ce plan prévoit principalement deux mesures cumulables :

- une aide à l'investissement pour la plantation et les trois ou quatre premiers entretiens, qui prend généralement la forme d'une subvention, au taux de 40 %, du devis des travaux hors taxes ;

- une prime annuelle destinée à compenser la perte de revenu découlant du boisement de superficies agricoles. Alors que cette prime dans le système antérieur, était réservée aux seuls exploitants agricoles, elle a été étendue par le décret n° 94-1054 du 1er décembre 1994 aux autres personnes morales ou physiques de droit privé. Le montant de cette nouvelle prime, modulé par département et éventuellement par région agricole et nature de terre, est de 150 à 1.000 francs par hectare et par an pour les non exploitants, et de 700 à 2.000 francs, pour les exploitants à titre principal. Elle est versée pendant sept ans pour le peuplier, 10 ans pour les résineux et les feuillus divers, 15 ans pour le hêtre et le chêne.

Il apparaît, à cet égard, que les aides françaises ont été fixées très en deçà des maximum prévus par la réglementation communautaire, mais aussi des aides qu'y consacrent les autres États membres.

Il en résulte que les montants des engagements français éligibles au cofinancement communautaires, réalisés ou prévus, qui figurent dans le tableau ci-après, sont très inférieurs à ceux arrêtés par la plupart des autres États.

Alors que dans l'ensemble de l'Union, il est prévu de reboiser 1,4 million d'hectares, la France n'y contribuerait que pour 87.780 hectares, devant l'Allemagne 57.000 hectares, mais loin derrière l'Espagne (640.000 hectares), l'Italie (231.000 hectares), l'Irlande (120.000 hectares) ou la Grande-Bretagne (100.000 hectares).

Enfin, on peut constater un retard par rapport aux objectifs de boisement.

En 1994, la surface de terres agricoles boisées avec une aide de l'État a été d'environ 9.500 hectares (contre 12.100 prévus) ; en 1995, environ 10.700 hectares ont été boisés avec une aide de l'État, contre 19.000 prévus.

Pour 1996, 24 millions de francs ont été réservés au boisement des terres agricoles sur le fonds forestier national et 30 millions de francs devraient venir du budget de l'État. Il faut y ajouter les premiers retours communautaires, qui devraient être de l'ordre de 15 à 20 millions de francs. Au total, 11.500 hectares pourront être boisés avec l'aide de l'État l'année prochaine, 23.000 hectares auraient dû l'être dans le cadre du plan.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 1995, la commission a procédé à l' examen du rapport pour avis de M. Alain Pluchet sur le budget de l'agriculture pour 1996.

M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que, comme chaque année, le budget de l'agriculture pouvait faire l'objet d'appréciations contrastées : les crédits demandés étaient de 35,6 milliards de francs soit une baisse de 8,2% par rapport à 1995, mais de 28,6 milliards de francs, si l'on ne prenait pas en compte la subvention au Budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), soit une baisse de 1,6 %.

En outre, l'ensemble des dépenses -nationales ou communautaires- en faveur de l'agriculture, d'un montant de 159 milliards de francs, progressait de 2 %

M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a souligné que deux grandes actions bénéficiaient de crédits en hausse : l'enseignement et la recherche (+ 376 millions de francs) et le financement des actions productives, à la condition, dans ce dernier cas, de ne pas prendre en compte ni la charge de bonification ni le coût des programmes en voie d'achèvement.

Ainsi, au sein des dépenses productives, trois types de dotations évolueraient favorablement : l'installation (dotations aux jeunes agriculteurs (DJA) et stages préparatoires : +127 millions de francs), les programmes agri-environnementaux (+ 30 millions de francs), la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (+115 millions de francs).

