B. L'ÉVOLUTION VERS UNE NOUVELLE ARMÉE

1. Les effectifs

a/ La suppression du service national sous sa forme actuelle

Elle a été annoncée par le Président de la République dans son intervention télévisée du 22 février : « Le service tel que nous le connaissons aujourd'hui... sera aboli » (encore que l'abolition doit résulter d'une loi en vertu de l'article 34 de la Constitution...).

1/ L'échéance

La suppression de la conscription va provoquer un bouleversement au sein de l'armée de Terre (constituée à 56 % d'appelés) et un changement moindre mais important au sein de la Marine (30 % d'appelés), de l'armée de l'Air (36 % d'appelés) ou de la Gendarmerie (13 % d'appelés) qui perdra toutefois 12.000 gendarmes auxiliaires.

La suppression de la conscription ne peut donc se faire du jour au lendemain.

Selon les indications données par le Chef de l'État - et sous réserve d'une approbation législative - la suppression de la conscription interviendrait à partir du mois de janvier 1997 date à partir de laquelle la classe d'âge 1999 c'est-à-dire les jeunes gens nés avant le 1er janvier 1979 et qui auraient pu être incorporés puisque l'appel peut se faire à 18 ans, et les classes d âge suivantes ne seront plus appelés. Seuls les jeunes gens appartenant aux classes d'âge antérieures, en report d'incorporation, soit au total 1.200.000 jeunes continueraient d'être incorporés.

En 2002 les armées devraient être composées de militaires de carrière ou sous contrat, de civils, de jeunes gens effectuant un service rénove (obligatoire ou volontaire) et de réservistes.

2/ Les hypothèses

Deux hypothèses sont, en effet, envisagées par le projet de loi et un troisième par voie d'amendement gouvernemental.


• un service national obligatoire accueillant environ 40.000 appelés; la durée du service pouvant varier entre 6 et 12 mois selon les postes ; une durée de 12 mois étant nécessaire pour accomplir son service dans des fonctions opérationnelles (les formes civiles devant, en principe, recueillir les autres appelés) ;


• un service volontaire offrant 27.000 places, la durée au service pouvant aller de 12 à 14 mois

Un amendement déposé par le gouvernement devant l'Assemblée tend, en outre, à introduire, sous réserve d'un projet de loi modifiant le code du service national qui doit être soumis à l'automne au Parlement un « rendez-vous citoyen » de quelques jours ; ce rendez-vous permettra de ester les jeunes gens au plan médical, social et culturel tout en dispensant une information sur les armées pour susciter des vocations de volontaires ou d'engagés.

b/ Le passage à l'armée professionnelle

1/ Les raisons de ce passage

Elles tiennent selon le projet de loi :


• à la nature des menaces qui pèsent sur notre pays et qui « nécessitera la projection dans des délais très brefs de forces réduites en nombre, mais immédiatement disponibles et opérationnelles ;


• au cadre d'engagement des forces très diversifié (national, européen, international global (U.E.O, OTAN, NATO)) « exigeant de nos forces une très grande facilité d'adaptation, une expérience et un savoir-faire que seule la professionnalisation sera en mesure de leur apporter » ;


• à l'évolution des systèmes d'armes, systèmes « de plus en plus sophistiqués », mis en oeuvre « dans un environnement complexe » et qui « requièrent une formation longue, coûteuse et soigneusement entretenue des servants, des opérateurs et des techniciens ».

2/ Les modalités du passage


• Il s'étend sur la durée de la programmation.


• Il s'accompagne de diverses mesures destinées à faciliter les départs soit à stimuler les engagements.

Mesures d'incitation au départ

Pour les militaires le but n'est pas seulement de réduire le nombre d'officiers et de sous-officiers mais également de rajeunir les cadres en favorisant les carrières courtes : d'où une revalorisation de l'indemnité de départ des sous-officiers subalternes et des caporaux-chefs quittant le service sans droit à pension, l'institution d'un pécule pour les officiers et sous-officiers quittant le service actif avant la limite d'âge de leur grade.

Pour les civils, leur nombre total augmentera mais les restructurations provoqueront des fermetures de sites et, partant des déplacements de personnels. Pour ceux qui préfèreront quitter le service deux mesures sont prévues : revalorisation de l'indemnité de départ volontaire des ouvriers, prorogation du dispositif de dégagement des cadres.