M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a indiqué que pour garantir ces financements, outre des économies de « constatation » (550 millions de francs sur les programmes en cours d'achèvement ; 312 millions de francs pour la bonification), des diminutions importantes avaient été opérées, principalement sur les crédits alloués à l'espace rural et la forêt, qui sont amputés de 300 millions de francs : le virement compensateur à l'office national des forêts (ONF) est allégé d'environ 200 millions de francs, les collectivités devant supporter des frais de garderie accrus. De son côté, le fonds de gestion de l'espace rural (FGER) voit ses crédits diminuer de 100 millions de francs. Enfin, les dépenses de protection sociale connaîtraient une « économie » de 2.700 millions de francs.

Puis, M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a présenté les grandes lignes de son rapport écrit.

S'agissant de l'environnement du projet de budget, il a souligné que les comptes de l'agriculture faisaient apparaître, pour 1994, comme pour 1995, une nette augmentation du revenu, de l'ordre de 11 %. Cette augmentation résulte de l'accroissement de la valeur ajoutée, de l'augmentation des subventions, ainsi que de la réduction des charges. Il a ensuite rappelé les principales dispositions adoptées dans le cadre de la loi de modernisation, puis évoqué le contenu envisagé de la future conférence agricole, ainsi que le projet de réforme de l'ordonnance de 1986 sur la concurrence.

Évoquant ensuite le contexte communautaire et international, il a estimé qu'un premier bilan de la réforme de la politique agricole commune (PAC) faisait apparaître la réussite de la maîtrise de la production, ainsi que, dans l'ensemble, une bonne tenue des marchés avec des prix intérieurs supérieurs à ceux prévus. Il a cependant souligné les incertitudes pesant sur le maintien des soutiens à leur niveau actuel et selon les mécanismes prévus par la réforme, ainsi que sur les conséquences de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale (PECO).

M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a ensuite détaillé les évolutions, positives ou négatives, les plus significatives.

Il a relevé que si certaines baisses étaient « mécaniques », puisqu'elles concernaient les dotations destinées à financer des programmes en voie d'achèvement, d'autres évolutions étaient moins satisfaisantes. Il a, sur ce point, souligné la baisse des dépenses en capital, notamment des crédits de politique industrielle. Il a relevé qu'en revanche, l'installation, priorité du Gouvernement, faisait l'objet de crédits en hausse. Rappelant le contenu de la charte d'installation signée le 6 novembre dernier, le rapporteur pour avis a indiqué que se poserait le problème du financement du nouveau fonds qui a été créé -le fonds pour l'investissement et le développement des initiatives locales (FIDIL)-, dans la mesure où il était envisagé de faire appel aux collectivités locales.

S'agissant de la mise aux normes des bâtiments d'élevage, il a estimé qu'il n'était peut-être pas indispensable de mener à terme ce programme, très onéreux, dans les délais prévus.

M.Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a enfin indiqué que les collectivités locales étaient opposées à l'augmentation, dans les proportions prévues par l'article 60 du projet de loi de finances pour 1996, des frais de garderie qu'elles versent à l'ONF.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean François-Poncet, président, est intervenu pour souligner le retournement du marché mondial des céréales, dont les prix ont fortement progressé. Il a demandé au rapporteur pour avis si cette embellie s'expliquait par les conséquences des aléas climatiques qui avaient frappé plusieurs de nos concurrents ou s'il s'agissait d'une évolution structurelle de la consommation, notamment dans les pays d'Asie et, principalement, en Chine.

M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a indiqué que, lors de la reforme de la PAC, « les stocks communautaires étaient au plus haut », alors que lors de la décennie écoulée, la production mondiale était restée inférieure à la consommation, ce qui avait conduit à des déstockages massifs. Il a souligné que la Communauté, qui avait été la seule à supporter des stocks importants, avait décidé d'instaurer un gel obligatoire des terres, alors que, dans le même temps, les États-Unis supprimaient le « set aside ». Il a estimé que, compte tenu de la faiblesse du niveau des stocks actuels, il ne serait pas possible de faire face à un accident climatique grave. Il a enfin indiqué que l'accroissement de la consommation dans les pays d'Extrême-Orient contribuait à alimenter la demande sur le marché du blé.