Mesures de stimulation des recrutements

La rémunération des engagés sera revalorisée de façon à permettre à chaque engagé, dès son entrée en service, de percevoir une solde d'un montant comparable au SMIC. Cette rémunération progressera avec le niveau de qualification et l'ancienneté de service.

La reconversion professionnelle sera facilitée par la création d'un congé de reconversion de 6 à 12 mois.

Pour financer l'ensemble de ces mesures un fonds d'accompagnement de la professionnalisation, regroupant des crédits reportés sur plusieurs lignes budgétaires du titre III, est crée et doté de 9,1 milliards de francs pour la durée de la programmation dont 5,3 milliards de francs pour favoriser le départ et 1,6 milliards de francs pour revaloriser la condition militaire et faciliter le recrutement des engagés.

3/ Les conséquences de la professionnalisation

Les transformations quantitatives (amoindrissement) et qualitatives (professionnalisation) des effectifs entraîneront nécessairement de profondes modifications à la fois dans l'organisation des armées et dans 1'articulation au dispositif de défense.

(a) L'organisation des armées

C'est l' armée de Terre qui, concentrant le plus grand nombre d'appelés, sera la plus touchée. La projection nécessitant une plus grande souplesse d'emploi, celle-ci résultera d'un principe de « modularité » permettant la constitution de forces de circonstances adaptées à l'action requise. Les 85 régiments que conservera l'armée de Terre (une quarantaine de régiments disparaîtra) seront ainsi répartis entre quatre forces d'environ 15.000 hommes chacune : force blindée, force mécanisée, force d'intervention blindée rapide, force d'infanterie d'assaut. À ces force s'ajouteront des formations à dominante technico-opérationnelle (logistique et appuis spécialisés). Le but est de pouvoir projeter 50.000 hommes en cas de besoin, soit en bloc pour un engagement majeur, soit une force d'engagement concomitante avec relèves de 20.000 hommes sur un théâtre et de 5.000 hommes sur un second théâtre.

Mais pour l'ensemble des armées, l'accent devra davantage encore être mis sur l'interarmisation, la réduction des effectifs interdisant tout double-emplois, d'une part, la projection des forces impliquant l'emploi coordonné et simultané des trois armées.

(b) L'organisation des soutiens et des services

Ici aussi l'interarmisation doit progresser de façon à permettre des interventions réciproques et à supprimer toutes redondances. Sans aller nécessairement à une interarmisation des services de soutien qui sont adaptés aux besoins de chaque armée, il faudra systématiquement rechercher une interamisation des prestations, le service de l'armée majoritairement implante dans une zone, assurant le soutien des autres armées.

La réduction des effectifs à former conduira également à des regroupements d'écoles et d'organismes de formation.

Un service sera particulièrement concerné par la suppression de la conscription, le Service de santé des armées qui emploie plus d'un millier de médecins appelés et 750 chirurgiens-dentistes, pharmaciens et vétérinaires (tous les dentistes dans les armées sont actuellement des appelés). Les armées perdront là une ressource peu coûteuse et de qualité qui devra être remplacée au moins partiellement par un personnel beaucoup plus coûteux. En outre la disparition de la clientèle des appelés (clientèle obligatoire) qui représente actuellement plus de 40 % des admissions dans les hôpitaux militaires entraînera inéluctablement un resserrement de l'ensemble du dispositif hospitalier militaire.

(c) L'articulation du dispositif d'ensemble

Elle sera sensiblement modifiée par la diminution des effectifs liée à la professionnalisation.

En métropole l'abandon pur et simple de sites de l'armée de Terre sera vraisemblablement limité à un chiffre compris entre 10 et 20. Mais les grandes garnisons réunissant plusieurs garnisons seront allégées. Le remplacement de deux régiments d'appelés par un régiment d'engagés maintient toutefois des flux financiers identiques dans l'économie locale.

Pour l'armée de l'Air, cinq bases seront sans doute fermées dès 1996 et pour la Marine en principe seul un centre, celui d'Hourtin, qui forme les appelés, sera dissous.

Il ne s'agit toutefois là que d'indications encore approximatives l'annonce des fermetures de sites devant être faite en juillet prochain pour les deux ou trois ans à venir.