M. Jean François-Poncet, président, a alors interrogé le rapporteur pour avis sur les raisons sociologiques qui pouvaient expliquer un tel changement des habitudes alimentaires.

M. Marcel Deneux est intervenu pour souligner que c'était, en réalité, la consommation animale (de l'élevage porcin et de l'aviculture) qui « faisait le marché des céréales ». En Europe, par exemple, un quintal seulement de céréales sur six sert à l'alimentation humaine. Il a estimé que la reconquête du marché de l'alimentation animale par les céréales, observée dans la Communauté, pouvait poser des problèmes aux filières de l'élevage avicole ou porcin, compte tenu des niveaux de prix actuels.

Il a, enfin, souligné les efforts faits par les céréaliers français pour trouver des débouchés sur le marché international.

Soulignant la baisse enregistrée par les crédits inscrits au budget du ministère de l'agriculture pour 1996, M. Fernand Tardy s'est inquiété de la volonté de « recentrage » manifestée par le ministère en matière d'enseignement agricole, alors même que ce dernier, qui avait su se diversifier, rencontrait un réel succès.

S'agissant de la charte de l'installation, il a regretté qu'elle n'ait pu être soumise préalablement au Parlement et que n'y soient pas mieux traités deux aspects essentiels : la prise en compte du poids du foncier et le rôle joué par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).

Sur le premier point, il a regretté que n'ait pas été amélioré le système des fonds de caution ou de garanties, dont le financement est aujourd'hui supporté par les seules collectivités locales. Sur le second point, il a souligné que le souci des SAFER d'équilibrer leurs comptes les conduisait, lors de la réattribution des terres, à privilégier les exploitants paraissant présenter des garanties financières suffisantes.

M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a rappelé que, selon l'approche retenue, les crédits de l'agriculture pouvaient faire l'objet d'appréciations sensiblement différentes. S'agissant de l'enseignement agricole, il a souligné la forte majoration des crédits (+ 7 %) et estimé que l'on pouvait effectivement s'interroger si l'on compare le succès, légitime, qu'il rencontre au faible nombre des installations effectivement réalisées. Il a précisé que, conformément à la loi d'orientation, le Parlement serait saisi d'un rapport sur la Charte de l'installation, ce qui devrait lui permettre d'en débattre. Il a indiqué que la conférence agricole pourrait, éventuellement, comporter des dispositions en matière de fonds d'avance ou de garantie. Prenant enfin l'exemple de son département, il a estimé que l'installation des jeunes constituait toujours une priorité dans l'attribution des terres par les SAFER.

M. Jean François-Poncet, président, est intervenu pour souligner que de nombreux établissements d'enseignement agricole avaient su diversifier leur enseignement, en direction notamment du tourisme. Compte tenu des perspectives ouvertes, il a estimé qu'il ne serait pas souhaitable que l'enseignement agricole se recentre sur l'activité principale de l'agriculture : la production de denrées.

M. Jean Huchon a souligné que la baisse des effectifs à scolariser expliquait, pour partie, la diversification constatée : chacune des catégories d'établissements s'efforçant de garder des effectifs suffisants, grâce à la diversification de ses enseignements.

Interrogé sur les problèmes de distribution d'eau et d'assainissement, M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a précisé que ce sujet était traité dans l'avis budgétaire de la commission sur l'aménagement rural.

M. Michel Doublet s'est interrogé sur le niveau des crédits dont pourrait bénéficier le fonds national de développement des adductions d'eau (FNDAE). M. Charles Revet a souligné que des obligations comptables, notamment l'instruction M. 49, conduisaient, dans certains cas, à rendre prohibitif le coût de l'assainissement, ce qui pouvait conduire à l'arrêt des investissements.

Mme Janine Bardou, citant l'exemple de son département où, sur le Causse, 270 kilomètres de réseau desservent seulement 400 compteurs, a indiqué que le fonds permettait de financer la distribution d'eau dans les zones très peu peuplées.

M. Jean François-Poncet, président, a exposé que le principe avait été fixé de faire payer l'assainissement aux seuls « assainis », ce qui conduisait, dans certains cas, à une taxation rédhibitoire. Il a rappelé que l'attention de M. le ministre des finances avait été attirée sur ce problème, lors de son audition par la commission, et qu'il pouvait paraître souhaitable de faire supporter le coût de l'assainissement à l'ensemble des personnes desservies par un réseau d'adduction, voire à tous les contribuables.

M. Jean Huchon a souligné que les personnes qui n'étaient pas aujourd'hui raccordées à un réseau d'assainissement collectif disposaient, en général, d'un assainissement individuel satisfaisant.

M. Jean François-Poncet, président a souligné que dans de nombreux pays, le prix de l'eau était sensiblement plus élevé qu'en France, notamment en Allemagne où il était de l'ordre de 30 francs le mètre cube.

M. Michel Doublet, a cité l'exemple de son département, où un fonds de péréquation permettait de prendre en charge les surcoûts liés à l'assainissement.

M. Charles Revet a ensuite souligné l'évolution préoccupante du volume des livraisons -dont témoignait par exemple, la diminution des activités céréalières du port de Rouen. Il a estimé que, dans certains cas, le système de la PAC actuelle pouvait constituer une « désincitation à produire » : le revenu étant majoritairement tiré de la perception d'aides compensatoires et non de la vente des produits. Il a estimé que l'on ne pouvait pas encourager des jeunes à s'installer sans leur fournir des perspectives d'avenir claires, qui ne sauraient être celles de la perception, aléatoire, de primes compensatrices.

Il a enfin souligné l'importance de la filière bois, estimant que la France qui exporte des bois bruts pour réimporter des produits finis ne tirait pas profit de ses potentialités forestières.

Sur ce point, M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a estimé que les crédits d'orientation à la disposition du ministère étaient sans doute insuffisants pour « redynamiser » la filière bois.

Evoquant les crédits destinés à la montagne, Mme Janine Bardou a regretté leur diminution ainsi que celle des différents fonds (FGER, fonds national d'aménagement et de développement du territoire), et l'a jugée contradictoire avec la volonté manifestée lors des débats sur la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire de maintenir les agriculteurs dans les zones difficiles afin d'éviter la désertification.

Elle a souligné l'importance du rôle joué par les fonds d'infrastructures : le FNDAE et le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACE). Sur ce dernier point, M. Fernand Tardy a souligné la difficulté rencontrée, chaque année, pour obtenir que les crédits du FACE soient portés au niveau nécessaire.

En réponse, M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a expliqué que la fusion, au sein d'un même chapitre budgétaire, des crédits de mise aux normes et des crédits destinés aux bâtiments d'élevage et à la mécanisation en montagne s'était traduite, en fait, par la diminution des crédits destinés à la montagne.

Rappelant la progression des crédits de mise aux normes, il s'est demandé s'il y avait vraiment lieu d'accélérer la mise en place d'un programme particulièrement lourd pour les exploitants et qui posait de sérieuses difficultés de financement.

S'agissant du FACE, il a précisé que, dans son département, les dotations étaient en progression régulière, ce qui ne réglait pas pour autant les problèmes posés par l'électrification en milieu rural, compte tenu notamment des exigences nouvelles en matière de « techniques discrètes », comme l'enfouissement des réseaux.

M. Jean-Paul Émorine a souligné que la priorité reconnue à l'installation n'était pas contestable -même si le chiffre de 12.000 installations devait être pris avec prudence- compte tenu des évolutions techniques prévisibles, mais que le problème de la restructuration des exploitations continuait à se poser : des agrandissements sont encore nécessaires pour amener les exploitations existantes à une taille suffisante.

Il a souhaité que les dispositions prévues par la loi de modernisation, dont il avait été le rapporteur pour l'Assemblée nationale, pour favoriser l'installation dans le cadre d'une société commerciale, soient effectivement appliquées.