Outre-mer le dispositif sera également allégé. Il convient toutefois de tenir compte à la fois de la nécessité de maintenir une présence outre-mer (maintien de la souveraineté dans les DOM-TOM, force prépositionnée en Afrique) et du coût de cette présence. Les éléments de soutien ont déjà été sensiblement réduits. Les forces seront dorénavant constituées pour moitié d'éléments permanents et pour moitié d'unités tournantes dont le coût de rémunération est moins élevé.

Enfin, reste le stationnement en Allemagne. Il sera revu en baisse, tout en tenant compte de nos engagements au sein de la brigade franco-allemande et du Corps européen.

2. Les équipements

Après le « moratoire » de 1996 qui figeait un grand nombre de programmes dans leur phase de réalisation où ils se trouvaient ou qui retardaient leur entrée en service, la programmation en projet dessine nouvelle orientation dans la modernisation des équipements.

Pour les forces nucléaires, elles connaîtront un remaniement. La composante sol-sol est abandonnée (fermeture d'Albion et démantèlement des missiles Hades), le format de la Force océanique stratégique, limitée à quatre SNLE/NG va diminuer. Toutefois la modernisation de la composante sous-marine est poursuivie, les capacités balistiques seront renouvelées et le programme PALEN poursuivi.

Priorité est donnée, en outre, au renseignement, à l'espace : et aux capacités de commandement et de communication (mise en service du système d'information SICA, du satellite d'observation optique Helios 1 et Helios 2, du système aéroporté d'écoute électromagnétique Sarigue NG).

Pour les forces classiques, la période couverte par la programmation verra la poursuite de la livraison des chars Leclerc, 1 entrée en service du porte-avions nucléaire, puis de sa première flottille de Rafale/Marine. Le développement et l'industrialisation du Rafale/Air et des hélicoptères Tigre sont poursuivis.

Soixante milliards de francs seront consacrés aux programmes - une trentaine - menés en coopération.

Si avec 86 Milliards de francs par an, les crédits d'équipement des armées sont en net retrait par rapport à ceux qui avaient été prévus par la loi de programmation militaire du 23 juin 1994, le niveau des ressources prévu maintien cependant notre pays parmi les premières nations d'Europe dans le domaine de la défense.

Une réduction des coûts es, attendue de la rénovation des méthodes d'acquisition, de l'appel plus étendu aux technologies duales et de la recherche systématique de gains de productivité.

La rénovation de certains matériels existants sera toutefois ralentie et les dépenses de maintien en condition opérationnelle strictement encadrées.

Par rapport aux prévisions de la loi de programmation 1995-2000, le changement de format et l'adaptation aux contraintes financières conduisent notamment :


à renoncer au financement du développement de l'avion de transport futur (ATF), étant entendu que le renouvellement de la flotte par un avion de transport de nouvelle génération est prévu par la loi ;


à renoncer à la frégate La Fayette N° 6, au programme LRM phase 3, compensé par une amélioration de la roquette actuelle, au programme BREVEL, au-delà du financement de son développement ;


à réorienter le programme VBM vers la réalisation d'un véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) ;


• à limiter les objectifs d'acquisition du char Leclerc (406 au lieu de 650), du Rafale/marine (60 au lieu de 86), des avions de guet Hawkeye (3 au lieu de 4), des avions ravitailleurs C 135 (14 au lieu de 16), du radar de contrebatterie COBRA (10 au lieu de 15), du Mirage 2000 D (86 au lieu de 90) ;


à décaler le programme Rafale, la première flottille marine étant admise au service actif en 2002 et le premier escadron de l'armée de l'Air en 2005 ; la livraison du SNLE N° 3 (2002) ; les transports de chaland de débarquement (TCD N° 3 et n° 4), la livraison des premiers Tigre à l'armée française, tout en maintenant la commande de 25 appareils sur la période.

Au total :

- la flotte de la Marine diminuera de 22 bâtiments, avec en particulier le retrait d'un porte-avions, de six sous-marins d'attaque et de trois frégates de premier rang ;

- l'armée de Terre réduira le nombre de ses chars lourds (de 930 à 420) ainsi que de ses hélicoptères (de 340 à environ 180), de ses véhicules tous terrains (de 800 à 500) et de ses véhicules de l'avant blindé (de 2000 à environ 1230) ;

- l'armée de l'Air diminuera progressivement le nombre de ses avions de combat de 405 à 360.

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