Il a estimé nécessaire de mettre en place un fonds de garantie financé sur des crédits nationaux sans solliciter les départements, dans la mesure où il s'agit d'une politique nationale.

Il a enfin souhaité que les crédits du FGER -déjà en retrait par rapport à ceux de 1995- soient réellement maintenus au niveau prévu dans le projet de loi de finances pour 1996.

M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a répondu à l'intervenant que la moitié des installations s'effectuaient déjà dans un cadre sociétaire. Il a rappelé que les 400 millions de francs destinés au FGER avaient déjà fait l'objet d'une minoration de 12 millions de francs en deuxième délibération, à l'Assemblée nationale.

Compte tenu des évolutions déjà observées et des bouleversements à venir, M. Félix Leyzour a estimé nécessaire que soit, dès maintenant, entreprise sans a priori la réflexion sur la réforme à apporter à la PAC, puis a rappelé l'évolution des dotations destinées au secteur agricole. Il a souhaité que des dispositions complémentaires soient apportées en matière d'installation, dans le sens notamment de l'amélioration de la préinstallation, pour associer davantage le sortant, et de la diminution des taux d'intérêt. Il a, enfin, fait état des difficultés que devraient connaître les associations départementales pour l'aménagement des structures agricoles (ADASEA), dont le rôle est localement très apprécié, à la suite de l'amputation de 50 millions de francs, décidée par l'Assemblée nationale, des crédits destinés au centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA).

M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a répondu que si la PAC actuelle devait être réformée, ses mécanismes étaient aujourd'hui « profitables à l'agriculture » et qu'il ne fallait pas « se précipiter ». S'agissant des ADASEA, il est convenu qu'il fallait veiller à ce que les diminutions de crédits du CNASEA ne remettent pas en cause le rôle très positif qu'elles jouent au niveau local.

M. Jean François-Poncet, président a souligné que si les mécanismes actuels de la PAC n'étaient sans doute pas parfaits, il fallait s'efforcer de les maintenir, dans la mesure où les mécanismes qui pourraient les remplacer seraient, sans doute, beaucoup moins favorables.

Il a rappelé que plusieurs États de l'Union, dont la Grande-Bretagne souhaitaient, en réalité, à l'occasion de la réforme à venir que nécessitera l'élargissement de l'Union aux PECO, démanteler la politique agricole commune.

M. Désiré Debavelaere a estimé que la gestion par la Commission de Bruxelles des exportations conduisait, pratiquement, à ce que la Communauté abandonne volontairement certains marchés extérieurs à ses concurrents. Prenant exemple de la gestion des restitutions pour les volailles et des certificats exportation pour les céréales, il a souligné que la politique suivie était contradictoire avec les déclarations selon lesquelles l'agriculture communautaire aurait une vocation naturelle à exporter. Il a estimé indispensable qu'une clarification soit opérée sur ce point.

Il a exposé que, compte tenu des améliorations attendues de la productivité, le maintien de la vocation exportatrice de l'agriculture communautaire était indispensable, sauf à offrir comme seule perspective aux nouveaux installés la perception de primes, dont la pérennité n'était d'ailleurs pas assurée.

Il a conclu son propos en estimant que la multiplication des aides nationales menaçait l'existence même d'une politique agricole communautaire, et qu'il était à cet égard urgent de mettre en place une monnaie commune.

M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis, a rappelé que le retrait, partiel, de la Communauté des marchés internationaux n'était que la conséquence de la réforme de la PAC, réalisée sous la pression des États-Unis désireux de reconquérir les parts de marchés dont la Communauté les avait évincés au cours des années 1980.

Évoquant l'expérience de la mise en place des montants compensatoires monétaires et les désordres monétaires actuels, M. Jean François-Poncet, président, a jugé que l'agriculture européenne avait été, jusqu'ici, « sinistrée par la monnaie ». Aussi, a-t-il estimé à son tour que l'instauration de la monnaie unique était une nécessité pour l'agriculture communautaire.

Relevant que la France avait une « vocation exportatrice à laquelle on ne devait à aucun prix déroger », il a néanmoins rappelé que les exportations, dans les années 80, s'étaient faites grâce à des subventions massives, difficilement compatibles avec les règles du marché. Il a souligné que les États-Unis soutenaient également leurs exportations, mais de façon beaucoup moins visible.

M. Jean François-Poncet, président, a en outre relevé que la véritable question était de savoir si l'on assistait à un retournement durable du marché des céréales, soulignant que les exportations non subventionnées n'étaient pas contingentées dans le cadre du GATT.

Il a souligné que la situation actuelle devait inciter à la prudence : la Russie par exemple est aujourd'hui importatrice, alors qu'elle dispose d'un potentiel céréalier considérable qui pourrait être remobilisé.

Il a enfin considéré que compte tenu de l'état des marchés, on aurait pu aller plus loin dans la baisse du taux de jachère, mais que la France avait rencontré l'opposition de ses partenaires, très réservés compte tenu de l'expérience des dernières années.

M. Désiré Debavelaere a regretté que la Commission n'accorde pas de certificats à l'exportation, alors que le marché permettrait d'exporter sans restriction.

M. Jean François-Poncet, président, a indiqué que la situation actuelle était très favorable, puisque la Communauté accordait des aides compensatoires pour des baisses de prix qui n'étaient pas intervenues dans les proportions attendues.

M. Charles Revet a précisé que les prix intérieurs avaient cependant baissé. Il a regretté que la Commission ne laisse pas davantage de liberté pour exporter, alors que le marché était porteur.

M. Roger Rigaudière a estimé indispensable de distinguer les lignes budgétaires destinées à la mise aux normes de celles destinées aux bâtiments de montagne. Il a souhaité que la montagne soit traitée de façon spécifique, plutôt que d'être confondue dans l'ensemble des zones défavorisées.

Il a souligné que, s'il était créé, le fonds de garantie devrait être financé sur crédits nationaux et que l'on ne pouvait pas solliciter les départements, dans la mesure où ce sont souvent ceux qui ont le moins de moyens qui installent le plus de jeunes.

M. Marcel Deneux est intervenu pour souligner que « la production agricole ne pouvait être tirée que par l'industrie de transformation », qui permet, en outre, d'exporter des produits transformés et non des matières brutes. Il a sur ce point déploré la baisse des crédits de politique industrielle.

Il a, enfin, rappelé que les États-Unis avaient apparemment une autre conception de la politique agricole que la France, puisque le secrétaire d'État à l'agriculture était, dans ce pays, davantage l'homme des « chargeurs » que celui des producteurs.

M. Jean François-Poncet, président, a proposé à la commission de procéder dès que possible à l'audition de M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture sur l'avenir de la politique agricole commune dans ce nouveau contexte, puis, la commission suivant les conclusions de son rapporteur a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au budget de l'agriculture dans le projet de loi de finances pour 1996, les commissaires du groupe socialiste s'abstenant.

* 1 Les dispositions en matière d'espace rural -« tenir le territoire »- sont présentées dans l'avis que consacre votre commission à l'aménagement rural

* 1 En juillet dernier, d'ailleurs, la Commission a été amenée à accepter le principe d'aides nationales compensant les pertes de revenu causées par les mouvements monétaires.

* 1 cf les déclarations du commissaire en charge de l'agriculture : « Distinction nette entre politique de marché et soutien des revenus, accent plus marqué sur le développement intégré de l'espace rural, mise en évidence du rôle multifonctionnel de l'agriculture, simplification radicale et décentralisation renforcée de la PAC : c est là une voie que nous pourrons certainement parcourir en commun avec nos partenaires d'Europe centrale ».

* 1 C'est ainsi que les restitutions auraient été réduites de 25 %, le 18 novembre dernier, interdisant de fait toute possibilité d'exportation.

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